Nouvelles d'Irak
Entretien
n°19 et 20 (censuré) - FBI-Saddam Hussein
Gilles Munier
Gilles Munier
Samedi 24 juillet 2010
Baghdad Operation Center
30 mars et le 1er mai 2004
Entretien conduit par George L. Piro
Rapport traduit de l’arabe en anglais par le FBI
Traduction en français : Xavière Jardez
Titres, sous-titres et notes : Gilles Munier
Entretien n°19
L’assèchement des marais
Saddam Hussein (Détenu de Haute Valeur n°1) a
été interviewé le 30 mars 2004 dans un bâtiment de détention
militaire à l’Aéroport International de Bagdad (AIB),
Bagdad, Irak. Hussein a fourni les informations suivantes :
Hussein a été informé, dès le début de la session, que
cet entretien sera la suite des discussions sur les Arabes des
marais du sud de l’Irak.
Comme il l’a dit dans un entretien précédent, Hussein
a confirmé qu’il a vécu avec les Arabes des marais pendant une
courte période de sa vie. Alors qu’il était en Egypte, au début
des années 60, il espérait que « la volonté de Dieu »
le fasse revenir en Irak. A son retour, il a tenté d’approfondir
sa connaissance de l’Irak, en allant découvrir des régions où il
n’avait jamais passé suffisamment de temps, à savoir les régions
montagneuses et les marais. Hussein a décrit la vie dans les
marais du sud de l’Irak comme « un enchantement pour l’être
humain ». Les étés, cependant, n’étaient pas agréables à
cause de la chaleur oppressante, de l’humidité et des
insectes.
Le gouvernement irakien
ne pouvait pas
« rester
là à regarder cette misère »
Sur l’assèchement des marais par le gouvernement
irakien, Hussein a déclaré qu’il y avait, là, un choix à
faire : soit préserver la nature au détriment des humains, soit
sacrifier un peu de la nature pour le bien des humains (1).
Hussein a noté que l’eau dans les régions habitées des marais
n’était pas toujours propre à cause de la pollution humaine et
animale. Les habitants des marais la buvaient et s’y baignaient.
En conséquence, des maladies comme la bilharziose, une maladie
intestinale, étaient répandues. L’espérance de vie était
relativement faible. Hussein a déclaré que le gouvernement
irakien ne pouvait tout simplement pas « rester là à
regarder cette misère » et qu’il avait été décidé de
« les amener à la vie » ou de moderniser le mode de vie des
Arabes des marais. Hussein a réitéré le choix difficile qui se
posait au gouvernement : préserver le simple et primitif mode de
vie des habitants de cette région ou les insérer dans un cadre
de vie moderne où un être humain n’est « ni méprisé, ni
insulté ».
L’Irak, a-t-il dit, est magnifique, requalifiant les
marais d’ « enchantement ». Il a ajouté : « J’ai
dormi dans les marais pendant des jours, en 1981 et 1982 ».
Au cours de ces périodes, a-t-il ajouté, il allait sur les
lignes de front irano-irakien, le matin et retournait le soir
dans les marais, son devoir accompli. Hussein a parlé de cette
période comme de « la belle période ». Il a assuré que,
de 1978 à 1984, il avait passé une partie de l’année à visiter
les marais.
Hussein a décrit la visite qu’il a faite à un village
du nom de Baida en 1980, au centre des Marais. Selon des
informations, les habitants avaient attaqué un poste de police
et cette affaire, selon Hussein, demandait du doigté. Il s’était
donc rendu à Baida avec trois bateaux, l’un pour lui et
d’autres, un autre pour sa garde et le dernier pour les gens des
« médias ». Ce déplacement avait été filmé et montré à
la télévision. Selon Hussein, les habitants de Baida
furent « contents de nous voir ». Ils ont égorgé des
animaux et ont préparé un repas, pensant que Hussein et son
entourage resteraient pour dîner. Cependant, le groupe n’est
resté que trois heures. Hussein n’a jamais questionné la
population sur l’attaque du poste de police alors qu’un membre
de sa garde lui avait demandé s’il n’était pas nécessaire
d’entamer une enquête sur la participation des habitants de
Baida à cette attaque. Il a répondu : « les gens bien m’ont
compris et les méchants ont reçu le message ». Il a ajouté
que si des actes semblables s’étaient reproduits, les
solutions adéquates auraient été trouvées.
Hussein a affirmé que le gouvernement irakien avait de
bonnes relations avec les Arabes des marais. Cependant,
avec l’irruption d’un étranger sur la scène, « elles
devinrent mauvaises ». Hussein a assuré que certains Arabes
des marais ont été corrompus par l’Iran. En particulier, la
région de Hweiza devint une route de contrebande dès l’époque du
Shah. Hussein a précisé que la famille que l’on voit sur la
vidéo projetée auparavant (2) par l’interviewer était
de Hweiza.
Assécher les marais
pour le bien de ses habitants
et pour des raisons stratégiques
Hussein a déclaré que le gouvernement irakien avait
décidé d’assécher les marais pour le bien de ses habitants et
pour des raisons stratégiques propres à l’Irak. Il a répété que
le gouvernement irakien voulait moderniser la vie des Arabes des
marais pour qu’ils ne vivent « plus comme des
animaux ». Hussein croyait qu’il était indigne d’un Irakien
de vivre dans ces conditions. Le drainage des marais l’a aussi
été pour des raisons stratégiques. Une seule route reliait
Bassora à Amara et à Bagdad. A certains endroits, elle était
complètement entourée de marais. Quand les Iraniens sont entrés
en Irak en 1984, leur but premier a été de couper cette route
pour isoler Bassora. Ainsi, le gouvernement irakien a décidé de
drainer les marais et de construire un contournement par une
route secondaire.
Le gouvernement irakien a aussi examiné la possibilité
de construire des maisons dans les marais pour les habitants.
Cependant, les études ont montré que ce projet serait trop
coûteux et compliqué notamment sur le plan de
l’électricité et des égouts. En conséquence, l’idée a été
abandonnée et le gouvernement a décidé d’ériger des maisons sur
la terre ferme pour les Arabes des marais déplacés. Les
résidents se virent aussi offrir de l’argent pour bâtir leurs
propres maisons. Hussein a déclaré que le gouvernement avait
fourni l’eau, l’électricité, les services de santé et les écoles
aux habitants. Avant, les professionnels de la médecine et les
instituteurs refusaient de s’installer dans les marais à moins
d’être payés trois ou quatre fois plus.
Hussein a décrit les marais comme « agréables à
visiter pour deux, trois ou quatre jours ». En été, les
moustiques vous « dévorent » et la vie y est
dure. Hussein a reconnu que les hommes sentent le besoin
d’un environnement primitif mais seulement pour quelques jours à
la fois. Il a ajouté que le vieil homme de la vidéo qui donnait
ses commentaires sur les Arabes des marais « était un
visiteur et n’y habitait pas », ni sa femme, ni ses
enfants.
Toute « la
nation »
et de nombreux experts
ont soutenu l’assèchement des marais
Hussein a suggéré que l’interviewer s’adresse au
personnel du ministère irakien de l’Irrigation afin de
comprendre comment l’assèchement a été conduit. Il a ajouté que
le travail fut réalisé en trois ou quatre mois. Sur l’individu
ou les individus qui ont conçu et supervisé le drainage, Hussein
a affirmé que le gouvernement irakien avait eu recours aux
organismes ayant la plus grande expertise et l’équipement
nécessaire. Le ministre du Logement, le ministre de l’Irrigation
et peut-être la Municipalité de Bagdad ont pris part à ce
projet. Toute « la nation » et de nombreux experts ont
soutenu l’assèchement des marais. Quand on a observé que
Mohammed Hamza al Zubaidi a prétendu en « être
l’architecte » parce qu’il avait soumis son plan au
Conseil du Commandement de la Révolution (CCR) en 1991,
Hussein a répondu : « Peut-être ». Hussein a remarqué,
cependant, que le premier plan et projet lui avaient été envoyés
par Hussein Kamel mais il ne savait pas si ce dernier avait
consulté Al-Zubaidi. De la même manière, il dément savoir si
Al-Zubaidi a discuté de ce sujet avec d’autres responsables
irakiens, ajoutant « s’il (Al-Zubaidi) le dit, c’est que
c’est vrai ». L’interviewer a rapporté à Hussein que
d’autres prétendent aussi être à l’origine du projet de
drainage. Ce à quoi, Hussein a répondu qu’il était
compréhensible que les Irakiens veuillent s’attribuer le mérite
de cette tâche qui a amélioré la vie des Arabes des marais
et en même temps coupé la route à un ennemi l’Iran.
La présence de déserteurs
n’a pas été
la raison du drainage des marais
A la question de la présence, en 1991, de déserteurs
de l’armée irakienne et de saboteurs dans les marais, selon
certains rapports et des mesures prises par le gouvernement
irakien pour appréhender le problème, Hussein a admis
l’existence de déserteurs. Comme il est caractéristique d’un
long conflit, a-t-il déclaré, des individus décident d’échapper
à leurs devoirs. Cela s’est produit par le passé, comme c’est le
cas maintenant en temps de guerre. La loi s’applique pour un
déserteur, sauf s’il est gracié par les autorités. Hussein a
déclaré que la présence de déserteurs dans les marais du sud de
l’Irak n’avait pas été le facteur qui avait conduit au drainage
des marais.
Hussein a déclaré que les saboteurs ont commencé à
envahir les marais après 1991. La réponse du gouvernement
irakien a été « la même que celle de tout gouvernement
contre ceux qui violent la loi ». Hussein n’a pu offrir
aucun exemple de la réaction d’un gouvernement à une activité de
sabotage. Il a démenti qu’un plan militaire existât pour
confronter les saboteurs et les déserteurs. Il a déclaré que les
déserteurs étaient habituellement poursuivis par la police, les
locaux et les membres de la famille. Dans le cas de mutinerie,
comme en 1991, Hussein a déclaré que l’armée était
intervenue. Hussein a reconnu qu’il y avait peut-être eu un
moment où les forces armées s’étaient occupées des saboteurs.
« Ce que nous avons fait est correct ».
Sinon,
que les Américains rouvrent l’eau…
La valeur historique des marais avait-t-elle été prise
en compte avant le drainage ? Hussein a demandé si on y avait
pensé aussi pour la région où le Grand Barrage avait été
construit en Egypte. Il a ajouté que les ruines sur le site du
barrage ont été déplacées avant sa construction. Hussein est
d’avis que, vraisemblablement, des discussions ont eu lieu sur
le déplacement des pierres face à la famine qu’il fallait
épargner au peuple. Il a constaté que la question du drainage
des marais « a été étudiée » et « les marais n’ont
aucune valeur historique ».
Le gouvernement irakien a-t-il considéré l’impact
environnemental de l’assèchement des marais ? A cette
question, Hussein a répondu qu’il pourrait débattre de la
question avec des experts pendant « les vingt prochains
jours ». Il a fait observer que les Américains n’avaient
pas permis aux Indiens de continuer à vivre comme ils le
faisaient avant la colonisation. Il a demandé si des lois
existaient pour interdire aux compagnies américaines et
européennes de détruire les forêts de l’Amazone, qu’il a
décrites comme « le poumon de la terre ». Hussein a
demandé : « Devons-nous préserver les oiseaux et les autres
animaux ou nous préoccuper de l’existence des Irakiens ? ».
L’eau des marais devait-elle être gaspillée au bénéfice de la
préservation des marais ou être utilisée pour l’agriculture ?
Hussein a dit : « Ce que nous avons fait est correct ».
Sinon, a-t-il ajouté, que les Américains rouvrent l’eau.
L’interviewer a, alors, observé qu’un article de journal récent
rapportait que des Irakiens avaient, en effet, collecté de
l’argent pour louer un bulldozer et rouvrir une portion du canal
pour laisser l’eau couler dans les marais.
Notes :
(1)
Le projet d'assèchement des marais date des années 50, sous la
monarchie pro-britannique. La percée d'un fleuve artificiel
avait pour but de détourner l'eau alimentant les marais vers des
canaux permettant d'irriguer la région et la transforner en zone
agricole. Des travaux préliminaires débutèrent en 1953, mais
furent abandonnés par le général Kasssem après le renversement
de la monarchie en juillet 1958.
(2) Entretiens 16 et 17.
Entretien n°20
Baghdad Operation Center
1 mai 2004
Entretien conduit par George L. Piro
Rapport traduit de l’arabe en anglais par le FBI
Traduction en français :
Xavière Jardez
Titres, sous-titres et notes :
Gilles Munier
Censuré par le FBI
Saddam Hussein (Détenu de Haute Valeur n°1) a
été interviewé le 1 mai 2004 dans un bâtiment de détention
militaire à l’Aéroport International de Bagdad (AIB),
Bagdad, Irak. Hussein a fourni les informations suivantes….
Le compte-rendu de cet entretien est
entièrement censuré sans que l’on puisse savoir quelles
questions ont été discutées dont le contenu ne puisse pas être
révélé au public.
Selon certains médias américains, non démentis, le
Président Saddam Hussein y prenait violemment à partie George W.
Bush et la politique impérialiste américaine.
Nota : L’entretien n°20
est suivi
de cinq conversations dont la traduction, annotée, sera
publiée ultérieurement sur le blog « France-Irak
Actualité »
© G. Munier/X.Jardez
- Traduction en français et notes
Publié le 30 août 2010 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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