Nouvelles d'Irak
Entretien
n°17 - FBI-Saddam Hussein
Gilles Munier
Gilles Munier
Samedi 17 juillet 2010
Baghdad Operation Center
23 mars 2004
Entretien conduit par George L. Piro
Rapport traduit de l’arabe en anglais par le FBI
Traduction en français : Xavière Jardez
Titres, sous-titres et notes : Gilles Munier
Projection d’un
documentaire
de propagande occidentale
(2)
Saddam Hussein (Détenu de Haute Valeur n°1) a été
interviewé le 23 mars 2004 dans un bâtiment de détention
militaire à l’Aéroport International de Bagdad (AIB),
Bagdad, Irak. Hussein a fourni les informations suivantes :
Avant le début de l’entretien, Hussein a été avisé que la
discussion du jour serait la continuation de la précédente. Elle
comprendrait la projection de la portion restante du
documentaire sur la situation dans le sud de l’Irak en 1991,
dans la foulée de la première guerre du Golfe. Réalisé en 1993,
le film est intitulé « La dernière guerre de Saddam
Hussein » et le narrateur est Michael Wood.
L’interviewer a commencé la projection des 22 minutes et 30
secondes restantes.
Hussein a mis en doute l’origine du chiffre de 300 000 victimes,
fourni par le narrateur, comme étant le nombre estimé de chiites
tués dans le sud de l’Irak par les forces gouvernementales.
L’interviewer a fait remarquer que ce chiffre avait déjà été
discuté lors de la projection précédente et que la source
en était le gouvernement irakien. D’après le documentaire, le
gouvernement irakien avait informé les Kurdes du nombre de
chiites tués, et l’interviewer a ajouté que ce message
s’apparentait à un avertissement donné aux Kurdes pour le cas
où ils défieraient le gouvernement.
« Maintenant qu’ils m’ont appréhendé,
qu’ils me jugent »
Le film décrit les scènes des actions du gouvernement contre les
Arabes des marais dans le sud de l’Irak, notamment
l’empoisonnement de l’eau causant la mort des poissons, la
destruction des villages et l’assèchement des marais.
Hussein a noté que certaines scènes ne semblent pas avoir été
filmées dans les marais. Dans la suite du documentaire, une
scène montre une femme arabe des marais parlant du traitement de
son peuple par le gouvernement irakien. Elle déclarait qu’ils ne
leur restaient rien et qu’ils devaient quitter leur maison
avec simplement quelques biens. Hussein a ri et demandé : « Qu’avait-elle
avant ? Des roseaux ? ».
Le documentaire montre d’autres scènes et offre des commentaires
sur le traitement des chiites du sud de l’Irak, des Kurdes du
nord et des Arabes des marais. Le film discute de la possibilité
de juger Hussein pour ces atrocités. Hussein a déclaré :
« Maintenant qu’ils m’ont appréhendé, qu’ils me jugent ».
Le film se termine approximativement après cinquante-cinq minutes
et cinquante secondes. A la question de Hussein sur la date de
sa réalisation, on lui répond qu’il a été fait en 1993.
Sur la nomination de certains importants dignitaires à des postes
dans le sud de l’Irak en 1991, avec la responsabilité de
s’occuper du soulèvement chiite, Hussein a déclaré : « Nous
y avons mis des personnes qui devaient gérer la situation ».
Hussein a nié avoir déclaré qu’il ne voulait pas savoir comment
ces soulèvements avaient été réduits, mais seulement connaître
les résultats. Hussein a demandé : « Qui a dit que je ne
voulais pas savoir comment ? ». Après que l’interviewer lui
eut rappelé qu’il avait fait cette déclaration, précédemment, il
a précisé que n’importe qui aurait eu pour objectif de faire
cesser les troubles et « la trahison ».
L’interviewer a noté que le documentaire montre, entre autres, le
coût humain pour mettre un terme à la trahison. Hussein a noté
que rien n’est manifeste dans ce film. Selon Hussein, on y voit
des individus appréhendés par des officiels irakiens et d’autres
officiels qui « se sont mal conduits en les frappant ».
Il a reconnu qu’on y voit aussi des scènes de sujets différents.
La conversation a, ensuite, porté sur une discussion relative à la
définition de la trahison comparée à la révolution.
L’interviewer a rappelé à Hussein qu’il avait visionné une
portion du film où il était dit que le Président Bush avait
encouragé les chiites à se révolter contre le gouvernement
irakien en 1991. Il a rappelé à Hussein qu’il avait déclaré que
les chiites, suite à ce soutien, s’étaient retournés contre
leur pays et qu’il les avait considérés, selon ses termes, comme
des traitres. L’interviewer a observé que, si on considère les
diverses tentatives de coups et les coups qui ont réussi en
1959, 1963 et 1968, certains pourraient décrire le Parti Baas de
la même manière et, a poursuivi l’interviewer, qualifier de
trahison un soulèvement qui échoue et de révolution, un coup qui
réussit. Hussein a dit : « Je n’ai rien à dire »,
ajoutant « cela ne mérite pas que je commente». Il a
qualifié le documentaire de subjectif, réalisé pour justifier
« ce qui était fait contre l’Irak », y compris la
partition du pays.
Hussein a déclaré que tout accusé doit avoir la possibilité de se
défendre. Il a, alors, demandé si l’Irak avait eu l’occasion de
se défendre contre les informations contenues dans ce film.
Etait-il approprié de questionner le Président de l’Irak sur un
« film de propagande » ? Il a ajouté « Nous
devrions arrêter ce programme ». Il a assuré qu’il avait
répondu à toutes les questions de l’interviewer et a affirmé
qu’il ne commenterait plus des films de ce genre.
Je ne dirai que des choses positives
sur mes camarades
Hussein a reconnu que Mohammed Hamza al-Zubaidi (1) et
Kamal Mustapha Abdallah (2) avaient été envoyés à
Nasiriyah en 1991 pour réduire le soulèvement chiite. Kamel
Hussein a pareillement été envoyé à Kerbala, Ali Hassan al-Majid
à Bassora et Izzat Ibrahim al-Douri à Hilla.
Hussein a décrit Al-Zubaidi comme un « de nos camarades du
parti », haut membre de la direction, devenu Premier
ministre. Pour lui, tout Irakien était bon jusqu’à ce qu’il
prouve le contraire et Al-Zubaidi était « bon ». Il a
reconnu que ce dernier était l’un des rares chiites à avoir
atteint une position élevée dans la direction. A la question de
savoir s’il était respecté par ses collègues, Hussein a
dit : « C’était une autre histoire », refusant
d’expliquer en détail cette répartie. Il a réitéré qu’il ne
dirait que des choses positives concernant ses camarades. Si on
se fie aux réponses de Hussein, on peut en déduire, que Al-Zubaidi
n’était pas - selon l’interviewer - dans les bonnes grâces de
ses collègues. Hussein a répondu que l’interviewer pouvait
penser ce qu’il voulait, soit en bien ou en mal, à propos d’Al-Zubaidi,
que c’était sa réponse.
Hussein a reconnu qu’Abdallah était un lointain cousin, membre du
Parti, qu’il avait servi en tant qu’officier dans l’armée
irakienne mais qu’il « n’était pas au gouvernement ».
Abdallah avait assumé les mêmes tâches que tout autre officier
et il ne se souvenait pas des endroits où il avait été assigné.
A la question de savoir si Abdallah avait occupé le poste de
Secrétaire général de la Garde Républicaine et la
Garde Républicaine Spéciale, Hussein s’est étonné, disant :
« Je croyais que nous parlions de ce qui s’était passé dans le
sud ». L'interviewer a estimé qu'il était important de
savoir ce que Hussein pensait des membres de la direction
irakienne. Ce dernier a répondu qu'il avait confiance en en eux,
qu'ils exercent une fonction au parti, au gouvernement ou dans
l'armée, jusqu'au jour où une de ces personnes se
"conduirait mal". Il a ajouté que s’il ne disait pas que
quelqu’un était « mauvais », c’est qu’il était bon. Il
a précisé que, pour lui, une « mauvaise » personne
était quelqu’un qui se conduisait en totale contradiction avec
la confiance qu’il avait placée en lui.
Hussein a déclaré que, durant la guerre avec l’Iran, la Garde
Républicaine (GR) avait été envoyée sur le front, laissant
Bagdad et le Palais présidentiel sans protection. C’est ainsi
que fut créée la Garde Républicaine Spéciale (GRS),
d'abord sous la forme de compagnies, puis de régiments. A cette
époque, de nombreux jeunes officiers - dont Abdallah - ont été
incorporés. Cependant, les commandants des GR et des
GRS n'étaient pas obligatoirement membres de la famille
de Hussein.
« Je n’ai peur de personne.
Je ne crains que Dieu »
Quelles instructions la direction politique a-t-elle données à Al-Zubaidi
et à Abdallah quant à la réponse à apporter à la révolte chiite
dans le sud du pays ? Hussein a dit : « J’ai déjà répondu
lors de la dernière session ». Il a ajouté que,
pareillement, il avait expliqué comment les informations sur la
situation étaient communiquées à la direction. L’interviewer a
noté que Al-Zubaidi et Abdallah étaient détenus par les forces
de la coalition. Hussein a demandé : « En quoi peuvent-ils
me servir ? ». Il a demandé de manière rhétorique :
« Pensez-vous que je répondrais en fonction de qui est en
prison ? ». Il a ajouté : « Je n’ai peur de personne.
Je ne crains que Dieu ». Ses réponses ne dépendent pas de
savoir si un tel est en prison ou vivant ou mort mais de ce
qu’il pense être la vérité. Hussein a dit qu’il n’était pas le
genre de personne à faire porter le blâme par un mort, comme
blâmer Hussein Kamel qui n’est plus. Il a ajouté : «
Je ne parlerai que pour moi ». Hussein a conseillé à
l’interviewer d’aller parler directement à Al-Zubaidi et
Abdallah car « ils se connaissent mieux ».
Hussein a répété ce qu’il avait déclaré précédemment à savoir :
« J’accepterai tout ce que dira une personne que vous
interrogez qui désire alléger son fardeau à condition que cela
ne ternisse pas ma réputation ».
L’interviewer a mis fin à l’entretien parce qu’il ne voulait pas
retarder son heure de prière et de repas. Hussein a dit :
« Tout gouvernement qui veut diminuer ses péchés aux yeux de
Dieu, devrait faire ainsi ». « Les péchés des
gouvernements sont nombreux ». Hussein a conclu en disant
qu’il était bien que l’interviewer ne l’empêche pas de prier car
cela lui ferait un péché de moins.
Note :
(1)
Mohammed Hamza al-Zubaidi, ancien membre du
Conseil de Commandement de la Révolution
(CCR), ancien Premier ministre
(15 septembre 1991 au 5
septembre 1993), a été arrêté
par la milice d’Ahmed al-Chalabi le 21 avril 2003. Il est mort
en 2005, victime d’une « attaque
cardiaque » au cours de son
internement.
(2)
Kamal Mustapha Abdallah Sultan al-Tikriti, commandant de la
Garde républicaine,
n°10 sur la liste des dirigeants les plus recherchés, s’est
rendu aux troupes d’occupation, à Bagdad, le 17 mai 2003.
© G. Munier/X.Jardez
- Traduction en français et notes
Publié le 17 juillet 2010 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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