Opinion
Guantanamo à la
française (6/8)
Un cadeau en provenance d'Algérie, un
costume « made in France »
Halim
Hicheur
© pascal frautschi | Le professeur
Jean-Pierre Lees,
Président
du
Comité
international de soutien à Adlène
Hicheur
Jeudi 19 janvier
2012
L’inespéré arrive
enfin pour le juge TEISSIER qui, deux
semaines avant la clôture de
l’instruction, reçoit et transmet au
juge des libertés, le
juge MATON (qui a systématiquement
refusé de remettre Adlène en liberté
depuis deux ans), un document des
services algériens affirmant qu’un
dénommé Mustapha DEBCHI, arrêté en
février 2011 en Algérie, aurait reconnu
faire partie d’AQMI et avoir été en
contact via internet avec Adlène ! Les
magistrats révèleront l’existence de ce
document à Adlène ainsi qu’aux avocats,
et le juge MATON affirmera que le
dénommé DEBCHI aurait été libéré en
Algérie peu de temps après son
arrestation… DEBCHI ne devait donc pas
être si proche d’AQMI.
Après une rapide
analyse du procès verbal en question par
nos avocats, il s'avère que celui-ci
correspond à un interrogatoire assez
improbable
: les questions des
enquêteurs algériens n'y figurent pas
(seule la mention Q précède la réponse R
et la déclaration de DEBCHI). En outre,
l’identité de la personne interrogée
n’est avérée par aucune sorte de
document officiel d’identité, autant
d'éléments qui jettent plus qu'un doute
sur la crédibilité de ce procès verbal
qui ne respecte aucun des usages
officiels dans ce type d'affaire. Cela
ne convaincra d'ailleurs même pas le
juge TEISSIER, qui voyait là pourtant
certains de ses arguments d'accusation
repris un à un par les déclarations d'un
présumé terroriste : il délivrera une
ordonnance de disjonction deux semaines
plus tard (dissociant ainsi l’affaire «
HICHEUR » de l’affaire « DEBCHI»)
lorsqu’il clôturera l’instruction à la
mi-octobre 2011.
Adlène se «
retrouve » ainsi seul mis en examen pour
le chef d’inculpation « d’association de
malfaiteurs » ….
Le procureur nommé
dans cette affaire, G. PORTENSEIGNE,
spécialisé dans le cyber-«jihad
médiatique», a rendu
son réquisitoire à la mi-décembre 2011,
un réquisitoire de plus de 60 pages qui
d’après nos avocats, « n’apporte rien de
nouveau à ce dossier monté de toutes
pièces par la DCRI» : y sont
volontairement imbriqués des éléments
divers, comme les opinions politiques et
idéologiques qu’Adlène aurait échangées
sur des sites Internet, sous forme de «
posts » ou autres messages personnels
qui lui sont adressés par les
internautes participant à ces forums.
Certains d’entre
eux lui demandant d’utiliser un logiciel
de cryptage de données car ces sujets de
discussion étaient « chauds » (toujours
de manière anonyme : Adlène a à faire à
des « pseudos »). Adlène se « prête au
jeu » et échange donc avec divers
internautes, notamment durant sa période
de convalescence (il a été hospitalisé
plus de 20 jours pour une hernie
discale) et durant laquelle il passe une
bonne partie de son temps au domicile
parental, à surfer sur internet. Il le
fera en écrivant indifféremment en
français ou en arabe (sa langue
maternelle). Les enquêteurs
sélectionneront quelques-unes des
discussions pour bâtir leur accusation.
Toujours est-il que
« l’ensemble », d’après le procureur,
est combiné avec une liste d’ouvrages «
jihadistes » (en langue arabe, croit-il
devoir préciser) qu’il aurait
téléchargés depuis Internet (ces
ouvrages étaient donc accessibles au
grand public) ou encore à d’autres
textes en langue arabe qu’il aurait
traduits…Tous ces éléments
proviendraient d’une analyse méticuleuse
du disque dur de l’ordinateur d’Adlène
et de l’historique de navigation sur
Internet : on y cherche donc
scrupuleusement tout élément qui
pourrait être utilisé à charge (pour
bâtir l’image d’un « terroriste
islamiste ») en expurgeant
systématiquement tous les documents à
décharge (qui forment - à un centième
près - plus de 99,99 % des documents
contenus sur son ordinateur) qui ne
collent pas au scénario. Dans son
réquisitoire, le procureur reprend cette
méthode : il veut convaincre qu’Adlène
est un terroriste de l’Internet (un
terroriste « virtuel » en quelque sorte)
et tout est bon pour lui tailler un
costume de « réel »
terroriste, du « sur mesure » pour
reprendre les termes d’Adlène.
Le juge TEISSIER,
dans son ordonnance du 29 décembre 2011,
reprend également tous ces scénarios
alors qu’il est également censé
instruire à décharge, et il demande le
maintien en détention. En attendant,
aucun élément matériel venant valider
l’hypothèse de la préparation d’un
quelconque acte terroriste n’a été
présenté, seul demeure un scénario bien
ficelé par les services de la DCRI.
Depuis le début de sa détention,
Adlène n’a jamais eu accès aux 30 tomes
du dossier d’instruction, ce
qui lui permettrait de mieux préparer sa
défense, d’autant plus qu’un procès est
prévu à la fin du mois de mars 2012.
A suivre...
Partie 1/8
Partie 2/8
Partie 3/8
Partie 4/8
Partie 5/8
Publié sur le blog de l'auteur
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