Opinion
Guantanamo à la
française (4/8)
La garde à vue du «physicien d'al-Qaida»
et les 13 000 euros « manquants »
Halim
Hicheur
© pascal frautschi | Le professeur
Jean-Pierre Lees,
Président
du
Comité
international de soutien à Adlène
Hicheur
Mardi 17 janvier
2012
Il est en revanche utile de
s’attarder quelque peu sur les
conditions de gardes à vue de mes frères
dans les locaux de la police judiciaire
à Lyon,
au retour des perquisitions menées dans
leurs appartements respectifs. Vers les
18h, Brice HORTEFEUX, alors ministre de
l’Intérieur,
déclare à la presse,
depuis
Lyon, que la France, via
« ces deux arrestations », a « peut-être
évité le pire ».
Mes frères sont quant à eux victimes
de méthodes d’interrogation
particulièrement musclées et inhumaines
(privation de sommeil, intimidations, on
leur disait que notre mère était aussi «
dans les locaux, qu’elle était dans un
sale état et qu’il valait mieux parler
pour lui éviter des souffrances fatales
»…), et alors qu’Adlène souffre
atrocement de sa hernie (un rapport
médical ultérieur révèlera que son état
de santé s’est particulièrement dégradé
à cause des conditions de
l’interpellation et de la garde à vue,
il restera plus de 5 mois alité à
l’hôpital pénitentiaire de la maison
d’arrêt de Fresnes).
Adlène subira 17 interrogatoires au
cours de ces 4 jours de garde à vue, de
jour comme de nuit, sans l'assistance
d'un avocat. Il sera ensuite transporté
en voiture de Lyon à Paris dans la nuit
du dimanche 11 au lundi 12 octobre 2009,
menotté et en position assise à
l'arrière du véhicule, où les vitres
seront sciemment laissées ouvertes
malgré les quelques protestations d'Adlène
qui se trouvait alors dans un état «
second », pour reprendre ses propres
mots. Il sera ainsi présenté au juge
TEISSIER dans la journée du lundi 12
octobre auprès duquel il proteste une
dernière fois, en vain : le juge le
placera en détention provisoire à la
prison de Fresnes le jour-même. Il se
trouve toujours en détention provisoire
à ce jour.
Zitouni sera relâché au bout de deux
jours et deux nuits de garde à vue après
avoir été traité de la même manière que
son aîné. Il téléphone à ma sœur le
samedi en milieu de journée pour lui
demander de venir le chercher en
voiture: j'apprends sa libération en
même temps (au quart d’heure près) via
…une dépêche de presse publiée sur
internet, reprenant des « sources
anonymes proches du dossier ».
Mon frère Adlène, le « physicien
algérien » du CERN, sera
présenté comme un
dangereux cyber-terroriste « nucléaire »
préparant des attaques contre des
personnalités politiques de haut rang,
contre un site de raffinerie Total basé
à Londres, contre un régiment de
chasseurs alpins basé à Annecy, et
conversant régulièrement sur internet
avec des membres présumés d’al Qaida au
Maghreb Islamique (AQMI). Ces différents
scénarios sont savamment distillés à la
presse par ces mêmes « sources anonymes
» dans les jours et semaines suivant
l’interpellation.
Le cas d’Adlène sera cité comme
l’exemple de l’efficacité des services
de renseignements dans la lutte
anti-terroriste par les deux plus hauts
responsables de la police française,
Frédéric
Pechenard et Bernard
Squarcini, durant la
première année de détention de mon
frère. Peu de journalistes ont relayé la
version de la famille si ce n'est des
journalistes
suisse,
britannique et
américain qui publient
nos déclarations ou celles d’Adlène dès
le mardi 13 octobre 2009.
Celles-ci contenaient pourtant un
scoop : je déclarais alors que de
l’argent en liquide (un peu plus de 13
000 euros) avait été saisi lors de
l’interpellation. Je précisais qu’Adlène
comptait utiliser cette somme pour
régler les travaux de terrassement du
terrain dont il est co-propriétaire à
Sétif, une information que les « sources
proches du dossier » s’étaient bien
gardées de mentionner, à mon grand
étonnement. Ces informations sont alors
très peu reprises dans la presse
hexagonale. Elles n’ont pas plus l’air
d’intéresser l’accusation publique, car
la discussion autour de cette somme
d’argent est « peu reprise » dans le
dossier d’accusation (il faut dire que
nous avons fourni l’acte de propriété du
terrain dès le début de l’affaire).
Par ailleurs, le billet d’avion, les
plans du terrain ainsi que l’agenda d’Adlène,
qui se trouvaient dans une pochette
rouge, auraient été « égarés » durant la
perquisition. Nous avons donc du fournir
une copie de ces éléments (en obtenant
un duplicata des billets d’avion aller
et retour ainsi qu’une copie des plans
qui avaient été transmis aux maçons qu’Adlène
comptait rencontrer) pour contester le «
risque de fuite » évoqué par
l’accusation pour justifier le maintien
d’Adlène en détention.
L’existence d’un
comité de soutien,
créé en octobre 2010 par les collègues
français et suisses d’Adlène à
l’initiative de Jean-Pierre LEES (un
ancien collègue d’Adlène), et qui compte
des personnalités comme le prix Nobel
américain Jack STEINBERGER ou
l’essayiste suisse Jean ZIEGLER,
permettra de médiatiser un peu plus
l’affaire dans la presse
hexagonale, mais cela
restera assez confidentiel.
A suivre...
Partie 3/8
Partie 5/8
Publié sur le blog de l'auteur
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