Opinion
Guantanamo à la
française (5/8)
Deux ans de détention plus tard : du
physicien d'al Qaida à l' « individu
auto-radicalisé »
Halim
Hicheur
© pascal frautschi | Le professeur
Jean-Pierre Lees,
Président
du
Comité
international de soutien à Adlène
Hicheur
Mercredi 18 janvier
2012
Depuis le 08 octobre 2009, aucun
élément matériel venant avérer une
quelconque préparation d’acte terroriste
n’a été versé au dossier d’instruction,
alors que celui-ci a continué de
s’épaissir durant la détention d’Adlène
(il contiendrait pas loin de 30 tomes),
d’après nos avocats. Adlène est donc
informé de l’évolution des accusations
que l’on porte à son encontre au cours
des rares interrogatoires du juge
TEISSIER (un interrogatoire tous les 4
mois) ou durant les audiences de demande
de mise en liberté qu’il formule (pas
moins de 25 audiences en deux ans de
détention provisoire). Mais les
suspicions des « services », qui
surveillaient pourtant Adlène depuis
plus d’un an (et qui pouvaient donc,
en théorie, interpeller
Adlène en flagrant délit
de préparation d’un acte terroriste
supposé), combinées à
la « volonté du moment » du ministre de
l’Intérieur de l’époque (comme en
atteste un cable
Wikileaks
évoquant l’affaire)
ont suffit à faire incarcérer Adlène
depuis plus de 27 mois à ce jour.
Les motifs d’inculpation ont évolué de
manière assez obscure au cours de
l’instruction qui est donc alimentée par
les services de la DCRI. Ces motifs ont
évolué en fonction de « l’air du temps »
: Adlène était tantôt accusé d'avoir
échangé avec un internaute suspecté
d'être un terroriste opérant à Gaza, ou
encore un autre présumé terroriste
opérant en Somalie... autant de « motifs
» servant, tous les 4 mois, à renouveler
son mandat de dépôt. Le juge TEISSIER
lui proposera même un entretien avec des
« officiers de renseignement américains
» en mai 2010, proposition qu'Adlène
était prêt à accepter avant que les
américains ne se désistent ; ils ne
reviendront pas à la charge.
Pour notre part, nous n’avons été
entendus (si l'on exclut les auditions
de Zitouni et de ma mère au début de «
l'affaire »), de même que certains amis
proches, qu’au printemps 2011, soit plus
d’un an et demi après l’arrestation d’Adlène,
sur le « volet financier de l’affaire»
et ce dans des conditions
rocambolesques.
Ainsi, un ami se voit interrogé sur
les raisons de sa conversion à l'islam
et sur la possibilité qu’Adlène ou un
autre membre de la famille y était pour
quelque chose (par des officiers de la
brigade financière !). Un autre ami est
questionné sur « l'intensité » de sa «
foi ». Pour ce qui me concerne, un appel
masqué s'affiche sur mon téléphone
portable début mai 2011: un « capitaine
de la brigade financière » veut
m'entendre au commissariat de Grenoble «
au sujet de mon frère ». Je me présente
donc le 16 mai 2011 à 13h (sans avoir
reçu de convocation) pour un
interrogatoire où l’on évoque mes
entrées et sorties d'argent des trois
dernières années, mais également la
religion musulmane ou encore la présence
de « travailleurs chinois » en Algérie :
cela prendra 4 heures. On me promet de
m'envoyer par courrier une attestation
pour mon employeur, courrier qui ne
m’est toujours pas parvenu...
De manière toute aussi étrange, le juge
TEISSIER, après avoir sollicité l'aide
de la justice suisse dès le mois de
novembre 2009, ne demande l’aide de la
justice algérienne qu'au mois d'aout
2010 soit 10 mois
après le début de la détention d’Adlène.
Pourtant, ce dernier est soupçonné «
d’interagir » avec un groupe basé en
Algérie et il était en partance pour
l’Algérie le jour de son arrestation. En
dépit d'un dossier bien creux, F.
PECHENARD
déclarera
le 9 septembre 2011 (au micro
de France Info et à l’occasion du
dixième « anniversaire » des attentats
du 11 septembre) que ses services
avaient déjoué un attentat d'un «
individu auto-radicalisé qui a
essayé de poser une bombe dans un
bataillon de chasseurs alpins » (français).
La justice suisse classera l’affaire
après un an d’investigations et après
avoir interrogé Adlène au cours de sa
détention en septembre 2010 : «il n'a
pas été possible d'identifier le ou les
auteurs de l'infraction supposée»,
déclare
la porte-parole du
Ministère de la Confédération
helvétique.
A suivre...
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Partie 3/8
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Publié sur le blog de l'auteur
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