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Cirepal
Légalité et légitimité de la
résistance (2)
25 juin 2007
2 – Ils piétinent leur propre légalité
Il semble bien
que les amis arabes des Etats-Unis soient décidé à piétiner
leur propre légalité. C’est semble-t-il, la nouvelle
orientation américaine face à l’avancée des puissants
courants de la résistance, qui ont réussi à porter des coups très
importants aux forces coloniales, surtout au Liban, au cours de
l’été 2006. Après la phase « démocratique »
américaine qui a en fait permis aux voix de l’opposition de
s’exprimer plus franchement dans des Etats comme la Jordanie ou
l’Egypte, et qui a montré la faiblesse structurelle de
l’opposition souhaitée par les Etats-Unis, la nouvelle phase
est en place : retour à la répression et aux décrets illégaux,
comme en Jordanie où sévit une grave répression contre
l’opposition nationale et en Egypte où le pouvoir profite de sa
mainmise sur le parlement pour prendre des mesures antidémocratiques
et renforcer le pouvoir du président. En Jordanie, les lois sur
les publications et la presse tuent l’expression libre, ce qui
n’a pas l’air de gêner outre mesure Reporters Sans Frontières.
C’est ce climat de terreur que souhaitent les Etats-Unis dans
ces pays sensibles et limitrophes de la Palestine, après la
victoire du Hamas aux élections, le développement de la résistance
nationale en Palestine et la victoire de la résistance nationale
libanaise, notamment du Hizbullah, en août 2006.
L’ouverture
vers l’opposition prônée démagogiquement par les Etats-Unis
n’a pas profité à leurs proches amis, malgré tous les dollars
déversés pour les élever au rang de partenaires valables.
C’est ce qui explique le retournement des Etats locaux contre
les libertés publiques qu’ils avaient timidement osé et que se
sont tues les voix des intellectuels ayant réclamé ces libertés.
Ils préfèrent actuellement parler de géostratégie, expliquant
clairement que leur alignement sur la politique américaine vise
en fait à faire face à l’alignement des forces « obscures »
(les forces de la résistance) sur l’Iran et la Syrie. En
quelques phrases, ils ont muselé leurs prétentions antérieures,
se sont débarrassés de toutes les fioritures qui empêchaient
une réelle compréhension de leurs discours pour affirmer sans détours
qu’ils sont des alliés des Etats-Unis contre la voie de la résistance,
accusée du coup de servir les intérêts de l’Iran et de la
Syrie.
Il est étonnant
de voir comment, dès les premiers jours après la mainmise du
Hamas sur les locaux des appareils sécuritaires, les voix des éradicateurs
et des autres, par ignorance ou non, se sont multipliées pour dénoncer
le rôle de l’Iran dans les événements. Que l’Etat sioniste
déclare son soutien à la présidence, que les Etats-Unis et l’Europe
applaudissent aux décrets anticonstitutionnels de Mahmoud Abbas,
ne les gênent pas. Ils ne considèrent pas cela comme une
intervention effrontée dans la vie politique palestinienne. Ce
qui les gêne, ce sont les voix modérées qui réclament le
dialogue, l’unité, le respect de la légalité en Palestine. De
Palestine, de l’Egypte et de la Jordanie, des personnalités
politiques extrémistes s’insurgent contre une telle demande :
elles ne veulent pas l’unité des Palestiniens mais veulent éradiquer,
elles ne veulent pas appliquer la légalité (le respect du
conseil législatif) et accusent tour à tour l’Iran ou la
Syrie, ou les deux à la fois, de soutenir le Hamas. Le ministre
égyptien des affaires étrangères ose même déclarer, sans
craindre le ridicule, qu’il ne permettrait pas à l’Iran de
menacer sa sécurité par le biais d’un Etat islamique à Gaza.
Tout récemment, un journaliste se posait d’ailleurs la question
de comment l’Iran pouvait intervenir dans les affaires de Gaza,
sans passer précisément par l’Egypte ? Azzam Ahmad, représentant
du Fatah au conseil législatif, Ahmad Abdel Rahman, conseiller du
président, Yasser Abed Rabbo, tranfuge du FDLP, promu au rang de
chef de l’exécutif de l’OLP et principal signataire des
accords honteux de Genève (abandon de la souveraineté sur
al-Quds et remise en cause du droit au retour des Palestiniens)
proclament à tour de rôle que le Hamas applique le rôle stratégique
de l’Iran en Palestine, s’appuyant sur une déclaration
iranienne souhaitant le respect de la légalité.
Cette
situation rappelle très précisément celle qui prévaut au
Liban. Pour éviter tout dialogue ou toute issue à la crise
politique, le pouvoir accuse régulièrement, comme un leitmotiv,
les forces de l’opposition de représenter les intérêts géostratégiques
iraniens au Liban. Même le général Aoun est devenu, aux yeux
des gens du pouvoir, un ardent défenseur de l’Iran. Que l’Iran
dise ou ne dise pas un mot, fasse ou ne fasse pas un geste, la même
rengaine est chantée : l’Iran intervient dans les affaires
libanaises et tient le Liban en otage dans son conflit avec les
Etats-Unis. Mais ils ne se posent pas la question de savoir
pourquoi les Etats-Unis ont le droit, par le biais de leurs envoyés
ou de leur ambassadeur, d’intervenir dans les affaires du Liban,
pourquoi le tiennent-ils en otage avec la menace d’une guerre
civile, reportée mais jamais enterrée, chaque fois que
l’opposition fait un pas en direction du pouvoir ?
Ces forces
pro-américaines, qu’elles soient au Liban ou en Palestine, ne
craignent pas la guerre civile. Elles y appellent de toutes leurs
forces pour éviter le passage pacifique des forces de la résistance
au pouvoir. Les forces de la résistance sont accusées de tous
les maux, et un responsable palestinien installé à Paris n’hésite
pas à qualifier le Hamas de « talibans », comme si
cette accusation pouvait encore avoir de l’effet ou égratigner
nos âmes, après les horreurs des envahisseurs occidentaux en
Afghanistan ou en Irak. Mais le message est clair : c’est
un appel au monde occidental affirmant d’une part que les
Palestiniens ou Libanais qui piétinent la légalité sont
« civilisés » et d’autre part, que les forces de la
résistance, légalement arrivées au pouvoir et dont la légitimité
a été acquise par le devoir de résistance à l’occupation,
doivent subir la colère des empires coloniaux.
Le discours
musclé de Mahmoud Abbas contre le Hamas ne laisse aucun doute :
il s’agit bel et bien d’un appel à Israël, aux Etats-Unis et
à l’Union européenne de faire la guerre ouverte au Hamas, et
notamment contre la bande de Gaza.
La présidence
palestinienne et surtout ses conseillers et éradicateurs ne
veulent même pas que la Ligue arabe joue un rôle pour rapprocher
les points de vue, entamer une discussion sérieuse et colmater
les brèches. Cette nouvelle attitude veut rompre avec tout ce qui
peut modérer, préférant au contraire l’alignement extrémiste
sur les Etats qui, au sein de la Ligue arabe, poussent vers l’éclatement
de la société palestinienne et le recul de la cause
palestinienne. Au dernier conseil de la ligue arabe, les Etats se
prononcent pour le soutien à la légalité palestinienne, représentée
par la présidence et le conseil législatif. Au cours de la
lecture du communiqué final, le délégué jordanien,
s’imaginant dans une cour de récréation, « avale »
les termes parlant du conseil législatif, voulant faire passer le
communiqué pour un soutien unilatéral à la présidence.
C’est contre
ce chemin dangereux et sans issue, sinon l’éclatement de la
société palestinienne, que les forces nationales essaient de résister :
le Hamas ne cesse de réclamer la voix de la raison, appelle à la
discussion, demande une rencontre et une commission d’enquête
et déclare être prêt à remettre les sièges des appareils sécuritaires.
Le FPLP refuse d’entériner certaines décisions très graves du
conseil central de l’OLP, réuni à Ramallah récemment :
refus d’entériner la formation d’un gouvernement d’urgence,
jugé illégal, refus d’entériner la mise au pas du conseil législatif
élu et refus d’entériner les derniers décrets présidentiels,
graves atteintes aux droits civiques palestiniens, remettant en
cause la liberté d’association. Quant au Fatah, il semble
tellement éclaté entre plusieurs courants que les voix réelles
de la résistance qui y existent ne parviennent pas encore à
s’exprimer.
Le Hamas,
comme le Hizbullah au Liban, sont puissants par le soutien
populaire qu’ils mobilisent. Ce ne sont ni l’Iran, ni la
Syrie, ni les Talibans ou Chavez qui les maintiennent en vie et
leur permettent de gagner les cœurs des peuples et de revendiquer
leur place dans la société. C’est d’abord leur stratégie de
la résistance à l’entité sioniste qui a mobilisé non
seulement leurs peuples à leurs côtés mais de vastes pans des
sociétés arabes et musulmanes, avant d’être heureusement
soutenus par des régimes, arabes ou musulmans et même au-delà,
par intérêt ou par sympathie. Devant cette poussée criminelle
américano-sioniste qui est prête à démanteler des sociétés
par des guerres civiles ou par la partition ds territoires, pour
ne pas entériner la légalité de la résistance, il est évident
que les deux principales forces de la résistance doivent être
attentives à tout faux pas, qui risque d’être chèrement payé.
Face aux éradicateurs
et dilapideurs des acquis des peuples dont le ton guerrier montre
essentiellement leur faiblesse, elles ont tout à gagner dans la période
à faire échouer les plans des Américains Dayton et Welsh, à
rassembler les peuples autour de leur projet de résistance contre
l’Etat sioniste, en maintenant leur esprit d’ouverture vers
les autres couches de la population et empêcher coûte que coûte
le démantèlement social. L’espoir de libération mis par les
peuples arabo-musulmans dans ces forces doit les amener à la
prudence et à considérer que cette phase cruciale réclame
autant, sinon plus d’attention, que la lutte armée légitime
contre l’Etat sioniste.
Traduit par Centre
d'Information sur la Résistance en
Palestine
1 - Gaza :
lorsque les fusées sur Sderot exaspèrent
3 - Aider
Israël ou comment rendre la résistance illégale
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