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Cirepal
Légalité et légitimité de la résistance
23 juin 2007
1 - Gaza :
lorsque les fusées sur Sderot exaspèrent
Depuis les récents
événements survenus dans la bande de Gaza puis en Cisjordanie
(mainmise du gouvernement palestinien sur les sièges des
appareils sécuritaires, accompagnée d’actes de violence envers
les membres de ces appareils, décisions anticonstitutionnelles du
président palestinien accompagnées d’une vague de violence
envers les membres et cadres du Hamas en Cisjordanie, les événements
se précipitent à vive allure en Palestine et dans la région,
dans différentes directions.
Comprendre ce
qui s’est vraiment passé dans la bande de Gaza exige une
commission d’enquête neutre, car les sources des deux parties
rapportent des faits très différents, mais ni la présidence
palestinienne ni les courants éradicateurs* qui la tiennent en
otage, ne souhaitent voir se mettre en place une telle commission,
proposée dès le début des événements par Khaled Mechaal, président
du bureau politique du Hamas, au cours de sa conférence de
presse.
Mais au-delà
des événements qui se sont déroulés il y a une dizaine de
jours, ayant abouti à la mainmise du Hamas sur les appareils sécuritaires
palestiniens dans la bande de Gaza, le conflit se déroule entre
plusieurs courants qui traversent la société palestinienne issue
des accords d’Oslo : d’abord le courant d’Oslo, la présidence
palestinienne et quelques forces politiques et sécuritaires, qui
s’accrochent tant bien que mal aux miettes que font miroiter les
Etats-Unis et l’Union européenne, au moment où l’Etat
sioniste s’accapare des terres et des ressources vitales, démantèle
la Cisjordanie, asphyxie la bande de Gaza et achève son annexion
d’al-Quds. Face à ce courant de plus en plus impopulaire, un
courant multiforme refuse d’entériner cette soumission à
l’ordre américano-sioniste, qu’il soit dans l’Autorité ou
non. Au sein même de ces courants principaux, se retrouvent
plusieurs forces qui s’allient et se désallient au gré du
rapport de forces, local, régional et international.
La crise des
appareils sécuritaires ne date pas d’aujourd’hui. Depuis les
élections législatives palestiniennes ayant conduit Hamas au
gouvernement, le président Mahmoud Abbas a agi avec le
gouvernement de la même manière que le premier président,
Yasser Arafat, avait agi avec lui, quand il était chef du
gouvernement, alors que tous les deux appartiennent au Fatah.
Rappelons que lors du conflit entre Mahmoud Abbas et Yasser
Arafat, le premier, soutenu par les Etats-Unis, avait imposé la
modification du Règlement principal de l’Autorité, accordant
un poids plus important au gouvernement, face à la présidence.
Cela avait suscité des remous dans les rangs du Fatah, fidèles
au président martyr, contre le courant pro-américain et les
forces de la sécurité préventive de Dahlan qui avaient à l’époque
menacé le pouvoir du président Arafat, en descendant dans les
rues de Gaza, les armes à la main. Si Yasser Arafat avait essayé
de s’opposer à la mainmise du gouvernement de Abbas sur les
appareils sécuritaires, ce fut pour empêcher la mainmise américaine
sur ces appareils, mainmise qui se profilait par le biais de
Mahmoud Abbas. Quant au président actuel, son refus de remettre
les appareils sécuritaires entre les mains du gouvernement légitime
est dû à sa volonté de les réduire à des suppléants de la
politique américano-sioniste en Palestine. De plus en plus financés
et armés par les puissances occidentales, ces appareils ont été
conçus, notamment après la victoire du Hamas aux élections législatives,
pour un rôle de répression interne et de coordination avec
l’entité sioniste.
En refusant de
remettre, en toute légalité, ces appareils sécuritaires aux
mains du gouvernement, Mahmoud Abbas engageait la crise qui va
aboutir aux événements récents de Gaza. Le ministre de l’intérieur
de l’époque, Sa’id Siyâm, constitue la Force Exécutive,
composée des militants du Hamas mais aussi d’autres forces
politiques comme les Comités populaires de la résistance, dont
le dirigeant sera assassiné par les sionistes, peu après que la
direction de la Force exécutive lui ait été confiée.
Mais c’est
surtout le blocus international contre le gouvernement et le
peuple palestinien qui va exacerber les luttes intestines entre
les courants palestiniens. Ce blocus meurtrier, décrété par les
Etats-Unis et l’Union européenne, avait pour but de faire
tomber le nouveau pouvoir palestinien, élu pourtant selon les
normes démocratiques occidentales. Il est actuellement notoire
que des forces palestiniennes ont participé à ce blocus, ainsi
que des pays arabes, soit passivement soit activement, pensant que
ces mesures criminelles américano-sionistes activement soutenues
par plusieurs pays européens allaient faire plier le peuple
palestinien et lui faire abandonner la voie de la résistance.
C’est
d’ailleurs cette même menace qui est brandie par les éradicateurs,
parmi les conseillers de Mahmoud Abbas, lorsqu’ils affirment que
le blocus renforcé sur la bande de Gaza, en provoquant la faim,
précipitera la chute du Hamas.
Mais
contrairement aux espoirs de l’axe américano-sioniste, la résistance
palestinienne s’est poursuivie, et malgré toutes les difficultés
engendrées par le blocus, malgré les invasions, les assassinats,
les destructions, les barrages, les enlèvements, la colonisation
et tous les actes criminels de l’occupation sioniste, la résistance
armée et populaire s’est renforcée. Il y a presque un an, les
résistants kidnappaient un soldat sioniste pour l’échanger
contre les prisonniers palestiniens, mais avant et surtout après,
la colonie de Sderot, située au nord de la bande de Gaza, est
sous la cible des combattants.
La résistance
dans la bande de Gaza, notamment militaire, a plus d’une
importance, du fait du statut particulier : territoire libéré
et nettoyé des colonies sionistes, mais particulièrement encerclé
par les forces de l’occupation, en accord avec l’Union européenne
et certaines parties égyptiennes. C’est dans la bande de Gaza
que les forces sécuritaires de la présidence côtoient la Force
exécutive qui n’a pu se déployer en Cisjordanie. C’est dans
la bande de Gaza que les sionistes commettent massacres après
massacres pour se venger plus particulièrement d’une
population, largement des réfugiés, qui a accordé sa confiance
à la voie de la résistance. C’est dans la bande de Gaza que le
mouvement Hamas a une assise militaire et populaire puissante, du
fait de l’histoire (histoire du Hamas mais aussi histoire de la
bande de Gaza, rattachée à l’Egypte en 48). C’est à partir
de la bande de Gaza, où les résistants ont développé les fusées
et les armes, que la résistance armée frappe les colonies
sionistes, et notamment Sderot. La résistance palestinienne, représentée
surtout par le Hamas, a refusé, à plusieurs reprises, le
chantage israélien voulant faire une trêve avec seulement la
bande de Gaza, pour faire cesser les fusées de la résistance.
Les résistants de plusieurs organisations, y compris les Brigades
des martyrs d’al-Aqsa (affiliées au Fatah) ont fait de Sderot
une cible de choix pour riposter à tous les assassinats et les
enlèvements menés par les sionistes en Cisjordanie aussi, de
sorte que même la presse israélienne parlait il y a encore trois
semaines, de défaite israélienne à Sderot. C’est de la bande
de Gaza que les fusées de la résistance ont montré qu’un
peuple, même affamé, pouvait remporter des victoires contre Israël
et ses partenaires.
Et c’est
pourquoi la bande de Gaza devait payer le prix.
Depuis
l’accord de la Mecque et la constitution d’un gouvernement
d’unité nationale, qui fait suite au gouvernement composé
essentiellement de membres du Hamas, la présidence palestinienne
est sous pression : d’une part, respecter ses engagements
et mettre en place un vrai partenariat avec le mouvement Hamas, et
d’autre part, répondre aux demandes des Quartet (arabe et
international) qui exigeaient la rupture avec le Hamas pour
constituer un gouvernement soumis aux intérêts américano-sionistes.
Malgré leurs promesses, ni les Etats arabes soumis aux Etats-Unis,
ni les Européens ne lèvent leur blocus mais exigent encore plus
de concessions, ce qui plonge les accords de la Mecque et le
gouvernement d’union nationale dans une situation encore plus
critique : n’ayant réglé ni la question des forces sécuritaires,
ni la fin du blocus, l’Autorité palestinienne se retrouve de
nouveau partagée entre l’enlisement dans la compromission
et la voie de la résistance.
Avec un supplément,
toutefois : malgré toutes les défaillances des accords de
la Mecque, ce fut une intervention arabe modérée essayant de
rapprocher les points de vue, faisant place aux interventions extrémistes
et nettement alignées des amis arabes de Rice et Bush, les régimes
jordanien et égyptien. L’échec des accords de la Mecque ne
signifie rien de plus qu’un alignement total de la question
palestinienne sur les intérêts des deux régimes les plus
impliqués dans le plan Rice, la Jordanie et l’Egypte. C’est
ce qui explique la future rencontre Olmert-Abbas, en présence de
la Jordanie et de l’Egypte, à Sharm el-sheikh.
C’est à ce
résultat que les forces obscures de Dahlan (Sécurité préventive)
et des autres (la sécurité intérieure notamment) voulaient
parvenir en faisant obstruction à toutes les réformes des
appareils sécuritaires : ces réformes instituaient, au lieu
de la parité des organisations, un recrutement professionnalisé
ainsi que leur indépendance vis-à-vis des organisations et
groupes de pression armés (donc du Fatah, essentiellement). Les récents
événements à Gaza, qui ont abouti à la mainmise du Hamas sur
les appareils sécuritaires, furent d’abord une riposte aux manœuvres
des dirigeants des appareils sécuritaires, visant à prendre le
contrôle de la bande de Gaza, grâce à l’armement nouvellement
arrivé, au soutien logistique égyptien et même israélien, avec
la bénédiction américaine et européenne, pour en finir avec la
résistance, populaire mais surtout armée, contre l’occupation :
c’est le plan Dayton, du nom de Keith Dayton, général américain
qui réside dans l’Etat sioniste depuis mars 2006 pour appliquer
le plan « d’éradication du Hamas » de la vie
politique palestinienne.
Depuis des
mois, la bande de Gaza vit au rythme des faits d’armes de ces
appareils sécuritaires : arrestations, assassinats,
corruption, règlements de compte et anarchie sécuritaire.
Refusant la mise en application des accords signés lors des
accords de la Mecque, refusant même d’obéir au président
Abbas, ils ont rendu infernale la vie quotidienne des Palestiniens
à Gaza.
Dans une déclaration
récente (22/6/07), Raji Sourani, président du PCHR (Centre
Palestinien des Droits de l’Homme) affirme que Gaza
n’avait pas vécu un tel calme depuis plus de dix ans, réfutant
la propagande des éradicateurs à propos des poursuites par le
Hamas des militants du Fatah. Il a rappelé que le Hamas est l’Autorité,
non pas depuis une semaine, comme cherchent à le faire croire les
autres, mais depuis un an et demi. Et depuis cette date, les
organisations des droits de l’homme n’ont enregistré aucune violation
par le Hamas des droits civiques des citoyens. Il a de plus nié
l’information selon laquelle les militants du Hamas auraient
investi et saccagé la maison de Yasser Arafat, propagande mensongère
de certains médias palestiniens, ayant conduit à une « St
Barthélémy » en Cisjordanie, contre le Hamas.
De plus, la
mainmise du Hamas sur ces locaux a dévoilé quantité de
documents sécuritaires qui dénoncent la collaboration de
certains appareils avec l’Etat sioniste, qui se montre
d’ailleurs très inquiet à leur sujet. Il vient de réclamer à
L’Egypte un rôle d’intermédiaire pour les récupérer, avant
qu’ils ne tombent entre les mains de « pays de la région »
évoqués par ces documents.
La riposte de
Hamas a déjoué un coup d’Etat. Si cette riposte est considérée
illégale et anticonstitutionnelle, elle l’est beaucoup moins
que le coup d’Etat qui se préparait, qui aurait encore affaibli
le pouvoir du président au détriment de ses conseillers éradicateurs.
Si la mainmise du Hamas sur les appareils sécuritaires fut entâchée
d’actes violents, la répression qui s’est abattue sur les
militants et les cadres du Hamas, dont beaucoup étaient recherchés
par les sionistes, en Cisjordanie, constitue des actes de
trahison. Qui a incendié la maison de Abdul ‘Aziz Dweik, président
du conseil législatif, enlevé et détenu par les sionistes
depuis plus d’un an ? Et saccagé la maison de Hassan
Youssef, député détenu dans les prisons de l’occupation,
le même jour où les sionistes le transféraient de Ofer à
Haddarim ?
Ceux qui
accusent le Hamas d’avoir violé la constitution en s’emparant
des bâtiments des appareils sécuritaires dans la bande de Gaza,
comment qualifient-ils les décrets présidentiels instaurant l’état
d’urgence, mais surtout la formation d’un nouveau gouvernement
sans avoir l’aval du conseil législatif ? Plusieurs
associations et institutions juridiques palestiniennes (dont le
PCHR qui est loin d’être dominé par le Hamas) ont qualifié la
formation du gouvernement d’anticonstitutionnelle. Mais les
forces éradicatrices, modernistes et obscures, soumises aux Américains,
n’en finissent pas de piétiner leurs propres idoles.
* Eradicateurs,
éradication, terme récemment utilisé à plusieurs reprises par
les conseillers du président et intellectuels réclamant l’éradication
de Hamas de la société palestinienne.
Traduit par Centre
d'Information sur la Résistance en
Palestine
Suite :
2 – Ils piétinent leur
propre légalité
3 – Aider Israël ou
comment rendre la résistance illégale
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