Reportage
Le printemps arabe
: une révolution contestée
Des collabos écervelés aux vieux
caciques vendus (9e partie)
Ali El
Hadj Tahar
Mardi 14 mai 2013
Dans le Printemps
arabe, cette opération sophistiquée
depuis longtemps préméditée, patiemment
planifiée, froidement et impitoyablement
exécutée, y compris par les jeunes
écervelés qui se sont pris pour des Che
Guevara ou des Gandhi, les agents à la
solde de l’Amérique ont joué un rôle
précieux. Il y a parmi eux des éléments
internes du système en place, des
militaires de haut rang, des ministres
et des fonctionnaires, ainsi que des
personnalités de l’opposition de toutes
les couleurs, enfin les jeunes traîtres
ou collaborateurs que l’on appellera
cyberdissidents, pour résumer.
Tous ces agents
comprennent beaucoup d’éléments vivant à
l’étranger et disposant d’une double
nationalité, notamment américaine et
française outre leur nationalité
d’origine. On se rappelle qu’en
Afghanistan, les Etats-Unis ont placé au
pouvoir Hamid Karzaï, et en Irak,
Ibrahim Al-Jaafari, Ahmed Chalabi et
Ayad Allawi. Chargés de faire descendre
les manifestants dans la rue, les
intervenants apparents de Facebook et
des réseaux sociaux servaient à créer
une situation de crise et, surtout, de
poudre aux yeux : les coups d’Etat se
sont faits dans l’ombre, très
discrètement en Egypte mais de manière
très flagrante en Tunisie. Ce n’est pas
pour rien que des ministres et des
responsables tunisiens sont passés du
«régime» Ben Ali au régime post-Ben Ali
! Les cas du vieux cacique, Béji Caïd
Essebsi, et du général Ammar sont
édifiants, comme nous le verrons dans la
prochaine étude. Nombreux sont les
personnalités ayant vécu aux Etats-Unis
ou même avec des liens avérés avec leurs
services de renseignements parmi les
leaders actuels des pays du Printemps
arabe. En Libye, il y a Mohammad Al-Megharyef,
l’actuel président de l’Assemblée
nationale libyenne, de nationalité
américaine et employé de la CIA depuis
le début des années 1980. Khalifa Hifter,
actuel chef de l’armée et ancien colonel
de l’armée libyenne sous Kadhafi, a vécu
15 années aux Etats-Unis près de la base
de la CIA après avoir fait défection et
mené une armée de «Contras» opposée à
Kadhafi et basée au Tchad composée de
2000 mercenaires qui ont tué et commis
des sabotages en Libye. Le 19 mars 2011,
il est rentré secrètement à Benghazi où
il a été chargé d’«une certaine
cohérence tactique aux troupes rebelles
au sol.» L’un des cerveaux du coup
d’Etat contre Kadhafi est Nouri Mesmari,
ancien chef du protocole du guide
libyen, qui a fait défection et fui vers
Paris le 20 octobre 2010 pour donner à
la France des données sécuritaires et
militaires qui permettront la
préparation de l’opération contre
Kadhafi. S’étant rendu compte du
complot, Kadhafi avait fait arrêter son
complice, le colonel d’aviation Gehani,
référant secret des Français depuis le
18 novembre 2010. Le 23 décembre,
d’autres personnalités libyennes feront
défection et arriveront à Paris : ce
sont Farj Charrant, Fathi Boukhris et
All Ounes Mansouri. Après le 17 février,
ce sont justement eux, avec Al Hadji,
qui vont mener la révolte de Benghazi
contre l’armée libyenne et rallier le
CNT. Dans une vidéo, Spécial
Investigation de Canal+, l’homme
d’affaires Ziad Takieddine, celui-là
même qui a accusé Sarkozy d’avoir été
financé par Kadhafi lors de sa campagne
électorale fait des révélations
capitales. Takieddine est surtout le
patron de North Global Oil and Gas
Company, une société qui était associée
avec Total dans un gisement pétrolier en
Libye (NC7), avant de céder à la société
pétrolière française 100% de ses droits
d’exploitation pour un montant de 140
millions de dollars. Déjà actionnaire
dans Total (2%) et son associé notamment
en Iran, le Qatar veut sa part en Libye
: il réussira à racheter à Total une
partie des droits d’exploitation du
gisement libyen NC7, sans que Kadhafi en
soit informé. Furieux en l’apprenant, le
guide libyen ira même jusqu’à menacer de
rompre tout accord avec Total. C’est ce
qui lui vaudra les foudres conjointes de
l’émir Hamad et de Sarkozy. Ainsi, en
novembre 2010, la France et la
Grande-Bretagne décident d’organiser des
manœuvres militaires conjointes sous le
nom de code de «Southern Mistral 11» :
le site internet de l’Armée de l’air
française annonce même que l’opération
réelle sera déclenchée entre le 21 et le
25 mars 2011 et que son but est de
destituer un dictateur qui veut placer
son fils comme remplaçant, au pouvoir !
Le scénario de «Southern Mistral 11» se
déroule en Southland (terre du Sud),
«contre une dictature responsable d’une
attaque contre les intérêts français».
Cet exercice militaire, planifié en
trois mois, au lieu de six
habituellement, rappelle étrangement
celui qui a précédé l’opération Tempête
du désert contre l’Irak (janvier 1991),
nous rappelle l’écrivain Gilles Munier.
Islamistes et
opposants vivant à l’étranger
Mahmoud Jibril
démissionnait de son poste de ministre
du Plan et de directeur de l’Autorité de
développement (soit le fauteuil numéro 2
du gouvernement Kadhafi) à la fin 2010
avant de rejoindre le CNT le 23 mars
2011. Comme par hasard, Mahmoud Jibril
avait auparavant longtemps vécu aux
Etats-Unis puis travaillé pour Al-Jazeera
au Qatar… Le Libyen Mahmoud Chamman,
futur ministre de l'Information du CNT,
était membre du Conseil d’administration
d’Al-Jazeera au Qatar. Abdel-Jalil,
l’ex-ministre de la justice, qui
semblait tout faire pour attirer des
ennuis à Kadhafi, notamment dans
l’affaire des infirmières bulgares,
démissionnera en janvier 2011 non sans
avoir obtenu la libération de plus de
400 terroristes du GICL qui mèneront
l’insurrection armée qui aura raison de
Kadhafi mais non sans l’aide de l’OTAN
et de 5 000 soldats qataris venus en
renfort. Ali Essaoui était ministre du
Commerce et de l’Economie, puis
ambassadeur en Inde, avant de
démissionner et de rejoindre
l’opposition. Abdel Hafiz Ghoga, qui
occupera le poste de vice-président du
CNT, jouera un rôle important contre
Kadhafi. En Tunisie, l’actuel président
Marzouki, Ghannouchi le leader du
premier parti «islamiste» tunisien ont
longtemps vécu à l’étranger. L’actuel
ministre des Affaires étrangères, Rafik
Abdessalem (gendre de Rached Ghannouchi),
était directeur du Département études de
la chaîne Al Jazeera, au Qatar. Il est
donc indéniable qu’Al-Jazeera a un lien
direct avec le Printemps arabe qu’elle a
soutenu. L’immense manipulation des
masses est partie d’Al-Jazeera,
c’est-à-dire du chapeau de Hamad et donc
de la CIA qui a fait d’une chaîne de
télévision un nid des «révolutionnaires»
noyautés par des agents américains et
israéliens. Plus grave, en Tunisie, les
principaux leaders de l’opposition (Bochra
Belhadj Yahia, Mustapha Ben Jaafar,
Ahmed Néjib Chebbi) sont carrément
écartés par la «révolution» qui installe
des opposants qui ont vécu une bonne
partie de leur vie à l’étranger : Rached
Ghannouchi et Moncef Marzouki, l’actuel
président de la Tunisie. Marzouki
présidait la Ligue tunisienne des droits
de l’homme, une organisation sponsorisée
par la Fédération internationale des
droits de l’homme (FIDH), elle-même
financée par la NED et par l’Open
Society du sioniste George Soros.
Ghassan Hitto, le président de
l’opposition syrienne qui a vécu 25 ans
aux Etats-Unis, soit plus que la moitié
de sa vie, comme Oussama Al-Kadi, dirige
à Washington le Centre syrien pour les
études politiques et stratégiques, une
officine liée au Pentagone et à la CIA.
D’ailleurs, le Conseil national syrien
(CNS) est essentiellement composé
d’opposants de l’étranger qui, de
surcroît, sont majoritairement des
«islamistes ». Le premier président du
CNS était Burhan Ghalioun, le conseiller
politique d’Abassi Madani, qui a vécu
presque toute sa vie en France, en tant
qu’enseignant de sociologie mais n’a
jamais été considéré comme opposant au
pouvoir syrien jusqu’au jour où il
fallait lancer le «printemps» syrien :
un réseau dormant, ça sert un jour ou
l’autre ! D’ailleurs aujourd’hui, nul
n’ignore que la composante du CNS,
également appelée «opposition
d’Istanbul» et «opposition de Doha», a
été désignée par Hillary Clinton dans
ces deux villes. En outre, tous les
leaders de l’opposition du Printemps
arabe ont fait des promesses à Israël.
En effet, Bassma Kodmani, membre du CNS
qui a assisté à la conférence du
Bilderberg de 2012, où le changement de
régime en Syrie était à l’ordre du jour,
a appelé à des relations amicales entre
la Syrie et Israël dans un talk-show
français, allant même jusqu’à déclarer :
«Nous avons besoin d’Israël dans la
région.» Un autre membre du CNS, Ammar
Abdulhamid, a déclaré son soutien aux
relations amicales entre Israël et la
Syrie, dans un entretien avec le journal
israélien Ynetnews alors qu’une
conversation téléphonique entre Radwan
Ziyade du CNS et Mohammad Abdallah a
fuité dans laquelle ils voulaient
demander plus de soutien au ministre
israélien de la Défense, Ehud Barak. En
dehors du CNS, Ribal Al-Assad, ainsi que
l’ancien vice-président en exil, Rifaat
Al-Assad, souhaitent pour la Syrie de
faire la paix avec Israël. Quant à Nofal
Al-Dawalibi, il a déclaré dans une
interview sur une radio israélienne que
le peuple syrien voulait la paix avec
Israël.
«Révolution 2.0»
pour vieux caciques
S’agissant de la
Libye, selon le quotidien israélien,
Yediot Aharonot, un accord aurait été
signé en 2011 entre le Conseil national
transitoire (CNT) libyen et Tel-Aviv,
pour l’installation d’une base militaire
aux Monts verts, en Libye, si les
insurgés arrivaient au pouvoir. Le
document en question, portant l’entête
«Israël Défense Forces», note également
qu’en contrepartie, Israël s’engage à
obtenir la multiplication de frappes
aériennes par l’OTAN contre les forces
gouvernementales libyennes et l’adhésion
de pays arabes à la cause du CNT. Cela
ne laisse-t-il pas penser qu’en
contrepartie, des éléments des forces
spéciales israéliennes auraient donné un
coup de main à la «révolution» libyenne
? Pourquoi le «printemps» syrien
arrive-t-il en dernier ? Tout simplement
parce que les planificateurs savaient
que pour abattre ce gros morceau, il
fallait l’aide de tous les pays
«révolutionnaires», de leurs armes, de
leurs mercenaires et terroristes et même
du djihad ennikah des jeunes Tunisiennes
dont une douzaine seraient parties
offrir le service autrefois offert par
les bunnies aux GI’s qui combattaient au
Vietnam. Les collaborateurs arabes de
tous âges ont bénéficié de formations,
d’aides et de subventions américaines
d’organisations agissant pour le compte
de la Maison- Blanche et du Département
d’Etat et de la CIA, car aux Etats-
Unis, les frontières sont minces entre
les organisations civiles et les
organisations militaires, le patriotisme
américain n’ayant pas de limites dans
son engagement. D’innombrables
organisations travaillent dans le sens
de la promotion de l’idéologie
américaine, en vérité de l’hégémonie de
ce pays sur le monde. La Freedom House a
aussi joué un rôle important dans le
Printemps arabe, cette kermesse des
manipulés. En 2009, la Freedom House a
publié une «carte de la liberté» pour
chaque continent, qui différencie les
pays suivant le degré de démocratie
qu'elle leur attribue. La carte nous
apprend que le seul pays totalement
libre de la zone Maghreb -
Proche-Orient… est Israël. Cinq pays
sont «partiellement libres» : Maroc,
Jordanie, Liban, Yémen, Bahreïn. Tous
les autres pays de la région sont
considérés comme «non libres». C’est
pour cette raison que cette ONG et
d’autres, comme l’International Crisis
Group de George Soros, essaient de les
amener vers la liberté en finançant des
traîtres. Cela n’empêche pas la Freedom
House de financer un groupe
contestataire au Maroc, le Mouvement du
20 février ! Les ONG étatsuniennes ont
aussi formé des jeunes Bahreïnis qui ont
débuté leur Printemps arabe. On ne sait
si parmi eux il y avait des chiites mais
la Maison-Blanche a ordonné à l’Arabie
Saoudite d’aider le pouvoir en place à
mater la rébellion qui, actuellement
semble composée de chiites qui demandent
des droits légitimes : mal représentés
dans les institutions du pays, les
chiites bahreïnis affrontent depuis deux
années l’armée et les forces de l’ordre
saoudiennes envoyées en renfort. Le
Bahreïn, qui veut en finir avec le
chiisme, a même détruit plusieurs
mosquées de cette communauté musulmane
aujourd’hui considérée comme ennemi
numéro 1 du wahhabisme international.
Accusés d’adorer Ali à la place d’Allah
et de ne pas reconnaître Mohamed (QSSL)
comme prophète, les chiites sont
accablés de bien d’autres déviances
perverses fabriquées par la propagande
saoudienne.
A. E. T.
(A suivre)
Partie
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Partie
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Article publié sur
Le Soir d'Algérie
Le sommaire de Ali El Hadj Tahar
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