ReOpen911 :
Suite à la parution de
L’Effroyable Imposture, « on » (Gérard
Miller, Pascal Bruckner, Pierre Marcelle, Alain Finkelkraut,
Caroline Fourest, liste non exhaustive…) vous a souvent présenté
comme un « révisionniste », vous comparant même à M. Faurisson ;
outre que cela permet à moindres frais d’éviter de répondre aux
questions et aux points pertinents que soulèvent vos analyses,
cela a ancré, par amalgame, dans les esprits d’un grand nombre
de nos concitoyens l’idée fausse que vous seriez antisémite.
Vous avez pendant longtemps
préféré ne pas vous expliquer sur des injures aussi odieuses
qu’infondées et autres calomnies (quiconque peut le constater
par soi-même en lisant vos livres ou en consultant le site du
Réseau Voltaire de fond en comble : il n’y a pas le moindre
propos antisémite, évidemment). Cependant, ne pas y répondre,
c’est aussi laisser le champ libre à vos détracteurs ; baisser
la garde, n’est-ce pas faire le jeu de ces « salauds », pour
reprendre l’élégante formule que M. Fabrice Nicolino (Politis
du 11 avril 2002) avait eu à votre égard ?
Thierry
Meyssan : Mes détracteurs jouent sur les mots. Comme
l’a noté Pierre Vidal-Naquet, le terme « révisionniste »
s’applique à tout historien qui fait son travail, celui de
réviser les préjugés. Aussi refusa-t-il d’utiliser ce mot pour
qualifier ceux qui nient le massacre des juifs d’Europe et lui
préféra-t-il celui de « négationnistes ». Cependant mes
détracteurs créent une confusion dans l’esprit du public en me
traitant de « révisionniste » et en faisant allusion
simultanément au professeur Faurisson, condamné maintes fois
pour antisémitisme. Ainsi, sans l’avoir dit, ils suggèrent que
je suis antisémite.
Je suis humaniste et j’ai lutté
—bien plus que ceux qui m’insultent— contre toutes les formes de
racisme, y compris l’antisémitisme. En qualité de président du
Projet Ornicar, j’ai même reçu les félicitations du Mémorial Yad
Vashem, la plus haute autorité morale en la matière. En qualité
de président du Réseau Voltaire, j’ai animé le Comité national
de vigilance contre l’extrême droite, qui a réuni chaque semaine
pendant plusieurs années les 45 plus importantes organisations
de gauche (partis politiques, syndicats, associations, loges
maçonniques).
Lors de la campagne médiatique
organisée contre moi, en 2002, j’ai porté plainte pour
diffamation contre une douzaine de journaux qui avaient suggéré
que j’étais antisémite. J’étais défendu par Me Bernard
Jouanneau, qui est précisément l’avocat à l’origine de la
jurisprudence contre les « négationnistes ». Globalement, pour
des propos quasi-identiques, j’ai gagné les procès à Versailles
et perdu ceux à Paris. La Cour d’appel de Paris a reconnu que
j’avais été diffamé, mais a considéré que je l’avais bien
cherché et qu’il n’y avait pas matière à appliquer la loi et à
condamner mes adversaires.
Un pas a été franchi par Pierre
Rigoulot. Le co-auteur du Livre noir du
communisme a écrit dans son livre sur
L’Antiaméricanisme que je niais qu’il y ait eu un attentat
contre le Pentagone. Et il m’a attribué entre guillemets une
citation antisémite avec référence en bas de page. Il a été
condamné pour cela. Depuis, personne ne s’est avisé d’inventer
d’autres citations de ce type.
ReOpen911 :
Pourquoi ne vous défendez-vous pas contre ces
suspicions d’antisémitisme ? Comment convaincre les ReOpenistes
et au-delà les sympathisants de l’objectif que s’est fixé cette
association, que le Réseau Voltaire n’est pas antisémite.
M. Meyssan, que faites-vous concrètement, personnellement et/ou
au travers de
voltairenet.org, pour combattre cette image d’antisémitisme,
qui vous est attribuée par vos détracteurs. Par exemple,
avez-vous des contacts avec les communautés juives de France ?
Thierry
Meyssan : Comme je vous l’ai dit à l’instant, mon
action passée est la preuve de mon humanisme. Il n’y a de place
à une suspicion d’antisémitisme que pour des gens de mauvaise
foi. Au demeurant, je ne m’intéresse pas à démentir que je sois
antisémite, mais à agir contre l’antisémitisme. Je n’ai pas de
contact avec les communautés juives de France en tant que
telles, ni avec aucune communauté religieuse quelle qu’elle
soit, car je suis laïc et ne pense pas que les problèmes
politiques doivent se régler ainsi.
Une explication est ici
nécessaire. Mes convictions humanistes me conduisent à condamner
identiquement toute forme de discrimination fondée sur
l’appartenance réelle ou supposée à un groupe de population. Je
condamne donc à la fois non seulement l’antisémitisme et le
sionisme, mais aussi l’amalgame entre les juifs et les crimes
perpétrés par l’État d’Israël. Or, profitant du fait que toute
personne reconnue comme juive par l’État d’Israël est éligible à
la nationalité israélienne, le mouvement sioniste tente
d’assimiler anti-sionisme et antisémitisme.
Dès sa création, en 1994, le
Réseau Voltaire a combattu toutes les formes d’intolérance. Il y
avait unanimité entre nous lorsque nous avons mené campagne
contre les idées racistes de l’extrême droite. Dans l’affaire du
DPS (Département protection sécurité), nous avons pris de grands
risques, travaillé avec l’ambassade d’Israël et suscité une
commission d’enquête parlementaire. Jean-Marie Le Pen et le
Front national m’ont poursuivi en justice avec le Réseau
Voltaire parce que j’avais évoqué la préparation d’une « nuit de
cristal ». Aucun avocat n’ayant accepté de nous défendre, j’ai
plaidé moi-même ma défense. J’ai gagné. Cependant, tout a changé
lorsque, à partir de 1999, nous avons étendu notre action à
l’étranger. J’ai eu la surprise de constater que certains de nos
administrateurs, sincèrement engagés dans la lutte contre le
racisme, défendaient des principes opposés lorsqu’il s’agissait
du Proche-Orient. Là-bas, ils se satisfaisaient très bien de
l’apartheid israélien. Notre conseil d’administration est devenu
un champ de bataille. En définitive, les administrateurs
sionistes ont été mis en minorité. Ils ont démissionné, les uns
après les autres, non sans insulter avec un acharnement
particulier un de nos administrateurs qui est juif antisioniste.
Ils ont répandu, via Internet, des calomnies contre lui dans
l’espoir de ruiner son entreprise, ce qu’ils ne sont pas
parvenus à faire.
Dans la situation politique
internationale actuelle, je pense que le meilleur moyen d’agir
contre l’antisémitisme, c’est de dénoncer la prétention
illégitime de l’État d’Israël à représenter les juifs dans leur
ensemble et à les rendre responsables des crimes du sionisme. Je
l’écris de manière récurrente dans mes articles.
ReOpen911 :
Vos 2 livres
L’Effroyable Imposture puis
Le
Pentagate ont permis d’amorcer le débat et
suscité une énorme controverse sur le sujet. Ils ont aussi eu
pour conséquence de vous disqualifier dans tous les médias
dominants : votre nom ne peut plus être prononcé sans que se
déchaînent des passions le plus souvent irrationnelles ; vous
êtes devenu une sorte de « pestiféré » du journalisme à tel
point que nous ne pouvons plus vous citer sans prendre le risque
de devenir inaudibles. Avec le recul de ces 6 années,
changeriez-vous de stratégie si vous aviez à réécrire ces livres
et modifieriez-vous votre argumentaire ?
Thierry
Meyssan : Non, je ne changerais rien du tout.
Beaucoup de gens me disent que
mes livres sont mal écrits, que mon travail n’était ni fait, ni
à faire, et que si j’avais suivi leurs conseils il en serait
autrement. Toutefois aucun d’entre eux n’a fait quoi que ce soit
pour faire éclater la vérité. La stratégie que j’ai choisie
était la seule que j’étais capable de mettre en œuvre. Je l’ai
fait et je l’assume. Je suis fier d’avoir ouvert cette polémique
et d’avoir ouvert les yeux de centaines de millions de gens.
J’en paye le prix, c’est normal. On ne peut pas défier le plus
grand empire de l’Histoire sans conséquences.
Au demeurant, si je suis un
« pestiféré du journalisme », comme vous dites, dans les pays de
l’OTAN, il n’en est pas de même ailleurs où l’on m’attribue au
contraire des distinctions.
ReOpen911 :
L’attaque sur le Pentagone reste l’un des sujets
les plus mystérieux du dossier du 11/9 ; la théorie du missile
que vous avez soutenue avec Pierre Henri Bunel, reste d’ailleurs
très débattue à l’intérieur même du Truth Movement et jusqu’au
sein de ReOpen911 également. De nombreux membres (du Forum ou de
l’association) continuent de réfléchir à ce sujet, quelle est
votre opinion sur ce sujet précis aujourd’hui ? A-t-elle évoluée
ces dernières années ? Dans les deux cas, pourquoi ?
Thierry
Meyssan : Dans L’Effroyable Imposture 1,
je me suis contenté de noter que l’explication gouvernementale
de ce qui s’est passé au Pentagone est idiote. À l’évidence
aucun avion de ligne ne s’est écrasé à cet endroit. C’est ce
point qui était important pour moi, car la théorie du Boeing a
été utilisée par les États-Unis pour justifier devant le Conseil
de sécurité de l’ONU l’attaque de l’Afghanistan.
J’ai été très étonné des
réactions. Particulièrement lorsque j’ai lu le dossier du
Monde assurant avec force vocabulaire
scientifique qu’il est parfaitement normal qu’un avion se
dématérialise. Je ne pensais pas que des gens éduqués nous
feraient le coup du « Pentagone des Bermudes ». Je trouve plus
subtil le travail de Pilar Urbano en Espagne. Cette célèbre
journaliste a préféré reconnaître l’évidence et broder sur de
possibles motifs de Sécurité nationale qui auraient obligé
l’administration Bush à mentir sur ce point. De cette manière,
elle a élaboré un argumentaire pour concilier la réalité avec le
mythe du complot islamique mondial.
En définitive, j’ai proposé la
théorie du missile lors de
la conférence que j’ai présentée aux ambassadeurs de la Ligue
arabe à Abou Dhabi. Je l’ai développée dans Le Pentagate,
dont Pierre-Henri Bunel a bien voulu rédiger un chapitre. Je
suis ouvert à toute autre hypothèse, mais pour le moment,
celle-ci est la seule crédible.
ReOpen911 :
Que pensez vous du mouvement pour la vérité sur
le 11-Septembre aujourd’hui et quel avenir lui voyez-vous ?
Comment évaluez-vous ses chances d’aboutir dans son combat ?
Quel conseil de stratégie donneriez-vous au Truth Movement ?
Thierry
Meyssan : Je suis enthousiasmé en voyant des citoyens
de divers pays occidentaux, de plus en plus nombreux, refuser de
gober la propagande impériale et chercher à se faire par
eux-mêmes leur opinion sur les choses. C’est le signe d’une
renaissance démocratique. Je ne m’étonne donc pas que le système
ne cesse de minimiser leur action ou de les faire passer pour
des cinglés. C’est le lot normal des dissidents dans les
systèmes totalitaires.
Ce mouvement ne pourra aboutir
que lorsqu’il aura terminé sa révolution copernicienne. Il y a
beaucoup de gens qui continuent à croire que les institutions
des États-Unis sont démocratiques et que le problème actuel est
un incident de parcours imputable à la seule administration
Bush. Je pense que c’est malheureusement faux et que nous devons
affronter un impérialisme prédateur pour lequel tous les coups
sont permis. Le 11-Septembre n’est pas un incident de parcours,
c’est la nature même du système poussée à son paroxysme.
Cela dit, je m’interdis de
donner des conseils à quiconque, car je ne sais pas ce qu’il en
coûterait à chacun de les appliquer. Je m’efforce quant à moi de
persévérer et de pousser toujours plus loin l’analyse politique.
ReOpen911 :
À la page 51 de L’Effroyable Mensonge
de MM. Dasquié et Guisnel, on apprend que ce
H.M.-V. que vous remerciez à la fin de votre livre n’est autre
qu’Hubert Marty-Vrayance, commissaire à la direction centrale
des Renseignements généraux ! D’après les deux auteurs, il
serait le « promoteur déterminé du complot, n’hésitant pas à
avancer les éléments les plus irrationnels pour convaincre ses
collègues ainsi que l’auteur ». Ce dernier s’en défend. À la
page 65, on apprend dans un entretien (4 avril 2002) qu’il dit
ne tirer ses informations qu’au travers de la presse…
Pouvez-vous nous en dire plus sur M. Hubert Marty-Vrayance, ses
idées, son rôle exact dans l’aide qu’il vous a apportée ?
Thierry
Meyssan : Hubert Marty-Vrayance était le patron des
Renseignements généraux dans la Nièvre. François Mitterrand
avait souvent recours à lui pour mener hors hiérarchie des
enquêtes sensibles. Il a pris contact avec moi, en 1990, dans le
cadre d’une de ces enquêtes. Comme il avait fini par le
connaître bien, il a été par la suite chargé par le directeur
central Yves Bertrand, de me surveiller. Nous nous rencontrions
de temps à autre et discutions afin que ses rapports sur mon
activité prennent en compte mon point de vue.
Il se trouve qu’en 2001, il
était comme moi et les deux auteurs que vous citez, membre d’une
liste de discussion sur Internet consacrée à l’actualité du
renseignement. Des centaines de professionnels y participaient,
des magistrats, policiers, militaires et journalistes. Nous
avons eu sur cette liste des échanges à propos des attentats du
11-Septembre. Il était sur la même ligne que moi. Il se peut que
sa conviction se soit appuyée sur des éléments couverts par le
secret Défense, d’autant qu’il travaillait alors au Secrétariat
général de la Défense nationale, l’organisme rattaché au Premier
ministre qui coordonne les services français de renseignement.
En tout cas, il n’en a pas fait mention dans ces échanges et
s’est borné, dans le respect de son statut, à ne citer que des
sources ouvertes (presse et rapports publics).
J’ai utilisé certaines des
références qu’il avait mentionnées et j’ai trouvé amusant de
remercier en fin d’ouvrage le fonctionnaire chargé de me
surveiller. J’ai eu tort, car au même moment les services
français ont été traversés par un regain de tension entre
atlantistes et gaullistes. Le commissaire Marty-Vrayance, qui
jouait un rôle particulier dans plusieurs services à la fois, a
été éjecté et érigé en bouc émissaire. Par la suite Nicolas
Sarkozy s’est acharné sur lui et, en tant que ministre de
l’Intérieur, l’a révoqué par décret de la fonction publique. Il
a été accusé à tort de toutes sortes de crimes et incarcéré
avant d’être blanchi de ce dont on l’accusait et d’être relaxé.
Sur procès-verbal, il a été établi que la personne qui avait
témoigné contre lui, avait menti à la demande d’un haut
fonctionnaire du ministère de l’Intérieur. Cet individu n’a pas
été sanctionné.
ReOpen911 :
Puisqu’apparemment vous avez vos entrées dans le
monde du renseignement, pourriez-vous dire quelle est la
tendance générale qui s’y dessine au sujet de la thèse
officielle ? Avez-vous connaissance de politiques ou de
journalistes qui, « en off », remettent en cause la version
officielle du complot islamiste ?
Thierry
Meyssan : On se méprend à propos de mes contacts dans
les milieux du renseignement. Il se trouve que j’ai été élevé,
adolescent, dans ce milieu. J’ai toujours connu des espions et
je me suis toujours senti à l’aise parmi eux. Je connais leurs
codes et leur dureté.
Quoi qu’il en soit, vivant
désormais hors de la zone OTAN, je n’ai pas pu poursuivre les
contacts dont je disposais dans le renseignement français. En
revanche, au cours de mes voyages, j’ai eu l’occasion de
rencontrer de très nombreux responsables du renseignement dans
d’autres pays. Vu le niveau de mes relations politiques, il est
normal que les responsables du renseignement en charge du
11-Septembre et de la politique US établissent des contacts avec
moi lorsque je me rends dans leur pays.
J’ai observé, au cours des
dernières années, que les nouveaux directeurs des principaux
services de renseignement des États non alliés à Washington
étaient souvent ceux qui avaient été en charge des enquêtes sur
le 11-Septembre et qui, par conséquent, étaient les mieux
informés sur le fonctionnement de l’empire US. En suivant les
nominations dans les bulletins spécialisés, j’ai ainsi reconnu
le nom de fonctionnaires qui étaient venu me voir lors de mes
voyages et avec qui je suis parfois resté en relation.
ReOpen911 :
Depuis des années, des dizaines de satellites
scrutent le sol depuis l’espace, 24 heures sur 24. Le temps
était dégagé aux USA ce 11 septembre 2001. Logiquement, on
devrait avoir des images satellites des détournements… Que
savez-vous à ce sujet ?
Disposez-vous d’informations précises que vous puissiez
divulguer ?
Thierry
Meyssan : Comme vous le savez, plusieurs exercices
militaires avaient lieu ce 11-Septembre aux États-Unis,
notamment une simulation d’attaque par des bombardiers
nucléaires russes via le Canada. Toutes les puissances qui ont
des moyens d’observation satellitaires avaient donc positionné
leurs matériels pour suivre l’exercice et l’analyser.
Cependant, il ne suffit pas
d’avoir des images. Il faut aussi avoir les bonnes questions
pour les interpréter. Je pense que la Russie a été l’un des
premiers États à reprendre ces images pour vérifier la version
bushienne des événements. La plupart n’ont examiné ces images
dans ce but qu’après la publication de mon livre.
Les armées s’interdisent de
diffuser des images prises par leurs satellites espions de
manière à maintenir un flou intimidant sur leurs capacités de
surveillance. Avec le temps, cet impératif disparaît. Il y a un
moment où il sera possible de les rendre publiques et où ce sera
jugé opportun de le faire.
ReOpen911 :
L’ancien chef d’état-major russe Leonid Ivashov,
participait à la conférence Axis for Peace. D’après vous,
comment se porte le mouvement du 11/9 en Russie ? Est-il toléré
voire soutenu par les autorités ? Est-il restreint à un groupe
de spécialistes (journalistes, experts) ou est-il popularisé
dans la société civile par des livres, des magazines ou des
reportages télévisés comme c’est le cas au Japon par exemple ? Y
a-t-il sur ce sujet plus de liberté en Russie qu’en France ?
Thierry
Meyssan : Le
général Ivashov était en poste le 11 septembre 2001. Avec
son état-major, il observait l’exercice militaire US quand les
attentats sont survenus. Sa première préoccupation était
d’éviter une méprise, de faire passer le message à son homologue
US que la Russie n’était impliquée dans les attentats et que la
troisième guerre mondiale n’était pas déclenchée. On sait que le
Président Vladimir Poutine n’a cessé de tenter de joindre son
homologue ce jour-là, mais que le Président George W. Bush n’a
pas répondu à ses appels, comme s’il savait à quoi s’en tenir.
Dans les jours suivants, le
général Ivashov a demandé diverses vérifications. Ses services
lui ont rapidement indiqué qu’il s’agissait d’un complot
intérieur et non extérieur. Le premier point qui les a alertés
est l’effondrement des trois tours du World Trade Center. Les
experts militaires ont rapidement conclu qu’elles étaient
piégées avec des explosifs. Je vous rapporte ici les propos du
général.
En Russie, la question du
11-Septembre continue à faire débat. En décembre dernier, alors
que je faisais une présentation audiovisuelle devant différents
responsables russes, le général Anatoly Koulikov (ancien
ministre de l’Intérieur) m’a pris à partie. Il refusait en bloc
mon travail, sans argument précis, uniquement parce que la
remise en cause du mythe du complot islamique mondial remettait
aussi en cause son traitement de la question tchétchène.
Quoi qu’il en soit, notre point
de vue est aujourd’hui celui du Président Dmitry Medvedev, du
Premier ministre Vladimir Poutine et du directeur du FSB,
Alexander Bortnikov.
Ce sujet a été largement abordé
dans les médias. J’ai participé à des émissions de radio et de
télévision à Moscou dès 2002. Cependant, le souci de maintenir
de bonnes relations avec les États-Unis poussait les hommes
politiques et journalistes russes à la prudence. Cette retenue
n’a plus lieu d’être depuis l’agression états-uno-israélienne
contre l’Ossétie du Sud, par Géorgie interposée. On pourra le
constater dans les prochaines semaines.
ReOpen911 :
L’identification de Mohammed Atta en tant qu’agent de la CIA par
la cellule Able Danger est-elle un signe de « complot interne »
(inside job) impliquant la cellule des P2OG de Rumsfeld et de
William Schneider ?
Thierry
Meyssan : Les États-Unis essayent à la fois de nous
convaincre qu’ils ont été surpris par les attentats (ce qui
explique qu’ils n’ont pas su les empêcher) et qu’ils savaient
tout d’al-Qaïda (ce qui confirme rétrospectivement le complot
islamique mondial). Ils ne cessent donc de multiplier les
informations contradictoires sur ces sujets.
Après le 11-Septembre,
Washington a essayé de donner de l’épaisseur à al-Qaïda.
Jusque-là, il s’agissait uniquement d’une appellation générique
pour désigner des mercenaires musulmans. Les hommes de ben Laden
avaient servi sous les ordres de la CIA en Afghanistan contre
les Soviétiques. On les avait vu par la suite créer la légion
arabe en Bosnie-Herzégovine, puis l’émirat de Tchétchénie. Avec
l’aide de l’Allemagne, ils avaient été intégrés à l’état-major
de l’OTAN durant la guerre du Kosovo. On les a même vu appuyer
les Géorgiens contre les Ossètes. Cependant, après le
11-Septembre, on les a désigné comme des ennemis tout en
continuant à les utiliser, mais de manière beaucoup plus
structurée. Par exemple, ici au Liban, ils ont vainement tenté
de faire jouer la solidarité sunnite et de soulever les réfugiés
palestiniens contre le Hezbollah, avant d’être écrasés au camp
de Nahr-el-Bared par l’armée libanaise, équipée par la Syrie. Ou
encore, ces jours-ci, ils essayent de mobiliser les Ouïghours en
multipliant les attentats au Xinjiang chinois. Dans tous ces
cas, les branches locales d’al-Qaïda se résument à des
mercenaires recrutés dans les milieux intégristes sunnites,
formés au Pakistan ou en Jordanie et rémunérés par le prince
Bandar d’Arabie saoudite pour le compte de la CIA ou du
Pentagone. Peu importe que ces mercenaires croient servir les
États-Unis ou les combattre. Qu’ils en soient conscients ou que
ce soit à leur insu, leur chaîne de commandement remonte à
Washington.
Simultanément, le Comité des
Six, présidé par Condoleezza Rice, a ordonné enlèvements et
tortures.
En 7 ans plus de 80 000 personnes ont été « traitées » dans les
prisons secrètes de la CIA et dans les 17 prisons offshore de la
Navy. 26 000 sont encore séquestrées.
Ces gens n’ont pas été arrêtés
et jugés par des tribunaux judiciaires à l’issue de débats
contradictoires. Ils ont été happés par une gigantesque machine
à broyer les vies. Les techniques d’interrogatoire déterminées
par le Comité des Six n’ont pas pour but d’obtenir des
informations. Elles sont fondées sur les recherches du
professeur Albert D. Biderman. Leur but est d’inculquer des
réponses aux victimes, jusqu’à ce qu’ils s’accusent de crimes
qu’ils n’ont pas commis et qu’ils en soient convaincus
eux-mêmes. Beaucoup sont réfractaires à ce lavage de cerveau,
mais vu le nombre de sujets, on dispose maintenant de quantité
d’aveux imaginaires. Des gens qui ont perdu la raison s’accusent
de tout et de n’importe quoi et sont prêts à en témoigner.
Cependant, on doit recourir à des juridictions d’exception pour
les tenir à distance de leurs avocats, car leur propos délirants
ne résistent pas à un contre-interrogatoire.
Dans ces conditions, la théorie
du complot interne et celle du complot externe se rejoignent.
Pour Washington, oser produire des aveux de cette nature, c’est
s’accuser soi-même. Paradoxalement, c’est la raison pour
laquelle les « grandes âmes » occidentales ne s’indignent pas de
ces horreurs. Bernard Henri-Lévy s’est même rendu à Guantanamo
pour jouer le témoin de moralité des tortionnaires et en a fait
un livre abject. S’ils dénonçaient cette machine, ils devraient
reconnaître qu’elle a été créée pour poursuivre l’imposture du
11-Septembre.
ReOpen911 :
Pensez-vous que le néo-conservatisme occidental
a les moyens d’atteindre ses objectifs d’hégémonie globale sur
le reste du monde ? Dans ce contexte, pensez-vous que dans la
stratégie de remodelage du grand Moyen-Orient « l’étape
iranienne » puisse être franchie avant les prochaines élections
présidentielle US ?
Thierry
Meyssan : L’empire a surdéployé ses troupes et négligé
son économie intérieure. C’est un colosse aux pieds d’argile qui
peut s’effondrer en quelques années et disparaître, comme
l’Union soviétique l’a fait.
Les États-Unis sont un prédateur
qui a besoin de guerre pour se nourrir. Mais, ils n’ont plus les
moyens de confrontations d’envergure. Ils ne peuvent plus se
permettre d’attaquer l’Iran et ils ont laissé tomber la Géorgie.
Comme
je l’ai expliqué dès la fin 2007, le tandem Bush-Cheney a
perdu la main. Les forces armées des États-Unis obéissent
désormais à un groupe d’officiers supérieurs réunis autour du
secrétaire à la Défense Robert Gates. Ces mutins ont
parfaitement conscience que l’attaque de l’Iran serait
l’aventure de trop. Ils s’y sont opposés et ils s’y opposeront.
Le projet de remodelage du Grand
Moyen-Orient était de toute manière voué à l’échec depuis la
défaite israélienne au Liban, comme je l’ai expliqué dans
L’Effroyable Imposture 2.
ReOpen911 :
Vous avez quitté la France en affirmant que
votre sécurité n’était plus assurée ; peut-on en conclure que
sous la présidence de M. Chirac vous aviez bénéficié d’une
protection que le nouveau Président n’a pas souhaité maintenir ?
Thierry
Meyssan : Correct.
ReOpen911 :
Votre sécurité est-elle bien assurée
aujourd’hui ? Quelle est aujourd’hui votre liberté de
mouvement ?
Thierry
Meyssan : Je fais attention à ne pas entrer dans la
zone OTAN et à ne pas prendre de compagnies d’aviation de pays
de l’OTAN. Washington surveille néanmoins mes allées et venues
et me le rappelle quand cela est possible. Par exemple, il y a
quelques mois, j’ai été brièvement interpellé par la police à
Vienne, alors que l’Autriche est un État neutre, afin de relever
sur mon passeport l’ensemble de mes visas et les dates de mes
déplacements.
Le risque est permanent. En
décembre, la police vénézuélienne m’a évacué en force lors d’une
conférence dans un ministère pour éviter qu’il ne m’arrive
malheur. Je ne vous en dirai pas plus : pour être efficaces, les
mesures de sécurité ne doivent pas être discutées en public.
ReOpen911 :
Comment expliquez-vous que les champions
français de la défense des droits de l’homme, toujours prêts à
voler au secours d’un Redeker ou d’un Sifaoui, ne se soient
jamais prononcés sur votre départ forcé, et pourquoi avoir
préféré partir plutôt que de médiatiser les menaces qui pèsent
sur vous ?
Thierry
Meyssan : Les gens auxquels vous faites allusion ne
défendent pas les droits de l’homme. Ils instrumentalisent cet
idéal pour défendre la puissance dominante. Je n’attends rien
d’eux.
Normalement, j’aurais dû à la
fois porter plainte pour menaces de mort proférées par des
fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions et ameuter les
médias. Mais ces fonctionnaires se considèrent en service
commandé et les médias ne cessent de me traiter de paranoïaque.
J’ai pris la décision de m’exiler en pensant avoir du temps
devant moi. J’ai commencé à boucler mes affaires sans me
presser. Puis j’ai compris que cela devenait dangereux. J’ai
appelé mes amis à l’aide. Les premiers à m’avoir répondu sont
des Syriens. J’ai fait mes bagages et je suis parti à Damas. En
définitive, je viens de me fixer à Beyrouth.
ReOpen911 :
Votre article explosif de juillet 2008 dans lequel vous
revisitez la fabrication de M. Sarkozy par les services US
est une attaque frontale violente. Une démonstration implacable
de qui gouverne la France ! Faut-il comprendre que vous livrez à
M. Sarkozy un combat à mort, et que votre retour d’exil est
impossible tant qu’il sera au pouvoir ?
Thierry
Meyssan : Mon retour ne sera pas possible tant que la
France sera aux mains de traîtres.
ReOpen911 :
Le CSIS (Center for Strategic and International
Studies) de Ray Clyne (ancien patron de Christine Lagarde,
actuelle ministre de l’Économie) est-il un outil d’entrisme et
d’ingérence dans la souveraineté de la France ? Le traité
européen dit simplifié (ou encore « mini traité ») a-t-il pour
but de détruire les institutions françaises et de lui ôter sa
capacité de vote au Conseil de sécurité de l’ONU ?
Thierry
Meyssan : Le
CSIS est un think-tank états-uno-saoudien, lié à la famille
Bush. Nous lui devons
Christine Lagarde qui fait aujourd’hui rédiger les notes de
ses collaborateurs à Bercy en anglais et coupe les ailes de
l’industrie française.
Le maxi traité européen présenté
par Nicolas Sarkozy visait en premier lieu à poursuivre la
transformation de l’Union européenne en une zone de libre
échange toujours plus vaste, tout en la diluant politiquement.
Puis, à rendre ses institutions compatibles avec celles de
l’Accord de libre-échange nord-américain, [l’ALENA], en vue
d’une fusion ultérieure au sein d’un vaste marché
transatlantique, politiquement dominé par Washington.
Même si ce projet est pour le
moment interrompu,
des institutions transatlantiques fonctionnent déjà, hors traité.
Ainsi en est-il des
centaines d’enlèvements perpétrés par la CIA dans l’Union
européenne au cours des dernières années avec
l’assentiment du Conseil européen et parfois la complicité
active des gouvernements européens.
Washington ordonne, les gouvernements européens obéissent au
mépris de leurs lois nationales. La France de Chirac a
résisté à cet asservissement, aucun cas d’enlèvement n’est connu
durant ses mandats. Il n’en est pas de même avec la France de
Sarkozy : voyez
l’enlèvement en plein Paris de Mohammed As-Siddik en mars
dernier, sans aucune réaction du gouvernement français. De
même, l’Assemblée transatlantique, qui n’a aucune base
juridique, a commencé ses travaux. À titre expérimental des
députés délégués par le Parlement européen ont siégé l’an
dernier avec des membres du Congrès états-unien dans une
assemblée d’opérette.
Comprenez bien : depuis le
rapport Wolfowitz de 1991, les États-Unis considèrent comme une
priorité d’empêcher l’Union européenne d’entrer en compétition
avec eux. Ils acceptent qu’elle soit un géant économique, mais
veulent la tailler comme un bonzaï et en faire un nain
politique.
ReOpen911 :
Pensez-vous que la sortie des USA du traité ABM,
juste après le 11-Septembre soit une coïncidence ou peut-il
s’agir d’un des objectifs des attentats ? Cette obsession
flagrante est visible dans le PNAC et perdure depuis la création
de l’IDS de Reagan. Delmart Vreeland en parle lors d’un
entretien avec Mike Ruppert, mais sans connaître la portée
stratégique du bouclier anti-missiles. Cette initiative
stratégique de défense est-elle constitutive d’un retour de la
guerre froide et présage-t-elle d’un futur affrontement
USA-Europe contre Russie-Chine ?
Thierry
Meyssan : Bien sûr, la sortie du traité ABM se situe
dans le projet du PNAC et dans la logique des attentats du
11-Septembre. Ceux-ci ont d’ailleurs été évoqués pour rompre
unilatéralement le traité.
Bien que MM. McCain et Obama
soient partisans d’un affrontement avec la Russie, je ne pense
pas que les États-Unis en aient les moyens. Comme on vient de
l’observer dans le Caucase, ils ont sous-estimé leur
compétiteur.
Washington pensait que malgré le
redressement économique russe, Moscou n’avait pas retrouvé les
moyens de sa puissance. Certes ses troupes spatiales et
aériennes sont remarquables, mais sa marine est faible et son
armée de Terre ne s’est pas relevée de l’effondrement de l’URSS,
assurait-on. La Géorgie n’étant pas membre de l’OTAN, Washington
a sous-traité son encadrement militaire à Israël. Un Israélien a
été nommé par le Président Saakashvili, ministre de la Défense.
Il a équipé l’armée géorgienne d’armes israéliennes et des
sociétés israéliennes sont venues dispenser une formation aux
militaires géorgiens. Il y a deux semaines, les Israéliens se
sont retirés de manière à pouvoir nier toute responsabilité dans
l’attaque, à défaut de pouvoir la nier dans sa préparation.
Moscou a informé Washington des préparatifs géorgiens et a
demandé à l’administration Bush de retenir ses alliés. Mais la
Maison-Blanche, sûre de son coup, a donné un feu vert à
Saakashvili. Les troupes géorgiennes, appuyées par 2 500
mercenaires, ont attaqué l’Ossétie du Sud et massacré 1 600
personnes. Les Russes, qui se tenaient prêts, sont immédiatement
venus rétablir l’ordre en vertu des accords internationaux. Ils
ont pris le contrôle de la totalité du pays en quelques heures,
s’abstenant de prendre Tbilissi pour ne pas donner l’impression
d’annexer le pays. C’est une nouvelle défaite militaire pour les
conseillers israéliens (il s’agit des généraux qui ont perdu la
guerre de 2006 contre le Liban) et une première défaite
politique pour les États-Unis. Le vent est en train de tourner.
L’extension de l’OTAN à l’Est
est une menace pour la paix. Cette organisation aurait dû être
dissoute en même temps que le Pacte de Varsovie. Bush père en
avait pris l’engagement auprès de Mikhaïl Gorbatchev. C’est sa
conseillère de l’époque, Condoleezza Rice qui a manigancé ce
marché de dupes. Elle a organisé la réunification allemande de
sorte que l’Allemagne de l’Est est entrée dans l’OTAN sans avoir
à le dire. Puis, elle a orchestré le glissement à l’Est.
Les États-Unis n’ont pas cessé
d’attaquer la Russie depuis la fin de l’Union soviétique. Ils
ont cherché à la démanteler à son tour en créant l’émirat de
Tchétchénie (qui a servi de modèle à celui des Talibans en
Afghanistan), ils ont organisé son pillage économique par des
oligarques, ils l’ont encerclée via l’OTAN, ils la menacent avec
des missiles offensifs joliment nommés « bouclier » par leur
propagande, ils détournent les voies d’acheminement des
hydrocarbures pour qu’elles s’éloignent du territoire russe,
etc. À n’en pas douter, l’amputation de la Serbie et la création
artificielle d’un Kosovo sous tutelle de l’Union européenne
auront été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Cela
aura montré que la guerre de l’OTAN au Kosovo était bien une
guerre de conquête, et que les Européens comme les États-uniens
et Israël se moquent du droit international et de la
souveraineté des peuples.
ReOpen911 :
M. Meyssan, merci pour ces réponses.
Désirez-vous apporter des précisions ou aborder un dernier point
en conclusion ?
Thierry
Meyssan : Je suis heureux de cet échange et vous invite
à le renouveler si vous continuez à vous interroger sur les
prises de position que m’attribuent les médias. Je serai heureux
de les préciser, de les expliquer et de lever de possibles
malentendus.
Nous sommes peu nombreux à nous
battre pour la vérité. Nous devons veiller à ce que la
propagande de l’empire du mensonge ne nous divise pas. Au-delà
de cette impératif stratégique, j’attache d’autant plus
d’importance à votre opinion que j’ai de l’admiration pour votre
action.
Seconde partie :
Un humaniste dans la Résistance