|
Centre Palestinien
d'Information
Hamas : son histoire de l'intérieur (50)
Photo CPI
Lundi 12 octobre 2009
Dr. Azzam Tamimi
L’ouvrage
Hamas : Son histoire de l’intérieur
de Dr. Azzam Tamimi s’inscrit dans
une volonté de montrer au monde la vision du mouvement du
Hamas et d’expliquer ainsi son développement. Le département
français du Centre Palestinien d’Information (CPI) a donc
jugé intéressant d’en présenter ici la traduction complète,
diffusée régulièrement en de nombreuses parties.
Hors de la Jordanie (10)
L’affaire
Ghosheh
L’avion qatari transportant Ibrahim Ghosheh atterrit à Amman
l’après-midi du jeudi 14 juin 2001. Lorsqu’il montra son
passeport, il lui fut demandé d’attendre. Un officier s’approcha
de lui et lui demanda de le suivre. Il fut placé en détention
dans une salle du département d’immigration de l’aéroport. Un
lit et un matelas furent apportés dans ce qui allait finalement
être sa cellule de prison pour les deux semaines suivantes. Au
début, les Jordaniens voulaient remettre Ghosheh dans l’avion
qatari et le ramener au Qatar. Le capitaine refusa de
l’autoriser à bord, insistant à dire qu’il avait des
instructions strictes de son gouvernement. L’avion fut alors lui
aussi retenu, et resta pendant deux semaines à l’aéroport
international Queen Alia.
Ghosheh fut sujet à un traitement étrange. Pendant une semaine,
il ne lui fut pas permis de changer de vêtements. Ses bagages
furent laissés là où les bagages des passagers arrivants
attendent d’être remis. Ghosheh décrivit le premier jour qu’il
passa en détention à l’aéroport :
« Le jour de mon arrivée, ma famille m’attendait. Ils ont
attendu cinq heures, puis sont rentrés à la maison. J’ai demandé
la permission de les téléphoner à la maison, mais on me l’a
refusé. Les journaux m’étaient interdits et il n’y avait pas de
télévision. J’avais une radio, mais ils ont pris ses piles. Mes
gardes étaient des agents du DRG et des hommes de la Sécurité
Préventive. J’ai glissé mon téléphone portable dans ma poche et
ai demandé d’aller aux toilettes. Un des gardes m’a suivi et a
insisté pour que la porte des toilettes reste ouverte. Il était
tout juste à deux mètres de moi. J’ai fait coulé l’eau et ai
appelé chez moi. Je lui ai dit d’une voix calme que j’étais OK,
et qu’ils ne devaient pas s’inquiéter à mon sujet. J’ai éteint
le portable, l’ai mis dans ma poche et suis sorti comme si de
rien n’était. Ça a été ma première communication. Puis j’ai fait
deux autres appels à l’aube, lorsque les gardes somnolaient. La
porte était ouverte, et l’un d’entre eux était assis sur une
chaise juste devant moi, mais j’ai parlé en dessous de la
couverture. J’étais content de pouvoir rassurer ma famille pour
lui dire que j’allais bien ».
A la surprise de Ghosheh, les autorités prétendirent que sa
nationalité jordanienne avait déjà été révoquée. Le ministre de
l’information jordanien Salib Al-Qallab dit aux journalistes et
aux observateurs concernés que Ghosheh n’avait pas été autorisé
à l’intérieur parce qu’il n’était plus un citoyen jordanien. Il
s’avéra que peu après la déportation des officiels du bureau
politique du Hamas, le gouvernement jordanien leur retira leur
nationalité, et le droit de leurs familles à la nationalité
jordanienne avait aussi été annulé. Les autorités voulaient que
Ghosheh quitte le pays volontairement, mais il était inflexible
sur la question : la Jordanie, c’était chez lui, et aucune force
sur terre ne pouvait le forcer à en sortir. Un officier du DRG
connu sous le nom d’Abu Thamir conduisit une grande partie de
l’interrogatoire. C’était le même officier qui avait traité avec
Ghosheh lorsqu’il fut arrêté et détenu aux quartiers généraux du
DRG en 1997. Il vint à minuit le jour de l’arrivée de Ghosheh de
Doha, puis l’interrogea chaque jour de la première semaine, ou
environ. Il venait à différents moments : parfois
l’interrogatoire commençait à minuit, parfois juste avant l’aube
et parfois à midi. La privation de sommeil était clairement
l’objectif. Il menaça Ghosheh, lui disant que s’il ne quittait
pas la Jordanie volontairement, sa nationalité et les
nationalités des membres de sa famille seraient révoquées à
jamais. Parfois, il menaça de déporter Ghosheh à l’autre bout de
la terre.
Après une semaine, Abu Thamir montra des signes de fatigue.
Ghosheh fut emmené vers une autre pièce et fut autorisé à
prendre ses biens, mais son téléphone portable fut découvert et
confisqué. Abu Thamir vint le voir l’après-midi du mercredi 20
juin pour lui dire de s’attendre à un appel téléphonique du
ministre des affaires étrangères yéménite. Ghosheh sentit une
ruse et décida de ne pas accepter d’appels téléphoniques. Il
avait été en isolement total et ne savait pas ce qui se passait
autour de lui dans le monde extérieur. Son évaluation était que
s’il parlait au ministre des affaires étrangères yéménite et
qu’il recevait une invitation de lui à se rendre au Yémen, cela
serait mal de sa part de refuser, comme le Hamas avait une bonne
relation avec le Yémen. D’autre part, accepter l’invitation
signifierait que son combat aurait été vain, et qu’il avait
choisi volontairement d’abandonner sa tentative de rentrer chez
lui. Le jour suivant, Abu Thamir vint avec un officiel du DRG
supérieur à lui, menaçant encore une fois Ghosheh de le forcer à
partir en avion s’il n’acceptait pas de s’en aller, et d’être
déporté au point le plus distant de la terre. Ils affirmèrent
qu’il ne pouvait entrer en Jordanie, car la décision de
l’exclure venait du plus haut niveau de l’autorité. Il
répondit : « J’ai tout droit d’être dans mon pays. Laissez-moi
entrer, et si vous avez quoi que ce soit contre moi,
poursuivez-moi en justice ».
Durant la période que Ghosheh passa à l’aéroport Queen Alia,
tout le monde arabe suivit le cours de son aventure avec grand
intérêt. Il se trouvait dans les titres de l’actualité tous les
jours et devint de ce fait un feuilleton quotidien. Entre-temps,
divers gouvernements arabes cherchaient activement une
résolution à la crise, alors que la Ligue Arabe au Caire annonça
qu’elle travaillait avec la Jordanie et le Qatar pour trouver
une solution. Le secrétaire général de la Ligue Arabe, Dr. Amr
Moussa, parla d’une proposition de la Libye d’envoyer Ghosheh
hors de la Jordanie. Entre-temps, à Gaza, Sheikh Yassine appela
le roi Abdullah à permettre à Ghosheh de rester. Pour les
autorités jordaniennes, toutefois, l’affaire était claire : tant
qu’il ne renonçait pas à ses liens avec le Hamas, il ne serait
pas autorisé dans le pays. Le Hamas recueillit une fois encore
de la sympathie et du soutien à travers la région et au-delà.
Pendant toute la durée de l’affaire, la branche des relations
publiques du Hamas oeuvra inlassablement pour sa cause et pour
garder en vie l’intérêt public pour le malheur de ceux de ses
leaders qui avaient été chassés de leur propre pays. Tout ce que
Ghosheh avait besoin de faire était de rester persévérant, et
c’est ce qu’il fit. Pour ceux qui le connaissaient, ce n’était
pas une surprise. C’est un homme très têtu : plus on lui met la
pression, plus il endure.
Hamas: son histoire de
l'intérieur (49)
Hamas: son histoire de
l'intérieur (51)
Traduction réalisée
par le Centre
Palestinien d’Information (CPI)
|