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Centre Palestinien
d'Information
Hamas : son histoire de l'intérieur (21)
Photo CPI
Dimanche 15 mars 2009
Dr. Azzam Tamimi
L’ouvrage
Hamas : Son histoire de l’intérieur
de Dr. Azzam Tamimi s’inscrit dans
une volonté de montrer au monde la vision du mouvement du
Hamas et d’expliquer ainsi son développement. Le département
français du Centre Palestinien d’Information (CPI) a donc
jugé intéressant d’en présenter ici la traduction complète,
diffusée régulièrement en de nombreuses parties.
En Jordanie (1)
Non pas une relation saine : une relation
avec apathie.
- Khaled Mechaal
La perte du Koweït
Lorsque Saddam Hussein envoya ses soldats au Koweït le 2 août
1990, de nombreux résidents du Koweït étaient à l’extérieur du
pays, cherchant refuge de sa chaleur étouffante dans des lieux
ayant des climats plus frais et plus appréciables. Parmi ceux
qui s’étaient rendus à la capitale jordanienne Amman cet été,
pour jouir du temps modéré et rencontrer des amis et des parents
de partout dans le monde, il y avait des figures clés du
mouvement palestinien naissant du Hamas. Le Koweït avait été
jusqu’ici leur base principale d’opération. Les nombreux comités
de soutien mis en place depuis le début de l’Intifada en 1987
étaient soit situés au Koweït, soit supervisés de là. Peu de
temps s’en fallut pour que ces Palestiniens réalisent que
l’entreprise de Saddam avait donné un coup très dur à leur
projet.
Le Koweït avait été un refuge sûr et un lieu confortable pour
vivre et travailler. C’était de loin le pays arabe le plus
favorable à une capacité d’un mouvement politique à conduire ses
affaires dans la sécurité et la confiance. Ses habitants
jouissaient de plus de liberté que dans tout autre pays dans la
région et l’élite intellectuelle au sein de sa population était
très compréhensive des causes nationales arabes, notamment celle
de la Palestine. En outre, le Koweït avait une des populations
palestiniennes les plus larges et les plus prospères à
l’extérieur de la Palestine et de la Jordanie. Environ un demi
million de Palestiniens vivaient là, de nombreux avaient des
emplois prestigieux, sûrs et bien rémunérés. Des milliers de
familles en Palestine et dans les camps de réfugiés de la
Jordanie, de la Syrie et du Liban dépendaient réellement des
transferts de leurs fils et filles travaillant au Koweït. A
travers les années 1980, les Ikhwan palestiniens étaient devenus
si populaires qu’une grande partie des fonds soulevés par des
ONG du Koweït pour la Palestine étaient envoyés par les
associations qu’ils avaient mises en place. La population très
religieuse du Koweït voyait dans le Hamas, lorsqu’il émergea, la
réelle alternative à une OLP corrompue et ruinée.
Après l’invasion, toutefois, nombreux sont ceux qui perdirent
leurs emplois, et des Palestiniens qui avaient été à l’extérieur
du pays lors de l’invasion se virent refusés d’y retourner. Le
Koweït suspectait plusieurs de ses résidents palestiniens
d’avoir collaboré avec Saddam Hussein, et la vie au Koweït
devint de plus en plus difficile. Face à la nouvelle réalité,
les leaders du Hamas n’avaient d’autre option que de mettre en
place une nouvelle opération en Jordanie. Là, la monarchie
hachémite avait opté pour le soutien à Saddam Hussein, dans une
position qui n’était pas du tout en contradiction avec le
sentiment populaire en Jordanie. Le peuple jordanien ne voyait
pas Saddam Hussein comme un agresseur qui avait occupé un pays
voisin et l’avait déchiré, mais comme quelqu’un qui avait défié
les Etats-Unis et Israël. Les Ikhwan de Jordanie, renforcés par
le nombre de sièges considérable qu’ils avaient remportés au
parlement jordanien lors des élections de novembre 1989,
menèrent des manifestations contre les menaces d’intervention
des Etats-Unis contre l’Irak. Ils jouèrent aussi un rôle majeur
dans l’établissement d’une délégation panislamique dont la
mission était de servir d’intermédiaire entre l’Arabie Saoudite
et l’Irak dans l’espoir de résoudre la crise de manière
pacifique.
Les Ikhwan en Jordanie offrirent leur soutien total à leurs
frères expropriés du Hamas, mettant leurs propres bureaux à la
disposition du Hamas jusqu’à ce que le Hamas puisse installer
leurs propres nouveaux quartiers généraux. Il y avait des
avantages en Jordanie pour le Hamas. Bientôt, il sembla que la
perte du Koweït fut compensée par l’acquisition d’un nouvel
emplacement, logistiquement et démographiquement plus favorable
pour les objectifs du Hamas. En Jordanie, les employés du Hamas
étaient à quelque pas de la véritable scène des opérations en
Palestine. Une majorité de Jordaniens étaient eux-mêmes à
l’origine des Palestine, d’origine palestinienne, ou avaient des
liens directs avec la Palestine. Il n’allait y avoir de manque
de recrues si le mouvement avait besoin de plus d’employés. Les
Jordaniens soutenaient avec force la cause palestinienne, la
considérant comme leur. De plus, la Jordanie était un des
quelques pays arabes où se trouvait un personnel qualifié et
expérimenté dans tous les domaines, dont la première priorité
serait de servir la cause palestinienne.
Les membres du Tanfidhi, le bureau exécutif du Hamas qui
conduisait les opérations à l’extérieur de la Palestine, avaient
principalement vécu et travaillé au Koweït jusqu’à l’invasion
irakienne. Après le déplacement vers Amman, leur première tâche
fut de rassembleur leur ancienne équipe, ou de recruter un
nouveau personnel d’entre les rangs des Ikhwan jordaniens. Le
Hamas n’employait que des employés qui étaient déjà des membres
des Ikhwan, et seulement après avoir passé son propre processus
de contrôle. La figure clé du Tanfidhi était Moussa Abu Marzouq,
qui résidait toujours aux Etats-Unis. Il se déplaça pour Amman
en septembre 1990 pour être avec le reste du groupe. Après son
retour d’un bref voyage à l’étranger environ un mois plus tard,
les autorités jordaniennes lui refusèrent l’entrée, car il
n’était pas un ressortissant jordanien et il n’avait pas de
permis de résidence. Lui et ses collègues avaient l’intention de
tirer profit des circonstances prédominantes en Jordanie pour
rassembler en un endroit tous les officiels en charge des
comités de soutien attachés au Tanfidhi, et il ne pouvait y
avoir de meilleur endroit que de l’autre côté du fleuve de la
Palestine. L’exclusion d’Abu Marzouq indiquait que les autorités
en Jordanie avaient commencé à contrôler les activités du Hamas
dans leur capitale. Abu Marzouq n’eut d’autre choix que de
retourner aux Etats-Unis.
Cependant, le climat en Jordanie était en général très
convenable pour le genre d’opération que le Hamas souhaitait
entreprendre. Comme la construction de la coalition dirigée par
les Etats-Unis était presque terminée et que l’attaque contre
l’Irak semblait imminente, l’atmosphère en Jordanie devint plus
favorable à l’idée du djihad. De fait, il y avait un état
d’urgence en raison de la menace perçue pour la Jordanie
d’Israël. La population était encouragée à acquérir des armes
pour s’auto-défendre dans le cas où la guerre anticipée se
retrouvait en Israël, ce qui impliquerait alors la Jordanie,
prise en tenaille entre Israël et l’Irak. L’armée jordanienne
ouvrit ses camps d’entraînement au public et déploya ses
missiles sol-air le long de ses frontières occidentales. En
dépit du danger se dessinant à l’horizon, il y avait une
sensation de joie et une excitation, car peut-être le pays
allait-il enfin s’engager dans un affrontement réel avec les
Israéliens. Il était difficile de trouver un Jordanien qui ne
brûlait d’envie de combattre Israël.
Travaillant clandestinement à partir des bureaux des Ikhwan
jordaniens à Amman, et avec la connaissance d’une poignée de
hauts leaders locaux des Ikhwan tout au plus, le Hamas mit en
place un comité pour l’acquisition d’armes. La tâche du comité
était d’acheter des armes et de les stocker jusqu’à ce que les
circonstances leur permettent de les passer en contrebande en
Palestine pour que le Hamas s’en serve. La logique était
simple : comme les gens tout autour s’armaient et poursuivaient
un entraînement militaire, une telle occasion en or devait être
exploitée au mieux. Toutefois, la lune de miel entre le Hamas et
la Jordanie allait vite venir à son terme. Dans les premières
heures du 17 janvier 1991, l’alliance dirigée par les Etats-Unis
de près de trente pays lança des attaques aériennes, lançant
l’“Opération Tempête du Désert”, dont l’objectif était de
libérer le Koweït des soldats irakiens. L’attaque terrestre
commença le 24 février. Vers le 28 février, les soldats irakiens
étaient repoussés en Irak et étaient en déroute totale lorsqu’un
cessez-le-feu fut déclaré par les Etats-Unis. Le 3 mars, la
guerre prit fin avec un accord entre les commandants irakiens et
alliés. Une atmosphère de tristesse et de perte remplaça le
sentiment de joie et l’excitation. La défaite humiliante de
l’Irak donna un coup douloureux aux Jordaniens, ainsi qu’aux
Palestiniens. Ce n’était pas que Saddam tait cru lorsqu’il
déclarait qu’il pouvait remporter une guerre avec les
Etats-Unis. Toutefois, nombreux étaient ceux qui, à l’instar
bien sûr de Saddam lui-même ainsi que du roi Hussein de
Jordanie, continuèrent jusqu’à la dernière minute de se
permettre de penser et de désirer que les Américains n’allaient
peut-être jamais attaqués.
La situation revint vite à la normale. La marge de liberté
permise par les autorités lorsque le peuple était mobilisé se
réduisit petit à petit. Les services de renseignements
jordaniens poursuivirent leurs activités, qui avaient
apparemment été suspendus alors que l’esprit de guerre qui avait
dominé les quelques mois précédents persistait. Dès que la guere
prit fin dans le Golfe, les autorités en Jordanie découvrirent
le réseau de membres du Hamas qui achetaient et stockaient des
armes. Onze employés du Hamas furent arrêtés et détenus. Sentant
le danger, certaines des figures majeures dans le Tanfidhi
quittèrent immédiatement le pays. Suite à la suggestion de
Moussa Abu Marzouq, certains de ceux qui travaillaient
étroitement avec le comité politique se rendirent à Washington
DC pour le rejoindre. Son député Khaled Mechaal, qui était en
charge du soutien logistique pour le Hamas à l’intérieur de la
Palestine, se rendit à Londres, dont il fit sa base d’opérations
pendant plusieurs mois.
Hamas: son histoire de
l'intérieur (20)
Hamas: son histoire de
l'intérieur (22)
Traduction réalisée
par le Centre
Palestinien d’Information (CPI)
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