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Centre Palestinien
d'Information
Hamas : son histoire de l'intérieur (22)
Photo CPI
Samedi 21 mars 2009
Dr. Azzam Tamimi
L’ouvrage
Hamas : Son histoire de l’intérieur
de Dr. Azzam Tamimi s’inscrit dans
une volonté de montrer au monde la vision du mouvement du
Hamas et d’expliquer ainsi son développement. Le département
français du Centre Palestinien d’Information (CPI) a donc
jugé intéressant d’en présenter ici la traduction complète,
diffusée régulièrement en de nombreuses parties.
En Jordanie (2)
Héberger le Hamas
Entre-temps, les Ikhwan jordaniens, qui tenaient cinq ministères
dans le cabinet jordanien et étaient dans leur deuxième année de
partage de pouvoir, s’efforcèrent d’assurer la libération des
membres du Hamas arrêtés, dont nombre d’entre eux avaient en
fait été recrutés de l’organisation locale des Ikhwan. Leur
objectif était de décharger la crise qui s’était produit entre
eux et le régime hachémite à cause de la confrontation entre le
Hamas et les autorités jordaniennes. L’ancien leader du groupe
parlementaire des Ikhwan feu Ahmad Qutaysh Al-Azaydah, une des
figures le plus hautement respectées et les plus populaires en
Jordanie, fit en sorte qu’Ibrahim Ghosheh, le représentant du
Hamas à Amman, rencontre le premier ministre Zayb bin Shakir.
Lors de la rencontre, Ghosheh requit la libération des détenus.
Une semaine plus tard, Ghosheh discuta du sujet avec Mustafa Al-Qaysi,
le directeur du Directorat des Renseignements Généraux
Jordaniens (DRG). Al-Qaysi souleva la question de la découverte
de réserves d’armes, indiquant que c’était une affaire sérieuse.
Ghosheh expliqua que c’étaient des armes obtenues en 1991,
lorsque l’ancien premier ministre Mudar Badran appela chaque
citoyen jordanien à être armé pour défendre le pays dans le cas
où il se retrouvait attaqué ou s’il était envahi. Il assura Al-Qaysi
qu’il n’y avait jamais eu d’intention quelle qu’elle soit de
toucher à la Jordanie, que le Hamas n’interviendrait jamais dans
les affaires jordaniennes internes, et que les armes étaient
destinées à être utilisées à l’intérieur de la Palestine
seulement. En conséquence, une amnistie royale fut publiée en
1992 et les onze détenus furent libérés.
Vers la fin de l’année 1992, la direction de l’OLP ainsi que les
autorités jordaniennes avaient conclu que le Hamas était devenu
une force qui devait être prise au sérieux. Ce fut à un moment
où Israël avait déclaré en pratique la guerre au mouvement.
L’OLP demanda la tenue d’une rencontre avec la direction du
Hamas à l’extérieur de la Palestine, alors que les Jordaniens
accueillirent les bons offices d’un politicien arabe proche du
Hamas pour commencer des contacts et ouvrir des discussions avec
le mouvement, notamment au sujet de sa présence dans le pays.
L’approche de l’OLP, qui suggérait que Yasser Arafat lui-même
dirige leur partie dans les discussions, poussèrent le Tanfidhi
à créer une nouvelle structure, Al-Maktab Al-Siyasi (le bureau
politique), avec Abu Marzouq à sa tête, afin de correspondre à
la structure de la direction de l’OLP. Il est à noter que ces
développements auraient pu ne pas se produire s’il n’y avait pas
eu la crise des déportés au sud du Liban, qui commença à la fin
de décembre 1992 et augmenta la popularité et l’autorité du
Hamas à l’intérieur de la Palestine et de part en part de la
région.
Au début de 1993, une rencontre fut arrangée entre Al-Qaysi et
Muhammad Nazzal, une figure nationale jordanienne dominante dans
le Tanfidhi, qui s’était installée en Jordanie suite à la perte
du Koweït. Les Jordaniens se mirent d’accord qu’ils allaient
maintenant accepter que l’achat et le stockage d’armes par le
Hamas durant la période de crise qui précéda la guerre du Golfe
étaient innocents, et que les armes étaient destinées à des
opérations à l’intérieur des territoires occupés seulement. Al-Qaysi
confirma que la Jordanie était confiante qu’elle n’avait pas été
la cible visée, et, parlant au nom des autorités, il exprima le
désir d’ouvrir une nouvelle phase de relations avec le Hamas. Il
ajouta que la Jordanie allait permettre au bureau politique du
Hamas récemment créé d’établir ses quartiers généraux à Amman.
Nazzal demanda s’il allait alors être possible à Moussa Abu
Marzouq, le chef du bureau, et son collègue membre du bureau
Imad Al-Alami, qui avait jusque-là était le représentant du
Hamas en Iran, de résider en Jordanie. Les Jordaniens
acceptèrent que les deux hommes, dont aucun n’était de
nationalité jordanienne, soient les bienvenus. Nazzal fut
informé que le Hamas allait être autorisé à se lancer dans des
activités politiques et médiatiques, mais qu’aucune activité
militaire ne serait permise, que ce soit à l’intérieur de la
Jordanie ou à travers ses frontières contre Israël. Selon l’avis
du Hamas, cela semblait être un accord raisonnable.
Lorsque Moussa Abu Marzouq et Imad Al-Alami arrivèrent dans le
pays, un meeting pour ratifier l’accord fut tenu dans le bureau
d’Al-Qaysi dans les quartiers généraux du DRG à Abdali au centre
d’Amman. Abu Marzouq, Al-Alami, Nazzal et Ghosheh reprétaient le
Hamas, alors qu’Al-Qaysi et son représentant Samih Al-Battikhi
parlaient pour la Jordanie. Il fut dit à l’équipe du Hamas
qu’une rencontre serait bientôt arrangée pour eux avec le
premier ministre Zayd bin Shakir. Les Jordaniens semblaient
enthousiastes à donner une dimension politique à la relation,
plutôt que de la limiter au domaine de la sécurité. En temps
voulu, le premier ministre, avec son représentant Dhawqan Al-Hindawi,
reçut les quatre représentants du Hamas dans son bureau. Le
premier ministre souhaita la bienvenue à ses invités et exprima
sa satisfaction pour l’accord qui venait d’être conclu entre les
deux parties, les informant que le roi lui-même lui avait
demandé de “bénir” l’accord. C’était un accord non-écrit
d’hommes respectables. Les deux parties acceptèrent que si l’une
d’entre elle souhaitait changer un de ses termes, elle devait le
notifier à l’avance à l’autre. Deux réseaux de communication
entre le Hamas et les autorités jordaniennes furent entendus.
L’un d’entre eux devait être entre Muhammad Nazzal, en sa
qualité de représentant du Hamas en Jordanie, et Al-Qaysi. Le
second, à un niveau inférieur, devait être entre le secrétaire
de Nazzal, Isam Al-Najjar, et un officiel des renseignements
jordaniens, Amjad Al-Hadid.
Les Jordaniens pensaient que le nouvel accord allait apporter
des avantages réels. D’une part, les autorités souhaitaient
s’assurer que le Hamas, qui jouissait clairement d’une
popularité massive en Jordanie, ne pose pas de menace.
L’inquiétude du régime était d’empêcher la répétition du
scénario de la fin des années 1960, lorsque son conflit avec
l’OLP atteignit son sommet lors des événements de septembre
1970. Il cherchait donc à garantir que la frontière occidentale
de la Jordanie ne soit pas utilisée pour des opérations
militaires contre Israël. Attirer le Hamas dans une relation
amicale et autoriser sa présence dans le pays, cela semblait
être la meilleure option. Les sentiments nationalistes de jeunes
Jordaniens zélés, qui pouvaient autrement être tentés de lancer
des attaques de leur propre chef contre Israël, allaient,
était-il espéré, être satisfaits de la présence du Hamas en
Jordanie. En outre, la Jordanie souhaitait avoir une carte à
jouer dans sa rivalité prolongée ave l’OLP, qui flattait à ce
moment le Hamas et cherchait une coopération avec lui. Le roi
Hussein s’attendait à ce que le Hamas, qui gagnait rapidement en
force, pose bientôt un sérieux défi à l’OLP et qu’il puisse à
terme fournir une alternative crédible. Il était confiant, sur
la base de sa longue et bonne relation de travail avec les
Ikhwan de Jordanie, qu’il pouvait compter sur les Ikhwan pour
s’assurer que le Hamas ne cherche pas à miner sa propre
autorité.
La direction du Hamas accepta les conditions stipulées dans
l’accord, car il jugea que l’occasion d’établir une présence
permanente du Hamas en Jordanie en valait le coût. En fait,
l’accord avec la Jordanie est toujours regardé par les leaders
du Hamas comme ayant été l’un des accomplissements les plus
importants dans les débuts de l’histoire du mouvement. Depuis ce
moment-là, le Hamas, dont la direction de l’intérieur ne cessait
d’être ravagée par des détentions et des déportations en masses,
eut pour la première fois des quartiers généraux avec une
adresse, et une direction dont les figures étaient identifiables
et que l’on pouvait contacter. Pour la direction du Hamas,
l’accord représentait une transformation, passant d’un état où
il n’avait pas d’emplacement à un état où il possédait une
géographie bien définie avec un centre de prise de décisions
bien établi. C’était une transition du secret à l’ouverture, et
d’une existence qui se développait en cachette à une présence
manifeste.
Le mouvement jordanien encouragea d’autres gouvernements qui
désiraient communiquer avec le mouvement à prendre eux aussi
certaines mesures. La présence de tous les membres du bureau
politique du Hamas à Amman était particulièrement utile pour
l’ouverture de réseaux et la construction de ponts avec d’autres
pays. Pendant un certain temps, le mouvement avait maintenu un
degré de présence dans plusieurs capitales, mais n’avaient
d’existence officielle qu’à Khartoum et Téhéran. Grâce à
l’initiative de la part de la Jordanie, le Hamas fut rapidement
invité à établir une représentation officielle en Syrie, au
Liban et au Yémen. Elle permit aussi d’importants contacts avec
les gouvernements d’Arabie Saoudite, des Etats du Golge et des
pays arabes du Maghreb en Afrique du nord. D’importants
officiels du Hamas firent des visites non-officielles dans ces
pays à plusieurs occasions. Le Hamas ouvrit aussi un réseau de
communications avec l’Egypte, alors que des diplomates d’une
rangée d’ambassades étrangères à Amman, dont celles des
Etats-Unis et de plusieurs pays européens occidentaux,
commencèrent à ouvrir des réseaux de communication avec lui.
Pendant un temps, les événements se déroulèrent bien pour le
Hamas en Jordanie. Toutefois, durant l’automne 1993, des
officiels du Hamas commencèrent à noter un changement dans
l’attitude de leurs homologues jordaniens. Le 13 septembre 1993,
l’OLP et Israël signèrent l’accord d’Oslo sur la pelouse de la
Maison Blanche, un événement renversant que peu auraient
anticipé quelques semaines plus tôt seulement. Les Palestiniens
et les Israéliens surprirent le monde avec la révélation qu’ils
avaient été en discussion secrète à Oslo, et qu’ils étaient
parvenus à un accord sur une déclaration de principes. Avant cet
événement, la Jordanie était devenue de plus en plus pessimiste
sur une chance d’arriver à un accord significatif à la suite des
négociations tenues par l’équipe commune palestino-jordanienne
et les négociateurs israéliens à Washington dans le cadre de
discussions bilatérales. Une fois qu’un accord fut signé entre
l’OLP et Israël, les Jordaniens devaient se résigner à une
nouvelle réalité. Révoltés par ce qu’ils percevaient comme une
trahison de la part de l’OLP, ils poussèrent vers l’avant leur
propre voie de négociations avec Israël. Toutefois, parvenir à
un accord de paix avec Israël allait sans conteste nécessiter
une révision de leur accord avec le Hamas. De plus, la Jordanie
était régulièrement sujette à divers niveaux de pression des
Etats-Unis, d’Israël et de l’OLP pour diminuer les activités du
Hamas sur son sol.
Comme si cela était fait pour préparer la voie à un changement
de politique, les Jordaniens commencèrent à gêner les membres du
Hamas. Ils semblaient avoir l’intention d’amener les officiels
du Hamas à réaliser que leurs activités étaient surveillées et
que, peut-être, leur présence n’était plus la bienvenue. De
hauts officiels du Hamas se déplaçant à l’intérieur et à
l’extérieur du pays commencèrent à être sujets à des fouilles
minutieuses, avec le sentiment conséquent qu’ils étaient traités
avec irrespect. Evidemment, les Jordaniens étaient petit à petit
en train de s’affranchir des termes de leur pacte non-écrit avec
le Hamas.
Hamas: son histoire de
l'intérieur (21)
Hamas: son histoire de
l'intérieur (23)
Traduction réalisée
par le Centre
Palestinien d’Information (CPI)
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