Pour
consulter la première partie de cette étude : cliquez
ici : « Le
contrôle des dégâts : Noam Chomsky et le conflit israélo-israélien ».
Pour la seconde, cliquez ici : « Contrairement
aux théories de Chomsky, les États-Unis n’ont aucun intérêt
à soutenir Israël »
S’il est des constantes à
Washington, ce sont bien l’ascendant de l’Aipac sur le
Congrès et le pouvoir combiné des deux cités sur la
Maison-Blanche, quand il est question du Moyen-Orient. Même
si ce lobby et ses laquais du pouvoir législatif ne
remportent pas absolument toutes les batailles, ils finissent
par être victorieux dans toutes les guerres, comme en
attestent les trois ex-présidents encore de ce monde Gerald
Ford, Jimmy Carter et George Bush père, qui finirent grands
perdants aux élections.
Fondée en 1959, d’année en
année, cette organisation prend de l’ampleur et gagne en
puissance. Basée à Washington, avec des bureaux dans
l’ensemble des États-Unis, avec ses 85 000 membres gonflés
à bloc, un personnel de 165 personnes et un budget annuel de
33,4 millions de dollars [1],
l’Aipac est le pinacle d’un ensemble massif
d’organisations sionistes et de Comités d’action
politique [les PACs – Political Action Committees] partout
dans le pays, allant du national au local, voués à la pérennisation
du statut privilégié dont Israël jouit dans la capitale fédérale.
Israël ne se fait certes plus
aucun souci à propos de la Maison-Blanche. Mais, par le passé,
Ford, Carter et Bush père avaient publiquement défié les
aspirations territoriales d’Israël et ils s’étaient mis
ce lobby à dos à de nombreuses occasions. Ceci n’apparaît
pratiquement pas dans les écrits de Chomsky. En lieu et
place, celui-ci voudrait nous faire croire que ces présidents,
comme leurs prédécesseurs, soutenaient la construction de
colonies par Israël ainsi que les efforts de ce pays visant
à intégrer les territoires au sien propre. Toutes les
archives historiques apportent la preuve du contraire. Mais
cela n’empêche nullement Chomsky d’écrire :
« Bien
que les faits les plus importants soient absents des
commentaires consensuels, et souvent ignorés ou déformés, y
compris dans des publications de recherche, ils ne sont pas
controversés. Ils fournissent la base indispensable pour
toute compréhension sérieuse de ce qui est en train de se
passer actuellement. » [2]
La plus grande partie de ce
que Chomsky nous décrit comme ne faisant pas l’objet de
controverse s’avère être controversé, et comment !
Particulièrement en ce qui concerne les relations entre Israël
et la Maison-Blanche. Le chercheur israélien respecté,
militant des droits de l’homme, le regretté professeur Israël
Shahak, avait fait observer que l’analyse de Chomsky souffre
de
« sa
tendance indéniable à diaboliser la présidence états-unienne,
et l’exécutif états-unien de manière générale, tout en
ignorant le pouvoir législatif ; mais aussi de sa
tendance – très fâcheuse, à mon humble avis – à présumer
que non seulement les principes, mais littéralement tout ce
qui concernait l’impérialisme états-uniens, avait été
exposé voici bien longtemps, en 1944, ou à peu près, et
que, depuis lors, la politique, pour ainsi dire, cela se résumait
à exécuter les instructions reçues d’un ordinateur…
C’est là ignorer non
seulement le facteur humain, aux États-Unis mêmes, mais
aussi la nature complètement différente des ennemis et des
victimes des États-Unis au cours des dernières décennies.
Il ne saurait exister aucun doute, à mon avis, sur le fait
que les politiques actuelles menées par les États-Unis sont
complexes, même quand elles sont mauvaises et influencées,
comme dans le cas de tous les autres pays, par de nombreux
facteurs, dont font partie et l’Aipac et la connerie humaine
(à laquelle Chomsky ne fait jamais la moindre allusion…) »
Enfin, citons ce paragraphe,
particulièrement pénétrant :
« Mais
de telles théories simplistes, fondées sur sa mémoire et
sur sa capacité à sélectionner des exemples épars
(remontant parfois très loin dans le passé, comme son
exemple fétiche à propos d’Eisenhower, tout en ignorant
tout de ce qui a bien pu se passer depuis 1967) sont
susceptibles de séduire des jeunes en quête de certitudes,
et aussi tous ceux qui ne veulent pas s’engager dans un véritable
travail de recherche et qui trouvent un palliatif dans un étalage
d’émotions indécent et futile ». [3]
Après avoir entendu de quelle
manière Chomsky avait répondu à une question à l’issue
d’un discours qu’il avait prononcé à Berkeley, au moment
de la montée en charge de la première guerre du Golfe,
j’avais écrit à Shahak. Une personne, dans l’assistance,
voulait savoir ce que Chomsky pensait du rôle joué par l’Aipac
dans cette guerre et ce qu’il pensait du lobby, de manière
générale. Comme prévu, Chomsky s’était montré plein
d’indulgence.
«
Personnellement, je ne pense pas que l’Aipac ait joué un
bien grand rôle dans tout ceci. De fait, j’ai
l’impression – encore une fois, je m’exprime ici à
titre personnel – qu’on exagère énormément le rôle du
lobby israélien, de manière générale. C’est une question
d’appréciation. Il ne s’agit pas simplement d’une
question de faits, d’une question objective. A mon avis, si
le lobby israélien a l’influence qui est la sienne, c’est
dans une large mesure parce qu’il se trouve qu’il coïncide
avec certains secteurs puissants du pouvoir américain, sur le
plan intérieur. » [4]
Néanmoins, le commentaire de
Chomsky mentionnait que « l’Aipac (était)
largement crédité d’avoir joué un rôle essentiel dans la
conquête des votes requis au Sénat pour donner une majorité
au Président Bush. En raison de l’extrême sensibilité [de
l’opinion publique] pour cette question, l’Aipac était
particulièrement désireuse de camoufler son rôle, afin d’éviter
de fournir des preuves étayant l’accusation… selon
laquelle la guerre du Golfe persique a[urait] été déclenchée
à l’instigation des juifs, aux fins de protéger Israël » [5]
« Pour déguiser ce rôle »,
a indiqué le journaliste Larry Cohler du Washington
Jewish Week, « l’Aipac avait fait
en sorte que des sénateurs juifs très en vue votent contre
la guerre, tout en déployant un lobbying interne auprès de sénateurs
non-juifs d’États à la faible population juive, afin de
les inciter à voter cette guerre… Le fait que Saddam
Hussein n’ait pas été évincé du pouvoir à l’époque
avait suscité des critiques très acerbes des néocons juifs
de premier rang, ainsi que (sur un registre plus modéré) de
l’Aipac. Durant toute la présidence Clinton, ils allaient
faire plus pressantes leurs exigences d’un changement de régime
en Irak et, sous Bush Junior, ils furent en mesure d’obtenir
que cette mission soit menée à bien [6]
».
L’aspect le plus troublant,
dans la réponse de Chomsky était toutefois sa minimisation
du rôle du lobby pro-israélien. Étant donné que la plupart
des observateurs politiques considèrent que les élus
politiques, virtuellement à tous les niveaux, représentent
à un degré ou à un autre les principaux financeurs de leurs
campagnes électorales (semblables en cela aux avocats
d’affaires représentant des grandes entreprises) – qui
plus est, l’Aipac est un champion incontesté dans ce
domaine – la réponse de Chomsky était, dans le meilleur
des cas, malhonnête.
De manière prédictible, il
s’attira les applaudissements nourris des partisans d’Israël,
trop heureux d’avoir obtenu que le distingué chercheur
absolve les organisations juives états-uniennes de toute
responsabilité dans ce que leurs coreligionnaires étaient en
train de faire subir aux Palestiniens ou encore dans les
activités de ce lobby en soutien à la première guerre
contre l’Irak. Je décidai de faire part de mes impressions
au professeur Shahak. Voici sa réponse, très franche :
« Comme
vous, actuellement, j’ai eu, moi aussi, les mêmes
divergences de vue, par le passé – en plus grave, toutefois
– avec Chomsky, qui est un ami personnel depuis pas mal de
temps, au sujet de l’Aipac et de l’influence du lobby juif
de manière générale. De surcroît, un certain nombre de nos
amis communs ont essayé, eux aussi, de le faire changer
d’avis, en vain, sur cette question.
Je crains qu’en dépit de
toutes ses merveilleuses qualités et du travail considérable
qui est le sien, Chomsky ne soit en réalité tout à fait
dogmatique sur pas mal de points. Je ne doute pas un seul
instant que son erreur rédhibitoire au sujet du « peu
de poids » de l’Aipac – erreur qu’il réitère très
souvent – a pour effet d’aider considérablement les
sionistes, comme vous l’avez vous-même montré d’une manière
particulièrement saisissante. » [7]
Au moins, je découvrais que
je n’étais pas seul, dans mon jugement sur Chomsky. Sa
position a été du pain béni pour l’Aipac, et elle a énormément
bénéficié à la position d’Israël aux États-Unis. De
fait, comme je l’ai indiqué plus haut, Chomsky n’a jamais
daigné désigner par son nom l’organisation en question
dans l’un quelconque des ouvrages (pourtant nombreux)
qu’il a consacrés au Moyen-Orient. En détournant les
militants de la confrontation avec les politiciens libéraux
que ce lobby tient sous son contrôle et en blâmant le
locataire de la Maison-Blanche au sujet des agissements d’Israël,
Chomsky s’est indubitablement chargé du «
contrôle des dégâts » de l’Aipac, à sa place
et à son profit…
Le regretté professeur Edward
Saïd – un autre de mes amis, admirateur de Chomsky –
n’a d’ailleurs pas mâché ses mots, à ce sujet. Dans sa
contribution à l’ouvrage collectif The New
Intifada, à juste titre intitulée «
America’s Last Taboo » [Le dernier tabou de l’Amérique],
il écrivait :
«
Qu’est-ce qui explique la situation présente ? La réponse
se trouve dans l’influence des organisations sionistes sur
la politique états-unienne, dont le rôle, tout au long du
« processus » dit « de paix » n’a
jamais été suffisamment étudié. C’est là une négligence
absolument stupéfiante, quand on sait que la politique de
l’OLP a consisté essentiellement à remettre notre sort, en
tant que peuple [Edward Saïd était Palestinien, ndt] entre
les mains des États-Unis, sans avoir la conscience minimale
de la manière dont la politique états-unienne est dominée
par une infime minorité de gens dont les opinions sur le
Moyen-Orient sont, à bien des égards, encore plus extrémistes
que celles du Likoud lui-même ! » [8]
Et, au sujet de l’Aipac, Saïd,
toujours :
« L’Aipac
[American Israel Public Affairs Committee] est, depuis des années,
le lobby le plus puissant, dans l’absolu, aux États-Unis.
Pouvant compter sur une population juive bien organisée, bien
introduite, fortement visible et opulente, l’Aipac inspire
crainte et respect d’une extrémité à l’autre du spectre
politique états-unien. Qui serait prêt à tenir tête à ce
Moloch pour défendre des Palestiniens qui n’ont absolument
rien à offrir en échange, alors même que l’Aipac est en
mesure de briser votre carrière professionnelle simplement en
refermant son carnet de chèques ? Par le passé, un ou
deux membres du Congrès lui ont effectivement résisté
ouvertement. Mais plusieurs Comités d’action politique
chapeautés par l’Aipac ont veillé à ce qu’ils ne soient
jamais réélus… Si telle est la situation au sein du
pouvoir législatif, je vous laisse deviner ce qu’il en est,
dans l’exécutif ! » [9]
Pour ceux qui obtempèrent au
lobby pro-israélien, le carnet de chèques est ouvert en
permanence. Ainsi, en 2002, l’Israélo-États-unien Chaim
Saban faisait un don de 12,3 millions de dollars au Parti démocrate,
sans que personne, pratiquement, ne le remarque. Comparez ce
qui précède au tollé médiatique soulevé par le don de la
société pétrolière Exxon, d’un montant de 10 millions de
dollars, au Parti républicain, qui plus est sur une période
de six années ! De plus, selon le site ouèbe de la
revue Mother Jones, près de cent vingt
(sur les deux cents cinquante) plus gros donateurs des élections
de l’an 2000 étaient juifs. A Washington, on évoque
d’ailleurs un lobby israélien de l’argent…
Le Professeur Juan Cole, de
l’Université du Michigan, a tiré la sonnette d’alarme au
sujet de l’Aipac, avec une égale vigueur, relevant une
information donnée par la chaîne télévisée CNN, selon
laquelle l’Aipac « tient annuellement
deux mille rencontres avec des sénateurs et des membres du
Congrès des États-Unis, ce qui aboutit à l’adoption, en
moyenne, d’une centaine de textes de loi, chaque année !
» Plus loin, il écrit :
«
Certains lecteurs ont suggéré l’idée que j’aurais exagéré
l’ascendant de l’Aipac sur le Congrès. Mais je connais
personnellement des sénateurs et des représentants qui ont
peur de parler des affaires israéliennes en raison de la réputation
non surfaite qu’a l’Aipac de cibler les parlementaires
audacieux, afin de leur faire perdre les élections. C’est là
d’ailleurs quelque chose d’aisément vérifiable. Examinez
le journal officiel des débats au Congrès. A-t-on jamais vu,
dans cette assemblée, un seul discours critiquant la
politique israélienne, prononcé par un sénateur ou un représentant
qui aurait remporté les élections suivantes ? Et
examinez les débats de n’importe quel parlement, où que ce
soit dans le monde : des critiques de cette nature sont
formulées absolument partout, sauf aux États-Unis ! Le
Congrès états-unien est tenu en otage par une organisation
de lobbying monomaniaque qui, le plus souvent, fait passer les
intérêts d’Israël avant ceux des États-Unis… » [10]
Vingt ans auparavant – soit
bien avant l’émergence du facteur chrétien sioniste –
Seth Tillman faisait déjà observer que
« Les
présidents états-uniens ont toujours cherché à éviter la
confrontation directe avec Israël ou avec ses partenaires
acharnés aux États-Unis, à cause de la terrible controverse
intérieure qu’un tel affrontement n’aurait pas manqué
d’engendrer, à cause du capital politique exorbitant
qu’il aurait fallu dépenser dans une telle bataille, au détriment
des autres objectifs, tant intérieurs qu’extérieurs,
d’une administration états-unienne donnée et à cause,
enfin, de l’incertitude qu’un président donné finirait
par l’emporter, dans un tel duel intérieur, quand bien même
recourrait-il à tous les pouvoirs que lui confère sa
fonction de président, dans les domaines politiques et pédagogiques…
» [11]
À la différence d’autres
lobbies nationaux, l’Aipac n’a pas de rivaux
potentiellement dangereux pour lui : les organisations
arabo-états-unienne de Washington – l’American-Arab
Anti-Discrimination Committee (ADC) et l’Arab-American
Institute (ADI) – étant toutes deux à la fois trop petites
et trop timides pour faire face ne serait-ce qu’à leur
propre ombre… Ce qui confère au lobby pro-israélien sa
force légendaire, en sus de ses grandes compétences
organisationnelles, c’est le fait que ses membres sont
intimement liés à des organisations, à des fédérations et
à des conseils de relations publiques juifs dans l’ensemble
des États-Unis, ainsi qu’aux responsables des principaux
syndicats et enfin, depuis quelques années, au mouvement chrétien
évangélique, qui prend de l’ampleur et apporte à Israël
un soutien sans précédent historique dans des
circonscriptions généralement tenues par des Républicains
de droite. Il est remarquable qu’il ait fallu attendre que
les chrétiens sionistes soient entrés en lice pour que
Chomsky et ses acolytes, en particulier les professeurs
Stephen Zune et Joel Beinin, ainsi que Phyllis Bennis, de l’Institut
des études (des politiques) publiques, commençassent à
parler de ce « lobby », en
suggérant l’idée que les évangéliques en auraient représenté,
dès lors, la composante la plus puissante. Le sous-titrage
(ou le décodage) aurait été que ces chrétiens sionistes étaient
particulièrement bienvenus, puisqu’ils détournaient
l’attention de l’opinion publique loin de l’Aipac…
Les seuls à mener un combat héroïque
contre l’Aipac furent les membres du Conseil de l’Intérêt
National [CNI : Council for National Interest], composé
d’anciens diplomates du département d’Etat et des
ambassades, ayant une expérience du Moyen-Orient,
d’ex-membres du Congrès, tel Paul Findley et Pete McCloskey,
dont les critiques d’Israël et le soutien des droits des
Palestiniens eurent pour conséquence qu’ils furent pris
dans le collimateur de l’Aipac, qui bien sûr s’employa à
leur faire perdre les élections… Les anciens hauts
fonctionnaires sont dédaigneusement qualifiés d’ «
arabisants » par les partisans d’Israël et les
amis de ce pays dans les médias, comme pour inférer l’idée
que leur expérience vécue au Moyen-Orient aurait en quelque
sorte gravement compromis leur patriotisme ! Dans la
pratique, ce terme a fini par devenir un euphémisme utilisé
en lieu et place d’ « antisémitisme ».
Mais, à l’occasion, leurs détracteurs juifs ne se soucient
même plus de recourir à l’euphémisme !
La position du CNI consiste
tout simplement à dire que le soutien prodigué par
Washington à la politique israélienne d’occupation et
d’expansion ne sert pas les intérêts des États-Unis…
Les effets d’une accusation
d’ « antisémitisme » sont
à nuls autres pareils. Etre ainsi stigmatisé a amené des
personnages publics aussi divers et puissants que le révérend
Billy Graham ou l’acteur Marlon Brando à présenter leurs
plates excuses, à genoux et les larmes aux yeux.
Les associations
palestiniennes aux États-Unis optent pour la solution de
facilité : elles marchent dans les brisées de
Chomsky… Malheureusement, elles le font avec tellement de zèle
que la question de l’Aipac et du lobby pro-israélien
n’est jamais évoquée ni a fortiori débattue lors des conférences
qu’elles organisent. C’est dû, aussi, en partie à leur
affiliation à diverses organisations politiques dirigées par
des juifs antisionistes autoproclamés, lesquels, redoutant
eux-mêmes par-dessus tout de provoquer de l’antisémitisme,
préfèrent rejeter tous les torts sur l’ «
impérialisme américain » : une cible certes
lointaine, mais, on le reconnaîtra volontiers, tellement
moins dangereuse !
Aucun événement ne fournit
une compréhension aussi profonde du pouvoir de l’Aipac que
la bataille perdue par le président Gerald Ford face à Israël
et à son lobby, en 1975, qui est l’un des principaux faits
marquants dans l’histoire des relations états-uno—israéliennes.
En 1982, Chomsky ne lui consacrait que trois lignes. Et plus
un seul mot, depuis lors [12].
Cette confrontation impliqua
Ford et le secrétaire d’État Henry Kissinger, d’un côté,
et Israël et l’Aipac de l’autre. Voici le récit qu’en
fit Seth Tillman :
« Parmi
les nombreux trophées de victoire remportés [par le lobby
pro-israélien] sur l’arène du pouvoir législatif, un des
plus remarquables et importants quant à ses conséquences fut
la « lettre des cinquante-six » adressée au président
Ford par un certain nombre de sénateurs, le 21 mai 1975. À
la suite de l’effondrement, en mars, de la première tournée
de « diplomatie des petits pas » du secrétaire
d’État Kissinger préparant un deuxième accord de désengagement
du Sinaï [faisant suite à la guerre d’octobre 1973],
c’est un secrétaire d’État en colère et frustré qui
annonça une « réévaluation » de la politique états-unienne
au Moyen-Orient : l’Administration Ford ajournerait la
livraison de certaines armes à Israël et suspendrait des négociations
en vue d’une assistance financière et militaire en suspens,
comportant notamment le nouvel avion de chasse F-15.
Durant la réévaluation de
cette politique, la plupart des experts, appartenant au sérail
gouvernemental, ainsi que d’autres, recrutés à l’extérieur,
parvenaient à un quasi-consensus en faveur de l’appel des
États-Unis à un règlement fondé sur le retrait d’Israël
jusqu’à ses frontières de 1967 (avec des modifications
marginales), couplé à de fortes garanties pour la sécurité
israélienne… Les conseillers de Kissinger envisageaient un
appel lancé au peuple états-unien par le président Ford, et
télévisé dans tous les États-Unis, déclinant les sujets
fondamentaux relevant des intérêts nationaux états-uniens
au Moyen-Orient, puis justifiant le retrait israélien, sur
ces bases, en échange de garanties. » [13]
L’administration ayant jeté
le gant, l’Aipac entra en action. Après trois semaine
d’un intense lobbying, 76 sénateurs signaient une lettre
adressée à Ford réaffirmant le rôle de barrière (face à
l’influence soviétique au Moyen-Orient) propre à Israël
et avertissant
« que
priver Israël de certains équipements militaires équivaudrait
à donner un satisfecit dangereux et décourageant pour Israël
à ses voisins, qui ne pourrait que les encourager à recourir
à la force. Dans les prochaines semaines, le Congrès
attendra vos demandes d’aide étrangère au titre de
l’exercice fiscal 1976. Nous sommes persuadés que vos
recommandations répondront aux besoins les plus urgents d’Israël,
tant militaires qu’économiques. Nous vous exhortons à dire
clairement, comme nous le faisons, que les États-Unis,
agissant au nom de leurs propres intérêts nationaux, se
tiennent fermement aux côtés d’Israël dans la recherche
de la paix grâce à de futures négociations et que ce préalable
constitue la base de la réévaluation actuelle de la
politique des États-Unis au Moyen-Orient. » [14]
Ceci mit effectivement un
terme au projet de « réévaluation »
du gouvernement, lequel projet, couplé avec le pardon qu’il
accorda à Nixon, eut raison des espoirs de réélection de
Ford, en 1976.
« Tout
document », observa Stephen Spiegel (de l’Université
Californienne de Los Angeles) « portant
à la fois les signatures de sénateurs aussi disparates que
Teddy Kennedy et Barry Goldwater, Frank Church et Paul Laxalt,
Walter Mondale et Strom Thurmond, ne pouvait qu’être une
motion de défiance pour la diplomatie moyen-orientale de
l’administration états-unienne. » [15]
La prise de conscience du fait que l’Aipac était capable
d’obtenir qu’un groupe aussi disparate de sénateurs
signent une lettre à tout instant n’échappa pas aux futurs
présidents états-uniens. Mais, comme nous le verrons,
c’est néanmoins encore une fois la sous-estimation de la
puissance du lobby pro-israélien qui allait aboutir à l’éjection
du tandem Bush / James Baker, quinze ans plus tard. (C’est
toujours le cas aujourd’hui. Seuls les noms ont changé. Il
n’existe aucune autre question capable de faire que des Démocrates
libéraux et des Républicains les plus à droite qui soient
s’étreignent mutuellement et cela, grâce aux efforts
signalés de Chomsky, qui s’en tire en n’ayant aucun prix
à payer pour les pots cassés.)
Évaluant l’ «
Impact du Congrès sur la politique des États-Unis vis-à-vis
d’Israël » (une étude exhaustive de cette
question, portant sur cette même période), son auteur,
Marvin Feuerwerger, concluait ainsi :
« Le
Congrès a joué un rôle clé dans la définition du cours
des relations états-uno-israélienne durant la période
1969-1976… Par moment, le Congrès semblait vouloir exercer
son autorité en bloquant des mesures envisagées par l’Administration
[= l’exécutif, ndt], mais le Congrès considérait alors
que cela aurait pour effet de mettre en danger la sécurité
d’Israël. Ce volontarisme a contribué à maintenir la
politique des États-Unis à l’intérieur de certaines
limites pro-israéliennes… [référence à la lettre des sénateurs
à Ford] et il a contraint la branche exécutive à abandonner
l’option consistant à imposer un règlement au Moyen-Orient
qu’Israël considérait comme potentiellement dommageable
pour sa sécurité. De même, les activités du Congrès et du
groupe de pression Aipac, en réponse au plan Rogers de 1969
‘garantit virtuellement qu’aucune initiative pro-arabe ne
puisse être envisagée, à l’avenir’ par
l’administration Nixon. » [16]
Si l’ignorance délibérée
de Chomsky pour la bataille perdue par l’administration Bush
père face à l’Aipac est inexcusable, il en va de même
pour sa narration révisionniste des relations entre George
Bush père et Israël. Quand bien même une évaluation générale
de la carrière politique de celui-ci aurait dû l’amener
dans le box des accusés en qualité de criminel de guerre, sa
confrontation avec le lobby pro-israélien a été un des
rares points positifs, aux yeux des opposants à l’alliance
quasi fusionnelle entre les États-Unis et Israël. Mais cette
opposition courageuse lui a sans doute coûté sa réélection…
Bien qu’il soit généralement
admis, tant en Israël qu’au sein de la communauté juive états-unienne,
que l’administration Bush père fut la plus inamicale envers
Israël depuis la création de ce pays, Chomsky, d’une manière
tout à fait incroyable, soutient le contraire :
« Il
existe une illusion », écrit-il, «
consistant à croire que la première administration Bush
aurait adopté une position très ferme face à Israël.
C’est plutôt le contraire qui est vrai… »
Chomsky se fonde, pour affirmer ceci, sur la «
position officielle de l’administration en décembre 1989
(plan Baker), qui reprenait sans aucune restriction le plan
proposé en mai 1989 par le gouvernement israélien de
coalition Peres - Shamir, lequel déclarait qu’il ne saurait
exister d’État palestinien, ni y avoir un quelconque
changement dans le statu quo des territoires occupés, ni de négociation
avec l’OLP ». [17]
Chomsky s’est plaint de ce
que cette information ait été mal rapportée par la presse,
car ce qu’on y lit, c’est que «
Baker aurait fortement réitéré le soutien des États-Unis
à ‘un retrait total des Territoires, en échange de
relations pacifiques’, alors qu’il accordait en douce un
soutien décisif à des programmes visant à faire en sorte
que rien de tel ne se produise. » Non seulement les
archives historiques ne corroborent pas l’avis de Chomsky,
mais il s’agit là d’un énième de ces exemples typiques
où Chomsky « examine une poignée de témoignages,
jusqu’à ce qu’il en trouve un qui colle avec son idée prédéterminée
de la vérité telle qu’il voudrait qu’elle soit… Il
collecte de manière sélective des « preuves »
qui confirment sa théorie et tout le reste, il l’ignore… »
Dans le cas d’espèce, ce « reste »
était massif, et provenait en grande partie de l’ancien
ministre israélien des Affaires étrangères, Moshe Arens,
dont le livre Alliance Brisée [Broken
Covenant] consistait en une réfutation brutale de la manière
dont l’administration Bush osait traiter Israël.
En tant que vice-président de
Ronald Reagan, Bush (père) avait déjà trahi son animosité
envers Israël lorsqu’il avait (vainement) exhorté le président
à prendre des sanctions envers Israël, après que celui-ci
eut détruit le réacteur nucléaire irakien Osirak, en 1981.
Au mois de juin suivant, il n’eut pas plus de succès,
lorsqu’il en appela une énième fois à des sanctions, après
l’invasion du Liban : il fut mis en minorité par
Reagan et le secrétaire d’État Alexander Haig. [18]
Arens écrit, à propos de sa
première rencontre avec le Président Bush, nouvellement élu,
à Washington : « Le président a
soulevé la question des colonies israéliennes dans les
territoires, ne laissant subsister aucun doute quant à son désaccord
formel quant à toute activité de colonisation. » [19]
Plus tard, ses conversations avec Baker amenaient Arens à
conclure que :
« Le
« nouvel ordre mondial » dont parlait le département
d’État était un monde dans lequel l’Administration Bush
avait décidé d’assumer une posture de confrontation avec
Israël, son allié et ami de longue date… Le « règlement
définitif » que prônait cette Administration
consistait essentiellement en un retour d’Israël aux frontières
existant avant juin 1967. » [20]
On le voit : il était
grand temps d’appeler le lobby à la rescousse…
« L’Administration
Bush allait devoir apprendre (à ses dépens) qu’Israël ne
saurait ni être houspillé, ni rabroué. Il était clair,
pour moi, que la seule contrainte inhérente à la tactique de
l’administration Bush vis-à-vis d’Israël résidait dans
la politique intérieure… Si Bush et Baker devaient se
rendre compte que leurs tactiques directives vis-à-vis d’Israël
suscitaient une opposition importante de l’opinion publique,
alors il était vraisemblable qu’ils finiraient par
renoncer, d’autant plus que les élections approchaient…
Je pris conscience que nous allions être contraints à
renforcer le soutien à Israël au Congrès et dans
l’opinion publique états-unienne… Je consacrai la journée
du lendemain, sur la Colline du Capitole, à des rencontres
avec les commissions parlementaires du Congrès ainsi
qu’avec des sénateurs et des représentants,
individuellement… » [21]
La visite d’Arens et
l’action de l’Aipac allaient donner leurs fruits lorsque,
inopinément, Baker leur décocha une pique. S’exprimant
devant sa convention à Washington, en mai 1990 (c’est-à-dire
durant la deuxième année de l’Administration Bush), il dit
aux lobbyistes assemblés et à leurs hôtes du Congrès que
« pour
Israël, le temps est venu de laisser de côté, une bonne
fois pour toutes, la vision irréaliste du Grand Israël. Les
intérêts d’Israël en Cisjordanie et dans la bande de
Gaza, sa sécurité, notamment, pourront être assurés dans
le cadre d’un règlement basé sur la Résolution 242 :
arrêt de l’annexion ; arrêt des activités de
colonisation ; autorisation de réouverture des écoles ;
main tendue vers les voisins palestiniens, qui méritent de
jouir de leurs droits politiques. » [22]
Baker, vieux renard de la
Colline du Capitole, aurait dû savoir ce qui allait inévitablement
se passer. Voici la description qu’en fait Arens :
« Début
juin, au cours d’un étalage extraordinaire de soutien pour
Israël et de reconnaissance publique qu’il y avait eu un
virage à cent quatre-vingt degrés dans la politique
officielle des États-Unis vis-à-vis d’Israël,
quatre-vingt-quatorze sénateur (sur cent) signèrent une
lettre adressée au secrétaire d’Etat, demandant que l’Administration
avalise « fortement et publiquement »
l’initiative (dite) de paix Peres - Shamir.
« Les propositions faites par Israël », disait
cette lettre, « n’ont pas toujours reçu la considération
qu’elles méritent de la part de tierces parties au conflit,
ni par la communauté internationale de manière générale.
Afin d’éviter que cela ne se reproduise à nouveau, les États-Unis
doivent montrer leur soutien total, tant dans les faits que
dans les apparences »,
après quoi, c’est un Arens
triomphant qui concluait :
« Le
message adressé à l’Administration était extrêmement
clair. Il en allait de même en ce qui concerne le désaveu
implicite. On m’a rapporté que Baker fut réellement stupéfait
de la teneur de cette lettre, et aussi du fait que
quatre-vingt-quatorze sénateurs l’aient signée. » [23]
Depuis des années, le Congrès
a constamment accordé des financements exceptionnels à Israël,
le petit doigt sur la couture du pantalon, alors même que
l’argent manquait pour financer des programmes d’action
essentiels, sur le plan intérieur. Ce fut notamment le cas en
2002, année où le Sénat, après avoir rejeté un projet de
loi qui aurait accordé 150 millions de dollars aux écoles du
centre de New York ayant souffert des attentats du 11
septembre 2001, ajouta immédiatement 200 millions de dollars
de financement à Israël, au titre de la Loi sur la Sécurité
intérieure : on aurait dit que c’était Israël qui
avait été pris pour cible, le jour des attentats, et non pas
New York, ni Washington…
La même chose s’était
produite en 1991, six villes états-uniennes sur dix étant en
déficit et plusieurs États n’étant plus en mesure
d’assurer les salaires de leurs fonctionnaires. En mars de
cette année-là, passant outre les objections de
l’administration Bush, la Chambre des Représentants vota
(par 397 voix contre 24) l’octroi à Israël de 650 millions
de dollars cash, dans le cadre de la loi de financement
d’urgence de la guerre du Golfe. Bush avait menacé
publiquement d’opposer son veto. Mais il avait reculé, s’étant
rendu compte qu’il n’obtiendrait pas la majorité
requise…
En septembre 1991, une fois la
guerre terminée, l’Administration Bush fit vivre à l’Aipac
sa plus grande angoisse depuis sa bataille contre le président
Ford. Au beau milieu des efforts visant à assembler le
casting de ce qui allait devenir la «
conférence de paix » de Madrid, au grand dam du
Premier ministre israélien Yitzhak Shamir, Israël fit une énorme
surprise au président états-unien : une demande inopinée
de 10 milliards de dollars, en prêt garanti par le
gouvernement états-unien, sur une période de cinq ans…
Bien entendu, le Congrès était
prêt, encore une fois, à sauter à travers les cerceaux de
dompteur que lui tendait Israël, en dépit de l’opposition
du président Bush. Courroucé par l’exigence israélienne
et craignant sans doute que l’approbation de ces prêts
garantis ne permette à Israël de se retirer de la conférence
tout en suscitant l’ire des invités arabes, Bush demanda à
Shamir d’ajourner à quatre mois le dépôt de sa demande de
prêt garanti, et il conditionna tout éventuel accord au gel
des colonies israéliennes.
Arens a rappelé que lorsque
Bush a fait savoir qu’il allait exiger un délai, «
le sénateur Daniel Inouye (démocrate, Idaho) tint des propos
absolument sans équivoque : « J’enfile ma
yarmulka : nous allons à la guerre ! »
(Ce n’est sans doute pas un pur effet du hasard si son
premier emploi rémunéré, après sa démobilisation à la
fin de la Seconde Guerre mondiale, avait consisté à
vendre… des Bons de l’État d’Israël !).
Shamir refusa tout net, car il
savait qu’il l’emporterait sur Bush, si le contentieux
venait à être porté devant le Congrès. Le 12 septembre,
conscient du fait que l’Aipac s’était assuré
suffisamment de votes, aux deux chambres, pour que les prêts
garantis soient approuvés et tout veto présidentiel repoussé,
et prenant bonne note du fait que « plus
d’un millier de juifs états-uniens, représentant plusieurs
associations et mobilisés par l’Aipac, s’étaient donné
rendez-vous sur la Colline du Capitole afin d’exprimer leur
soutien à la mise en œuvre rapide des prêts » [24],
Bush eut une réaction inhabituelle : il convoqua une
conférence de presse. Ce qui ce passa alors a été décrit
de manière saisissante dans l’hebdomadaire Washington
Jewish Week [25] :
«
Barbara Mikulski, sénatrice du Maryland, chouchou depuis
longtemps des démocrates de gauche, et qui venait de
promettre son vote en faveur de l’octroi du prêt à un
groupe de lobbyistes juifs, faisait une intervention, quand
elle fut interrompue par un employé qui lui tendit un petit
morceau de papier. ». «
Soudain, elle eut le visage défait », écrivit le
reporter du Washington Jewish Week.
« J’apprends que le président vient
de déclarer qu’il s’opposerait à un prêt garanti de
cent vingt jours au nom du peuple états-unien », déclara-t-elle.
« Le peuple états-unien ! » ;
imaginez un peu… : les États-uniens étaient bien les
derniers de ceux que l’Aipac et le Congrès voulaient voir
pris en compte dans leurs délibérations !…
Comme le dit Arens :
« Bush
convoqua en toute hâte une conférence de presse, et il lança
un appel télévisé absolument extraordinaire au peuple états-unien.
Visiblement en colère, tapant du pied sur l’estrade, il
martela que l’insistance d’Israël sur les garanties menaçait
non seulement la conférence annoncée [Madrid], mais la paix
elle-même. « Un débat (à ce sujet) risque fort de détruire
notre capacité à réunir les parties à la table de la
paix… Si nécessaire, j’utiliserai mon pouvoir de veto
afin d’empêcher cela d’arriver… ». »
Puis le président visa
directement le lobby pro-israélien : «
Nous sommes en butte à des forces politiques puissantes… à
des groupes très puissants et efficaces qui exercent leur
influence jusque sur la colline du Capitole »,
dit-il. « Nous n’avons pincé qu’un
petit gars isolé, ici, en train de faire ça… mais je vais
me battre pour mes idées. Cela devrait pouvoir être
populaire, politiquement. Mais sans doute cela ne l’est
pas… La question n’est pas de savoir si cela est bon pour
la politique de 1992. Ce qui est important, en la matière,
c’est que nous donnions une chance au processus de paix. Et
même si je n’obtiens qu’une seule voix, peu
m’importe… Je suis persuadé que le peuple états-unien
sera à mes côtés. » Puis, élevant la voix, le
président dit :
« …
Voici seulement quelques mois, des États-uniens portant
l’uniforme, hommes et femmes, ont risqué leur vie pour défendre
les Israéliens en face des missiles Scuds tirés par les
Irakiens et, de fait, la campagne Tempête dans le Désert,
tout en remportant une guerre contre l’agression, a également
abouti à la défaite du plus dangereux ennemi d’Israël. »
Il ajouta aussi que, durant l’année fiscale en cours,
« en dépit de nos propres préoccupations
économiques, les États-Unis ont fourni à Israël plus de 4
milliards de dollars d’aide, soit près de cent mille
dollars pour chaque Israélien, homme, femme ou enfant. » [26]
Jamais un président états-unien
ne s’était-il adressé à son peuple avec une telle
franchise, et personne ne l’a refait depuis. Des sondages
effectués par la suite indiquèrent que les États-uniens
soutenaient Bush à trois contre un et que la moitié des répondants
étaient opposés à la fourniture à Israël d’une
quelconque assistance économique. Deux semaines plus tard, un
sondage NBC News / Wall Street Journal
montra que si de 58 à 32 % des électeurs états-uniens étaient
favorables à l’octroi d’aides à l’URSS et de 55 % à
22 % étaient favorables à des aides à la Pologne, les électeurs
opposés à tout soutien économique à Israël étaient entre
46 et 44 %. De plus, 34 % voyaient dans Israël le principal
obstacle à la paix dans la région, tandis que les électeurs
n’étaient que 33 % à penser cela des pays arabes. [27]
S’il y eut jamais une
« fenêtre d’opportunité »
pour les militants de la cause palestinienne, ce fut bien à
ce moment-là. Mais Chomsky allait la refermer avec beaucoup
d’efficacité. Écrivant plusieurs mois après l’appel de
Bush, il se montra narquois, au mieux naïf, et il se garda
bien de mentionner les sondages :
« Au
moment de la confrontation entre les États-Unis et Israël,
il a suffi que le président fronce les sourcils pour que le
lobby israélien s’effondre, tandis que les principaux
journaux qui déviaient rarement de la ligne du Parti israélien
commençaient à faire la queue pour publier des articles
critiquant les pratiques israéliennes et laissant entendre
que leur soutien à Israël n’avait rien d’automatique…
Cela non plus n’avait rien pour nous surprendre. Les groupes
de pression internes tendent (généralement) à être inopérants
à moins qu’ils ne s’alignent sur des éléments
significatifs du pouvoir économico-étatique, ou tant
qu’ils n’ont pas atteint une taille critique et une
intensité qui commandent des gestes visant à les apaiser.
Quand l’Aipac plaide pour des politiques que l’exécutif
et des secteurs majeurs du monde états-unien des affaires
entendent mener à bien, alors il est influent. Mais dès lors
qu’il s’oppose au pouvoir réel, largement consensuel, ce
lobby a tendance à s’effacer très rapidement. » [28]
La minimisation à laquelle
procède Chomsky de la position de Bush, qu’il qualifie de
« froncement de sourcils »,
a été avalisée avec des hochements de tête approbateurs
par les dauphins domestiqués du mouvement [de solidarité].
Aux dires de Chomsky, l’Aipac serait devenu en quelque sorte
un « tigre de papier » et ce
sentiment traversa très vite tous les États-Unis, étant réitérés
par le professeur Joel Beinin, de Stanford. Toutefois, ce que
la conférence de presse de Bush rendit très clair, c’était
l’immense pouvoir exercé par l’Aipac sur le Congrès des
États-Unis, à un point tel que celui-ci est prêt à placer
les exigences d’Israël – un pays étranger – au-dessus
des desiderata d’un président états-unien.
Cela contraignit Bush, après
une semaine, sous pression, à prendre des mesures de toute évidence
désespérées et sans aucun précédent. Tout en tenant bon,
provisoirement, malgré les pressions, il lui fallut moins
d’une semaine pour qu’il écrive à la Conférence des Présidents
des Grandes Organisations Juives états-uniennes, une large fédération
exerçant le lobbying auprès de la Maison-Blanche (et
comportant l’Aipac dans ses rangs), exprimant son désarroi
devant le constat que certaines de ses remarques aient pu
« causer de l’appréhension au sein
de la communauté juive… Mes allusions à du lobbying et à
de puissantes forces politiques n’entendaient absolument pas
être péjoratives, en tout état de cause… » [29]
La réaction de Chomsky à
cette série d’événements et sa décision de les effacer
de sa version de l’Histoire révèlent bien de quel côté
il se situe, dans le conflit israélo-palestinien, quand il
est sommé d’effectuer un choix. Plutôt que d’exhorter
les militants à profiter de l’énorme fissure ouverte par
l’appel dramatique de Bush entre Israël et le peuple états-unien
et de suggérer (sinon d’appeler à) une campagne exigeant
l’arrêt de toute aide à Israël, Chomsky se chargea du
« contrôle des dégâts »
pour l’Aipac. Si l’on doit blâmer le mouvement de
solidarité pour n’avoir pas saisi l’occasion et pour ne
pas avoir agi, malgré les sondages que nous avons vus plus
haut, l’influence qu’exerçait Chomsky sur son action fut
à l’époque écrasante, et elle l’est encore
aujourd’hui.
Bien entendu, l’Aipac
n’allait pas plier sa tente et lever le camp comme ça… Au
lendemain de la conférence de presse présidentielle, Tom
Dine, directeur exécutif du lobby pro-israélien, déclarait :
« Le 12 septembre est un jour qui
restera, à la postérité, comme un jour d’infamie »,
après quoi il déclara la guerre au président. Au vu des
sondages, tant Israël que l’Aipac étaient d’avis qu’il
serait contre-productif de défier le président au Congrès,
mais qu’ils attendraient les cent vingt jours. Durant cette
période d’attente, on put déceler une augmentation considérable,
dans les médias, d’articles critiquant la manière
qu’avait Bush d’exercer la présidence, tout particulièrement
en matière économique. Les élections de novembre étant en
vue, et Yitzhak Rabin ayant succédé à Shamir au poste de
Premier ministre en Israël, Bush accepta de garantir les prêts,
avec la réserve que les sommes dépensées par Israël dans
les territoires occupés soient défalquées du montant total
de l’aide. Mais cela ne tira nullement Bush d’affaire.
Arens résuma la situation ainsi :
« Bush
échoua dans sa tentative d’obtenir un second mandat. Les
tentatives répétées déployées par son administration
d’interférer dans la politique intérieure israélienne étaient
absolument sans précédent dans toute l’histoire des
relations entre les États-Unis et Israël… Bien que, durant
les mois consécutifs à la défaite du Likoud, Bush ait donné
à Rabin tout ce qu’il refusait d’accorder à Shamir, y
compris les fameux prêts garantis, il n’est pas parvenu à
dissiper l’impression selon laquelle son administration
aurait été hostile à Israël. Bill Clinton a battu Bush,
aux élections présidentielles. Une grande majorité de la
communauté juive états-unienne ainsi que de nombreux
non-juifs, partisans acharnés de l’alliance entre les États-Unis
et Israël, ne purent se résoudre à voter en faveur de
George Bush. Le style de Bush, vis-à-vis d’Israël, proche
de la confrontation, et en particulier la suspension des
garanties de prêts, avaient contribué à la défaite du
Likoud, en dépit de la marge très étroite dont disposait
Rabin électoralement ; l’attitude de Bush a fort bien
pu s’avérer déterminante. Aujourd’hui, apparemment,
cette même politique a contribué aussi à la défaite de
Bush lui-même… » [30]
Les lecteurs devraient se
demander comment un rapport de première main peut-il coller
avec ce que Chomsky a qualifié d’ «
extrême parti pris pro-israélien de l’administration Bush
/ Baker », dans une interview accordée à son
faire-valoir dévoué, David Barsamian ? [31]
Étant donné l’expérience
de leurs prédécesseurs, Bill Clinton et George W. Bush décidèrent
apparemment : « si vous ne pouvez
pas les vaincre, alors joignez-vous à eux. »
Clinton remit entièrement sa diplomatie moyen-orientale entre
les mains des lobbyistes pro-israéliens liés au parti
travailliste israélien, tandis que Bush fils, après une
collision douloureuse et perdante avec le lobby et Ariel
Sharon, après ses critiques des agissements israéliens à Djénine,
en 2002, permit à un gang de néocons pro-israéliens d’écrire
à sa place son script moyen-oriental, ce qui nous valut
notamment la guerre en Irak. Il est même allé encore plus
loin, s’en remettant à Sharon lui-même, comme l’ont fait
observer des sources aussi diverses que Robert Fisk et Brent
Scowcroft, conseiller ès sécurité nationale sous George père,
Fisk suggérant que Sharon était chargé du «
bureau des relations de Bush avec la presse » [32]
et Scowcroft, que le Premier ministre israélien avait
« galvanisé » George fils [33].
De nos jours, le contrôle exercé par Israël et par ses
partisans états-uniens sur la politique des États-Unis au
Moyen-Orient semble, en effet, total.
Chery Rubenberg, après avoir
étudié dans le détail ce lobby, dans son ouvrage Israel
and the American National Interest, concluait ainsi :
« Le
pouvoir du lobby pro-israélien sur la détermination et la
mise en œuvre de la politique étrangère des États-Unis au
Moyen-Orient est devenu un goulot d’étranglement potentiel.
Peu importe, désormais, de savoir si les responsables états-uniens
élus souscrivent ou non à l’idée qu’Israël soit pour
les États-Unis un atout stratégique, ou non. Ce qui importe,
en revanche, c’est le fait que le lobby pro-israélien soit
en mesure de maintenir la prévalence de cette perception, qui
en fait virtuellement une vérité politique échappant à
toute discussion et garantit qu’aussi sévèrement compromis
les intérêts états-uniens seraient-ils du fait des
politiques israéliennes, le gouvernement états-unien n’en
persisterait pas moins à apporter son soutien total à Israël.
L’efficacité de ce lobby pour influencer le processus électoral
et sa capacité de modeler l’opinion publique et
d’affecter la culture politique sont des facteurs majeurs
dans la formation de cette perception ». [34]
On peut avancer sans risque de
se tromper que ce lobby, dans cette mission, n’a pas
d’allié plus efficace que Noam Chomsky…
Un pied toujours à Sion
Bien que j’aie appris tout
à fait incidemment que Chomsky avait été sioniste de son
jeune temps, cela ne me semblait pas très important, dès
lors que ses descriptions des injustices accumulées sur les
Palestiniens par les Israéliens, détaillées par le menu
dans le Triangle Fatal et dans d’autres
de ses ouvrages, exposaient des milliers de nouveaux lecteurs
et de militants en puissance aux horreurs du sionisme. Ce qui
était étonnant, en revanche, c’était la raison pour
laquelle, à la même époque, il couvrait les agissements du
lobby pro-israélien.
Tout en faisant des recherches
en vue de la rédaction du présent article, je pense que
j’ai trouvé la réponse. En 1974, Chomsky a écrit un petit
opuscule, Peace in the Middle-East (La
Paix au Moyen-Orient), qui renferme beaucoup de réponses à
cette énigme. Mais le paragraphe ci-après liait ensemble
toutes ces réponses. Chomsky écrivait, en effet :
« …
quelques années après [la création d’Israël], je passai
plusieurs mois emplis de bonheur à travailler dans un
kibboutz, et j’ai pensé retourner y vivre définitivement
pendant plusieurs années. Certains de mes amis les plus
proches, dont plusieurs avaient exercé une influence indéniable
sur ma propre pensée, au fil des années, vivent
aujourd’hui dans des kibboutzim, ou ailleurs en Israël et
je conserve avec eux des relations étroites qui échappent
pratiquement à toute attitude ou à tout jugement de nature
politique. Je mentionne tout ceci afin d’indiquer très
clairement que je vois inévitablement ce conflit, qui s’éternise,
d’un point de vue très particulier, coloré par ces
relations personnelles. Sans doute, cette histoire personnelle
a-t-elle tendance à déformer ma perspective. A toutes fins,
[j’en informe] le lecteur, [qui] doit en avoir la notion. » [35]
Bien que Peace
in the Middle-East ait été réédité en 2003, en première
partie d’un énième bouquin de Chomsky, Middle-East
Illusions, il est loisible de s’interroger sur le nombre
des admirateurs de Chomsky qui connaissent ce «
détail » de son passé. On trouvait une allusion
à la jeunesse sioniste de Chomsky dans l’interview de
Safundi citée plus haut, et ceci semblait justifier sa détermination
à vouloir protéger Israël (un pays envers lequel il nourrit
manifestement une grande affection), contre toute sanction, en
dépit de ses exactions. Voici ce que déclarait Chomsky lors
de sa dernière interview :
«
J’ai été impliqué dans cela [= le sionisme, ndt] depuis
mon enfance, dans les années 1930. J’appartenais au
mouvement sioniste. En fait, j’étais un dirigeant des
jeunesses sionistes. Mais j’étais contre l’idée d’un
État juif, qui faisait partie du programme du mouvement
sioniste, à l’époque. Ce n’était pas le principal de ce
programme, mais cela était considéré comme faisant partie
d’un tout… Ainsi, j’ai pu être un dirigeant militant
des jeunesses sionistes – chose qui importait plus que tout,
pour moi, durant mon adolescence – mais je demeurai opposé
à la création d’un État juif, jusqu’en 1948. » [36]
À la lecture de Peace
in the Middle-East et de ses derniers écrits, ce qui
apparaît nettement, c’est la vision des pionniers
sionistes, naïve et romantique, qui était celle de Chomsky,
et sa croyance sincère que les dirigeants du Yishouv juif
(colonie juive) en Palestine – en dépit d’innombrables
preuves du contraire – auraient été sincèrement intéressés
par un partage pacifique des terres avec les Arabes
palestiniens (qu’ils étaient néanmoins déjà en train de
déposséder) et qu’ils n’auraient opté pour un État
qu’en 1942, à la veille du déclenchement de l’Holocauste
nazi. Voici de quelle manière il présente cette
argumentation, dans son ouvrage Towards a New
Cold War [Vers une nouvelle Guerre froide] :
« Il
est important de rappeler que durant la période ayant précédé
la Deuxième Guerre mondiale, les dirigeants sionistes (en
particulier ceux qui étaient liés au parti travailliste,
dominant dans le Yishouv palestinien) étaient véhémentement
opposés à l’idée d’un État juif, « qui
signifierait en fin de compte une domination juive sur les
Arabes, en Palestine », sur la base du principe selon
lequel « la domination d’un groupe national sur un
autre » est illégitime et que les « Arabes de
Palestine » ont le droit de ne pas se trouver à la
merci des juifs. » [37]
Il faut se reporter aux notes
de bas de pages, pour trouver que l’orateur cité n’était
autre que David Ben Gourion, lequel demeure un personnage
admirable dans le Panthéon de Chomsky. Ce que Chomsky n’a
pas mentionné, en revanche, c’est le fait qu’en 1931, à
l’époque où Ben Gourion fit ce commentaire, les juifs
vivant en Palestine n’étaient qu’au nombre de 172 300
personnes, soit 18 % de la population totale, à opposer à
784 891 Arabes, et qu’ils ne possédaient que 1 201 529
dounoms, soit 4,6 % de la superficie du pays… [38]
Ces circonstances étant
connues, le fait que Ben Gourion et d’autres dirigeants
sionistes aient dit ce qu’ils ont dit à l’époque ne
devrait surprendre personne. En effet, ils préféraient,
comme ils n’ont cessé de le faire depuis lors, «
créer des faits accomplis sur le terrain. » Dans
la citation de Chomsky rapportée ci-dessus, le mot «
publiquement » [au sens de : pour la galerie,
ndt] aurait été plus indiqué que « véhémentement
». C’était là également l’opinion du leader
sioniste aujourd’hui disparu Nahum Goldmann, que Chomsky
cite, mais en mettant en doute «
l’exactitude de son interprétation, tant d’années après
les faits et après qu’un État juif ait, de fait, été
institué. » Goldmann, qui allait par la suite créer
le Congrès Juif Mondial, se trouvait bel et bien en
Palestine, dans les années 1930, il y participait aux
discussions et débats. Dans son autobiographie, il fait
remarquer que le silence observé par les sionistes quant à
leurs intentions de créer un Etat juif – remontant aux années
1920 – était un silence purement tactique. Mais Chomsky ne
croit que ce qu’il veut bien croire. Et, aussi, nous faire
croire… [39]
Il faut poser la question à
ceux qui soutiennent la position de Chomsky, par opposition à
celle de Goldmann (et de la majorité des observateurs, à
l’époque), de savoir si les sionistes, tant majoritaires
que révisionnistes, dépensaient toute cette énergie, tout
cet argent et toute cette pression politique, depuis tant
d’années, avant la Deuxième Guerre mondiale, à la seule
fin de NE PAS créer d’État juif ? ! ?
J’ai noté ci-dessus la
critique faite par Chomsky de l’approbation par le Conseil
de Sécurité de l’Onu de la Résolution 242, en 1967,
qu’il rejette en raison de son «
rejectionnisme ». Sa propre pensée, à l’époque,
toutefois, révélait clairement ses affinités et ses préoccupations
pour Israël, qui informaient ses pensées à l’époque,
comme elles continuent d’ailleurs à le faire,
aujourd’hui. Dans Peace in the Middle East,
il révèle qu’
« à
l’époque de la guerre des Six jours, en juin 1967, j’ai
pensé personnellement que la menace de génocide était réelle,
et j’ai réagi par un soutien virtuellement inconditionnel
à Israël, dans ce qui semblait être des circonstances
historiques désespérées. Rétrospectivement, il semble que
cette évaluation des faits était douteuse, dans le meilleur
des cas. » [40]
C’était là, de la part de
Chomsky, une expression honnête de son affection pour Israël
et une exceptionnelle reconnaissance d’une de ses erreurs.
Apparemment, ce fut aussi la dernière ! Étant donné ce
contexte, d’autres déclarations douteuses de Chomsky,
notamment dans sa fameuse interview sud-africaine, deviennent
compréhensibles. Alors qu’on lui demandait d’expliciter
la différence entre Israël avant la création de l’État
et Israël après la création de l’État, il répondait :
« La période
post-1967 est différente. Le concept de colonisation de
peuplement s’appliquerait plutôt à la période d’après
1948. Il s’agit tout simplement d’une population venue
d’ailleurs, qui vient fondamentalement déposséder une
population indigène… Sans entrer dans les détails, en ce
qui concerne 1948, cet argument est dépassé. Il y avait [désormais]
un État, que cela soit juste ou non. Et cet État devait
disposer des droits de tout État dans le système
international, ni plus, ni moins. Après 1967, [en revanche]
la situation est entièrement différente. Là, il y a conquête
militaire. » [41]
Ce que Chomsky semble dire ici
aux Palestiniens, après 1948, c’est : «
Il va falloir vous y faire ! »
S’agit-il simplement d’une
mauvaise interprétation ?
L’apartheid en Afrique du
Sud n’aurait-il pas pu être défendu, lui aussi, sur la
base des mêmes principes ? Et que fut la guerre de
1948,en Israël, sinon une conquête militaire ? Israël
s’est emparé non seulement de la zone qui lui était allouée
par les Nations unies, mais aussi de la plus grande partie de
ce qui aurait dû devenir l’État palestinien, si les
Palestiniens avaient accepté le partage.
En définitive, comment l’idéal
qui est celui de Chomsky, d’un foyer national juif en
Palestine, aurait-il pu être réalisé autrement que grâce
au colonialisme de peuplement ? Ce sont là quelques-unes
seulement, parmi les nombreuses questions qui requièrent une
réponse, de la part de Chomsky.
Conclusion provisoire
Par ces quelques pages, j’ai
entrepris ce qui aboutira, idéalement, à une évaluation
critique plus détaillée des œuvres de Chomsky. Il s’agira
non pas d’un exercice purement académique, mais d’un
instrument permettant de dynamiser ce qui fut un mouvement très
largement inopérant, en ce qui concerne le combat en vue de
la justice en Israël / Palestine, dont les fantassins s’en
sont remis à Chomsky afin d’être guidés par lui. J’ai
conscience du fait que ce que j’ai écrit va déranger ceux
qui lui ont accordé un statut de quasi-divinité, comme cela
irritera d’autres, qui ont laissé leur amitié pour Chomsky
leur intimer le silence sur ses échecs, même quand ils en étaient
conscients.
Telle était bien mon
intention !
Plutôt que des réponses sous
forme d’attaques personnelles, je souhaiterais que les
questions soulevées ici soient examinées pour elles-mêmes.
Que le débat commence !
Jeffrey
Blankfort
Journaliste juif états-unien,
co-fondateur du Labor Committee of the Middle East.
Ancien directeur du Middle East Labor
Bulletin.