Opinion
Nous ne serons pas
complices des Pétain palestiniens (2)
Pierre-Yves Salingue
Mercredi 25 août 2010
2ème
partie : les fantassins français de Salam Fayyad
"Solidarité
critique" ?
Solidarité critique. Tel est le titre donné par Dominique Vidal
(DV) à la présentation d'une récente publication de l'AFPS.
Il
y condamne une confusion entre "solidarité et
inconditionnalité", écrivant notamment "nous nous sommes
interdits d'analyser et de critiquer les aspects négatifs de
l'action du Fatah et de l'OLP"
Pour être complet, DV aurait pu noter que cet "interdit"
fut largement appliqué à certains qui ne peuvent se
reconnaître dans le « nous » et qui osaient critiquer,
inévitablement accusés de ne pas respecter "le choix des
Palestiniens" quand ce n’était pas de « faire le jeu
d’Israël » !
Cette prise de conscience, certes un peu tardive , devrait
logiquement préserver des rechutes dans l’erreur similaire.
D'ailleurs, usant d'une symétrie un peu sommaire, DV dénonce la
répétition de l'erreur avec le Hamas, par "certains, dans le
mouvement de solidarité"
Mais si le soutien du mouvement de solidarité
doit aller au
Peuple palestinien et non "au
Fatah, au Hamas ou à toute autre composante du mouvement
national", comment pourrait-il aller à la politique de Fayyad ?
Car si un individu
ne représente pas "le choix des Palestiniens", c'est bien lui !
On
a rappelé plus haut les conditions dans lesquelles il a été
substitué au Premier ministre du Hamas légitimement désigné par
la majorité élue au CLP et comment il a
été imposé à toutes les
composantes du mouvement national.
Et
pourtant, la prudente réserve a fait place à un soutien encore
discret.
A
son égard, Il n'y a ni hostilité ni défiance et on peut même
entendre et lire de curieuses louanges.
Déjà en 2008 à Bil’in, aux côtés de Luisa Morgantini,
admiratrice de Fayyad dès la première heure, Bernard Ravenel
(BR), alors Président de l'AFPS, se félicitait d'avoir pu "voir
intervenir et discuter librement, en évitant toute attitude
dénonciatrice de l'autre, à la fois des représentants de
l'Autorité palestinienne à commencer par le Premier ministre
Salam Fayyad..."
Pas d'état d'âme donc pour rendre hommage à l'employé de
l'Impérialisme, mis en place à la faveur d'un putsch.
BR
se permettait même de regretter l'absence du Hamas "invité mais
qui n'a pas répondu", oubliant probablement que suite à l'état
d'urgence décrété par Abbas, les militants du Hamas de
Cisjordanie étaient pourchassés par les forces de sécurité de
l'Autorité Palestinienne et que ses parlementaires étaient dans
les geôles israéliennes... Cet emprisonnement permettant
d’ailleurs à l’imposteur Fayyad d’être à la tribune !
Ces trois dernières années, nombreuses sont les délégations
d'élus locaux, d'associatifs, de femmes Etc. qui n'ont vu aucun
problème à rencontrer tel ou tel "ministre" de ce gouvernement
sans aucune base constitutionnelle légale, le top étant
évidemment de rencontrer Fayyad lui-même.
Les visites diplomatiques sont une chose mais ne valent pas
légitimation politique, me dira-t-on.
Et
bien, pour ce qui est de la légitimation politique, c'est chose
faite.
C'est Dominique Vidal (DV) qui a délivré le certificat de bonne
conduite à Fayyad, avançant progressivement à l'occasion de
différentes communications.
Dans un rapport présenté devant le Conseil National de l'AFPS en
septembre 2009, DV a parlé de l'action de Fayyad comme une des
"tentatives" qui se manifestent chez les Palestiniens pour
échapper à l'échec de leur stratégie.
De
Fayyad il dit: « cette tentative peut être appréciée de diverses
façons mais il ne serait pas sérieux de la qualifier purement et
simplement de "collabo" »
Il
note également que Fayyad avait acquis une certaine popularité
"grâce aux améliorations apportées à la vie quotidienne en
Cisjordanie".
Quelques mois plus tard, l'image de Fayyad s'embellit.
Devant les militants des comités locaux de l’AFPS réunis en Mai
2010, évoquant Bil'in symbole de "la résistance populaire non
armée", DV commente : " Cette dernière bénéficie du soutien
actif du Premier ministre Salam Fayyad qui l'intègre à sa
stratégie".
Plus loin, il explique
la popularité croissante de Fayyad
par "les améliorations qu'il apporte au niveau de vie et
de sécurité en Cisjordanie et en raison de sa gestion de la
résistance: boycott des produits des colonies, investissements
dans la zone C etc. »
La
porte a été entrouverte et il ne reste plus qu'à s'y engouffrer
pour passer au soutien affirmé.
Dans un document public diffusé lors d’un colloque au Palais du
Luxembourg en juin,
intitulé "la résistance populaire non violente en Palestine en
2010", l'AFPS écrit:
« Depuis l'été 2009 la résistance populaire est devenue un axe
du projet politique du Premier ministre, articulé avec le
financement de projets de développement pour aider les
Palestiniens à résister en restant sur leurs terres d'une part,
le lancement du boycott des produits des colonies et des emplois
qu'elles offrent encore d'autre part »
Plus loin on peut lire: " l'Autorité favorise la coordination de
nombreux comités, elle les soutient financièrement... des
membres du gouvernement participent aux manifestations, à la
plantation d'arbres... Le poids, l'avenir de la résistance
populaire s'en trouvent profondément modifiés"
« Profondément modifiés » en effet ! Car comme l’expliquent
différents militants précités, l’engagement de l’AP dans la
résistance populaire, c’est d’abord pour la contrôler et la
canaliser.
Comment est-il possible d'oublier les circonstances de la
désignation de Fayyad ?
Comment est-il possible d’ignorer les actions répressives des
forces de sécurité palestiniennes, la collaboration active de
cette force de police avec les forces de l'occupant pour
repérer, pourchasser et arrêter des militants du Hamas, du FPLP
etc.?
[5]
Comment peut-on confondre le légitime désir de voir la vie
quotidienne
s'améliorer un peu avec un soutien populaire à Fayyad ?
Comment peut-on confondre une tentative (pas encore aboutie) de
prise de contrôle des comités populaires au moyen de l'argent
avec un soutien financier transparent à la lutte ?
Comment peut-on croire à la fable des "projets de développement"
sans même se poser la question du développement possible sous
occupation coloniale et dans une situation où l’économie locale
reste totalement dépendante de celle des occupants ?
Comment peut-on se laisser prendre par "le cinéma" de l'AP dans
la zone C, quand elle a pendant 15 ans ignoré l'existence des
Palestiniens dans cette partie de Cisjordanie que les accords
d'Oslo avaient laissés soumis à la seule "administration" de
l'armée et de la police israéliennes et qu'il en résulte que
ce show est principalement destiné aux médias à la botte
et à ceux qui les croient, puisque aujourd’hui à peine 5% des
Palestiniens de Cisjordanie résident encore en zone C ?
Quant aux zones
densément peuplées, y améliorer les conditions de survie ne
représente aucunement une « troisième voie »
et
s’adapte parfaitement à la vision israélienne de l’état
croupion, morcelé et sans souveraineté.
En
réalité ce
ralliement honteux est justifié comme l'était le précédent : que
voulez-vous, « c'est le choix des Palestiniens »
L'argument du "choix
des Palestiniens"
"Il faut respecter le choix des Palestiniens"
On
a beaucoup lu et entendu cette expression, pendant toutes ces
années qui ont suivi les accords d'Oslo, quand la marche
triomphale à la paix exigeait d'écarter tous les râleurs qui
mettaient en garde et parlaient de l'écart qui se creusait entre
le discours et la réalité sur le terrain, puis dans les années
2000, après le déclenchement de la deuxième Intifada, quand il
fallait faire taire celles et ceux qui dénonçaient la futilité
des négociations, des rencontres et des projets d'accord "pour
la paix" qui masquaient
la réalité de la colonisation et du nettoyage ethnique en
cours.
La
formule péremptoire devait mettre un terme à toute interrogation
critique sur la politique mise en œuvre par la direction
palestinienne et sur les conséquences en matière de solidarité.
L’OLP était « l’unique représentant légitime du PP » et Arafat
était intouchable.
D’ailleurs, la représentante de la Palestine était d’accord et
cautionnait la ligne suivie. Alors…
La
formule est de retour.
C'est Denis Sieffert (DS) qui la recycle dans un article paru
dans le numéro 1099 de Politis.
Comme pour faire le contrepoint au très bon article de C.Cirillo
Allahsa qui ne laisse guère place aux illusions quant aux
intérêts défendus par l’Autorité , DS y brosse un portrait
plutôt élogieux de Salam Fayyad. Notant qu’il
« s’inscrit habilement dans l’air néolibéral du
temps », DS écrit : « on peut regretter que la marche vers
l’état palestinien n’emprunte pas des chemins plus directs »…
mais « la situation étant ce qu’elle est, on ne peut pas
s’ériger en juge des choix palestiniens »
Cette fois, la ficelle est encore plus grosse, car la situation
a changé.
La
direction de l’OLP était celle d’un mouvement de libération.
Certains - et je partage leur avis- avaient depuis longtemps
dénoncé sa bureaucratisation, sa faillite dans sa mission, sa
corruption, son abandon de toute stratégie révolutionnaire de
libération nationale Etc. mais c’était un mouvement dans lequel
l’immense majorité des Palestiniens et notamment les réfugiés
avait fondé l’espoir de la libération de la terre de Palestine.
A
tort ou à raison, Arafat et le Fatah ont longtemps incarné cet
espoir.
Au
fil du temps et du fait de choix stratégiques catastrophiques,
ils l’ont bradé et ont perdu la légitimité initiale. Mais pour
beaucoup, ceci n’est devenu clair que lors de la défaite du
Fatah aux élections de 2006.
Depuis, chacun peut constater la crise stratégique profonde du
mouvement national et pas seulement du Fatah.
Aucune alternative stratégique n’a émergé sur les décombres
provoqués par Oslo, la voie des négociations n’est qu’une
impasse que la colonisation croissante de la Cisjordanie et le
blocus de Gaza ont transformé en piège mortel pour les
Palestiniens et Abbas se débat au milieu des ruines du désastre
politique que chacune de ces initiatives aggrave.
Du côté des forces politiques islamiques, si le Hamas refuse de
céder au chantage du blocus et s’il affirme de plus en plus sa
domination à Gaza, il se retrouve piégé par des résultats qui
l’ont mis en situation de gestionnaire d’une institution mise en
place contre les intérêts des Palestiniens et il ne semble pas
non plus capable de proposer l’orientation politique qui
permettrait la mobilisation
à la hauteur des attaques subies, tant par les réfugiés
de l’extérieur que par les Palestiniens de 48 et par ceux de
Cisjordanie, de Jérusalem et de Gaza.
Abbas et son équipe de négociateurs professionnels répètent en
bégayant la demande de l’Etat palestinien indépendant, mais qui
peut croire que ceux qui ont été battus aux élections de 2006
incarnent aujourd’hui « le choix palestinien » ?
Reste donc Fayyad qui ne peut exprimer un quelconque choix
palestinien.
Fayyad n’est ni le choix des Palestiniens ni même celui de
« certains palestiniens ».
Fayyad est tout simplement le choix du gouvernement américain,
de l’Europe et du FMI : bref, c’est le choix de l’impérialisme.
En
un certain sens, on peut être d’accord avec D Vidal. Ce n’est
pas vraiment un « collabo »
Il
n’est pas issu du mouvement national et n’a jamais participé à
une quelconque lutte.
Il
est là en mission, comme avant à la Banque mondiale puis au FMI.
Il
ne collabore pas, il défend sa classe.
Comme l’écrit Azmi Bishara, Fayyad est « l’employé de la
communauté internationale »
On
peut aussi citer Nabil AMR (un fin connaisseur !) : « Fayyad est
un simple entremetteur de l’aide occidentale…mais il tient les
cordons de la bourse. »
On
l’a doté de quelques moyens pour rendre momentanément
l’occupation plus douce, il peut faciliter les mouvements des
Palestiniens sous réserve de construire des routes qui
renforcent la colonisation et
permettent aux forces israéliennes de mieux les
contrôler.
Quand il développe des projets comme dans le tourisme à
Bethléem, c’est en accord avec les Israéliens qui peuvent ainsi
troquer l’uniforme de l’occupant contre le costume de
« partenaire économique »
En
vérité, la politique actuelle de Fayyad n’est aujourd’hui
possible que sur la base de la défaite, de la démoralisation, du
chantage financier et de la répression.
Il
est là pour poursuivre le travail d’affaiblissement du Peuple
palestinien, la division Gaza /Cisjordanie et maintenant la
fragmentation en cantons isolés, autant d’étapes de la
destruction des bases matérielles nécessaires au maintien d’une
conscience politique fondée sur le sentiment d’appartenance à
une lutte collective de libération nationale.
Un « choix palestinien »
si utile pour vendre « la solution »
Cette fois ci donc, la thèse du « choix des Palestiniens » est
difficile à défendre.
Mais Il faut pourtant que « la solution » envisagée pour régler
définitivement la question palestinienne
apparaisse comme résultant d’un choix des Palestiniens,
au moins de quelques-uns uns qu’on adoubera et à qui on donnera
une « légitimité »
La
crise du mouvement national, la déconfiture du Fatah, l’échec de
la tentative de constituer une « troisième voie » dotée d’une
base populaire significative, l’effondrement des diverses
tentatives de fabriquer de toute pièce des successeurs à Arafat
et le refus jusqu’à ce jour d’accepter le Hamas dans le jeu de
la négociation …tout ceci complique sérieusement l’adoption
d’une « solution » censée mettre un terme définitif au conflit,
alors qu’elle ne répond à aucune des exigences fondamentales
palestiniennes.
Car tel est l’enjeu : il faut imposer une solution et pas
n’importe laquelle !
DV
l’affirme dans son rapport introductif
à la Conférence des groupes locaux de l’AFPS tenue à Ivry
le 29 mai 2010 :
« Reste à savoir si la Maison Blanche voudra et saura se servir
de ces évolutions comme d’un tremplin pour imposer un
règlement dont nul n’ignore les termes. Car ils figurent
dans les résolutions de l’ONU, les accords israélo-palestiniens
et la Feuille de route du Quartet : retrait de l’armée et des
colons israéliens des Territoires occupés en juin 1967,
établissement d’un État palestinien dans ces frontières et avec
Jérusalem-Est pour capitale, solution juste pour le droit des
réfugiés de 1948 et de 1967… »
La
juxtaposition des textes auxquels il est fait référence laisse
un peu perplexe : toutes les résolutions de l’ONU ? Quels
« accords israélo-palestiniens ? Et
l’initiative arabe ? Etc.
Mais la référence à la feuille de route suffit pour comprendre
ce dont il est question quand on écrit « règlement dont nul
n’ignore les termes »
Dans ce qui lui tient de préambule, les auteurs de la feuille de
route ont écrit : « un règlement du conflit
israélo-palestinien prévoyant deux états ne verra le jour que
lorsque le peuple palestinien aura des dirigeants qui agiront de
façon décisive contre le terrorisme et auront la volonté et la
capacité de construire une véritable démocratie fondée sur la
tolérance et la liberté »
Tout était dit ou presque.
Comme l’écrit JF Legrain : « l’Etat n’est plus un droit des
peuples issu de celui à l’autodétermination garanti par la
charte des Nations unies. Il est réduit à n’être que la
récompense hypothétique pour l’accomplissement d’un processus
exigé du peuple concerné »
[6]
La
reprise annoncée des négociations bilatérales, qui étaient la
première étape de la feuille de route, semble signifier que
Abbas et Fayyad ont subi l’examen de passage avec succès.
Aujourd’hui que peut-être « les Palestiniens » ont satisfait aux
exigences sécuritaires, on va passer aux points suivants .Mais
en réalité tout est réglé du fait de l’évolution de la situation
sur le terrain !
C’était évidemment l’objectif n°1 car la feuille de route
obéit à un principe non-dit mais intangible, déjà présent dans
les accords d’Oslo : les questions fondamentales du conflit
ne seront abordées dans la négociation que quand elles auront
été réglées dans les faits au bénéfice d’Israël !
Et
c’est bien ce qui s’est passé ! Pendant que les Palestiniens
« arrêtaient les violences », « démocratisaient les
institutions », désarmaient les résistants, « réformaient » les
services de sécurité Etc. les Sionistes construisaient plus de
colonies, plus de routes de contournement,
renforçaient le mur, expulsaient les paysans de la vallée
du Jourdain, les Bédouins du Nakhab, les habitants de Jérusalem
Etc.
Au
demeurant, autant la feuille de route détaille les conditions
imposées aux Palestiniens pour pouvoir avancer vers un « statut
permanent qui marquera la fin du conflit » autant les
obligations d’Israël sont vagues sinon dérisoires : c’est
ainsi que sur la question des colonies la seule chose
concrète affirmée est que doivent être démantelées « les
colonies érigées depuis mars 2001 »
Quant aux droits fondamentaux des trois composantes du Peuple
palestinien :
-
Du droit à
l’autodétermination, il n’est même pas question.
-
La situation des
Palestiniens citoyens d’Israël
n’est pas abordée
-
Le droit au retour est
ainsi résolu : « une solution
acceptée, juste, équitable et réaliste de la question des
réfugiés »
Est-ce là « La
solution juste pour les réfugiés » dont parle DV ?
C’est à coup sur la conception d’Abbas et de Fayyad qui parlent
de « solution juste et convenue »
et de « retour dans l’Etat palestinien »
Ce
n’est évidemment
pas l’application du « droit au retour des réfugiés sur
leurs terres et dans leurs foyers »
D’ailleurs, la feuille de route ne fait aucune référence à la
résolution 194, seules les résolutions 242,338 et 1397 sont
évoquées.
Elle ne dit rien
sur le sort des milliers de
prisonniers mais elle n’oublie pas de conclure sur le
fait que « dans
le contexte d’un accord de paix
général entre Israël et la Palestine,
les
pays arabes acceptent le principe de la
normalisation de leurs
relations avec Israël »
C’est ça « l’état palestinien indépendant » !
C’est ça « le règlement dont nul n’ignore les termes » !
Croit-on vraiment que les Palestiniens vont l’accepter ?
Est-ce le rôle d’un mouvement de solidarité de les y
contraindre ?
Non seulement la
solution est connue, mais les moyens d’y parvenir aussi !
Pour DV « la situation sur le terrain est bloquée », aussi bien
en Israël qu’en « Palestine » (on suppose qu’il s’agit des
territoires occupés en 67 : Cisjordanie et Gaza)
Radicalisation à droite côté israélien, impasse stratégique côté
palestinien .
L’issue serait donc à chercher ailleurs : « en tout cas, la
solution, si elle doit intervenir, dépend essentiellement de la
Communauté internationale »
écrit –il.
Peut-être s’agit-il d’une interprétation paradoxale du « droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes » ?
Comme les Palestiniens semblent incapables d’obtenir un état que
d’ailleurs les Israéliens leur refusent, on va leur octroyer
quelque chose qu’on appellera « Etat »
Cette hypothèse n’est pas nouvelle.
Elle a été partagée (et l’est encore) par de nombreux dirigeants
palestiniens, principalement du Fatah mais pas seulement et
aussi par de nombreux politiciens occidentaux et par des
responsables du mouvement de solidarité.
Elle repose sur deux piliers.
Le
premier, fondamental, est celui d’une acceptation définitive
de la situation créée au lendemain du vote du partage de la
Palestine par l’ONU en novembre 1947.
Il
est établi une fois pour toutes qu’il existe un « état juif » et
que le seul problème réside dans le manquement de la Communauté
internationale à ses responsabilités : elle a permis la création
de l’Etat d’Israël mais elle n’a pas imposé l’Etat arabe
(palestinien)
Ancrer l’application du droit international pour les
Palestiniens dans la décision du partage, c’est éviter de
traiter l’Etat d’Israël comme un état colonial qui a été imposé
par la force.
C’est le plus sûr moyen d’écarter le vrai droit à
l’autodétermination du Peuple palestinien, en cantonnant
l’application possible de ce droit à un territoire amputé d’une
grande partie des terres et des ressources qui devraient être le
cadre de l’expression de ces droits, en l’occurrence la totalité
de la Palestine du mandat britannique.
Ceux qui acceptent le partage aujourd’hui entérinent la
forfaiture commise par les Nations Unies qui n’avaient aucun
droit de priver les habitants autochtones de la Palestine de
leurs terres et de leurs richesses.
Au
demeurant, aucun de ceux qui invoquent la décision de partage
pour demander la création de l’Etat palestinien ne propose
d’établir cet Etat en respectant les termes du vote de
1947.Tous, sans exception, parlent des « frontières de 67 »,
légitimant ainsi les conquêtes territoriales des forces
sionistes, bien au-delà des limites tracées dans la décision de
partage et y compris les conquêtes acquises par la terreur et la
violence avant la proclamation de l’Etat d’Israël et avant le
déclenchement de la 1ère guerre israélo-arabe .
Ceci démontre, s’il en était encore besoin, que « le respect du
droit international » leur
sert d’abord à protéger l’état colonial sioniste
et très secondairement à consoler les Palestiniens du vol
des terres et du nettoyage ethnique dont ils ont été victimes.
C’est tenter de masquer une histoire de vol de terres qui
n’étaient pas du tout « sans peuple » au moyen d’un autre acte
de piraterie ayant toutes les apparences de la légalité
puisqu’il émane de l’instance la plus élevée de la communauté
internationale.
Le
deuxième pilier est celui du rôle prêté à la principale
puissance impérialiste.
La
direction palestinienne en a fait une option stratégique : il
fallait démontrer au décideur américain qu’il était dans ses
intérêts d’être « un arbitre honnête » du conflit, quitte à
renoncer à l’essentiel des revendications fondamentales du
mouvement national pour convaincre les présidents successifs.
Ce
choix catastrophique, effectué bien avant Oslo, est à l’origine
de la crise du mouvement national palestinien et de son tragique
isolement.
C’est ainsi que, depuis de nombreuses années, les négociateurs
palestiniens et divers « spécialistes du Moyen-Orient »
auscultent et décryptent les propos des dirigeants américains,
dans l’ espoir d’y futile d’y déceler l’expression qui
annoncerait « le tournant » espéré.
« Bush a changé, il veut une solution qui passe par un vrai
état, véritablement indépendant, pas des bantoustans épars. »
écrit E Sanbar,
dans l’Humanité du
23/02/2005, plusieurs mois après la lettre de Bush à Sharon
(14/04/2004) dans laquelle il écrit :
« il serait irréaliste de
s’attendre à ce que les pourparlers se terminent par un retour
absolu aux lignes d’armistice de 1949 » !
L’arrivée d’Obama à la Maison Blanche a relancé les supputations
les plus naïves.
Le discours du Caire a alimenté une nouvelle vague d’optimisme
illusoire, les formules d’Obama semblant à beaucoup plus
importantes que sa politique réelle en Afghanistan et en Irak.
Bien qu’affirmant vouloir « dissiper toute illusion »
Dominique Vidal semble bien en avoir partagé
quelques-unes unes, notamment quand il déclarait dans un
entretien de décembre 2009 dans le bulletin « Voix
palestiniennes » (Génération Palestine) qu’il était trop tôt « pour
porter un jugement global » sur la politique d’Obama à
l’égard du conflit, tout en affirmant qu’on avait
« la
présidence américaine sans doute la plus ouverte à la cause
palestinienne de l’histoire des Etats Unis »
On
est bien au-delà de l’affirmation d’un intérêt pour les
Etats-Unis à régler ce conflit pour mieux faire face aux autres
affrontements inscrits dans la situation régionale, - thèse qui
mérite la discussion -, il est ici affirmé une ouverture du
gouvernement des USA à « la cause palestinienne » !
Sachant que la cause palestinienne est celle de l’émancipation
des peuples et de leur droit à la résistance contre la guerre
totale que leur mène l’Impérialisme, on reste un peu étonné du
propos !
Dans cette perspective où
les peuples concernés ne sont pas autorisés à choisir la
solution qui leur convient mais
où c’est la communauté internationale qui va l’imposer, il
convient donc de trouver des points d’appui pour donner une
apparence de justice à la contrainte.
L’un correspond à un besoin de légitimation. Le peuple opprimé a
été empêché d’obtenir ses droits par lui-même et la solution
envisagée n’est pas du tout conforme à ce qu’il trouve légitime.
Il faut donc trouver le « représentant » qui va revendiquer à
peine plus que ce qu’on entend lui donner et qui finalement
acceptera de consacrer le refus de voir ses droits reconnus.
Ce
qu’ils n’ont finalement pas obtenu d’Arafat, ils espèrent
l’avoir d’Abbas et Fayyad est un allié utile dans la manœuvre
d’ensemble.
L’autre point d’appui, c’est « l’opinion, les partis et
associations » car ensemble ils peuvent « faire pression » sur
les gouvernements et les organisations où ils dialoguent (ONU)
explique DV à la conférence des groupes locaux de l’AFPS.
Dans son introduction au CN de l’AFPS en septembre 2009, D Vidal
était encore plus précis sur la mission attribuée au mouvement
de solidarité : « il
s’agit à la fois d’accompagner avec vigilance la relance du
processus de paix par Washington et de permettre à Bruxelles de
jouer un rôle moteur. »
17 ans après la farce de Washington, 4 ans après l’attaque
meurtrière contre le Liban et 18 mois après les crimes de guerre
contre la population de Gaza, il faut être passablement culotté
pour oser appeler à « accompagner » un « processus de paix » qui
n’a jamais existé autrement qu’en tant que fiction destinée à
masquer un processus réellement existant : celui de la
colonisation sioniste et en conséquence de la destruction du
Peuple palestinien.
Quant à « confier un rôle moteur à Bruxelles »
point n’est besoin de revenir très loin en arrière pour
mesurer à quel point les Palestiniens n’y ont aucun intérêt !
Qu’est-ce qui permet à DVde qualifier « d’une des
déclarations les plus avancées de l’histoire de l’union » la
conclusion du conseil adoptée en décembre 2009 ?
Quoi de neuf pour mériter tant d’enthousiasme ?
Un sempiternel appel à la relance des négociations, le soutien à
« la démarche de paix » d’Abbas, l’engagement en faveur de la
sécurité d’Israël, les félicitations au gouvernement israélien
pour son moratoire de dix mois sur la colonisation, un
paragraphe sur Gaza avec condamnation du blocus et de ses effets
sur la population, l’habituelle reconnaissance des exigences de
sécurité d’Israël et l’exigence de libération de Shalit…
Et comme toujours, la formule qui subordonne à « la négociation
entre les parties » l’éventuelle remise en cause de
tout ce qui relève pourtant de la légalité
internationale.
Au
cours du Conseil, il y a eu une discussion dont la conclusion
constitue un indicateur intéressant de l’attitude réelle des
dirigeants européens à l’égard de la question. La présidence
suédoise a proposé de mentionner Jérusalem-Est comme "capitale
d'un futur Etat palestinien". Cette proposition jugée dangereuse
par Ayalon, ministre des affaires étrangères israélien, n’a pas
été retenue.
Quant au Parlement européen, le vote récent d’une résolution est
une nouvelle illustration de sa totale complicité dans la mise
en œuvre du dispositif visant à priver le Peuple palestinien de
ses droits.
Cette résolution, présentée comme une condamnation de
l’opération israélienne contre la flottille humanitaire et le
blocus de Gaza contient les appréciations suivantes :
-
Déplore la mort de
civils et les blessures subies par « 38 civils ainsi que sept
soldats israéliens » ( !)
-
Considère que la
fermeture des accès à la Bande de Gaza « fermés depuis juin
2007, après que le Hamas eut pris militairement le pouvoir » n’a
pas atteint ses objectifs qui étaient d’une part « la libération
de G Shalid » et
d’autre part de « porter un coup aux extrémistes » ( !)
-
Rend le Hamas coupable
de « faire obstacle à l’entrée à Gaza de la cargaison
humanitaire de la flottille » ( !)
-
« demande que toutes
les attaques contre Israël cessent immédiatement et avertit que
ceux qui les commettent doivent assurer pleinement leurs
responsabilités » (!)
-
Et
invite le quatuor à
mettre en place un dispositif de contrôle international des
points de passage en vue de lever le blocus et d’aborder les
préoccupations d’Israël en matière de sécurité, notamment en
déployant une force navale internationale pour surveiller le
rivage de Gaza.
La
dite résolution a été votée à une immense majorité, y compris
par le groupe Verts / ALE et le groupe GUE/NGL dont plusieurs
députés se sont félicités de l’adoption de cette « résolution
unitaire et forte »
L’absence de la demande de suspension de l’accord UE-Israël,
pourtant présentée comme la revendication
phare de l’action de soutien aux Palestiniens, est
expliquée comme un compromis nécessaire, l’absence de dépôt
d’amendement sur le sujet permettant « d’éviter que la droite
n’affaiblisse le texte en plénière » !
A
leur décharge, les auteurs de cette pantalonnade expliquent que
cette stratégie avait reçu le soutien des « représentants
palestiniens » eux-mêmes (Ziad Abu Amr et Hasan Abu-Libdeh)
ajoutant que Leila Shahid « n’avait pas ménagé son temps
pour faire du porte à porte et convaincre les députés de
soutenir la résolution »
Si
on résume la mission attribuée par DV au mouvement de
solidarité :
-
Il faut convaincre
Obama d’abandonner une politique en « zigzags » et lui faire
comprendre qu’il est dans les intérêts des USA d’imposer une
solution au conflit israélo-palestinien. Les discours sont bons,
mais l’Administration US ne les traduit pas en actes, on doit
l’y aider en quelque sorte !
-
Quant à l’Europe, son
problème n’est pas qu’elle avance en « zigzags », c’est qu’elle
fait « le grand écart » entre des déclarations prometteuses et
des actes « qui méritent réflexion » comme la décision
d’accepter Israël dans l’OCDE !
Après avoir été
utilisé, pendant des années, comme un auxiliaire du prétendu
processus de paix qui a paralysé la capacité de lutte
palestinienne et qui a débouché sur la catastrophe actuelle, le
mouvement de solidarité est aujourd’hui invité à jouer un rôle
actif dans la
conclusion d’un accord qui marquerait l’enterrement définitif
des exigences palestiniennes.
Les militants de la solidarité vont-ils accepter de se prêter à
ces manœuvres ?
Sont-ils d’accord pour confier
la défense des
droits des Palestiniens au patron de l’impérialisme américain,
fût-ce avec leur « accompagnement vigilant » ?
Croient-ils vraiment
que prendre une place dans le business de la paix a
quelque chose à voir avec le soutien à la lutte du peuple
palestinien ?
[5] Cf.
http://www.ambafrance-il.org/REVUE-DE-PRESSE-Lundi-12-juillet.html
[6]
http://www.liberation.fr/monde/0101629000-palestine-un-etat-non-souverain
1ère partie : A quoi sert Salam Fayyad ?
3ème partie : Une autre voie est possible.
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