Reportage
Le printemps arabe
: une révolution contestée
Propagande à la Goebbels pour une
opération américaine (12e partie)
Ali El
Hadj Tahar
Samedi 19 mai 2013
Mensonges et
propagande à la Goebbels et à la Beria
sont utilisés par un impérialisme qui ne
recule devant rien, qui manipule ses
foules et ses citoyens pour assassiner
d’autres peuples : après les bébés
sortis des couveuses au Koweït pour
valider l’invasion de l’Irak dirigée par
un Nabuchodonosor tyrannique, après le
charnier de Timisoara (Roumanie de
Ceausescu en 1989, ce «dictateur» tant
décrié pendant que les Etats-Unis
tuaient près de 2 000 Panaméens lors de
l’invasion du pays qui visait
l’élimination du président Manuel
Noriega), après les méga-mensonges de
faux camps de concentration en Bosnie,
voici le charnier de Kadhafi concocté
par Al-Jazeera.
Pour la Libye, il
s’agit de démonter l’une des «dictatures
les plus abominables de la planète». Or,
il n’est pas prouvé que Kadhafi ait tué
des citoyens, en dépit des allégations
sur les disparus d’une prison près de
Tripoli ! Déformation de l’information,
propagande et «black propaganda» vont
ensemble. Pour faire de la propagande
noire, il faut de la terreur, des morts
: les snipers seront infiltrés dans le
pays pour semer la terreur et faire
endosser les crimes au pouvoir. Il faut
rappeler qu’entre 1985 et 1990, la CIA a
utilisé les Contras pour affaiblir le
pouvoir sandiniste du Nicaragua en
finançant des mercenaires (entre 13 800
et 22 400) qui ont commis des milliers
de crimes et d’attentats. C’est
d’ailleurs l’une des guerres qui
permettront aux chefs d’Etat l’Amérique
latine de prendre conscience que la
vassalité aux Etats-Unis n’est jamais
payante et qu’il n’y a pas d’autre
solution que de s’affranchir de
l’impérialisme yankee. Entre 1991 et
2001, une guerre civile ourdie par les
Etats-Unis va diviser l’ex-Yougoslavie
en six mini-Etats dont certains
serviront de base arrière au terrorisme
d’Etat américain d’Al-Qaïda. La fameuse
théorie américaine du «chaos
reconstructeur» et de la recomposition
du monde dans le cadre du Nouvel Ordre
mondial ne concerne donc pas uniquement
le Proche et Moyen-Orient : pensée par
les néoconservateurs (prochaine partie),
elle est en œuvre dans plusieurs parties
du monde. Puis, en 2001, la Serbie
connaîtra une révolution colorée
sous-tendue par des groupes armés
agissant dans l’ombre et dans le dos des
«manifestants pacifiques». Outre les
techniques utilisées lors de la
révolution colorée en ex-Yougoslavie et
en Europe de l’Est, des snipers, des
émeutiers, des pyromanes et des
saboteurs sont introduits dans toutes
les «révolutions» du «Printemps arabe»
pour affaiblir les régimes en place et
leur imputer la violence, les crimes et
le chaos qui en sont issus. La technique
des coups d’Etat colorés trouve son
origine dans une abondante littérature
du début du XXe siècle. Elle a été mise
en application avec succès par les
néo-conservateurs étatsuniens pour
changer les «régimes» de plusieurs Etats
post-soviétiques. Elle a, par contre,
échoué dans d’autres pays (Venezuela,
Liban, Iran). John Laughland, qui
couvrit certaines de ces opérations pour
le Guardian, montre que les «révolutions
colorées» financées et soutenues par les
Etats-Unis ne sont pas aussi pacifiques
qu’elles paraissaient, car elles étaient
accompagnées de rebelles en armes
(Ouzbékistan, Kirghizistan) chargés de
semer la mort pour prouver que le
«régime tyrannique» à démonter est
vraiment criminel. John Laughland
démonte les mythes que le peuple est
derrière les événements et de la
spontanéité des manifestations et des
émeutes. Il est indéniable que les
snipers ont été utilisés en Tunisie, en
Égypte, sans parler de la Libye dont
nous avons mentionné l’aveu de l’un des
éléments des forces spéciales
françaises.
Déstabilisation, mercenaires et forces
spéciales
La stratégie de la
rébellion comprend une bonne dose de
propagande, de mensonges et de
fabrication de fausses informations
alarmantes pour manipuler l’opinion
nationale et internationale.
Lorsqu’exagérer les injustices et
noircir le tableau par médias
interposés, un massacre ou un charnier
sont «découverts» pour offrir à l’ONU le
prétexte d’une ingérence dans le cadre
humanitaire comme ce fut le cas en
Libye, le jour-même de la création du
faux charnier par Al-Jazeera. Mais la
déstabilisation des pays étrangers ne se
contente pas des moyens pacifiques, elle
utilise tous les moyens, y compris
militaires, et ce, même contre les
forces amies pour imputer le crime à
l’ennemi. C’est ce que montre le livre
intitulé Les armées secrètes de l’OTAN,
dans lequel Daniel Ganser montre qu’il
existe un réseau d’armées secrètes (stay-behind)
créées par la CIA et le MI6 dans 16 pays
et destiné à protéger l’Europe du
communisme. L’officier de la CIA,
William Colby, parle de ce réseau dans
ses mémoires dès 1978. Ces cellules
clandestines existent dans neuf pays de
l’OTAN (Allemagne, Belgique, Danemark,
Espagne, France, Grèce, Italie,
Portugal, Turquie) et dans quatre pays
neutres (Autriche, Finlande, Suisse,
Suède). C’est en 1990 que le Premier
ministre Giulio Andreotti a révélé
l’existence de «Gladio», l'armée secrète
italienne. Selon Daniel Ganser, ces
cellules auraient probablement commis
les attentats de la gare de Bologne (en
août 1980, 80 morts), de la Piazza
Fontana (12 décembre 1969, 16 morts),
les attaques des tueurs fous du Brabant
(Belgique, tuerie en trois vagues : en
1982, 1983 et 1985, 28 morts) et
l'assassinat d'Aldo Moro (1978).
D’ailleurs, l’attribution de l’attentat
du Lockerbie (1988, 270 morts) à Kadhafi
est surréaliste, car si telle était la
vérité, l’Angleterre aurait réduit la
Libye en poussière, du moment que pour
le seul caillou des Malouines, elle a
massacré 649 militaires argentins. Après
le 11 septembre 2001, la stratégie de la
tension est devenue fondamentale dans la
stratégie américaine d’autant que les
vrais terroristes eux-mêmes font de
l’attentat terroriste leur mode
opératoire. Le terrorisme arrange les
affaires des acteurs stay-behind de
l’OTAN et des Etats-Unis qui trouvent
l’occasion de démultiplier les guerres
sous de fausses bannières. Le «Printemps
arabe» est une version améliorée de la
stratégie des années 1990 qui visait à
faire tomber le monde arabe dans le
«chaos constructeur» (ou régression
féconde) des Etats dits «islamiques» en
commençant par l’Algérie. On se rappelle
qu’une fois devenu islamiste avec Omar
Al Bachir – qui a perpétré un coup
d’Etat en 1989 –, le Soudan a accueilli
Ben Laden qui venait de terminer sa
mission en Afghanistan, puisque c’est en
1989 que les talibans ont occupé le
pays, une fois les forces de l’ex-URSS
ayant quitté ce bourbier. Le Soudan a
appuyé les terroristes du MIA, AIS et
autres GIA en Algérie. L’instauration
d’une dawla islamiyaen Algérie aurait
précipité les autres Etats voisins, plus
fragiles, dans le wahhabisme et fait
d’eux des «Etats islamiques», selon le
vœu américain. La théorie des dominos en
commençant par le plus gros morceau
(l’Algérie) ayant échoué, l’Irak et
l’Afghanistan seront alors placés dans
le viseur, avec comme argument
l’assainissement de la région à la suite
de l’attentat du 11 septembre 2001,
attentat survenu comme par hasard après
l’échec militaire de l’islamisme en
Algérie. Et c’est un homme des cavernes
qui a revendiqué l’attentat qu’aucune
armée du monde ne peut exécuter sauf si
elle est américaine et que les ordres
viennent d’en haut. Le «Printemps arabe»
permettra donc de placer des
gouvernements à la solde des Etats-Unis
en commençant par faire chuter le pays
le plus faible, la Tunisie. Le maillon
le plus faible a donc permis de créer un
effet domino, et faire sauter les
blocages psychologiques ailleurs,
notamment en Égypte. La théorie des
dominos est une vieille technique
guerrière d’Alexandre le Grand devenue
une théorie de géopolitique américaine
selon laquelle le basculement
idéologique d'un pays en faveur du
communisme serait suivi du même
changement dans les pays voisins.
Invoquée par différentes administrations
américaines pour justifier leur
intervention dans le monde, cette
théorie a été utilisée en sens inverse
pour placer des amis plus sûrs que
Moubarak et Ben Ali et un Kadhafi qui
promettait pourtant beaucoup.
Révolutions
colorées réglées au métronome
Selon Ziad
Takieddine (9e partie), l’homme
d’affaire franco-libanais, la guerre qui
a été menée contre la Libye a été
fabriquée de toute pièce : «La guerre
contre la Libye est une histoire de
pétrole avec le Qatar, ça, vous pourrez
en être certain. Parce que le Qatar ne
pouvait pas s’engager dans une guerre
sans une grande puissance, cet émirat a
entraîné la France, qui a, à son tour,
entraîné l’OTAN. Les Américains ne
voulaient pas de guerre.» Il précise
qu’il a fallu l’appui géographique et
logistique de la Tunisie du «Printemps»
pour envahir la Libye. C’est ainsi que
le général «révolutionnaire », Rachid
Ammar et le Premier ministre Béji Caïd
Essebsi ont ouvert les ports et les
aéroports du Sud tunisien pour acheminer
matériel de guerre, troupes étrangères
et mercenaires vers les territoires
libyens. D’ailleurs, Mustapha
Abdel-Jalil lui-même a confirmé dans une
interview sur la chaîne Libya Al-Ahrar
que Béji Caïd Essebsi, Abdelkrim Zbidi
et Rachid Ammar ont «activement
participé à la révolution du 17 février,
par le soutien logistique, par les armes
et les munitions acheminées à partir du
port de Zarzis». En outre, selon le site
tunisien Leaders, «le président du
Conseil national (libyen) de transition,
Mustapha Abdel Jalil, a honoré, lundi, à
Tunis, l’ancien Premier ministre, Béji
Caïd Essebsi, notamment pour sa
contribution historique à la victoire de
la révolution du 17 février et à
l’acheminement d'aides aux combattants
de la zone occidentale et l’aménagement
de corridors sécurisés pour évacuer les
civils et permettre à ces combattants de
regrouper leurs forces et de marcher sur
Tripoli. Par la même occasion, M.
Abdel-Jalil a honoré Ridha Belhaj,
directeur exécutif de Nida Tounès pour
«son rôle éminent» dans la victoire de
la révolution libyenne». Les révolutions
colorées sont des coups d’Etat en
réseaux. Faire tomber Ben Ali a permis
de concrétiser un plan très vaste à
l’échelle arabe. Une fois la Tunisie et
l’Égypte gagnées au «Printemps arabe»,
les rebelles islamistes d’Abdel-Jalil
ont transformé Benghazi en une zone
d’exclusion armée jusqu’aux dents,
disposant de blindés et de pilotes
d’avions à réaction, fin prêts à livrer
une guerre totale contre le pouvoir du
guide libyen Kadhafi. A ces visées
immédiates et de court terme à l’échelle
maghrébine et arabe – notamment la
liquidation de Kadhafi et de Bachar El-Assad
– il faut ajouter un autre intérêt
géostratégique à l’échelle arabe puis
islamique en vue de la déstabilisation
de l'Iran, puis au containment et
l’affaiblissement de la Chine et de la
Russie. Dans la première phase du
«Printemps arabe», Kadhafi, était donc
l’ennemi numéro 1 à abattre pour
diverses raisons que nous verrons plus
loin : lever ce verrou allait permettre
d’abattre la Syrie et d’avoir une
emprise sur tout le Sahel. Or, pour
abattre Kadhafi, il était impératif de
sacrifier Ben Ali et Moubarak, d’autant
qu’ils n’auraient jamais marché dans la
trahison exigée pour l’exécution de la
nouvelle donne géopolitique : abattre le
guide libyen, armer des terroristes en
Syrie et au Mali, voire accepter de
devenir les pantins du supplétif qatari
et que la Ligue arabe devienne son outil
de pression et de déstabilisation pour
la destruction de tout le monde arabe et
plus loin. Ainsi donc, en Libye, le 15
février 2012, les groupes terroristes
aidés par des forces spéciales
françaises étaient violemment opposées à
l’armée libyenne. Le 21 février, le
ministre libyen de la Justice, Moustafa
Abdel-Jalil, démissionnait pour
constituer un gouvernement provisoire.
Le 27 février, le Conseil national de
transition (CNT) était mis en place.
Cinq jours après, le 10 mars, la France
reconnaissait le CNT comme le
gouvernement légitime de la Libye, et ce
même jour, la Grande-Bretagne lui
offrait un bureau diplomatique en
territoire britannique. Le 17 mars,
l'OTAN entamait son massacre massif des
soldats libyens afin d'installer ses
protégés. Une phase essentielle du plan
du Nouvel ordre mondial et précisément
de sous-programme appelé Grand
Moyen-Orient se mettait en branle, de
manière fracassante.
A. E. T.
(A suivre)
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Le Soir d'Algérie
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