Algérie
Construire un nouveau parti pour
les travailleurs, pour la jeunesse et
les démunis !
Pour le
socialisme, pour la démocratie
socialiste !
Juillet 2012
Il y a 50 ans, l’indépendance ouvrait
une nouvelle page pleine de conquêtes
pour la grande majorité opprimée du
peuple algérien.
Comparé à la nuit coloniale, le
progrès est immense sur le plan
économique, culturel et social mais la
déception, elle aussi, est immense. Car,
depuis des années, au nom de la loi du
marché et de la liberté de l’argent, nos
acquis sociaux sont remis en cause, nos
réalisations économiques sont
démantelées et les multinationales
reprennent le contrôle de nos richesses.
L’argent ne manque pas mais l’espoir du
développement s’éloigne. La vie se
complique pour les classes populaires
pendant qu’une bourgeoisie insolente
affiche sa richesse avec de plus en plus
d’arrogance.
De larges secteurs de la jeunesse sont
pénétrés d’un défaitisme national, d’un
sentiment d’impasse personnelle et
d’impuissance collective. Certaines
fractions de nos élites intellectuelles
s’égarent dans le délire néocolonial.
Pourtant, dans leur grande
majorité, les masses populaires
conservent ce sentiment de dignité
hérité d’une épopée nationale au
retentissement mondial, elles tiennent
encore aux progrès sociaux et aux
valeurs égalitaires consacrés par la
mobilisation des premières années de
l’indépendance. Mais les valeurs
égalitaires du plus grand nombre n’ont
pas beaucoup de défenseurs dans un
univers médiatique et dans un monde
politique trop souvent dédiés à relayer
les campagnes libérales et les positions
néocolonialistes.
Les travailleuses et les travailleurs
ont besoin de leur propre parti pour
donner espoir à la jeunesse et à tous
les démunis
Après un 19ème siècle de
destruction, de tueries et de
déstructuration de la société algérienne
précoloniale, les premières expressions
nationales algériennes, au début du 20ème
siècle, demandent l’assimilation des
élites. L’idée indépendantiste est venue
avec les travailleurs émigrés de
l’Etoile Nord-Africaine, née dans le
mouvement ouvrier, dans le sillage de la
vague révolutionnaire de cette époque.
L’ENA, donnera le PPA puis le MTLD.
C’est de ce dernier, qu’est issu le
noyau initiateur du 1er
Novembre. Cette grande épopée a souffert
des limites des directions nationalistes
autoritaires et de leurs échecs. Les
classes populaires des villes et des
villages, paysans pauvres, travailleurs,
qui portent la guerre de libération, du
1er novembre 54 au 11 décembre 60, n’ont
pas d’expression politique autonome ni
de parti indépendant, ils n’ont pas la
direction de leur propre mouvement.
En 1962, les travailleurs des domaines
coloniaux et les ouvriers des rares
usines de l’Algérie coloniale prolongent
l’indépendance politique par la reprise
en main de nos richesses pendant que les
classes aisées prônent le respect de la
propriété. Que serait l’Algérie
d’aujourd’hui si les colons avaient
conservé les terres, les usines, les
maisons… Que serait notre situation,
aujourd’hui, sans les employés des
services publics, sans les cheminots,
les électriciens les postiers… qui font
tenir debout une Algérie vidée de toutes
les compétences techniques par le départ
massif des colons ?
Mais, ce formidable mouvement de
transformation de la révolution
nationale en révolution sociale, n’a pas
su dépasser le slogan nationaliste qui
proclamait que les Algériens sont tous
des frères. Cet élan révolutionnaire
s’est étouffé parce qu’il a manqué un
parti indépendant des travailleurs et
des masses populaires. Il a manqué une
organisation qui mobilise les frères
d’en bas, la majorité, contre les
appétits alors naissants d’une minorité
de frères qui, eux, rassemblent leurs
premiers millions, commençant
l’accumulation primitive des capitaux de
la bourgeoisie algérienne.
L’échec de l’élan révolutionnaire de
62-63 est dû à l’absence d’un parti et
d’un programme pour transformer
l’auto-organisation des masses en
révolution socialiste.
La tentative de développement
volontariste, des années 70,
a distingué l’Algérie des
néo-colonies classiques mais les
contradictions sont nombreuses. Le
capitalisme d’Etat et sa bureaucratie
répriment durement toute expression
politique mais ils organisent
l’enrichissement à l’ombre du secteur
d’Etat. Ce sont ces couches bourgeoises
qui entravent l’industrialisation,
privée de l’indépendance syndicale et
politique des travailleurs. Ce sont ces
forces qui s’opposent à la réforme
agraire, privée de la mobilisation des
paysans. Bientôt elles exigent l’infitah,
c'est-à-dire l’ouverture économique aux
intérêts privés et aux intérêts
impérialistes.
Peut-on réaliser les tâches historiques
du développement économique et culturel
sans l’hégémonie politique des
travailleurs, sans l’action organisée et
consciente des masses populaires ?
L’Histoire a répondu. Non !
En 88, après une décennie de révoltes
populaires, une vague de grèves
ouvrières dans la région d’Alger se
conclut en une explosion massive
nationale qui ébranle la dictature. La
révolte de la jeunesse contre
l’exclusion sociale impose une ouverture
politique. L’aile libérale met à profit
la déstabilisation qui résulte de la
pression des masses pour défaire le
consensus populiste égalitariste et
engager des réformes qui consacrent la
liberté de l’argent. Les travailleurs ne
disposent pas d’un parti indépendant
pour éclairer ces enjeux et pour
conduire la révolte populaire. Les
noyaux de militants socialistes qui
animent la mobilisation sont trop
faibles. Ce sont les islamistes du FIS
qui se présentent, alors, comme
le parti des démunis et ils sont portés
par un élan massif des quartiers
populaires. Après l’échec du FIS, la
fuite en avant djihadiste qui accable
les pauvres gens discrédite
l’intégrisme.
Au bout d’une décennie de massacres,
tueries et destructions,
les masses populaires doutent,
désormais, de leur propre capacité à
changer l’ordre social injuste et elles
se réfugient dans l’attentisme. C’est
parce qu’il y a une démoralisation
populaire que le pouvoir a pu nous
imposer, sous l’égide du FMI, un
processus de régression sociale. Le plan
d’ajustement structurel imposé par
l’impérialisme engage la dégringolade du
dinar dont la valeur est divisée par 20
pour effondrer le pouvoir d’achat des
travailleurs. Un
million de postes de travail
permanents disparaissent à la faveur de
l’élimination de milliers d’entreprises
locales et du secteur public. Chômage,
contrats temporaires, travail au noir,
la précarisation sociale se généralise.
La fin des monopoles étatiques et les
privatisations offrent des secteurs
entiers de l’économie à de puissants
groupes privés et aux barons de
l’informel. Et les multinationales
reprennent pied.
L’absence, en octobre 1988, d’une force
politique ouvrière, l’absence d’une
direction pour les jeunes et pour les
démunis a conduit à l’impasse sanglante
des années 90 et à la régression
sociale.
En 2011, il y a eu des milliers de
grèves, des milliers de rassemblements
et de marches. Ce déferlement social a
ignoré les initiatives des courants
libéraux démocrates comme il a ignoré
celles des islamistes. Ces courants
espéraient, chacun à sa façon, prendre
la tête de la protestation sociale et
l’inscrire dans le « Printemps arabe »
de l’OTAN.
L’attentisme des masses ne signifie pas
qu’elles adhèrent au statu quo. Elles
l’ont prouvé, le 10 mai, où le vote pour
les partis gouvernementaux, ne
représente plus qu’un algérien sur dix.
Mais cet ouragan social inédit n’a pas
de représentation politique. Pourtant,
ces luttes qui bravent les interdits et
les forces de l’ordre, ces grèves et ces
marches qui ne sollicitent aucun
agrément expriment une demande
démocratique. Pourtant, quand on
revendique l’emploi, la titularisation,
quand on demande un salaire suffisant,
quand on exige le droit à la santé et à
la formation, c’est qu’on s’oppose à la
mondialisation libérale. Quand un
mal-logé exige un logement social, quand
un village isolé réclame une route
bitumée ou le raccordement au gaz c’est
qu’ils considèrent que les ressources
naturelles du pays appartiennent au
peuple, c’est qu’ils pensent que les
droits naturels, que le bien-être des
citoyens sont au-dessus des
considérations financières. C’est qu’ils
refusent la logique de l’argent. Mais il
a manqué le parti qui porte ces
revendications. Avec l’échec des
nationalistes libéraux et celui de leurs
alliés libéraux démocrates, avec l’échec
des intégristes radicaux et celui des
islamistes modérés, la notion même de
parti est discréditée. Avec une vie
politique réduite à des échéances
électorales dénuées de tout enjeu sinon
celui des ambitions personnelles de
candidats aux propositions semblables,
c’est le discrédit de la politique.
L’abstention électorale, de plus en plus
massive, exprime le sentiment largement
partagé qu’aucun des partis existants ne
propose une solution à la mesure des
espoirs et des attentes.
Nous avons besoin d’un parti différent,
d’un parti des travailleurs et des
masses populaires, porteur de nos
aspirations et organisateur de nos
luttes.
50 ans après l’indépendance, le discours
néocolonial envahit toutes les
expressions, niant l’atrocité de
l’occupation génocidaire déguisée en
entreprise de civilisation, niant
l’indignité de l’apartheid colonial
présenté comme une société fraternelle,
niant l’immense bond en avant vécu par
le peuple algérien malgré la répression.
Ce que nous dénonçons, c’est l’immense
gâchis de la gestion
bureaucratique sans pour autant
nier que des progrès évidents ont eu
lieu grâce à ces années d’indépendance
Ce que nous dénonçons, c’est la
désorganisation et le pillage éhonté
résultant de l’hégémonie des forces de
l’argent, sans lesquels les
grandes améliorations survenues
dans la vie des Algériens seraient
encore plus considérables.. Ce
matraquage néocolonial n’est pas
innocent. On veut légitimer
la recolonisation en cours et la
reprise en main par les multinationales
de nos richesses, on veut justifier la
tutelle politique des grandes
puissances. Cette reconquête
impérialiste a commencé en Irak, en Côte
d’Ivoire et en Libye ; elle menace le
monde.
Cette propagande néocoloniale entend
aussi ignorer le rôle déterminant des
masses populaires dans les changements
historiques et dans les progrès
réalisés. Car on veut prolonger, parmi
les masses, la perte de confiance en
soi, la perte de confiance dans la
lutte. Car cette perte de confiance
facilite l’offensive libérale contre nos
acquis sociaux. Elle facilite la
politique de reconquête et les
opérations militaires contre nos acquis
nationaux.
Les militants socialistes ont une autre
analyse du passé et du présent au
service d’une vision différente de
l’avenir.
A toutes les étapes de l’histoire de
notre pays, ce sont les humbles, ce sont
les masses travailleuses et les masses
privées de travail qui ont permis
d’avancer. Ce sont nos luttes qui ont
réalisé la libération nationale et la
réappropriation de nos richesses, Ce
sont les révoltes populaires qui ont
permis de revenir au pluralisme
politique, et de faire respecter
Tamazight. Oui, Ce sont nos combats qui
ont obtenu la liberté d’expression et le
droit de grève. Ce sont aussi les
étudiantes et les travailleuses qui ont
fait progresser le droit des femmes. Ce
sont nos grèves qui ont empêché la
clochardisation sociale et préservé le
secteur public du démantèlement total.
Mais l’absence d’une direction
consciente et déterminée, l’absence d’un
parti indépendant des travailleurs et
des masses populaires a causé, à chacune
de ces étapes, le gaspillage des
énergies déployées et des sacrifices
consentis par les masses.
La démocratie, c’est la souveraineté du
peuple sur les grandes décisions
économiques et le choix de ses
gouvernants. La démocratie, c’est le
pouvoir du peuple. On ne peut faire
progresser la démocratie en l’absence du
peuple, en l’absence des masses
désorientées et attentistes. Notre
objectif n’est pas de réaliser une
démocratie formelle pour dissimuler la
dictature des forces de l’argent. C’est
pourquoi nous mettons l’accent sur les
libertés populaires, sur les libertés
fondamentales, le droit imprescriptible
d’organisation de manifestation et de
grève, seuls moyens pour les masses
opprimées de se faire entendre. Notre
combat pour un grand parti socialiste
indépendant permettra de redonner espoir
aux travailleurs. Car depuis l’impasse
sanglante des années 90, les
travailleurs se disent : les libertés,
la démocratie pour faire quoi ? Pour
dire quoi ? Nous répondrons : les
libertés ? C’est pour exiger la fin de
toutes les oppressions et la fin du
pillage impérialiste. C’est pour imposer
la fin de l’exploitation capitaliste.
C’est pour avancer vers une société
différente : la démocratie socialiste
Notre objectif : le socialisme, la
démocratie socialiste !
Mais pour avancer vers le socialisme, il
faut encadrer les combats d’aujourd’hui
par des propositions immédiates et
transitoires. Alors que la remise en
cause des acquis sociaux est en marche,
alors que la médecine gratuite est
remplacée par la contractualisation,
alors que l’école publique se
clochardise pour faciliter l’essor des
écoles privées, alors que le travail au
noir se généralise et qu’on se prépare à
légaliser la précarité dans le nouveau
code du travail, alors que la mainmise
des groupes privés algériens et des
entreprises multinationales s’étend sur
nos richesses, nous devons construire
l’instrument politique nécessaire pour
conduire la résistance des masses et
pour dessiner un autre possible, un
autre avenir, une autre politique où les
ressources immenses du pays seraient
investies dans un programme de
développement national de l’industrie,
de l’agriculture et des services, un
programme qui mettrait au travail notre
jeunesse désorientée, un programme qui
œuvrerait à la satisfaction des besoins
des masses.
Alors que les initiatives des lobbies du
patronat algérien et les pressions
impérialistes convergent pour exiger la
levée des modestes mesures
protectionnistes actuelles et alors
qu’on propose l’engagement dans une
ouverture débridée au profit des
multinationales, peu de voix s’élèvent
pour défendre l’économie nationale, pour
exiger le développement des capacités
productives et le renforcement des
capacités de réalisation de notre pays.
Alors que le pouvoir libère de plus en
plus les capitalistes de toutes
obligations par rapport à la société et
par rapport à leurs employés, les
surenchères se multiplient et un appel
est lancé à une orientation encore plus
libérale. Les attaques sournoises des
experts libéraux contre les
augmentations de salaires, la campagne
furieuse, contre la protection sociale
et contre les logements
sociaux trouvent peu de contradicteurs.
Les résistances sociales sont isolées et
ne disposent pas d’une direction pour
riposter.
Il faut bâtir un parti du socialisme qui
propose une alternative à l’exploitation
capitaliste et au pillage impérialiste ?
Il faut une direction politique qui
propose un programme transitoire pour
encadrer nos luttes.
Alors que le capitalisme mondial est en
crise, alors que la fuite en avant
libérale menace les acquis d’un siècle
de luttes sociales, alors que
l’agressivité des grandes puissances
menace les acquis nationaux, les
résistances se multiplient.
Après le Venezuela et la Bolivie,
après la révolte du peuple islandais
contre les banques, c’est le refus
massif de l’austérité en Grèce et
partout en Europe. L’indignation grandit
contre la dictature de la finance
internationale, contre l’exploitation et
la misère. Ces luttes ont besoin d’une
perspective.
Les mobilisations gigantesques de
Tunisie et d’Egypte ont renversé les
despotes libéraux, Ben Ali et Moubarak,
serviteurs de l’impérialisme. Mais
l’impérialisme s’est redéployé. Il
entend utiliser la dynamique de lutte
dans la région contre les régimes
autoritaires issus du nationalisme pour
imposer un contrôle plus étroit. Après
le protectorat US mis en place en Irak,
et en Libye,
par les armes de l’Otan, après la
partition du Soudan, c’est toute la
région qui est menacée par les appétits
des grandes puissances. Aujourd’hui, les
peuples de la région s’interrogent sur
l’avenir. Partout dans le monde, les
travailleurs et les peuples cherchent la
voie. Le capitalisme est mondial, la
mondialisation libérale accentue
l’uniformisation des problèmes.
Il faut bâtir l’instrument d’une
solidarité internationale contre l’ordre
impérialiste. Il faut instaurer le
socialisme à l’échelle de l’humanité.
Des militantes et des militants issus de
diverses expériences politiques et des
luttes sociales et démocratiques ont
entrepris de construire ce parti qui
nous manque et ils appellent toutes
celles et tous
ceux qui se reconnaissent dans ce
combat contre l’oppression et contre
l’exploitation à les rejoindre.
Alger, juillet 2012
Comité de préparation du congrès de
l’Union des Travailleurs Socialistes
Tadukli N’Ixxeddamen Inemlayen
إتحاد العمال الإشتراكيين
Pour tout contact :
uts.dz@hotmail.fr
tel : 0662 88 29 02
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