Présence musulmane.com
Lettre ouverte à
Jean Glavany,
député de l'Assemblée Nationale Française
Abdarahmane Sakho
Jean Glavany - Photo: socialisteengage.over-blog.com
Lundi 14 décembre 2009
“La modernité ne consiste à se comporter comme une
girouette ou à faire du mimétisme ou à remettre en cause sa
religion dans le but de plaire à un certain public. Dire ce que
les gens ont envie d’entendre n’est ni faire preuve de
modernisme ni celui du courage, c’est plutôt reproduire une
pensée unique dominante et arrogante”.
Monsieur le député,
Je vous écris du Canada où je vis. Laissez-moi vous dire que
j’ai été très sidéré par votre attitude inutilement agressive
vis-à-vis de Tariq Ramadan. Votre comportement et les propos
blessants, indignes d’un représentant de la République tenus
dans un lieu où le débat est supposé prendre de la hauteur et
être d’une grande rigueur en disent beaucoup plus sur l’auteur
que sur celui qui en est le destinataire. Auriez-vous oublié que
les propos inélégants et l’insulte sont des arts faciles?
Dire que Tariq Ramadan ne représente plus rien dans le monde
musulman c’est soit faire preuve d’une méconnaissance de la
réalité du terrain (ce qui est grave pour un élu) ou d’une
malhonnêteté intellectuelle ou, enfin prendre ses désirs pour la
réalité.
L’enracinement de Tariq Ramadan au sein des différentes
communautés musulmanes n’est plus à démontrer. Je mesure et
comprends parfaitement la frustration qui est la vôtre suite à
l’intervention dans une salle presque vide de votre ami Antoine
Sfeir. Ce rejet et cette désaffection ne sont pas attribuables à
son déficit physique, comme ses propos semblent le suggérer,
mais plutôt à une crédibilité et à des convictions
approximatives de ce soi-disant chercheur ami de tous les
dictateurs Arabes et qui estime qu’un État laïque despotique est
de loin préférable à un État démocratique s’inspirant de la foi,
en l’occurrence l’islam.
Le dogmatique n’est pas toujours celui que l’on croit.
Dommage que la presse ne juge pas opportun d’assister aux propos
hagiographiques que vous avez tenus à l’endroit de celui que
vous considérez comme un des plus grands spécialistes et une
référence incontournable de l’islam. Des chercheurs jouissant
d’une reconnaissance internationale et faisant autorité en la
matière tels que François Burgat ou Olivier Roy apprécieront
sans doute la finesse de votre analyse!
Tariq Ramadan revient du Canada où il a fait salle comble.
Bien qu’on ait utilisé deux grandes salles pouvant contenir
plusieurs centaines de personnes, on était obligé de refuser du
monde, à cause des problèmes de sécurité que ça pouvait poser.
Je suis socialiste. J’ai assisté aux meetings de Jospin dont
vous étiez directeur de campagne avec le succès que l’on sait.
Si une foule aussi enthousiaste et aussi convaincue que celle
qui assiste aux conférences de Tariq Ramadan de par le monde
était au rendez-vous à l’époque, on n’aurait pas connu un 21
avril.
On est nombreux à se reconnaître dans la façon critique de
Ramadan d’approcher les textes et à le supporter sans être à sa
solde. Il traduit le mieux l’aspiration des Musulmans
réformistes en général et ceux vivant en occident en
particulier.
Sa conception de la religion rend hommage à réflexion et, ses
lettres de noblesse à l’intelligence dans l’interprétation des
textes. Si d’ailleurs nous devons retenir qu’une seule chose de
ses conférences et de ses enseignements ce serait la place
centrale de la raison dans la lecture et l’interprétation des
textes. Il n’y a pas de foi sans intelligence a-t-il coutume de
dire avec raison.
Sans céder à cette maladie (non honteuse celle-là, il est
vrai) qui consiste à aller dans le même sens que ceux qui font
et défont l’opinion dans les petits cercles parisiens en
adoptant ses mœurs et en adaptant son discours à leur désir, il
a toujours fait preuve d’audace et d’originalité dans la limite
du possible.
La modernité ne consiste à se comporter comme une girouette
ou à faire du mimétisme ou à remettre en cause sa religion dans
le but de plaire à un certain public. Dire ce que les gens ont
envie d’entendre n’est ni faire preuve de modernisme ni celui du
courage, c’est plutôt reproduire une pensée unique dominante et
arrogante. C’est aller dans le même sens que l’opinion et du
microcosme, selon l’expression du feu Raymond Barre. C’est
choisir la facilité et la simplification. C’est choisir le
destin d’une feuille morte.
Je comprends la jalousie et l’amertume que son succès peut
causer, notamment chez certains Musulmans ou Arabes de service,
ceux qui ne représentent pas grand-chose pour la communauté
musulmane.
De grâce arrêtez cette diabolisation. Les milliers de
personnes qui suivent Tariq Ramadan ne sont pas dépourvus
d’intelligence et savent faire la part de chose entre ce qui
relève d’une campagne de dénigrement et un supposé double
discours qui reste toujours à prouver.
Arrêtez d’agiter ce vieux serpent de mer. Il est quand même
curieux de constater que cette polémique n’est alimentée et
entretenue qu’à partir de Paris. Il n’y a pas un Ramadan des
villes et un Ramadan des champs. Cette paranoïa n’existe que
dans l’esprit de quelques uns. Il tient le même discours aussi
bien à Aulnay-Sous-Bois que partout dans le monde.
D’ailleurs, de plus en plus en France on commence à se
rendre compte de cette formidable supercherie, de cette campagne
de dénigrement orchestrée par une petite caste de production et
de reproduction au sens Bourdieu du terme.
Pour finir, j’ai un grand respect pour votre fonction. De ce
fait, je ne vous insulte pas et m’adresse à vous avec respect et
délicatesse. Je vous refuse tout juste le courage et l’élégance
morale.
J’ose espérer que prochainement l’attitude scientifique,
l’exigence de vérité l’emporteront sur des calomnies, sur des
allégations, sur des accusations et sur des ragots dans vos
prochaines interventions.
Abdarahmane Sakho est membre de Présence
Musulmane Ottawa
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