Venezuela
Elias Jaua: « Il ne peut y avoir de changement sociaux
sans confrontation avec le capital »
Jeudi 5 mai 2011
Les deux dernières semaines ont vu une accélération sans
précédent de la démocratie et de la révolution au Venezuela.
Augmentation du salaire minimum de 25%, augmentation des
salaires des universitaires et travailleurs du secteur public de
40 à 45%, financement par l’état d’un "new deal" en
matière de logement qui va permettre la construction d’un
logement décent pour chaque famille pauvre. Plan national de
création d’ emploi pour 3,5 millions de chômeurs sur les 8
prochaines années. Le parlement discute actuellement de
nombreuses lois structurantes : sur les droits du travail, sur
la protection du pouvoir d’achat, contre la spéculation et les
hausses de prix illégales, ou sur la démocratisation - à la
suite de l’Argentine - du spectre radio et TV jusqu’ici
monopolisé comme partout ailleurs par de grands groupes
économiques. Cette loi équilibrera le patrimoine public des
ondes - 33% pour le public, 33% pour le privé et 33% pour le
secteur associatif, participatif.
Dotés de plusieurs milliards de dollars ces trois dernièeres
années, 42000 conseils communaux appliquent le budget
participatif que la gauche altermondialiste avait découvert à
Porto alegre (Brésil) et mobilisent les citoyens dans la
reconstruction de leurs services publics et d’un nouveau type
d’état. La Mision Agrovenezuela vient de financer 34.000
producteurs agricoles à hauteur de 1,4 milliards de bolivars,
pour ancrer définitivement le pays dans une souveraineté
alimentaire qui refuse les biocarburants ou les OGM. De la CEPAL
à l’UNESCO, de l’ONG indépendante chilienne Latinobarometro
a la firme privée Gallup, les rapports publics récents
indiquent que le Venezuela est devenu le pays le plus égalitaire
de la région mais aussi celui où les citoyen(ne)s croient le
plus dans la démocratie. Ces transformations en profondeur
passionnent, mobilisent les vénézuéliens mais sont invisibles à
l’extérieur. La gauche occidentale, qui vit un fort désamour des
secteurs populaires, impuissante face à la montée de
l’extrême-droite, semble ignorer, voire mépriser, ces douze
années d’une vaste construction du socialisme bolivarien et sa
forte dose de démocratie participative. Une partie croissante
d’entre elle préfère mettre son énergie dans des prises de
distance médiatiques vis-à-vis de Chavez.
Au moment où la réalisation du programme historique de la
gauche s’accélère au Venezuela, il nous a paru utile de
rencontrer un personnage peu connu de la nouvelle génération
révolutionnaire, et actuel vice-président de la République
bolivarienne, Elias Jaua. Né à Caucagua, état de Miranda, il y a
41 ans, il est licencié en sociologie de l’Université Centrale
du Venezuela (UCV). Avant d’être nommé au poste de
vice-président de la république, il fut ministre de
l’Agriculture et des Terres, ministre de l’Économie Populaire et
chef du cabinet présidentiel.
Q/ Certains dirigeants de l’opposition viennent de
dévoiler ce que sera leur programme électoral. Un thème qui,
jusqu’ici, était entouré du plus grand mystère : il s’agit de
privatiser tout ce qu’il y a à privatiser. Que vous inspire ce
soudain élan de transparence ?
R/ Ceci met en évidence les contradictions internes de
l’opposition. D’un coté, ceux qui se présentent comme
sociaux-démocrates se sont lancés dans la promotion d’un
programme électoral démagogique en prétendant faire croire au
peuple qu’il est possible de construire un état social de droit
et de justice avec un gouvernement de droite et sans
confrontation avec le capital. Mensonge ! Le peuple sait bien
que tout ce qui a été acquis au niveau de l’inclusion sociale,
des pensions, de l’éducation et de la santé le fut à travers une
confrontation avec le capital. Il est impossible d’y arriver
autrement. (1) D’un autre coté, Le patronat, qui finance
l’opposition, trouve le programme électoral présenté par ce
secteur, pour le moins indigeste. C’est donc sous la pression du
patronat qu’un autre secteur de l’opposition exprime plus
ouvertement l’objectif réel de leur projet à savoir la
restauration du système de domination du capital sur l’État et
les politiques publiques.
Q/ Et dans le camp révolutionnaire ? Il y a des
dirigeants qui devraient croitre mais dont l’évolution semble
limitée par le leadership d’Hugo Chavez. Cela n’engendre-t-il
pas une pression interne dangereuse pour le camp bolivarien ?
R/ Non. Nous qui accompagnons Chavez, avons la maturité
politique nécessaire et un idéal commun. Ceci nous permet de
comprendre que cette période est marquée par le leadership
d’Hugo Chavez. En tant que dirigeants issus de la révolution,
désignés, formés et stimulés par Chavez, notre rôle est
d’accompagner le leader que le peuple s’est choisi. Chavez n’est
ni le fruit d’une imposition , ni issu de primaires , ni d’aucun
décret. La légitimité de son pouvoir est née des espérances et
des aspirations de notre peuple. Aucun de nous n’éprouve de
complexes à cet égard.
Q/ De fait, le président a déclaré que l’actuel
cabinet ministériel est le meilleur qu’il est eu en 12 ans. Quel
est le secret de ce succès ?
R/ Il faudrait le lui demander. Je dirais cependant qu’aussi
bien dans la direction du parti (PSUV) qu’au gouvernement, après
tant de remaniements, de trahisons et de déceptions, le
président est parvenu à conformer une équipe homogène politique
et idéologiquement.
Q/ Les spécialistes du PSUV assurent que vous êtes à
la tête d’un courant interne. Existe-t-il un « jauisme », à qui
s’opposerait-il ?
R/ Non, cela n’existe pas. Je peux le nier et ceux qui me
connaissent savent que je ne suis pas partisan de ce genre de
choses. Je suis bolivarien, socialiste et chaviste. C’est le
seul courant auquel j’appartienne. Je me suis efforcé de
contribuer à ce que les positions se basant sur des tendances
personnalistes ne fassent pas partie de la révolution. Je crois
au débat d’idées au sein de notre parti et de notre projet, à la
lutte contre les déviations et le réformisme mais ceci ne
saurait être personnalisé.
Q/ Mais en tant que jeune et ex-membre de Bandera
Roja (1), comment vous traite la droite endogène, à l’intérieur
du camp bolivarien ?
R/ Je me demanderais tour d’abord, s’il existe vraiment une
droite endogène. Ce concept est utilisé comme une accusation par
certains secteurs du chavisme. Je n’y souscris pas car ce
concept n’a pas d’existence organique. Les idées de droites
seront toujours présentes dans une révolutions aussi amples et
démocratique que la nôtre, mais l’orientation stratégique
claire, courageuse et décidée du président Chavez élimine de
fait toute possibilité qu’auraient ces idées de devenir
hégémoniques au sein du parti ou de la révolution.
Q/ Que vous inspire la présence de Bandera Roja (BR)
dans la Mesa de Unidad Democratica (MUD, regroupement de la
droite vénézuélienne) ?
R/ Ceci a été digéré il y a longtemps car nous fumes expulsés
de Bandera Roja (1) en 1991 à l’issu d’une rupture
interne. Maintenant, tous ces mauvais exemples de dirigeants de
gauche se retrouvant dans les rangs de la droite ne font que
renforcer notre éthique mais aussi la conviction que ce triste
rôle de traitre est exactement celui que nous ne voulons pas
jouer.
Q/ Vous faites partie de l’équipe opérationnelle
de ce gouvernement. Qui de mieux placé que vous pour nous
dire quelle serait le problème interne le plus grave ? Le
bureaucratisme, le manque d’efficience, la corruption, la
culture capitaliste ?
R/ Ce qui nous a manqué jusqu’ici, c’est la capacité de
suivi et de contrôle dans notre gestion. C’est cette
défaillance qui nous rend vulnérable à tous ces maux. Quand
nous aurons réussi à exercer un suivi et un contrôle sur
notre gestion, aucun de ces fléaux ne pourra prospérer. Pour
sur, cette faiblesse démontre que nous n’avons pas un État
omnipotent contrôlant le moindre détail. Il faut une
consolidation des institutions afin que ce contrôle soit
possible.
(1) ("Drapeau rouge". Organisation stalinienne des années
70, passée peu à peu à droite et qui a participé au coup
d’état contre Chavez en 2002)
Traduction : Yerko Ivan.
Source :
http://www.minci.gob.ve/entrevistas...
Publié
sur Révolución Vive
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