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Centre Palestinien
d'Information
Hamas : son histoire de l'intérieur (20)
Photo CPI
Dimanche 8 mars 2009
Dr. Azzam Tamimi
L’ouvrage
Hamas : Son histoire de l’intérieur
de Dr. Azzam Tamimi s’inscrit dans
une volonté de montrer au monde la vision du mouvement du
Hamas et d’expliquer ainsi son développement. Le département
français du Centre Palestinien d’Information (CPI) a donc
jugé intéressant d’en présenter ici la traduction complète,
diffusée régulièrement en de nombreuses parties.
Une guerre totale (5)
Publicité internationale
Le monde entier vit à la télévision comment les déportés, les
yeux bandés et enchaînés, les mains attachées derrière le dos,
restèrent serrés sur leurs sièges dans les bus, qui restèrent
stationnés jusqu’à vingt-quatre heures sur la frontière directe
avec le Liban. Leur agonie fut prolongée par les efforts de gens
de bonne intention en Israël qui cherchaient un décret de la
Haute Cour israélienne dans l’espoir de forcer le gouvernement
israélien à arrêter la déportation. L’audition commença à 5h du
matin devant trois juges, pour ne conclure qu’après quatorze
heures une approbation de la décision du gouvernement. Les
déportés furent transportés au point de passage de Zumriyeh au
point le plus au nord de ce qui était alors la zone de sécurité
imposée par Israël au sud du Liban. L’armée libanaise empêcha
les déportés de continuer plus au nord. Entre-temps, Israël les
poussa au-delà de la frontière, insistant qu’elle n’était plus
responsable d’eux, étant dans le territoire contrôlé par le
Liban. Dans une nuit glacée de décembre, quatre cent quinze
Palestiniens furent laissés en plein air dans un terrain
inhospitalier couvert de neige. La plupart d’entre eux, si ce
n’est tous, avaient déjà subi de sévères contusions aux mains à
cause des chaînes et souffraient de divers désordres
gastro-intestinaux provoqués par le temps froid et la terrible
attente.
Peu de temps s’en fallut certainement pour que les institutions
israéliennes commencent à regretter cette erreur magistrale. Les
Israéliens voulaient punir le Hamas, mais ils finirent par le
récompenser. A peine quelques jours plus tôt, Israël était
dépeinte comme la victime du terrorisme palestinien. Maintenant,
elle était condamnée pour avoir violer la loi internationale,
notamment les articles 33 et 49 de la quatrième Convention de
Genève. Même les fidèles alliés d’Israël que sont les Etats-Unis
furent obligés d’exprimer leur désapprobation. Le 18 décembre
1992, le Conseil de Sécurité de l’ONU adopta unanimement la
résolution 799, dans laquelle le conseil condamnait fermement
« l’action entreprise par Israël, le pouvoir occupant, de
déportation de centaines de civils palestiniens ». La résolution
exprimait aussi « sa ferme opposition à toute déportation par
Israël », et exigeait « qu’Israël, le pouvoir occupant, assure
la sécurité et le retour immédiat aux territoires occupés de
tous ceux qui furent déportés ».
Marj Al-Zuhur, une parcelle de terrain infertile où probablement
personne n’habita jamais dans le passé, devint en quelques jours
le lieu d’un camp qui attirait la sympathie du monde et une
grande attention médiatique. Des journalistes et des équipes de
télévision venant de partout s’attroupèrent autour de la scène.
Avec des âges allant de 16 à 67 ans, les déportés étaient la
crème de leur société. Dix-sept d’entre eux étaient des
conférenciers ayant un doctorat ; onze étaient des docteurs en
médecine, dont certains étaient des spécialistes de longue
date ; quatorze étaient des ingénieurs ; trente-six étaient des
hommes d’affaires ; et cinq étaient des journalistes. Cent neuf
personnes étaient des étudiants universitaires, nombre d’entre
eux étaient des étudiants de troisième cycle. Et enfin, deux
cent huit étaient des imams de diverses mosquées. Bien sûr, au
niveau individuel, chacun des déportés avait subi une souffrance
physique et psychologique. Ils furent déracinés de leurs propres
communautés et expulsés de chez leurs familles et leurs proches.
Il était aussi vrai qu’après chaque détention massive ou
campagne de déportation massive, un vide de leadership
s’ensuivait et le mouvement du Hamas était sévèrement secoué.
Mais ne se produisait que pour un moment : à chaque fois, le
résultat inévitable était l’ascension d’une nouvelle génération
de leaders qui, en dépit de leur manque d’expérience,
apprenaient rapidement et excellaient même. Dans un sens, ceci
était un facteur qui distinguait le Hamas des autres factions
palestiniennes dans les territoires. Le Hamas, en tant que
mouvement, semblait faire des profits de ses pertes, comme cela
se produisit avec chacun de ses précédents revers. A cette
occasion, il tourna l’exil temporaire de centaines de ses hauts
leaders et activistes à son avantage.
Sous la direction de Dr. Abd Al-Aziz Al-Rantissi, les déportés
refusèrent d’avancer du point où ils avaient été abandonnés. Ils
essayèrent même de retourner vers Israël, mais les Israéliens
leur tirèrent dessus. Ils établirent un camp et l’appelèrent
Mukhayyam Al-Awdah (le camp du retour). S’ils avaient accepté de
se rendre à Beyrouth, et de là vers différentes autres parties
du monde arabe, leur destin aurait été scellé : ils ne seraient
jamais retournés. C’est ce que les Israéliens souhaitaient. Au
lieu de cela, ils défièrent le gouvernement israélien et ne
donnèrent au monde aucune option que d’être conscient jour après
jour de leur sort. Avec tous les érudits et étudiants qu’ils
comportaient, les déportés mirent en place une université qu’ils
nommèrent d’après le savant islamique de renom Ibn Taymiyah. En
peu de temps, le camp devint un lieu de constante activité.
A Marj Al-Zuhur, les leaders du Hamas de l’intérieur et de
l’extérieur purent pour la première fois se rencontrer
librement, se saisissant de l’occasion pour travailler ensemble
pour mettre de l’ordre dans la demeure du mouvement. L’exil
temporaire fut finalement une bénédiction masquée. Non seulement
l’intérieur rencontra l’extérieur, mais même certains de
l’intérieur qui ne s’étaient pas vus depuis des années purent se
rencontrer. Ils n’avaient pas pu se voir à l’intérieur des
territoires à cause de la punition collective israélienne qui
imposait habituellement un état de siège sur des villes,
villages et camps, isolant des communautés entières. En outre,
nombre des déportés s’étaient vus refuser la liberté absolue de
mouvement, non seulement à travers la Palestine, mais à
l’intérieur de leur propre lieu d’habitation. Les figures clés
de l’intérieur et de l’extérieur saisirent l’occasion pour
discuter et raffiner leurs idées et conclusion. Pour une fois,
ils avaient largement le temps de surmonter quels que désaccords
qu’ils aient pu avoir dans leurs philosophies et politiques. Si
les barrières de l’occupation les avaient auparavant empêchés de
communiquer entre eux, ils pouvaient maintenant échanger leurs
idées avec clarté et confiance. Le séjour dans le sud du Liban
était aussi une opportunité pour examiner les ressources
humaines disponibles pour le mouvement dans les territoires, et
ainsi pour restructurer la direction de l’intérieur à la suite
de la série de crises qui avaient marqué les deux dernières
années. Ce fut aussi une occasion d’établir une coopération
entre les associations de l’intérieur et de l’extérieur de la
Palestine. Enfin, la plus grande opportunité de toutes concerna
l’entraînement militaire. Le Hamas fut inondé de propositions
pour entraîner ses jeunes déportés dans diverses techniques de
combat, dont la fabrication d’explosifs à partir de vieilles
mines et de produits chimiques facilement accessibles.
Avant cette crise, qui avait commencé avec le kidnapping des
deux soldats israéliens, le nom du Hamas avait rarement été
mentionné où que ce soit dans les médias internationaux. Il y
avait eu peu d’intérêt pour ce qu’il soutenait ou ce qu’il
cherchait à accomplir. Maintenant, des journalistes et des
chercheurs de nombreux pays du monde remplissaient des rapports,
écrivaient des histoires ou filmaient des documentaires pour
diffuser des informations sur le mouvement, qui était rapidement
passé sur le devant de la scène internationale, de manière très
inattendue. Certains déportés, comme Dr. Abd Al-Aziz Al-Rantissi,
Dr. Mahmoud Al-Zahhar et le professeur Aziz Duwayk
apparaissaient régulièrement sur les chaînes de télévision
d’informations. Le professeur Duwayk fut invité la nuit de Noël
au programme Larry King Live de CNN, une occasion qu’il saisit
pour transmettre ses meilleurs vœux de Noël au monde chrétien.
En même temps, toutefois, il attira l’attention sur le fait que
lui et ses frères fussent obligés de passer Noël dans un camp
provisoire, dans des températures en dessous de zéro, loin de la
famille et des êtres chers. Pour la première fois, le Hamas put
transmettre son message au loin, aux individus, organisations et
gouvernements de par le monde. Dans le contexte palestinien, le
mouvement créa de nouveaux liens avec diverses organisations et
factions palestiniennes. Au niveau arabe, il établit des
contacts à travers le monde arabe, aussi bien aux niveaux
gouvernemental que non-gouvernemental. Et dans la sphère
internationale, il put communiquer avec des individus et des
institutions à l’intérieur ou associés aux Nations Unies et à
l’Union Européenne.
Le 15 août 1993, après huit mois d’exil, les déportés
acceptèrent une proposition israélienne qui permettait le retour
immédiat d’environ la moitié d’entre eux dans les territoires
palestiniens occupés, avec le reste retournant en décembre. Au
début de septembre, cent quatre-vingt-un d’entre eux
retournèrent. La plupart rentrèrent chez eux, mais certains
furent retenus dans des prisons israéliennes ou dans des centres
de détention. Le 14 décembre 1993, suite à la signature de la
Déclaration de Principes par Israël et l’OLP le 13 septembre
1993, le reste des déportés furent retournés au territoire
palestinien occupé. A nouveau, cependant, certains furent
emprisonnés ou détenus.
Fin du troisième chapitre.
Hamas: son histoire de
l'intérieur (19)
Hamas: son histoire de
l'intérieur (21)
Traduction réalisée
par le Centre
Palestinien d’Information (CPI)
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