Entretien de
Mohsen Abdelmoumen
« Les Israéliens doivent constamment
vivre en état de guerre »
Jacob Cohen
Jacob
Cohen - Photo: D.R.
Samedi 5 juillet 2014
Mohsen
Abdelmoumen : Que pensez-vous des
événements actuels à Gaza ?
Jacob Cohen :
Les évènements actuels à Gaza sont la
continuation de la politique constante
d’Israël de maintenir le territoire dans
un état d’instabilité, d’insécurité, en
l’empêchant de construire la moindre
infrastructure, économique, agricole,
hospitalière, culturelle. Tout est fait
pour étrangler le territoire, mais pas
au point de le laisser s’effondrer car
ce serait un désastre humanitaire que la
Communautaire internationale ne pourrait
pas hypocritement supporter. Donc à
chaque fois qu’il y a une accalmie, les
Israéliens s’arrangent pour provoquer un
ou deux tirs de roquette généralement
inoffensifs pour relancer la répression.
Rappelons que les Gazaouis n’ont même
pas le droit d’aller pêcher au-delà de 4
ou 5 kilomètres des côtes, les
Israéliens poussant le cynisme jusqu’à
les empêcher de profiter des ressources
naturelles de la mer. De même pour
l’électricité, disponible de façon
épisodique. Et la destruction du stade.
Etc.
Dans votre
livre « Le printemps des Sayanim », vous
dites que tout Juif est susceptible
d’être un agent du Mossad. Pouvez-vous
nous expliquer cela ?
Pour être plus
précis, tout juif sioniste, ou tout juif
qui adhère à l’une de ces grandes
organisations judéo-sionistes, notamment
le Bnai Brit, c’est-à-dire la
franc-maçonnerie juive mondiale, qui
compte quand même 500 000 membres à
travers le monde et d’un niveau social,
économique, politique, très élevé. C’est
quasiment la crème de la société.
Pratiquement tous ces gens pourraient
devenir des Sayanim si le Mossad le leur
demandait. C’est ainsi que le Mossad
peut disposer d’agents et d’informateurs
dévoués dans tous les secteurs des
sociétés dans lesquelles vivent et
travaillent ces juifs. Pour vous donner
une idée de leur importance. Victor
Ostrovsky, un ex-agent du Mossad,
estimait que dans la seule ville de
Londres, dans les années 80, il y avait
3000 Sayanim. Au Maroc, dans les années
50 et 60, des milliers de juifs ont
travaillé pour le Mossad sans toujours
en être pleinement conscients.
Comment
analysez-vous la politique guerrière
d’Israël ?
Pour des raisons
historiques et idéologiques, Israël
s’est installé dans une région hostile.
Et pour créer une Etat à majorité juive,
les sionistes ont procédé à un nettoyage
ethnique sans précédent. Puis Israël
s’est allié avec les anciennes
puissances coloniales pour empêcher les
nations arabes nouvellement
indépendantes de se développer
librement. Voir la campagne militaire de
Suez en 1956 menée contre l’Egypte de
Gamal Abdel Nasser par la France, la
Grande-Bretagne et Israël. Par ailleurs,
Israël tente d’éradiquer le nationalisme
palestinien et en même temps de
récupérer ce qu’il considère comme ses
frontières naturelles, c’est-à-dire les
2 rives du Jourdain. Enfin, la politique
guerrière tend à consolider le front
intérieur, à empêcher les conflits
ethniques et religieux à l’intérieur
d’Israël qui sont très graves, et à
renforcer le nationalisme. Les
Israéliens doivent constamment vivre en
état de guerre. Le patriotisme et
l’héroïsme nourrissent les gamins
israéliens dès la crèche.
Votre
position antisioniste a-t-elle donné
lieu à certaines pressions ou à des
menaces à votre encontre ?
J’ai subi deux
agressions en 2012 par les membres de la
Ligue de défense juive. Agressions
classées sans suite par la justice
française. Des menaces, ou des insultes,
j’en reçois régulièrement, mais je n’y
fais pas attention. Le plus grave, à mon
avis, c’est la censure du silence
développée par le système médiatique et
culturel, et c’est là où on voit
l’influence des Sayanim. Tout est fait
pour que mon nom ni mes livres ni même
le nom de Sayanim viennent à la
connaissance du public. Même des
organisations de gauche ou des
associations pro palestiniennes
m’évitent pour ne pas qu’on les accuse
de dérive « antisémite ». Car
l’organisation des Sayanim aurait des
allures de « complot juif mondial ».
A votre avis,
quelle est la raison du silence
occidental face aux agissements
criminels d’Israël ?
Il y a d’abord
l’histoire de la Shoah qui est exploitée
sans relâche par Israël et les lobbies
judéo-sionistes. On peut dire ensuite
qu’Israël s’est révélé être un chien de
garde extraordinaire pour mettre au pas
les régimes arabes au bénéfice de
l’Occident. Tous les rêves d’unité et de
développement de la Nation arabe, lancés
après les indépendances, ont été brisés
par l’impérialisme sioniste. Qu’on pense
au destin tragique de l’Egypte, le phare
de la Nation arabe, réduite aujourd’hui
au rôle de supplétif au service du
sionisme. Israël est devenu aussi une
puissance militaire incontournable. La
technologie des drones par exemple,
l’arme de demain, est détenue par Israël
et l’Amérique. Il y a enfin une autre
raison : Une espèce de proximité «
civilisationnelle » entre Israël et
l’Occident. Israël est vu comme un bout
d’Europe en terre arabe. Certains
politiciens occidentaux vont même
jusqu’à considérer Israël comme le poste
avancé, ou l’avant-garde, pour la
défense du monde occidental.
Votre
engagement antisioniste se poursuit avec
la publication de votre dernier ouvrage.
Pourriez-vous nous en parler ?
Mon tout nouveau
roman, qui est sorti il y a à peine
quelques jours, chez KontreKulture, et
qui s’intitule : « Le Commando de Hébron
», participe à sa manière à mon
engagement antisioniste. Partant d’une
histoire d’amour a priori banale entre
une étudiante juive et un jeune
journaliste beur à Paris. Sauf que le
milieu ultra sioniste de la fille
s’oppose farouchement à une telle
liaison. Au besoin par la force. Je fais
le parallèle avec ce qui se passe aussi
en Israël, où de telles unions «
illégitimes » sont combattues souvent
par la violence. Cela montre la dérive
nationaliste et fasciste de la société
israélienne.
Entretien
réalisé par Mohsen Abdelmoumen pour
Oximity
Qui est Jacob
Cohen ?
Jacob Cohen est un
écrivain juif marocain né en 1944.
Polyglotte et voyageur, militant
antisioniste, il a été traducteur et
enseignant à la faculté de droit de
Casablanca. Il a obtenu une licence en
droit à la faculté de Casablanca puis
est entré à Science-Po à Paris où il a
obtenu son diplôme de Science-Po ainsi
qu’un DES en droit public. Il a vécu à
Montréal, puis à Berlin. En 1978, il est
retourné au Maroc et où il est devenu
maître-assistant à la faculté de droit
de Casablanca jusqu’à 1987. Il s’est
installé ensuite à Paris où il se
consacre désormais à l’écriture. Il a
publié sept livres, dont « Le printemps
des Sayanim ».
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