Syrie
Infosyrie
et Alain Soral :
Ce que nous avons vu à Damas et Hama
(suite)
Réunion
d'information avec le Gouverneur de la
région à l'Hôtel de Ville de Hama
Samedi 27 août 2011
Voici la deuxième
partie du
récit d’Alain Soral et de Guy Delorme.
Cette fois-ci nous sommes le lundi 21
août, journée consacrée à la visite de
Hama, longtemps point fort et sanglant
du mouvement de contestation. Mais la
situation a quelque peu changé, dans le
bon sens… S’il n’y a qu’une chose à
retenir de ce témoignage c’est que la
Syrie, même en crise, même à Hama, est
vraiment très loin de l’Etat policier
qu’on nous décrit, il s’en faut de
beaucoup.
-Infosyrie : Nous voici
arrivés à la deuxième journée de votre
mini-périple syrien. Elle est consacrée
au voyage à Hama une des trois
principales villes syriennes, à 200
kilomètres au nord de Damas. Vous
n’éprouvez pas une vague appréhension à
l’idée de vous aventurer dans une cité
présentée comme LE bastion de
l’opposition à Bachar al-Assad, la ville
des manifestations – fantasmatiques – de
« 500 000″ opposants, et des massacres –
bien réels – de policiers ?
-Alain Soral : Non, parce qu’on sait
que si on nous amène là-bas,
journalistes et personnalités
étrangers, c’est que la ville est
sécurisée. Encore que ce ne soit pas si
vrai : on a eu droit à Hama à une manif’
improvisée de contestataires, sans aucun
dispositif policier entre nous et eux,
on y reviendra.
-IS : Dans quelles conditions
vous êtes-vous rendus à Hama ?
-Guy Delorme : Dans un des quatre ou
cinq bus affrétés pour l’occasion.
Aucune escorte policière. Et tout au
long de la route, très peu de présence
militaire. On a vu quand même à un
moment donné une sorte de petite guérite
avec un type en uniforme avec une arme
automatique et même, plus loin, une
autre guérite avec une arme mais pas de
soldat ! Sinon pas de concentrations
militaires notables tout au long des 200
kilomètres de trajet. Très décontracté,
l’Etat répressif et policier syrien !
-IS : Et donc vous arrivez à
Hama. Quelle est la première impression
: « Peur sur la ville » ? « Etat de
siège » ?
-GD : On voit quand même des traces
de slogans bombés sur les murs, plus ou
moins badigeonnés pour les masquer. On
voit aussi des bâtiments incendiés qui
témoignent d’une vraie période
insurrectionnelle. On connait la version
du gouvernement qui affirme que l’armée
est entrée dans la ville, fin juillet, à
la demande de notables et d’habitants
excédés par des semaines d’anarchie. Je
n’y étais pas, mais ça me parait fort
plausible, et en France, dans un cas de
figure semblable, la réaction du pouvoir
aurait été bien plus rapide. Les zones
de non droit ont vocation à être tôt ou
tard « normalisées », sous toutes les
latitudes géographiques et idéologiques.
-IS : Et où êtes-vous
conduits en premier lieu ?
-GD : On nous conduit à l’hôtel de
ville, dans ce qui doit être la salle de
délibérations du conseil municipal, un
amphithéâtre avec travées et micros sur
les pupitres. Là, le gouverneur nous
fait un topo, dans une certaine
cacophonie, je dois dire, tous les
journalistes de tous les pays
intervenant tour à tour ou parfois, ce
qui est plus ennuyeux, simultanément,
qui en arabe, qui en anglais, qui en
turc, voire en français. Tout ce monde
parle fort, à l’orientale, les questions
sont longues, les réponses aussi. On a
même eu le sentiment, à un moment,
peut-être à tort, d’un différend violent
entre Russes et Turcs, sans qu’on sache
pourquoi.
-AS : Il faut bien préciser, à ce
stade, un point qui nous avait d’abord
échappé : ce voyage « officiel » était
en fait organisé, non pas par le
gouvernement mais par une association
d’hommes d’affaires syriens, certes avec
l’accord bienveillant du pouvoir, mais
sans l’infrastructure, ni l’encadrement
policier qu’aurait fourni une
implication directe du pouvoir politique
syrien. D’où cette persistante
impression d’improvisation, à la limite
sympathique, mais qui aurait pu avoir de
graves conséquences si les groupes armés
avaient encore été en mesure de frapper.
A contrario,
ce manque d’encadrement témoigne d’un
sentiment de sécurité retrouvée à Hama.
Bref, concrètement, cette réunion
était encadrée, non par des moukhabarat
ou des militaires, mais par des
businessmen quadragénaires, patriotes
soucieux de donner un coup de pouce à
leur pays, à son gouvernement et à son
économie, et du reste très sympas. Des
gamins en chemises de mouvements de
jeunesse complétaient l’organisation.
Parmi nos entrepreneurs, un descendant
de l’illustre émir algérien Abd
el-Kader, personnage de l’histoire de
France autant que de l’Algérie et qui a
vécu la dernière partie de sa vie en
exil à Damas, où il a sauvé d’ailleurs
des chrétiens lors de massacres
intercommunautaires en 1860.
Pour en revenir à Hama et à 2011, on
a eu vite une démonstration en temps
réel de l’absolue »décontraction » de
cette manifestation dite « officielle »
: à un moment, une trentaine ou une
cinquantaine de jeunes débarqués d’un
quartier périphérique, et qui avaient eu
vent de la réunion, sont venus scander
des slogans anti-Bachar devant l’Hôtel
de Ville et les participants. En
face, rien, personne, sinon les scouts
et UN flic en civil que nos opposants se
sont mis à courser sous nos yeux ébahis
! Dans le genre
Etat-policier-répressif, on a vu mieux !
On imagine ce qui se serait passé en
France !
A ce sujet, il faut bien comprendre
une chose : il y a beaucoup de policiers
et de militaires en Syrie parce que cela
correspond à un reste de société et
d’économie « soviétiques » : ça fait du
plein emploi. Mais ça ne fait pas des
« pros » du maintien de l’ordre :
nombre de policiers syriens ne
sont pas motivés pour ça, et ont plutôt
une mentalité, et un tempérament, de
fonctionnaires paisibles et routiniers.
Ca peut expliquer, en situation
d’affolement, les bavures, mais aussi
les pertes subies par ces mêmes
policiers face à des activistes armés et
résolus.
C’et d’ailleurs en constatant cet
état de choses qu’on s’est dit que si
des opposants résolus avaient voulu nous
causer de graves ennuis, ils avaient
vraiment le terrain libre ! Heureusement
la contestation semble un peu atone à
Hama ces temps-ci.
-IS : Parlez-nous de la
réaction du reporter du
Figaro à cet
incident…
-AS : Malbrunot m’a expliqué
gravement que les manifestants en
question étaient des partisans de Bachar
alors qu’ils scandaient à plein poumon
des slogans anti-régime. On m’a dit
qu’il était arabophone, si c’est vrai,
il ferait bien de prendre des cours de
rattrapage ! En tout cas voilà le genre
de « pros » qui « informent » le public
français… On a eu, pendant ce séjour,
des échanges ironiques, pas agressifs :
il a même tenu devant moi des propos
très nuancés sur la situation en Syrie,
qu’on ne retrouve pas dans ses articles.
Quant à la journaliste de FR3, elle a
écouté avec attention et, parfois, avec
approbation mes arguments sur le sujet.
Mais Malbrunot « repassait » toujours
derrière moi, pour lui fourguer sa
grille d’analyse bien pensante et
sarkozyste. On peut résumer d’ailleurs
la pensée de M. Malbrunot à cette
équation : « On ne
voit ni n’entend rien, mais c’est parce
que la population est terrorisée »
(voir, à ce sujet,
notre article « Le
Figaro : la révolte « introuvable » à
Damas« , mis en ligne le 22 août).
On peut dire qu’il est complotiste,
à sa manière !
-IS : Vous avez pu discuter
avec ce groupe de manifestants ?
-GD : C’étaient en majorité des
jeunes, très excités, agressifs, qui
nous faisaient penser aux « racailles »
de nos cités.
-AS : On avait l’impression que comme
ceux-ci, ils rêvent d’un consumérisme à
l’occidentale, avec un accès au
haut-débit internet, belles bagnoles et
belles nanas. Pas vraiment des « fous de
Dieu », mais une possible « armée de
réserve » pour des agitateurs
islamistes.
-IS : Combien de temps a duré
la « manif’ » en question ?
-GD : Une demi-heure. Les
organisateurs étaient un peu emmerdés
mais ne pouvaient pas faire grand chose,
certains journalistes interrogeaient les
jeunes, des discussions s’engageaient en
arabe et en « broken english », rien de
bien méchant…
-IS : Il n’empêche que la
journaliste de FR3
que tu disais si « ouverte » à tes
arguments a, dans son reportage diffusé
le lendemain soir par sa chaîne, fait un
petit développement sur cet incident,
montrant des femmes en uniforme tentant
d’écarter les caméras, et interrogeant
un opposant se disant « terrorisé » par
les menaces d’un policier en civil…
-GD : Les types sont repartis
tranquillement, en marchant et en
hurlant leurs slogans anti-Bachar sans
être inquiétés par le moindre policier,
en civil ou en tenue, c’est ça la
réalité.
-AS : Si l’on met de côté cette
péripétie, on a bien senti qu’il y avait
à Hama un niveau de contestation
supérieur à ce qu’il est partout
ailleurs dans le pays, à cause des
bâtiments incendiés, des slogans sur les
murs… Mais enfin, on est très loin d’une
ville vivant sous la loi martiale. Et
encore une fois, l’absolue manque de
précautions policières autour de notre
réunion prouve bien que les
organisateurs pensaient qu’il n’y avait
plus de risques d’incidents majeurs. Du
reste, les manifestants n’étaient qu’une
cinquantaine à tout casser. Le niveau de
mobilisation anti-pouvoir est bien plus
fort dans la moindre des villes
anglaises, en ce moment, qu’à Hama !
Alain
Soral devant les ruines du commissariat
incendié de Hama
-IS : A l’issue de la
conférence de l’Hôtel de Ville, que
faites-vous ?
-AS : On nous mène sur le site du
commissariat de police pris d’assaut par
les émeutiers, dans les derniers jours
de juillet. Les murs sont criblés de
balles et noircis par l’incendie, tout
est détruit à l’intérieur, et il y a
quelques voitures calcinées aux abords.
Les 16 ou 17 policiers qui se trouvaient
à l’intérieur ont été tués et, pour
certains d’entre eux, leurs cadavres ont
été décapités, et les têtes promenées
dans les rues. D’autres cadavres ont été
jetés, à la sortie nord-ouest de la
ville, dans l’Oronte (voir nos
articles « Les
massacrés de Hama interdits de télé
française« , « Désolés
messieurs, c’est bien arrivé à Hama »
et « Les
opposants pacifiques et démocrates de
Hama en peine action« , mis en ligne
les 3, 4 et 2 août)
Tout ça s’inscrivait évidemment dans
une stratégie de provocation du régime,
en s’en prenant à ses policiers et à ses
bâtiments officiels. La quantité
d’impacts de balles sur les murs prouve
que les assaillants étaient armés. C’est
le vieux schéma
« provocation-répression ». Et il n’est
pas mis en route par des opposants
« lambda » ou des jeunes paumés comme
ceux que nous avons vus : c’est plutôt
l’oeuvre d’activistes politisés,
entraînés, armés, encadrés. Du genre
extrémistes salafistes, peu
représentatifs des Syriens, pro ou anti-Bachar.
Parce qu’il faut dire que
l’Islam syrien, qu’il soit sunnite ou
chiite, est vraiment modéré, le ramadan
étant à mon avis plus observé dans
certains quartiers de Paris qu’à Damas
et ailleurs.
-IS : Quand vous êtes tous
devant ce bâtiment de police brûlé et
criblé de balles, preuve manifeste de
l’existence d’une opposition violente et
armée, comment réagissent vos
compatriotes de FR3 et du Figaro ?
-AS : A un moment donné, des petits
gamins, venus de l’immeuble en face, se
sont présentés spontanément à nous ; ils
avaient assisté à l’attaque et voulaient
nous en parler. Tout ça, c’est une femme
bilingue qui nous l’explique. J’exclus
absolument qu’il s’agisse d’une
manipulation des autorités, ces gamins,
qui avaient interrompu une partie de
foot pour venir nous voir, n’étaient pas
« en mission »…
-GD : Vu le haut degré
d’improvisation de toute cette
expédition à Hama, c’est en effet exclu
!
-AS : Et donc, m’étant fait expliquer
leurs intentions par l’interprète, je
demande à celle-ci d’avertir Mlle FR3 et
Georges Malbrunot que ces enfants ont
des choses à leur dire sur ce qui s’est
passé dans ce commissariat. Et là, les
deux refusent d’entendre les gamins, et
s’éloignent ostensiblement : pas
question pour eux, apparemment,
d’écouter une version des faits qui
pourrait corroborer celle du pouvoir. Il
y a là sans doute la peur de se faire
manipuler. Mais plus encore de
s’éloigner de la doxa, de la lecture « journalistiquement
correcte » des événements de Syrie.
-IS : On s’en rend compte en
regardant le reportage que la fille de
FR3 a tiré de cette journée : elle
montre – assez brièvement – les images
d’hommes armés à Hama, les corps de
policiers balancés dans le fleuve, tout
en assortissant ces images d’un
commentaire dubitatif, et en les
encadrant d’images et de commentaires
bien pensants sur les quelques dizaines
de jeunes manifestants anti-Bachar venus
frimer devant ses caméras : surtout,
écorner le moins possible l’image
d’Epinal d’un peuple quasi-unanime
dressé contre un tyran et son gang, et
évacuer les images et les faits
dérangeants à coup de conditionnel et de
scepticisme de
« pro-à-qui-on-ne-la-fait-pas ». Après
la visite du commissariat, où vous
conduit-on ?
Vue prise
depuis le désormais tristement célèbre
pont de Hama, sur l'Oronte
-AS : On va au pont sur l’Oronte, le
fameux pont d’où les insurgés islamistes
ont jeté les cadavres des policiers tués
dans le commissariat. On se rappelle que
les médias français qui n’ont quasiment
pas montré – ou avec retard comme FR3 –
ces images terribles – au moins un des
corps est décapité – ont préféré relayer
les mensonges des cyber-opposants selon
lesquels tout ceci était un montage
gouvernemental, le pont ne se trouvant
pas à Hama, ou bien l’Oronte étant à sec
en été, etc. Eh bien désolé, on a pu
voir le pont – qui se trouve au
nord-ouest de la ville – sous tous les
angles, et c’est bien celui-ci ; quant
au fleuve, il coule !
-IS : Nous avions d’ailleurs
diffusé sur le site une vidéo montrant
très bien avec des vues aériennes et
Google Earth la localisation précise du
pont, et même celle des différents
endroits et points de vue rencontrés
dans la vidéo, de la rambarde d’où l’on
jette les corps, aux berges du fleuve (voir
notre article « Désolé
messieurs, c’est bien arrivé à Hama !« ,
mis en ligne le 4 août). Ce pont
permet à une bretelle d’accès à la
grand-route d’Alep d’enjamber le fleuve,
dans une zone péri-urbaine au nord-ouest
de Hama. Et là, comment
réagissent nos journalistes ?
-AS : Ils bredouillent un peu, du
genre « oui, bon d’accord, mais… »
Toujours cette angoisse d’être obligés
de donner raison, fut-ce ponctuellement,
aux thèses du pouvoir.
-IS : Que se passe-t-il
ensuite ?
-GD : A ce stade on est épuisé : on a
dans les jambes 6 heures de bus par 45
degrés, une assez longue réunion à
l’Hôtel de Ville, puis la visite des
« hauts-lieux » de l’insurrection. Osons
dire aussi qu’on digère mal, dans ces
conditions climatiques un peu extrême,
le repas pantagruélique qu’on nous a
servi au grand hôtel Cham de Hama à
partir de 15 heures. Bref, on n’en peut
plus.
-IS : Combien de temps
avez-vous passé à Hama ?
-GD : 3,4 heures je dirais. On a
aussi visité deux ou trois hôpitaux de
la ville. La presse occidentale,
« inspirée » en cela par les bobards de
l’OSDH et des cyber-dissidents, avait
raconté que l’armée avait pilonné les
hôpitaux. Naturellement, c’était faux :
les façades des établissements que nous
avons visités étaient en parfait état,
sans la moindre trace de « replâtrage »
hâtif. Les hôpitaux fonctionnent
normalement. La seule trace des
« événements », ce sont quelques slogans
peints sur les murs. En fait, les
activistes se sont concentrés sur les
bâtiments représentant l’autorité de
l’Etat, comme le fameux commissariat.
-AS : On voit, quand même, à certains
carrefours, quelques postes militaires
avec sacs de sable, avec trois, quatre
types en uniforme en train d’écouter une
radio ou de somnoler. Pas le moindre
blindé. Encore une fois on n’est
vraiment pas à Stalingrad ou à Varsovie
en 44 !
-IS : Et que font les autres
membres de l’expédition pendant tout ce
temps ?
- GD : Les gens filment avec des
caméras, prennent des photos. Moi je
rivalise d’ironie avec Malbrunot qui
joue toujours les « dessalés » pas
dupes. Mais moi je ne suis pas dupe d’un
type comme lui, journaliste du
Figaro, « spécialiste » du monde
arabe ou du Proche-Orient, et donc en
mission. Je sais qu’il n’est pas là pour
dire ou rapporter la vérité, parce que
cette vérité n’est pas bonne à dire pour
ses employeurs. Et puis je sais
d’expérience que mes propos sont
déformés par ce genre de « pros » des
médias français, et qu’une conversation
« sympa » peut devenir une pièce à
charge dans un procès en sorcellerie
médiatique. Donc, je vanne Malbrunot –
on a eu notamment un amusant échange sur
les lobbies en France -, quitte à être
plus sérieux avec la dame de FR3. On
avait d’ailleurs averti les sympathiques
organisateurs de la visite qu’il ne
fallait pas compter sur un Malbrunot
pour faire un compte-rendu un tant soit
peu objectif. Il y a chez eux, mais
c’est normal compte tenu du fait qu’il
s’agissait de personnes issues de la
société civile, une certaine naïveté
quant à l’honnêteté de « nos »
journalistes.
-IS : Comment se termine pour
vous cette journée de lundi?
-AS : On rentre dans nos bus, pour se
taper les 200 kilomètres du retour à
Damas. Il y a toujours le contraste
éprouvant entre les 26 degrés de la
climatisation du bus et les pointes à 48
degrés de l’extérieur. Quand tu sors du
bus, tu es vraiment « assommé » par la
chaleur. La chaleur, c’était l’ennemi ce
jour-là à Hama, beaucoup plus que les
Frères musulmans ! Et puis, on est
rentré se faire une santé et une beauté
à l’hôtel Cham de Damas. On repris
l’avion le lendemain mardi.
-IS : Alors quelle est
l’impression générale ?
Les
délégations sur le pont de Hama
-AS : Même si elle pouvait servir
le gouvernement syrien, cette
opération, il faut le redire, a été
montée par des hommes d’affaires
syriens, patriotes et soucieux de
monter que, malgré tout ce que
racontent les médias étrangers, la
société syrienne fonctionne, même à
Hama. Et oui, elle fonctionne
apparemment, et cet équilibre repose
sur la famille Bachar. Ce qu’on a du
mal à comprendre en France, mais qui
ne surprendra pas quiconque
s’intéresse au fonctionnement des
sociétés arabes ou orientales. Je
vais revenir à ma comparaison avec
de Gaulle : il avait réussi à réunir
un temps sur son nom la bourgeoisie
conservatrice et les communistes. Eh
bien les Assad ont garanti l’unité
d’une société plurielle. Et c’est ce
que voudraient détruire les
Américains et leurs très nombreux
collabos, qui ne supportent pas les
nations indépendantes et sourdes à
leurs mots d’ordre. Ce sont ceux qui
ont détruit l’Irak, qui cherchent à
diviser le Liban et ont exacerbé la
guerre civile en Libye, qui
s’engagent à présent pour la
« démocratie » en Syrie et
manipulent à tout va.
Par rapport à ce voyage, je
retiens aussi la naïveté en termes
de communication. Au fond,
les organisateurs du voyage ne
soupçonnent pas la « malignité », la
perversité des méthodes de
communication occidentale à
l’anglo-américaine. J’avais
d’ailleurs déjà constaté ce décalage
lors d’un voyage en Serbie, une
autre grande nation victime du
mensonge occidental organisé.
Bien sûr, et je l’ai dit dans cet
entretien, tout n’est pas parfait
dans cette société syrienne qui a
longtemps vécu selon les codes
soviétiques. Il y a une aspiration à
un climat moins étouffant, notamment
chez la jeunesse bobo locale, naïve
et manipulée. Il y a aussi, on a pu
le voir à Hama, un sous-prolétariat
qui n’a rien à perdre, et qui prête
une oreille aux mots d’ordre des
activistes plus ou moins islamistes.
Mais j’affirme que le niveau
de tension – sociale ou ethnique –
constaté en Syrie n’est pas
supérieur à celui qu’on connaît en
France ou en Angleterre. J’ajoute
que le niveau de présence policière
que j’ai pu constater, y compris à
Hama, est bien inférieur à celui de
Paris, et nettement plus débonnaire
ou décontracté. Et
l’équipement policier qu’on a pu
voir était de niveau « amateur »,
sans comparaison avec celui de nos
CRS ou gardes mobiles transformés en
« ninjas » à la moindre manif.
Pareil pour les contrôles à
l’aéroport de Damas : on vous palpe
à peine, c’est tout juste si les
douaniers vous regardent, occupés
qu’ils sont à discuter entre eux. Et
tout ça dans un pays soit disant en
état de siège !
Au fait, en parlant de tensions
sociales ou ethniques, je ne sache
pas que Bachar al-Assad ait demandé,
après les récentes émeutes urbaines
anglaises, l’abdication de la reine
Elisabeth, alors que Cameron a exigé
le départ de Bachar !
-GD : Moi je voudrais souligner
le côté vraiment « bon enfant » de
toute cette opération, à des
années-lumière de l’impeccable et
implacable organisation de nos
opérations de « com », et qui ne se
situe d’ailleurs pas non plus dans
un schéma de propagande à la
soviétique. Précisons que nous
n’avons reçu aucun argent de nos
hôtes, même si, bien sûr, nos frais
sur place étaient payés. Lundi soir,
au moment des adieux, on nous a
offert… une boîte de loukoums. On
n’était pas chez les Saoudiens,
grands amis de la démocratie et de
l’Amérique.
-AS : Le problème d’un pays comme
la Syrie, c’est que la manière dont
il fonctionne, depuis toujours, le
rend assez vulnérable aux
infiltrations et aux subversions
téléguidées de l’extérieur. Face aux
experts de la CIA et à ses dollars,
il est relativement désarmé.
Mais il a quand même pour lui sa
fierté nationale, son goût de
l’indépendance et une assez claire
conscience des mensonges de la
propagande adverse – il n’y a qu’à
regarder l’Irak voisin pour voir à
quoi mènent les mots d’ordre
américains dans la région.
C’est, pour ce que j’ai pu en voir,
un peuple sympathique et un pays
magnifique. on ne regrette pas notre
voyage et on continuera à défendre
ce pays et ce peuple.
-IS : Alain Soral et Guy
Delorme, nous vous remercions.
Propos recueillis par Louis
Denghien
Publié le 29 août
2011 avec l'aimable autorisation d'Info
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