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Cirepal
Yahya Skaf :
le prisonnier abandonné
Février
2007 Le 11 mars 1978, Fateh,
le mouvement de la résistance palestinienne, mène une opération
audacieuse, baptisée « Kamal Adwane » (nom du
dirigeant palestinien assassiné à Beyrouth par Ehud Barak et son
équipe) et dirigée par la martyre Dalal al-Moghbari, sur la
route Tel-Aviv – Haïfa, à partir du Liban. Dalal al-Moghrabi
sera tuée, et son corps piétiné par le futur premier ministre
israélien, Ehud Barak. Plusieurs membres du groupe résistant
seront tués, deux seront blessés et faits prisonniers. C’est
le cas de Yahya Skaf, âgé de moins de 18 ans, et combattant du
mouvement Fateh.
Le
jeune Yahya Skaf s’était enrôlé dans la résistance
palestinienne comme des centaines voire des milliers de Libanais,
avant même l’invasion du Liban par l’Etat sioniste en 1978,
affirmant que la lutte pour la libération de la Palestine est
l’affaire de tous les peuples arabes.
Au
cours de cette opération militaire menée par la martyre Dalal
al-Moghrabi, Yahya Skaf fut blessé. Il fut emmené à l’hôpital
militaire de la prison de Ramleh, où il fut soigné, avant d’être
emprisonné, alors qu’il n’avait pas encore 18 ans.
Depuis
cette date, les sionistes refusent de donner une indication sur
Yahya Skaf.
Yahya
est originaire de Bhannine, al-Minieh, situé entre Tripoli et le
camp palestinien de Nahr al-Barid. C’est là où vit encore sa
famille, et notamment son frère Jamal, son plus jeune frère,
représentant de la campagne pour la libération de Yahya Skaf,
aux côtés du prisonnier Samir Qintar, deux des prisonniers
libanais détenus par les autorités sionistes depuis plus de 25
ans.
Mais
pourquoi ce sort de prisonnier inconnu subi par le combattant
Yahya Skaf, détenu pourtant avant Samir Qintar ?
Son
frère Jamal donne un début de réponse : Yahya a été fait
prisonnier avant même l’invasion sioniste du sud-Liban en 1978,
dans une opération qui fut d’ailleurs le prétexte pour
l’invasion du pays. En tant que Libanais, les autorités
sionistes refusent de lui accorder une quelconque existence, à
tel point que pour beaucoup d’entre nous,Yahya était considéré
comme faisant partie des « disparus ».
Mais
il apporte de nombreuses preuves témoignant de son incarcération
dans une cellule individuelle en isolement, dans la prison de
Ascalan, depuis son arrestation.
Jamal
Skaf explique : « Entre 78 et 84, nous n’avions
aucune nouvelle. Mais en 1984, de nombreuses personnes en
Palestine et ailleurs l’entendent, dans un message diffusé sur
une radio sioniste, envoyant ses saluts à sa famille et ses amis,
annonçant son nom et précisant qu’il est de Tripoli, Liban.
C’est
à partir de cette date que nous avons commencé à nous
mobiliser, pour le rechercher. »
Depuis
ce message radiophonique, Yahya n’a plus été entendu, mais
d’autres preuves de son incarcération existent.
En
1986, c’est l’opération Galilée, l’opération d’échanges
entre prisonniers menée entre le FPLP-Commandement général et
l’Etat sioniste. Au cours de cette opération des centaines de
combattants ou de militants civils seront libérés, avec la
possibilité de retourner à leurs domiciles. Le nom de Yahya Skaf
faisait partie des noms des prisonniers pouvant être libérés.
De nombreux prisonniers palestiniens affirment l’avoir rencontré
d’ailleurs, au cours de l’opération d’échanges, mais il
aurait été vu ramené à sa cellule, avec plusieurs autres
prisonniers palestiniens, juste avant le départ du convoi.
C’est d’ailleurs une pratique courante de la part des autorités
sionistes, qui essaient de rompre toute opération d’échanges
à la dernière minute.
Depuis,
des nouvelles éparses parviennent de quelques prisonniers
palestiniens. En 1986, en 1990 et 1993, des témoignages
d’anciens prisonniers parviennent à la famille, affirmant
l’avoir rencontré à un moment ou un autre, à l’intérieur
de la prison de Ascalan, dans la section de l’isolement.
Pour
la famille de Yahya, un document de la Croix-Rouge internationale,
daté de 2000, ne laisse aucun doute sur son incarcération dans
les prisons israéliennes. Ce document officiel, que le frère du
prisonnier, Jamal Skaf, a eu entre les mains et qu’il a ensuite
diffusé à la presse locale, établit de manière formelle la détention
de Yahya Skaf, depuis 1978, dans les prisons israéliennes.
29
ans, au mois de mars prochain.
29
ans de détention, oublié et abandonné.
Du
côté des autorités sionistes, ce fut le silence total, et
notamment dans la presse, jusqu’à ces derniers temps. C’est
en partie à cause de l’attitude de l’Etat libanais, qui ne ne
s’est jamais senti concerné par le sort des prisonniers,
jusqu’à 2000, l’année de la libération du sud-Liban, moment
où c’est le Hizbullah lui-même qui a pris en charge
d’assumer leur libération, par le biais des échanges.
A
aucun moment, le nom de Yahya Skaf n’est prononcé par les
autorités sionistes, alors que dans les négociations indirectes
engagées pour l’échange des prisonniers entre la résistance
libanaise et les autorités sionistes, les noms de Yahya Skaf et
de Samir Qintar sont prononcés. Les autorités sionistes veulent
faire croire, par ce silence, qu’ils n’ont pas de prisonnier
libanais du nom de Yahya Skaf. C’est ce que laisse entendre récemment
un article de Haaretz, au mois de septembre 2006, affirmant que
« ce nom inconnu par la rue israélienne risque de
mettre des obstacles à l’échange des prisonniers avec le
Hizbullah ». Mais il est clair qu’un tel article est lui-même
un obstacle à la libération de Yahya Skaf, le quotidien Haaretz
jouant le rôle de la voix de son maître, en l’occurrence le
service des renseignements sioniste, puisque parlant d’inconnu,
il met en doute son incarcération et prépare le terrain au refus
de sa libération.
Cela
n’ébranle pas la détermination de son frère Jamal qui ne
cesse de rencontrer de nombreuses personnalités internationales
en visite au Liban, leur demandant d’intervenir pour que les
autorités sionistes donnent des informations claires sur Yahya et
permettent à ses parents de le contacter.
A’isha,
la mère de Yahya, est décédée il y a deux ans, en 2004.
Pendant vingt-cinq ans, elle n’a cessé de porter la cause de
son fils, rejoignant toutes les manifestations et tous les
rassemblements pour la libération des prisonniers, animant plus
d’une réunion organisée par le comité de solidarité avec le
prisonnier Yahya Skaf, qui agit dans les quartiers de Tripoli et
à Nahr al-Barid. Aujourd’hui, Jamal poursuit le combat de sa mère,
sûr de la légitimité de leurs revendications, en tant que
familles de prisonniers détenus par Israël : ces
prisonniers doivent être libérés et surtout, dans le cas de
Yahya, il doit être visité par un avocat et par la Croix-Rouge
internationale, des relations doivent être établies entre sa
famille et lui, des nouvelles doivent être échangées et les
autorités sionistes doivent le reconnaître publiquement.
Tristement,
Jamal adresse un reproche aux organisations palestiniennes impliquées
dans la défense des prisonniers dans les geôles sionistes. A
plusieurs reprises, il rencontre les officiels palestiniens, et
notamment l’ancien ministre chargé des prisonniers, en leur
demandant de ne pas oublier Yahya, même si les autorités
sionistes taisent son nom, réclamant des efforts de leur part
pour percer le mur du silence qui l’entoure. Concernant les
organisations palestiniennes chargées des questions des
prisonniers, il souhaite qu’elles puissent mener des actions
pour rappeler le sort de Yahya, et surtout le citer clairement
dans les listes de prisonniers qu’elles établissent régulièrement.
Yahya, en fin de compte, est un combattant de la cause
palestinienne.
Yahya
Skaf est prisonnier et des négociations sont en cours pour sa libération.
L’association libanaise pour les prisonniers et anciens
prisonniers libérés mène une campagne commune, pour Yahya et
Samir, les deux Libanais plus anciens détenus par les sionistes,
accusés d’avoir mené des opérations militaires contre l’Etat
usurpateur, dans le cadre d’organisations palestiniennes.
LIBERATION
DE TOUS LES DETENUS, PALESTINIENS ET ARABES,
DANS
LES PRISONS DE L’OCCUPATION SIONISTE
Traduit par Centre
d'Information sur la Résistance en
Palestine
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