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Politique
Demain,
la démondialisation
Philippe Randa
Philippe Randa
Jeudi 3 janvier 2008 On l’a
tellement annoncé que la nouvelle a peu surpris : c’est fait,
le baril de pétrole est à 100 dollars ! Et alors ? Alors, les
commentaires sur les affres d’un avenir économique simplement
plus rigoureux pour certains, assurément apocalyptiques pour
d’autres, fusent. Tout le monde y va de sa prédiction avisée,
forcément avisée qui, même énoncées en termes savants, n’éclairent
guère notre lanterne. Pas davantage, en tous cas, que les avis définitifs
énoncés au comptoir de n’importe quel bistrot, tout aussi
fumeux, mais c’est désormais la seule fumée encore autorisée
en public, alors…
Après le SIDA, la grippe aviaire, l’invasion américaine de
l’Irak, le sujet d’inquiétude dont on cause dans les salons,
c’est la fièvre de l’or noir, sa raréfaction et sa
disparition annoncée. Dans les pays « développés » (c’est
nous !), en tout cas. Dans les « pays émergents » (c’est eux
!), croissance oblige, on y est trop obsédé de rattraper notre
niveau de vie. Et s’ils y parviennent, ce sera le chaos écologique
annoncé. Des salauds de pauvres, on nous le répète régulièrement,
aussi envieux qu’inconscients !
La disparition envisagée du pétrole, si rien n’est découvert
pour le remplacer en tant que source d’énergie majeure,
bouleversera en effet nos modes de vie, c’est une évidence…
tout autant que son utilisation industrielle les avait bouleversés
au début du XXe siècle.
Un siècle, oui… Un siècle seulement ! Ce n’est pas tant que
ça et sont encore en vie – en fin de vie certes – nombre de
personnes qui vécurent leur enfance, voire même leur
adolescence, sans avoir recours à l’utilisation massive des
produits pétroliers, voire même, pour certains, sans y avoir
recours du tout. Qu’ils aient tout de même survécus est plutôt
rassurant, non ?
Certes, l’inconnu fait peur… Davantage sans doute que la
pollution ou la dégradation de l’environnement auxquelles tout
le monde participe. Parmi les solutions exprimées, il y a la « décroissance
» à laquelle le philosophe Alain de Benoist vient de consacrer
un excellent petit livre(1). Sous-titré « penser l’écologie
jusqu’au bout », il a le mérite d’interpeller le
lecteur hors de toutes considérations politiciennes ou électorales,
ce qui est déjà à saluer. Plus important encore, il attire
l’attention sur la nécessaire rupture « vis-à-vis de
l’omniprésence de l’économie et du primat des valeurs
marchandes ».
Siècle de l’entrée dans l’ère atomique, de la décolonisation,
de la libération sexuelle, des « extrêmes », etc., « le
XXe siècle a assurément été tout cela, écrit-il. Mais
il est aussi le siècle qui a vu l’apogée de l’ère de la
consommation, de la dévastation de la planète, et, par
contrecoup, l’apparition d’une préoccupation écologique.
Pour Peter Sloterdijk, qui caractérise la modernité par le
“principe de surabondance”, le XXe siècle a d’abord été
le siècle du gaspillage ».
En utilisant l’or noir de façon abusive, l’homme a ouvert une
boîte de pandore d’où il a retiré des avantages certains,
mais bien davantage de maux qu’ils paient aujourd’hui. S’il
est en passe de l’avoir vidée, est-ce vraiment si désolant que
cela ?
Il y a tout lieu de penser, au contraire, que la crise de l’énergie
pétrolière sera peut-être un premier coup terrible porté à
cette incessante mondialisation de l’économie qui ravage
impitoyablement depuis quarante ans toutes les économies locales.
Un premier coup à 100 dollars ? Ce n’est pas bien cher,
finalement… Note
(1) Demain la décroissance, e/dite, 199 pages, 16 euros.
Disponible en librairie ou par correspondance sur le site http://www.alaindebenoist.com © Les chroniques de
Philippe Randa sont libres de reproduction à la seule condition
que soit indiquée leurs origines, c’est-à-dire le site
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