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MIFTAH
La torture des enfants
palestiniens sous l'occupation israélienne
4
mars 2008 « Amnesty International avait jadis
établi que la torture est la seule forme de violence qu’un État
niera toujours sans jamais oser la justifier. Israël a fait
mentir Amnesty, c’est le seul pays au monde qui ait légitimé
la torture tant du point de vue juridique que rhétorique. »
Eitan Felner, directeur de B’Tselem.
Un thème souvent ignoré ou à peine abordé est
la torture. Peut-être cela vient-il du fait que beaucoup ne
veulent pas admettre qu’un mot si atroce ait un sens de nos
jours ou à notre époque, encore moins qu’il soit une réalité.
Peut-être que c’est parce que le sujet est si pénible et réellement
répugnant que peu ont les tripes d’écrire à son propos. Bien
sûr, il y a aussi le fait que ceux qui commettent des actes de
tortures font en sorte de couvrir leurs exactions sous
d’ignobles interprétations en vertu du concept de nécessité,
de telle façon qu’une plainte ne soit jamais déposée, ou en
s’assurant que le bureau des plaignants ignore tout simplement
leurs actions illégales. Sinon, tout simplement, on torture si
durement la victime qu’elle serait incapable de témoigner, et
mieux encore si elle mourrait.
Cependant, ne faites pas erreur, ces pratiques
sont largement employées, et des Palestiniens ont pendant
longtemps été les destinataires bien malgré eux de traitements
cruels et inhumains entre les mains de l’Intelligence Militaire
Israélienne et l’Agence de Sécurité Israélienne, auparavant
les Services de Sécurité Générale (GSS).
En 1999, le nombre de plaintes contre
l’utilisation de la torture par Israël a obligé la Haute Cour
de Justice à exclure quatre méthodes de torture, à savoir le
droit de « secouer » un homme, de le tenir dans la
position du « shabach », de le forcer à
s’agenouiller dans la position de la grenouille (« quambaz »),
et de le priver de sommeil, d’une manière autre que ce qui est
inhérent à l’interrogatoire. Beaucoup ont confondu cette décision
avec l’abolition de l’usage de la torture en Israël, mais en
y regardant de plus près, le Comité Public contre la Torture en
Israël révèle que cette décision a laissé des brèches qui
font que la torture et les mauvais traitements subis par les
Palestiniens peuvent continuer lors des interrogatoires du GSS et
de l’Intelligence Militaire.
Les rapports de torture les plus dérangeants sont
ceux commis contre les enfants âgés d’entre 13 et 18 ans.
DCI/PS rapporte que rien ne s’est amélioré depuis la décision
de 1999, avec les témoignages de tous les enfants emprisonnés
sur des méthodes de torture, ou autres traitements cruels,
inhumains ou dégradants utilisés sur leur personne. En fait, de
nouvelles formes de tortures ont été développées et sont
utilisées beaucoup plus fréquemment, incluant davantage de
techniques axées sur la psychologie, tel l’usage de
l’isolement, l’utilisation de collaborateurs palestiniens pour
arracher des confessions, ou des pressions sur les enfants pour
qu’ils coopèrent avec les soldats israéliens. Depuis septembre
2000, la Défense Internationale des Enfants, Section Palestine
(DCI/PS) estime qu’environ 700 enfants ont été arrêtés par
l’armée israélienne, plus de 160 restent incarcérés. 95%
d’entre eux ont été arrêtés pour avoir lancé des pierres et
sont torturés jusqu’à ce qu’ils avouent avoir lancé 150
pierres et dénoncent les autres ayant pris part à de telles
activités. Si une confession est arrachée à l’enfant durant
un interrogatoire mené par l’Intelligence Militaire ou l’ISA,
ils est envoyé au poste de police afin qu’il y fasse la même
confession, de façon à ce qu’elle soit reconnue juridiquement.
Il est important de noter que la décision de la
Haute Cour de Justice israélienne mentionnée ci-dessus
s’applique uniquement aux pratiques de l’ISA ; cependant,
des enfants palestiniens furent torturés aussi bien par
l’Intelligence Militaire que par la police israélienne. Donc,
essentiellement, la décision a réussi à réduire avec succès
les inquiétudes sans perturber le travail des autres bureaux qui
pratiquent la torture. En outre, l’ISA est libre, tout comme les
autres bureaux, de développer de nouvelles méthodes, tant la décision
est spécifique et stricte pour ce qui concerne les pratiques qui
sont exclues, ce qui lui laisse beaucoup de marge de manoeuvre. Étant
donné que le débat est fréquemment étouffé par l’argument
de « la bombe à retardement » [1], la question sur la
torture est continuellement placée dans le contexte de « la
sécurité » d’Israël et de la menace à son existence,
donc son usage est quasiment toujours justifié. De plus, la décision
de la Haute Cour de Justice est dénuée de clause ou même de référence
au sujet de l’utilisation de la torture contre les enfants.
L’armée israélienne s’est engagée dans une
campagne d’arrestations sans précédent, emprisonnant des
milliers de Palestiniens, incluant un nombre significatif
d’enfants. Le critère pour être incarcéré paraît
principalement reposer sur l’âge et le sexe des prisonniers, à
savoir être de sexe masculin et âgé d’entre 14 et 60 ans. Les
jeunes Palestiniens continuent de souffrir des conséquences de
l’occupation, lorsque treize enfants de 16 ans et moins ont été
tués durant le seul mois de janvier, ce nombre augmentant de six
si l’on inclut ceux qui ont 18 ans ou moins, pour arriver à un
total global de 19 morts. Selon des chiffres récents de LAW, le
nombre total d’enfants âgés de 17 ans et moins tués depuis le
28 septembre 2002 s’élève à 451.
Environ un tiers des 21.086 blessés sont des
enfants. De plus, on estime que 45% des jeunes Palestiniens
souffrent de troubles nerveux post-traumatiques.
Le DCI/PS estime qu’au moins 15% des personnes
nouvellement détenues sont des enfants. Selon les témoignages répétés
provenant de ceux qui sont relâchés, les enfants sont traités
de la même manière que les adultes, souvent soumis à la
torture. Il est important de réaliser que depuis que les autorités
israéliennes ne font aucune distinction entre des enfants de 16
ans et des adultes, il est difficile d’obtenir le nombre
officiel de tous les enfants emprisonnés. De plus, le nombre des
enfants enfermés en centre de détention militaire en Cisjordanie
est inconnu. Enfin, la difficulté de garder la trace de tous ces
jeunes détenus est augmentée par l’effet du « tambour »,
car ils sont continuellement arrêtés, relâchés et repris
quelques semaines après.
Notez que sous la loi internationale, la détention
d’un enfant peut être employée uniquement comme une mesure de
dernier ressort et ce pendant la période appropriée la plus
courte possible. Néanmoins, il apparaît que la politique israélienne
à l’encontre des jeunes Palestiniens est contraire aux normes
internationales, avec une détention le plus souvent utilisée
comme une mesure de premier ressort. Une peine d’emprisonnement
est la seule sentence donnée aux enfants. Le DCI/PS note qu’il
n’y a jamais eu de cas d’enfants palestiniens, entre 14 et 17
ans, reconnus coupables d’avoir commis « un crime »
par un tribunal militaire israélien, étant condamné à toute
autre peine qu’à une peine de prison. Les deux dernières années
indiquent qu’au lieu d’adhérer au principe de la « période
appropriée la plus courte », la longueur des peines qui
leur sont infligées actuellement commence à s’allonger.
Lors des récentes invasions, des enfants furent
arrêtés soit à la suite des fouilles de maison en maison, et
rassemblés dans la rue, soit après un appel au mégaphone des
soldats israéliens demandant instamment aux hommes d’une
certaine catégorie d’âge de sortir de chez eux et de se
regrouper dehors. Les deux types d’arrestations furent effectués
par des troupes lourdement armées qui, souvent, terrorisent les
familles et détruisent leurs biens pendant le processus. Ils
bandent les yeux, attachent les mains des personnes qu’ils arrêtent,
et les emmènent dans un centre de détention. Les enfants
palestiniens sont régulièrement battus pendant le voyage. Dans
quelques zones, des détenus sont dirigés vers des installations
provisoires établies dans des écoles palestiniennes ou
d’autres emplacements plus grands, puis ils sont transférés
dans une installation militaire située dans une colonie. Les
autres sont amenés directement au camp militaire.
Arrivés au camp militaire, les détenus sont
informés verbalement qu’ils sont détenus selon des décrets
d’urgence, datant du temps du Mandat Britannique en Palestine.
Le 5 avril 2002, le commandant militaire pour la Cisjordanie a émis
un nouvel arrêté militaire (n°1500) qui permet aux soldats israéliens
d’arrêter n’importe quel Palestinien de Cisjordanie sans
fournir de raison, ni de justification. De plus, l’ordre stipule
que ces personnes peuvent être enfermées pendant une période de
18 jours avant que toute procédure légale ne soit engagée. Il
s’appuie sur des ordres publiés précédemment, exigeant que
les détenus soient présentés devant un juge sous 8 jours.
L’arrêté militaire n°1500 est rétroactif, s’appliquant à
toutes les personnes interpellées depuis le 29 mars 2002.
Après 18 jours, le détenu est supposé être
amené devant un « tribunal » militaire improvisé (en
fait, sous une tente avec pour mobilier une chaise et une table),
où le juge peut prolonger sa détention, lui donner un ordre de détention
administrative, ou le relâcher. Fréquemment, les juges servant
dans ces tribunaux en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza
manquent de formation et d’expérience. Au contraire, ce sont
des officiers militaires de carrière de l’Intelligence
Militaire. Ces tribunaux ne répondent pas aux normes en vigueur,
mais dépendent plutôt d’un système d’arrêtés militaires
israéliens émis par l’autorité militaire. L’arrêté
militaire définit la situation comme « une situation de
guerre », pourtant les prisonniers ne sont pas considérés
comme des prisonniers de guerre. Les ordres de détention
administrative sont généralement délivrés à partir de
« preuves tenues secrètes ». Le prisonnier ne peut
avoir connaissance des éléments secrets retenus à son encontre,
et n’a pas de représentation juridique. Ceux qui se retrouvent
avec un ordre de détention administrative sont transférés à
Ansar III, récemment rouvert (Ketziot), une prison faite de
tentes dans le désert du Néguev.
La plus grande et la plus frustrante barrière que
les avocats palestiniens doivent franchir, est d’essayer
d’obtenir des informations sur les prisonniers en centres de détention.
Des visites sont autorisées uniquement après 18 jours, mais on
exige des avocats qu’ils aient les noms des personnes qu’ils désirent
voir. Les autorités en charge de ces centres ne fournissent pas
les noms ou le nombre de ceux qu’ils gardent en détention ;
de ce fait, les renseignements doivent être trouvés du côté de
ceux qui sont relâchés ou des membres de familles (qui ne savent
pas où leurs proches sont gardés). Les personnes ne sont pas nécessairement
détenues près de leur lieu de résidence ; par exemple,
DCI/PS fut informé de deux enfants du camp de Jénine détenus près
de Ramallah. Une fois, une liste de noms fut présentée à la
personne responsable du centre, mais c’est selon l’humeur
qu’ils autorisent l’avocat à visiter ses clients. DCI/PS fut
informé d’avocats qui furent obligés d’attendre deux
semaines avant qu’on leur donne l’autorisation de rencontrer
des détenus.
Durant leur détention ou emprisonnement, les
enfants palestiniens sont régulièrement déplacés d’un centre
à un autre, afin de leur donner l’impression qu’ils sont
seuls et que personne ne peut les aider. Ils passent des périodes
prolongées coupés du monde extérieur, du fait qu’on leur
refuse la visite de leur famille et même de leur représentant
juridique, et quand ils sont autorisés à voir leurs parents, les
couvre-feux incessants, les bouclages et autres restrictions empêchent
les membres de leurs familles de parvenir jusqu’aux centres de détention.
Les prisonniers juvéniles sont placés dans une cellule sale,
malodorante (200 cm par 150 cm) connue comme « zinzaneh »,
le sol peut être mouillé ou couverts d’excréments humains. La
cellule peut être soit presque complètement dépourvue de lumière,
ou en être inondée constamment. Si le prisonnier essaye de
dormir, un garde viendra et le (la) réveillera. De plus, les
enfants sont souvent privés de nourriture et n’ont pas accès
aux toilettes.
Le dossier constitué par le DCI/PS fait état
d’enfants palestiniens aux yeux bandés, aux mains attachées,
ainsi que de tabassages au cours des interrogatoires. En outre,
les méthodes exclues par la Haute Cour de Justice israélienne
sont malgré tout utilisées avec des enfants qui sont violemment
secoués - de graves situations pouvant causer des dommages au
cerveau -, qui sont ligotés sur de petites chaises dans des
positions inconfortables obligeant le corps à rester recroquevillé
durant des périodes étendues, qui sont exposés à des
changements de température extrêmes, par exemple en enlevant les
vêtements du prisonnier et en l’enfermant dans une petite
armoire, après quoi le système de climatisation est activé pour
produire une chute brutale de la température. En outre, il y a eu
plusieurs cas documentés où des gardes de prison ont essayé de
violer des enfants, et s’ils ne réussissent pas à le faire,
les enfants sont placés au milieu d’une population criminelle
d’adultes israéliens, après quoi ils sont violentés et abusés,
sous l’oeil vigilant de ces gardiens. Les pressions
psychologiques et les abus physiques dont sont victimes ces
enfants lors de leur incarcération ont évidemment des effets
durables et débilitants sur le reste de leur vie.
À leur libération, des enfants détenus sont conduits
dans des zones éloignées, en pleine nuit, d’où ils s’exposent
à des situations dangereuses sans moyen pour rentrer chez eux. Ils
peuvent réellement risquer leur vie, quand ils se retrouvent dans
des secteurs déclarés sous couvre-feu par l’armée israélienne
(des résidents font état de tirs s’ils s’aventurent hors de
leur maison), ou dans des secteurs peuplés de colons israéliens
(possédant un lourd passé historique de violence contre les civils
palestiniens).
La torture n’est pas restreinte à ceux qui sont
détenus ; en effet, en plusieurs occasions, les forces israéliennes
ont fait subir aux civils palestiniens des traitements
inqualifiables. Mi-octobre, The Guardian rapporta une affaire où
un commandant israélien, le Lieutenant Colonel Geva Saguy, ordonnant
à un garçon palestinien de se mettre nu, de tenir un papier brûlant
sous les testicules, l’a menacé de lui enfoncer une bouteille dans
l’anus, l’a battu et terrifié en lui disant qu’il allait lui
tirer dessus. Étonnamment, le tribunal militaire l’a relevé de
son poste ; cependant, la plupart des cas de torture sont justifiés
par la cour militaire, et les interrogateurs agissent en toute
impunité. Selon le Washington Post, les forces israéliennes ont
récemment démarré une pratique appelée « la loterie »,
où toute personne prise violant le couvre-feu est obligée de choisir
parmi des bouts de papier pliés, où sont écrites diverses punitions
telles que « jambe cassée », « main fracassée »,
« tête fracassée », et les soldats administrent alors
la punition sélectionnée. Il se dit que cette pratique est liée
à la mort récente d’Amran Abu Hamediye (18 ans), que des témoins
palestiniens ont vu être sévèrement molesté au niveau de la tête.
La description ci-dessus des conditions de vie des
enfants prisonniers palestiniens n’est rien qu’un court métrage
horrible. Il est essentiel de réaliser que le but des interrogateurs
est d’augmenter la vulnérabilité d’un enfant à un point tel
qu’ils le brisent émotionnellement. La perte forcée de l’enfance
et de l’innocence est, en soi, déjà un crime, sans parler de quelques-unes
des actions les plus invraisemblables perpétrées par le GSS et
l’armée. La plupart d’entre nous aimeraient croire que ces interrogateurs
israéliens et les responsables de tels actes ne sont pas des êtres
humains. Bien que de telles personnes doivent être sadiques, ce sont
néanmoins des êtres humains, qui révèlent le mal absolu de notre
société. Nous sommes de la même espèce, et pour rendre justice
aux victimes, plutôt que de se consoler dans le fait que de telles
personnes doivent être anormales, nous devons exposer leurs atrocités
et refuser la fréquence avec laquelle la torture continue d’être
administrée.
Sources :
B’Tselem http://www.btselem.org/
Defence for Children International http://www.dci-pal.org/english/index.htm
The Guardian http://www.guardian.co.uk/]
LAW http://www.lawsociety.org/
The Palestine Monitor http://www.palestinemonitor.org/
The Public Committee against Torture in Israel http://stoptorture.org.il/
The Washington Post http://washingtonpost.com/
The World Organization against Torture http://www.omct.org/
Traduit de l’anglais par Eric Colonna, The Torture
of Palestinian Children Under Israelian Occupation http://www.miftah.org/Display.cfm?D...
Note du traducteur [1]Dans le rapport de la commission
d’enquête officielle présidée par le juge Moshe Landau en
1987, l’argument de la « bombe à retardement » justifie
le recours à la véritable torture afin de découvrir une bombe sur
le point d’exploser dans un bâtiment rempli de monde. http://www.miftah.org/Display.cfm?D...
MIFTAH est une institution palestinienne indépendante,
fondée en janvier 1999 et basée à Jérusalem, qui a pour objectif
l’intégration de plusieurs démarches : la construction et
la prise de pouvoir d’une nation palestinienne fondée sur les principes
de la démocratie, du respect des droits humains, d’un gouvernement
représentatif ; la réconciliation et la coopération avec les
autres nations.
http://www.hns-info.net/article.php...
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