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El-Watan - La crise politique au Pakistan
L'opposition
piégée ?
T. Hocine
Pervez Musharraf
21 novembre 2007 Le
président pakistanais entend demeurer le maître du jeu politique
dans son pays. C’est lui qui fixe les grandes échéances ainsi
que les rendez-vous politiques. Il a certes
accepté d’organiser des élections générales, autrement dit
qu’il renonce à son mandat, mais il veut à tout prix maîtriser
le cours des événements, et surtout pas en être exclu par une
opposition qui n’est forte pour le moment qu’au plan théorique.
Son dénominateur commun étant le départ du président Musharraf,
convaincu de cette situation qu’il a fixé hier la date des législatives
au 8 janvier au Pakistan et fait libérer quelque 3400 personnes
arrêtées en vertu de l’état d’urgence, tentant ainsi de
couper l’herbe sous les pieds de l’opposition qui peine
toujours à se fédérer. « Le président de la République
a fixé la date des élections de l’Assemblée nationale et des
assemblées provinciales au 8 janvier », a annoncé le président
de la Commission électorale, Qazi Muhammad Farooq. L’état
d’urgence a été décrété le 3 novembre et, malgré les
intenses pressions occidentales, le général Musharraf a répété
qu’il le maintiendrait face à la recrudescence des attentats et
à la progression, dans le nord-ouest, des combattants islamistes
proches d’Al-Qaïda. Toujours sous la pression de Washington,
Islamabad a annoncé hier que quelque 3400 personnes arrêtées en
application de l’état d’urgence – avocats, magistrats, défenseurs
des droits de l’homme et militants de l’opposition – avaient
été libérées et que les 2000 restantes le seraient
prochainement. Le général Musharraf a pris le pouvoir il y a
huit ans par un coup d’Etat et a été confirmé en 2002 dans
les fonctions de président de la République islamique du
Pakistan, puissance nucléaire de 160 millions d’habitants, par
un Parlement nouvellement élu. Le 6 octobre, il a été réélu
triomphalement par les mêmes assemblées, mais n’a pu être
proclamé officiellement chef de l’Etat, la Cour suprême devant
auparavant se prononcer sur son éligibilité. Selon
l’opposition, parce que la majorité des juges lui était
hostile, M. Musharraf a décrété l’état d’urgence, qui
lui a permis d’évincer les magistrats récalcitrants. Et
c’est une cour recomposée dans un sens plus favorable à ses
intérêts qui doit se prononcer jeudi sur sa réélection.
L’opposition, derrière l’ex-Premier ministre Benazir Bhutto,
et les Etats-Unis, dont M. Musharraf est l’allié-clé
depuis 2001 dans leur « guerre contre le terrorisme »,
estiment que des élections « libres, justes et
transparentes » ne peuvent s’accommoder de l’état
d’urgence. Mais cette opposition, éclectique et divisée peine
à se fédérer. L’ancien Premier ministre Benazir Bhutto a
montré, depuis l’instauration de l’état d’urgence, une
attitude fluctuante face au général Musharraf. Elle négociait
depuis des mois un accord de partage du pouvoir avec lui dans la
perspective des législatives, un tandem qui avait toutes les
faveurs de Washington. Mme Bhutto a mis cinq jours pour dénoncer
l’état d’urgence et un peu plus pour appeler au départ du
« dictateur », revirement qui a provoqué la suspicion
et l’ironie chez les autres dirigeants de l’opposition. Depuis
dimanche, après un entretien avec un haut responsable des
Etats-Unis qui appellent M. Musharraf et Mme Bhutto à
renouer les fils du dialogue, elle refuse de dire si elle pourrait
ou non reprendre ses négociations avec M. Musharraf si ce
dernier cédait sur l’état d’urgence. Quant à Nawaz Sharif,
il a assuré qu’il avait récemment refusé de répondre à des
appels du président Musharraf, et demandé à Benazir Bhutto de
se joindre à lui pour boycotter les élections de début janvier.
M. Musharraf a tenté de l’appeler trois fois depuis deux
mois, demandant à le rencontrer, a assuré M. Sharif depuis
Jeddah, en Arabie Saoudite, où il réside. « J’ai dit
non, que cela n’avait aucun intérêt », a-t-il assuré.
« Je ne suis pas prêt à rencontrer cet homme qui a fait
arrêter des magistrats, muselé les médias et suspendu la
Constitution », a-t-il expliqué, en référence aux mesures
prises sous l’état d’urgence. « Je pense plutôt que la
nation se prépare à une bataille décisive contre la dictature »,
a-t-il poursuivi. Mais, « je suis tout à fait favorable à
la proposition de Benazir Bhutto pour une rencontre de tous les
partis de l’opposition », a ajouté M. Sharif. Son
parti a proposé un programme à celui de Mme Bhutto qui doit
s’y conformer si elle souhaite que les deux mouvements
s’unissent, a-t-il poursuivi : « Lever l’état
d’urgence, libérer les membres de l’ordre judiciaire,
restaurer la liberté des médias ainsi que la commission électorale »
originale, chargée d’organiser les élections. Dans le cas
contraire, les deux mouvements, comme les autres de
l’opposition, doivent absolument boycotter le scrutin, prévu
avant le 9 janvier, a-t-il conclu. Ce qui devrait renforcer la
position de M. Musharraf. L’opposition serait-elle alors piégée ?
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