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RPL France
Allocution du général Michel Aoun à l'occasion de la
présentation du programme électoral du Courant Patriotique Libre
le 7 mai 2009
Le général Michel Aoun - Photo Cape France
Jeudi 7 mai 2009
Chers concitoyens et concitoyennes,
Chères mères, chers pères, chers jeunes,
Auguste assemblée,
Je ne m’adresse pas à vous aujourd’hui pour vous parler d’un
communiqué électoral qui concrétise vos ambitions et vos
attentes puisque notre programme est assez éloquent et parle
pour lui-même ; ni pour vous rappeler les élections électorales
qui auront lieu dans un mois puisque c’est avec impatience que
vous les attendez pour dire votre mot décisif dans notre
processus de changement et de réforme. Je m’adresse à vous
plutôt pour raviver votre mémoire et vous rappeler ce que nous
avons tous enduré dans ce pays et toutes les tentatives dont
nous faisons l’objet à tous les niveaux pour nous empêcher
d’effectuer le bon choix. Les forces au pouvoir cherchent à
oblitérer la mémoire du citoyen libanais et à remplacer tous les
souvenirs factuels qu’elle renferme et condamne irrévocablement
par des sensations primaires qui nous éloignent de l’essence
même des élections visant à demander des comptes aux
responsables pour avoir noyé notre société dans un bourbier de
crises chroniques. Une grande partie de nos ressources humaines
et matérielles a déjà été épuisée et la situation continue à se
dégrader menaçant même notre société de l’effondrement total si
toutes les forces vives du pays ne s’unissent pas pour se
libérer du joug des factions mafieuses au pouvoir.
Treize ans auparavant, le 15 juillet 1996, je vous avais appelé
à continuer à boycotter les élections parce qu’elles ne vous
permettaient pas alors de choisir les personnes à même de vous
représenter et de défendre vos droits. Il s’agissait plutôt
d’une estampille pour corroborer un diktat et consacrer une
classe politique totalement résignée et soumise à toute volonté
étrangère qui arrivait à s’imposer.
Mais aujourd’hui, vous avez la chance historique de renouveler
l’action démocratique et enrichir le parlement et les
institutions politiques par un mode nouveau de pensée et
d’action pouvant renforcer notre capacité de changement et
donner de l’élan au processus de réforme.
Quant à ceux qui scandent aujourd’hui prétendument les slogans
de la souveraineté, de la liberté et de l’indépendance, ce sont
ceux-là mêmes qui ont été assez lâches pour les brandir face à
la tutelle et qui, bien au contraire, ont défendue cette tutelle
en qualifiant la perte de souveraineté de légitime, nécessaire
et temporaire. Ce sont ceux-là mêmes qui ont fait du symbole de
votre identité, à savoir le drapeau libanais, le baiser de Judas
et alors, quiconque le portait était arrêté, emprisonné, battu
et torturé.
Ce sont ceux-là même qui ont amené le pays à crouler sous les
dettes, qui ont détruit les institutions de l’état pour ériger
des compagnies privées sur leurs décombres et qui vous ont
asservi en clients de ces compagnies tirant ainsi bénéfices de
vous au lieu que vous soyez des citoyens à pleins droits. Pour
toutes ces raisons, nul besoin de vous poser des questions ou de
demander l’opinion de quiconque. C’est à vous que la décision
appartient et c’est vous qui détenez la réponse
Il est vrai que nous sommes les pionniers du changement et de la
réforme. Il est aussi vrai que malgré tous les obstacles qui ont
été mis en travers de notre chemin, nous avons pu accomplir de
nombreuses réalisations importantes à travers notre
responsabilité au sein du parlement et du gouvernement ;
cependant, le chemin reste encore long et nous avons besoin de
la majorité parlementaire pour pouvoir obtenir la ratification
des réformes que nous avons déjà préparées et mettre en œuvre
notre programme électoral.
Ouvrez grand vos yeux et vos esprits sur ce qui vous entoure,
faites le point de votre situation actuelle, essayez de voir qui
pousse le pays en avant et qui le tire en arrière ; vous
trouverez alors la réponse par vous-mêmes et vous arriverez sans
trop d’effort à la solution. A ce moment, vous saurez s’il vous
faut choisir le changement ou renouveler le mandat des forces au
pouvoir !...
Oui… Que l’ouvrier parmi vous s’interroge sur ses conditions de
travail actuelles. Que choisira-t-il : le changement ou la
reconduction du mandat de dénégation des droits ? C’est dans sa
pauvreté extrême qu’il puisera la réponse péremptoire.
Que l’industriel parmi vous s’interroge sur l’état de son
industrie aujourd’hui. Que choisira-t-il : le changement ou la
reconduction du mandat des requins de la finance ? C’est dans la
crise industrielle dont il souffre qu’il trouvera la réponse
tranchante.
Que le commerçant parmi vous s’interroge sur la situation de
l’économie. Ne trouvera-t-il pas dans la récession et le marasme
où elle se débat réponse à la certitude qu’il recherche ?
Que le paysan parmi vous retourne à ses champs et à ses cultures
et qu’il leur demande : si je choisis de proroger l’ère de la
négligence persistante, pourrais-je sauver ma production
agricole de sorte qu’elle ne soit pas détruite et jetée dans les
rues ? S’il obtient une réponse affirmative, qu’il opte pour la
prorogation.
Que le fonctionnaire parmi vous se demande en son for intérieur
: si je reconduis l’ère de la corruption, mon salaire
suffira-t-il pour subvenir aux besoins de ma famille pour plus
que la moitié du mois ? S’il obtient une réponse affirmative,
qu’il opte pour la reconduction.
Que le contribuable parmi vous, et vous êtes tous des
contribuables, s’interroge sur les taxes et les sommes
exorbitantes qui lui sont imposées : si je reconduis le mandat
actuel, me libérerais- je de ce poids accablant demain ? S’il
obtient une réponse affirmative, qu’il opte pour la
reconduction.
Que les mères et pères de famille s’interrogent sur les
scolarités à venir, sur les charges de la vie demain si les
mêmes forces au pouvoir étaient reconduites. Qu’ils
s’interrogent sur l’avenir de leurs enfants et s’ils trouvent
dans la réponse une infime lueur d’espoir d’une amélioration
quelconque, qu’ils optent pour la reconduction.
Que le chômeur parmi vous aujourd’hui se demande : la
reconduction m’assurera-t-elle du travail pour mener une vie
digne ? S’il obtient une réponse affirmative, qu’il opte pour la
reconduction.
Que ceux parmi vous qui appartenaient jadis à la classe moyenne
et qui frôlent aujourd’hui la pauvreté se demandent s’ils ont le
moindre espoir de voir leur situation sociale s’améliorer sous
ce mandat. S’ils obtiennent une réponse affirmative, qu’ils
optent pour la reconduction.
Que les plus pauvres et les plus nécessiteux se demandent si la
reconduction du pouvoir actuel aujourd’hui leur épargnera
l’humiliation demain. S’ils obtiennent une réponse affirmative,
qu’ils optent pour la reconduction.
Que les déplacés se rappellent ce qu’il est advenu aux promesses
de retour à leurs maisons et qu’ils demandent à leurs rêves
partis en cendres où en est leur espoir dans un retour digne.
S’ils trouvent la réponse dans la caisse des déplacés, qu’ils
optent pour la reconduction.
Que les jeunes parmi vous s’interrogent sur l’état d’égarement
et de dispersion dans lequel ils se débattent. S’ils
reconduisent un pouvoir qui les a traités en un produit
d’exportation, parviendront-ils à s’installer dans leur pays et
à ne plus emprunter le chemin de l’émigration ? S’ils obtiennent
une réponse affirmative, qu’ils optent pour la reconduction.
Interrogez-vous sur vos ruines et vos vestiges, fierté de votre
civilisation. S’ils ne sont pas sur la voie de l’anéantissement
et de la disparition, optez pour la reconduction.
Interrogez-vous sur l’environnement pollué et contemplez-le :
s’il ne vous semble pas en détérioration continue et abandonné à
un sort inéluctable, optez pour la reconduction.
Penchez-vous sur le discours de vos dirigeants politiques sur la
cohésion et l’unité nationales. S’il vous apparaît qu’ils s’y
sont engagés, même imperceptiblement, optez pour la
reconduction.
Demandez aux députés loyalistes actuels de vous expliquer les
lois dont ils ont entravé la promulgation. Si vous arrivez à
trouver dans cette entrave le moindre intérêt pour vous ou pour
votre pays, optez pour la reconduction.
Demandez aux pantelants parmi eux, et à tous ceux qui gravitent
autour d’eux, avides de vous représenter au parlement s’ils sont
maîtres de leurs décisions. S’ils vous semblent jouir de cette
liberté, optez pour la reconduction.
Que les juges s’interrogent sur la réputation de la justice.
S’ils en sont satisfaits, qu’ils optent pour la reconduction.
Que les journalistes et les professionnels des médias se
demandent à quel point ils jouissent de la liberté d’expression
et d’opinion. S’ils en sont satisfaits, qu’ils optent pour la
reconduction.
Demandez à la Trésorerie à combien s’élève la dette publique,
aussi bien interne qu’externe. S’il vous semble que vos enfants
et vos grands enfants pourront la rembourser sans soumission ni
aliénation, optez pour la reconduction.
Demandez à qui appartiennent les projets prodigieux en cours ?
Dans l’intérêt de qui sont-ils ? Interrogez-vous sur les
compagnies géantes qui ont été récemment établies, et continuent
d’être établies. Si vous trouvez que les libanais en détiennent
les actions et bénéficient de leur rendement, optez pour la
reconduction.
Demandez aux nantis jusqu'à l’opulence et assoiffés de pouvoir
par qui et pour qui dirigeront-ils le pays ? Si c’est par vous
et pour vous, optez pour la reconduction.
Le Liban se trouve aujourd’hui à un croisement décisif de son
histoire et de sa vie politique et nationale. Les élections que
prévoient les dirigeants, avec les dispositifs et les fonds
qu’ils y consacrent ainsi que le pouvoir de désinformation
qu’ils y utilisent, constituent un piège hautement dangereux.
Prenez garde de ne pas y succomber, évitez-le et ne laissez
personne vous leurrer : ceux qui ont tenu les rênes du pouvoir
pendant dix sept ans consécutifs sont incapables de changement
sinon ils l’auraient réalisé. Ils sont soit incompétents ou mal
intentionnés et dans les deux cas, le résultat est le même. Ce
champ d’ivraie ne vous donnera pas du bon blé et dans toutes ces
ronces pas un seul figuier ne poussera.
Sachez, chers compatriotes, que les ressources de l’économie
libanaise sont aujourd’hui au plus bas et que l’état des
finances est à la merci du volume des dépôts bancaires. En
effet, la mauvaise politique financière adoptée par les forces
au pouvoir et fondée sur les taxes et l’endettement à des taux
d’intérêt élevés a centuplé les dettes, paralysé nos secteurs de
production et transformé notre société en une société rentière.
Les expériences passées vous ont assez leurrés tout au long de
dix sept ans, ne vous laissez pas leurrer pendant quatre autres
années. Les élections sont prochaines et représentent une
occasion de salut pour vous ; saisissez-la en optant pour le
changement. Vive le Liban.
Tayyar
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