|
Nouvelles d'Irak
Législatives
2010: la grande manip
Tripatouillages électoraux
Gilles Munier
Gilles Munier
Mercredi 31 mars 2010
Le 7 mars dernier, les Irakiens ont voté dans leur écrasante
majorité pour Iyad Allaoui connu pour ses relations étroites
avec la CIA et le MI6 britannique, plutôt que pour des agents
iraniens, estimant plus facile ensuite de se libérer d’hommes
politiques liés à des pays occidentaux, lointains, que de ceux
manipulés par leur voisin. On imagine l’ampleur qu’aurait eue la
poussée nationaliste si Salih al-Mutlaq et les 511 candidats
rayés des listes électorales par le Comité pour l’Intégrité
et la Justice (CIJ)
avaient pu se présenter, et si la fraude organisée par le régime
n’avait été aussi massive.
Il a suffit qu’Ad Merlkert, représentant spécial de l’ONU,
qualifie le scrutin d’ « honnête » pour que les 636
observateurs étrangers repartent avec le sentiment du devoir
accompli. Aucun d’entre eux ne s’est interrogé sur l’utilisation
des 7 millions de bulletins de vote « supplémentaires »
destinés à remplacer ceux perdus ou volés… Quid des urnes
disparues, des bulletins transférés d’un bureau de vote à un
autre, des faux électeurs et des dizaines de milliers d’Irakiens
qui n’ont pas trouvé leur nom sur les listes électorales ?
Comment se fait-il qu’aucun observateur n’a signalé la présence
du milliardaire Ahmed Chalabi dans un centre de dépouillement,
alors que la loi l’interdit ? A l’étranger, des individus ne
disposant pas des documents d’identité requis votaient sans
difficulté. Par exemple, aux Pays-Bas, des Kurdes turcs
accomplissaient leur « devoir électoral » en prétendant
être originaires de Kirkouk ! Struan Stevenson, président de la
délégation du Parlement européen pour les relations avec l'Irak,
a reçu des courriels faisant état « de meurtre, de violence,
d'intimidation, de dessous-de-table et de corruption ». Sur
place, les observateurs, parmi lesquels l’ancienne ministre
française Rachida Dati, n’ont, disent-ils, rien vu, rien
entendu…
Le joker d’Al-Maliki
Les tractations post électorales se déroulent sur fond
d’exigences imposées aux uns ou aux autres par l’Iran et les
Etats-Unis. Nouri al-Maliki fait figure de favori pour la
primature. Les Iraniens le soutiennent pour ne pas perdre
totalement leur influence, les Etatsuniens pour maintenir la
leur et transférer des troupes en Afghanistan selon le timing
prévu par le SOFA, pacte sécuritaire jamais soumis à referendum.
Mais sur le terrain, en dehors des membres d’Al-Dawa, tout le
monde s’entend pour dire que si Al-Maliki est réélu, il se
maintiendra indéfiniment au pouvoir et transformera le régime en
dictature. Au cas il ne parviendrait pas à constituer une
majorité, ce dernier envisagerait de régner dans l’ombre. Pour
capter les voix des parlementaires de l’Alliance nationale
irakienne (INA),
arrivés en troisième position aux législatives, il
présenterait au poste de Premier ministre, Jaafar al-Sadr, fils
de l’ayatollah Muhammad Baqer al-Sadr, fondateur du parti
Al-Dawa exécuté en avril 1981 pour collusion avec l’Iran. Jaafar,
cousin de Moqtada qu’il soupçonne d’avoir fait assassiner
l’ayatollah Abdel Majid al-Khoï à Nadjaf, en avril 2003, passe
pour pro-britannique, favorable à la séparation du religieux et
du politique. Il serait opposé à la création d’une région
autonome chiite dans le sud pétrolier et à l’exclusion des
baasistes du processus électoral.
Quel que soit le résultat des tractations en cours, le futur
Premier ministre devra tenir compte des votes nationalistes, et
de la résistance qui ne va pas manquer de profiter de la
nouvelle conjoncture.
15/3/10 - Paru dans
Afrique Asie
sous le titre :
« La grande manip’ électorale »
© G. Munier/X.Jardez
Publié le 1er avril 2010 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
Le dossier
Irak
Les dernières mises à
jour
|