Nouvelles d'Irak
Stanley
McChrystal, « a fucking general »
Gilles Munier
Gilles Munier
Samedi 26 juin 2010
Le
général Stanley McChystal, commandant en chef des forces
étasuniennes et de l'OTAN en Afghanistan, a été démis de ses
fonctions par Barack Obama pour avoir critiqué sa politique et
s’être moqué du vice-Président Joe Biden, lors d’un entretien
avec un journaliste du magazine Rolling Stone (1).
Un ministre français
traité de « fucking
gay »
Le quotidien Le Figaro faisait de McChrystal un
« nouveau Lyautey » (2), mais s’est gardé de rapporter les
passages où le général exprime crûment son peu de considération
pour la France. En visite à Paris, en avril dernier, pour
expliquer sa nouvelle stratégie, McChrystal ne cachait pas qu’il
détestait la capitale française et qu’il préférait « se
faire botter le cul par une salle pleine de gens » plutôt
que d'aller dîner avec un ministre français qui l’avait invité.
A un colonel américain présent, qui lui faisait remarquer :
« C’est ton job », il avait répliqué : « Et ça, ça va
aussi avec le job ? », en le gratifiant d’un doigt
d'honneur… Mais, ce n’est pas tout, au journaliste de
Rolling Stone demandant chez qui il se rendait, l’assistant
de McChrystal avait répondu : « Un ministre français. Un
enculé de gay ». De qui s’agit-il ? Peu importe. Les
Français – à commencer par les familles des 44 soldats morts
en Afghanistan (3) - ont matière à s’interroger sur la
personnalité de l’homme à la tête des troupes de l’OTAN, et –
au-delà de l’événement – aussi sur la façon dont Barack
Obama conçoit la concertation entre alliés lors d’une nomination
importante. Que penser de l’affront du Président afghan, Hamid
Karzaï, à Hervé Morin – ministre de la Défense – le 22
juin, quand sans s’excuser, il a refusé de le recevoir à Kaboul?
Trop, c’est trop… Dominique de Villepin a raison de réclamer le
rapatriement des soldats français d’Afghanistan (4) et
de condamner la réintégration de la France dans le commandement
militaire intégré de l’OTAN.
Du sang de civils sur les mains
Parce qu’il a vu le film La bataille d’Alger, de Gillo
Pontecorvo, et s’est imprégné des ouvrages du colonel Roger
Trinquier et de David Galula sur la guerre
anti-insurrectionnelle, le général Stanley McChrystal passe pour
un intellectuel. Pour les Irakiens et les Afghans, c’est tout
simplement un criminel de guerre, un des officiers américains
ayant le plus de sang de civils sur les mains.
En Irak, McChrystal a supervisé les activités du Camp Nama -
Nasty Ass Military Area -, près de Bagdad, une prison
interdite de visite à la Croix-Rouge, où l’unité secrète
Task Force 6-26 expérimentait tous types de tortures
(5). Ancien Béret Vert passé par Fort Bragg
(6), ses 33 ans dans les forces spéciales sont classifiés.
Nommé par Dick Cheney à la direction du Joint Special
Operations Command (JSOC), il chapeautait notamment les
« brigades de la mort ». On lui attribue les trucages de
l’arrestation de Président Saddam Hussein, qui aurait –
dit-on - effectué un séjour à « l’infirmerie » du
Camp Nama avant son incarcération au Camp Cropper.
En Afghanistan, le séjour de McChrystal peut se résumer au bilan
qu’il a dressé, en vidéoconférence, à un soldat qui
l’interrogeait sur l’escalade militaire : « Nous avons tué
un nombre impressionnant de personnes mais, à ma connaissance,
aucune ne s’est révélée être une menace » (7).
Barack Obama n’en a peut être pas fini avec Stanley McKrystal.
Il craint que ce spécialiste des coups tordus, très populaire au
sein du Parti Républicain, se présente à la prochaine
présidentielle (8).
Notes :
(1) The Runaway General,
par Michael Hastings (Rolling
Stone- 8/6/10)
http://www.rollingstone.com/politics/news/17390/119236
(2)
McChrystal, l'anti-Rumsfeld, par Renaud
Girard (Le Figaro - 4/12/09)
http://www.lefigaro.fr/international/2009/12/04/01003-20091204ARTFIG00011-mcchrystal-le-lyautey-americain-.php
(3)
Huit soldats français ont été tués depuis le début de l’année
2010. Le 6 juin dernier, le nombre des soldats de l’OTAN tués
depuis janvier dépassait les 300. Les victimes civiles afghanes
« collatérales »
se comptent par milliers.
(4)
Conférence de Dominique de Villepin à Sciences-Po
(Paris - 1/2/10)
http://2villepin.free.fr/index.php/2010/02/03/1395-dominique-de-villepin-a-sciences-po-paris-conference-sur-l-afghanistan
(5)
In Secret Unit's 'Black Room,' a Grim Portrait of U.S. Abuse,
par Eric Schmitt et Carolyn Marshall
(New York Times – 19/3/06)
http://uniset.ca/terr/news/nyt_blackroomiraq.html
(6)
Le Fort Bragg, situé en Caroline du Nord, est la plus importante
base de commandos spéciaux au monde.
(7)
Tighter Rules Fail to Stem Deaths of Innocent Afghans at
Checkpoints,
par Richard A . Oppel Jr (New
York Times – 26/3.10)
http://www.nytimes.com/2010/03/27/world/asia/27afghan.html
(8)
Cette hypothèse est évoquée depuis son
limogeage. Jusqu’ici, son protecteur David Petraeus –
57 ans
– passait pour un candidat républicain potentiel pour la
présidentielle de 2012. L’opération d’un cancer de la prostate
subie par Petraeus en 2009, et l’accident cardiaque dont il a
été victime lors d’une audition au Sénat américain, le 15 juin,
remettent en question cette éventualité.
© G. Munier/X.Jardez
Publié le 29 juin 2010 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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