Nouvelles d'Irak
Arabes des
marais - Le procès
Gilles Munier
Gilles Munier
Lundi 9 août 2010
Le 2 août 2010, le
Haut tribunal irakien
a condamné à mort
Mezban Khider Hadi (1), membre du Conseil de
Commandement de la Révolution (CCR) pour son rôle dans
l’assèchement des marais du sud du pays, Abdel Ghani Abdel
Ghafour (2) – haut dirigeant du parti Baas -
à la prison à vie, mais condamné à la pendaison, en décembre
2008, pour sa participation à la répression du soulèvement
chiite pro-iranien après la 1ère guerre du Golfe. Le
témoignage de la baronne Emma Nicholson, militante anti-Saddam
siégeant à la Chambre des Lords britannique, qui a affirmé en
2009 - sans preuve avérée - que des armes chimiques
avaient été employées pour déloger les habitants des marais,
aurait été déterminant dans la décision des juges.
Un vieux projet britannique
Le projet
d’assèchement n’est pas sorti de l’imagination -
obligatoirement démoniaque pour ses contempteurs
- du Président Saddam Hussein *. Ildate
des années 50 et c’est un projet britannique.
La percée d’un fleuve artificiel avait à l’origine pour but de
détourner l’eau alimentant les marais vers des canaux
d’irrigation. Des travaux préliminaires avaient débuté en 1953
sur la base d’études réalisées par l’ingénieur en chef
britannique Franck Haigh. Mais, ils ont été abandonnés après le
renversement de la monarchie hachémite par le général Kassem le
14 juillet 1958.
Dans son dix-neuvième entretien avec le FBI, le Président Saddam
Hussein a déclaré que « le gouvernement irakien avait décidé
d’assécher les marais pour le bien de ses habitants et pour des
raisons stratégiques ». Le besoin de pourchasser les
bandits et les contrebandiers qui s’y cachaient, ou de réduire
des maquis d’opposants pro-iraniens ou communistes comme ceux
qui y ont proliféré à une certaine époque, n’était pas la
préoccupation majeure des initiateurs de l’opération. George
Piro, son interviewer, ne lui a pas parlé d’utilisation d’armes
chimiques dans ce secteur. De toutes manières, la construction
des barrages turcs sur l’Euphrate et le Tigre signifiait, à
terme, la disparition de ces vastes étendues marécageuses et la
salinisation des terres s’étendant entre les deux grands
fleuves.
Un projet de développement
victime de l’embargo
Le Troisième fleuve fut réalisé en un temps record. Les
travaux débutèrent en 1991, juste après la 1ère
guerre du Golfe. A l’époque, personne n’imaginait que l’embargo
imposé à l’Irak par l’ONU, durerait treize ans. L’achat de
pompes, de vannes, de semences, d’engrais, de tracteurs et de
divers matériels agricoles, n’étant autorisé qu’après accord du
Comité des sanctions des Nations unies, les projets agricoles
liés au Troisième fleuve, rebaptisé Fleuve Saddam,
ne purent jamais être totalement réalisés. Dans les faits, la
plupart des contrats fut annulée ou suspendue sous prétexte de
possibilités de « double emploi » de certains
matériaux. Les rouages de pompes, disaient les Américains,
étaient fabriqués en aciers rares et pouvaient être utilisés
pour fabriquer des bombes… Des pièces de moteurs de tracteurs
pouvaient équiper certains chars d’assaut… Les produits
chimiques composant les engrais permettaient de concocter des
armes de destruction massive !… Résultats : les zones asséchées
demeurèrent en l’état et se désertifièrent. Les habitants des
marais - les Ma’dan - qu’on voulait reconvertir en
paysans durent émigrer vers Kirkouk ou aux abords d’autres
marais, notamment près de Samara.
Eaux contaminées
par les massacres interreligieux
Après la chute de Bagdad en 2003, le projet onusien lancé pour
ressusciter une partie des marais de Mésopotamie et leur
écosystème, n’a pu être totalement réalisé en raison du manque
d’eau provoqué par les retenues effectuées en Turquie, en Iran
et en Syrie, et par l’extrême salinité des sols. La pollution
est telle que la consommation de poisson a été un moment
interdite en raison de la contamination des eaux occasionnée par
les milliers de cadavres flottant dans les rivières après les
massacres interreligieux qui ont ensanglanté l’Irak. Une seconde
mort des marais n’est malheureusement pas exclue.
* Extrait actualisé de : Guerre de l’eau au pays des deux
fleuves
(mai 2006)
http://www.france-irak-actualite.com/pages/guerre-de-l-eau-au-pays-des-deux-fleuves-mai-2006--1982344.html
Notes :
(1)
Mezban Khider Hadi a été arrêté le 9 juin 2004 et emprisonné au
camp Cropper. Il fait partie des prisonniers de guerre baasistes
remis au régime de Bagdad.
(2)
Abdel Ghani Abdel Ghafour a été membre du
Commandement régional
du parti Baas de 1982
à 2001.
© G. Munier/X.Jardez
Publié le 16 août 2010 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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