Nouvelles d'Irak
Le roi dollar règne en maître à
Bagdad
Gilles Munier
Gilles Munier
Jeudi 5 août 2010
L’Irak n’a toujours pas de Premier ministre ni de gouvernement,
mais on oublie qu’il n’a pas, non plus, de Président de
l’assemblée nationale ni de Président de la République. Bien que
sommés par leurs opposants d’expédier les affaires courantes,
Jalal Talabani et Nouri al-Maliki, vissés à leur siège, font ce
que bon leur semble, hors de tout contrôle.
Le Conseil de sécurité de l’ONU exhorte la classe politique
irakienne à « former aussi rapidement que possible un
gouvernement ouvert » son représentant à Bagdad, Ad Melkert,
craint que le vide institutionnel ne soit exploité par « des
individus opposés à la transition démocratique ».
Parallèlement, les Etats-Unis font pression sur Iyad Allaoui,
arrivé en tête des législatives du 7 mars, et Nouri al-Maliki
pour qu’ils acceptent de gouverner le pays ensemble et mettent
sur la touche Moqtada al-Sadr. Arrivé à mi- mandat, Barack Obama
ne veut pas qu’une nouvelle dégradation de la situation en Irak,
ajoutée à la déroute de l’OTAN en Afghanistan, perturbe la
campagne pour sa réélection. Ce n’est évidement pas l’intérêt de
l’Iran où l’ayatollah Khameini, « guide suprême de la
révolution », tient à ce que le régime de Bagdad soit
dirigé par une coalition chiite safavide, c'est-à-dire
pro-iranienne.
Mais, au-delà des marchandages entre Washington et Téhéran et
des ambitions politiques, tribales, ethniques ou religieuses
inhérentes à la vie politique irakienne depuis 2003, il est un
sujet dont personne ne parle, ou presque : les salaires
mirifiques et les prébendes des dirigeants du pays. Sarmad
al-Taie, rédacteur en chef du quotidien indépendant Al-Alam
(1), a levé une partie du voile sur ce que touchent
officiellement certains membres de la clique au pouvoir, qui
expliquent aussi pourquoi ils sont scotchés à leur poste :
- Jalal Talabani, Président de la République : 700 000 $ par an.
- Adel Abdul Mahdi et Tariq al-Hashimi, vice-présidents de la
République : 600 000 $ par an.
- Nouri al-Maliki, Premier ministre : 360 000 $ par an.
(Mais, selon certaines sources, son salaire serait en fait
identique à celui du Président de la République)
- Rowsch Nouri Shaways, vice- Premier ministre : 172 000 $ par
an.
Les salaires des hauts fonctionnaires choisis par les
dirigeants, des gouverneurs de province, ne sont pas rendus
publics. Des primes, notamment de risques, peuvent les augmenter
de façon spectaculaire. Leurs frais d’hospitalisation sont à la
charge de l’Etat.
Aucun journaliste, à moins d’être suicidaire, ne s’avisera à
enquêter sur les prébendes des dirigeants, mais la rue
irakienne, elle, n’hésite pas à dénoncer les doubles salaires
versés par la CIA, le MI6, les Gardiens de la Révolution
iranienne, le Mossad ou d’autres services secrets,
les avances sur commission des entreprises étrangères, l’accès à
des caisses noires, les trafics divers, la contrebande…
On comprend qu’aucun des nouveaux voleurs de Bagdad ne veuille
quitter son poste. Ceux qui y seront contraints n’ont pourtant
pas de souci à se faire: il leur sera versé 80% de leur dernier
salaire jusqu’à la fin de leurs jours, auxquels ils pourront
additionner le montant des retraites des autres fonctions
gouvernementales qu’ils ont occupées.
Notes :
(1) Iraq’s Top Ten Salaries… And The Best Pension in The World,
I guess
http://blogs.mcclatchydc.com/iraq/2010/06/iraqs-top-ten-salaries-and-the-best-pension-in-the-world-i-guess.html
Lire aussi : Les députés irakiens s’empiffrent
http://www.france-irak-actualite.com/article-les-deputes-irakiens-s-empiffrent--40658329.html
© G. Munier/X.Jardez
Publié le 13 août 2010 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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