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Nouvelles d'Irak
Résistants prisonniers: La grande évasion
Gilles Munier
Gilles Munier
Jeudi 2 septembre 2010
* Article de Gilles Munier
(Afrique Asie – septembre 2010)
En Irak, la sécurité dans les prisons et les camps de
prisonniers est évidemment maximale. Il n’empêche que, depuis
2003, de nombreux détenus se sont « fait la belle » à
Bassora, Bagdad, Mossoul, Tikrit, Ramadi. La dernière
grande évasion n’a pas retenu l’attention des médias : le 1er
avril l’aube, à Mossoul, 23 prisonniers se sont échappés par un
trou creusé dans le mur de la prison de la base américaine
Al-Ghazlani. Leur disparition ne fut remarquée que l’après
midi. En revanche, celle de quatre détenus du Camp Cropper, dont
deux « ministres » de l’Etat Islamique d’Irak,
groupement dont fait partie Al-Qaïda au Pays des deux
fleuves, n’est pas passée inaperçue : elle s’est déroulée
le 15 juillet, en plein transfert du pénitencier au régime de
Bagdad ! Un gardien leur aurait fourni des uniformes de l’armée
irakienne et accompagnés à l’extérieur grâce à une carte pass
l’autorisant à escorter les officiels visitant la prison. Comme
toujours, dès qu’il est question d’Al-Qaïda, les
informations sont à prendre avec des pincettes, la signature
étant aussi utilisée par la CIA et les services secrets
iraniens. Pour Amin Al-Assadi,
inspecteur en chef au ministère de la Justice, interviewé par
le quotidien irakien pro-gouvernemental Al-Sabah,
les forces américaines sont
« impliquées dans l'évasion ».
En Irak, ce genre d’accusation n’inquiète personne, à commencer
par Nouri al-Maliki qui a demandé aux Américains de garder sous
leur surveillance 200 prisonniers étiquetés Al-Qaïda.
Le tunnel du Camp Bucca
La première grande tentative d’évasion de prisonniers de guerre
eut lieu au Camp Bucca, en 2005. Elle a échoué. Le pénitencier,
situé en plein désert au sud de Bassora, fermé en septembre
2009, a été décrit dans Le Temps de Genève comme
« un authentique camp de concentration au plein sens du terme ».
Les prisonniers étaient enfermés, « sans jugement, sans
avocat, sans même un mandat d’arrêt », dans des conteneurs
et des tentes par 60° l’été et -10° la nuit, l’hiver. A
l’époque, Bucca – du nom d’un pompier mort dans
l’effondrement du World Trade Center - comptait
environ 6 000 prisonniers. Quatre ans plus tard, leur nombre
dépassait 28 000.
Le 27 mars 2005, les prisonniers avaient fini de creuser un
tunnel avec des moyens de fortune. Ils attendaient que le temps
s’améliore pour se faufiler en masse dans le boyau de 200m de
long, passant sous les barbelées à 4m de profondeur et
aboutissant dans le désert. Son entrée, bouchée par des
pelletées de terre, était dissimulée sous le plancher d’un
bâtiment. Elle a malheureusement été découverte lors d’une
inspection de routine.
140 résistant libérés
par le parti
Baas clandestin
Le 9 décembre 2006, Ayman Sabawi al-Tikriti, neveu de Saddam
Hussein, arrêté en mai 2005, condamné à la prison à vie
pour son soutien financier et en armement à la résistance, a
disparu de la prison Badoush, près de Mossoul. On
apprendra qu’il était parti en compagnie d’un gardien de nuit
ayant présenté un faux ordre de transfert. Selon le général
Abdul Karim Khalaf, porte-parole du ministère de l’Intérieur,
l’opération était l’oeuvre de « saddamistes » d’Al-Awda
(le Retour), organisation de résistance baasiste fondée
en juin 2003.
Trois mois plus tard, le 6 mars 2007, 300 moudjahidine
attaquèrent Badoush au coucher du soleil, et libérèrent
140 détenus. Omar al-Baghdadi, ténébreux émir de l’Etat
islamique d’Irak, revendiqua l’attaque trois jours plus
tard … Mais le 7 décembre suivant, on apprit par un
document trouvé dans une cache ayant abrité Izzat al-Douri que
cette opération spectaculaire avait été organisée par le
Commandement Suprême pour le Djihad et la Libération, la
résistance baasiste qu’il dirige.
Bain de sang à la prison de Ramadi
A Ramadi, le 26 décembre 2008, l’évasion de Imad Farhan,
surnommé « Imad Omeya » (le Tueur) est symptomatique du
climat de violence régnant dans les prisons irakiennes. A
une heure du matin, au retour d’un résistant d’un interrogatoire
musclé, un de ses compagnons de cellule, Imad Farhan demanda à
se rendre aux toilettes prétextant des nausées. Il y tua le
gardien, lui subtilisa son fusil AK-47, ses clés, puis libéra la
trentaine d’occupants de sa cellule. L’armurerie fut prise
d’assaut. Une bataille s’engagea avec des policiers venus à la
rescousse. Elle dura deux heures. On relèva 16 corps dont le
directeur de la prison, 6 policiers. Imad Farhan s’évada avec
deux prisonniers, mais fut abattu le lendemain dans le centre de
la ville. Violement hostile aux Sahwa (Réveil), milices
tribales financées par les Américains, formées d’anciens membres
d’Al-Qaïda, il avait reconnu une centaine
d’assassinats, sous la torture.
Le 25 septembre 2009, à Tikrit, où une aile d’une ancienne
résidence de Saddam Hussein tient lieu de prison, seize
prisonniers, dont cinq condamnés à mort étiquetés Al-Qaïda ,
se sont évadés peu avant minuit. La fenêtre de la salle de bain
où ils priaient était ouverte et un outil « oublié »
leur avait permis d’ouvrir l’entrée du système de ventilation.
Le directeur de l’établissement et les gardiens – une
centaine - ont été arrêtés par la brigade
« anti-terroriste » provinciale pour interrogatoire. Un
couvre-feu a été instauré et une chasse à l’homme lancée, aidée
par des hélicoptères américains et des chiens policiers.
S’évader en temps de guerre est un acte de résistance protégé
par la 3ème Convention de Genève de 1949. Ni les troupes
étasuniennes ni les organes répressifs du régime de Bagdad ne la
respecte, à ce bémol d’importance près que ces derniers,
infiltrés par la résistance ou terrorisés, laissent parfois des
prisonniers s’échapper.
Appendice 1
Le plan d’évasion
de Saddam Hussein
Le Camp Cropper – rebaptisé en juillet Prison Karkh –
situé près de l’aéroport de Bagdad, a compté jusque 4 000
prisonniers de guerre. Le plus célèbre, Saddam Hussein, avait
lui aussi tenté de s’évader au cours de l’été 2006. Selon Khalil
al-Douleimi, son avocat, la résistance devait attaquer la Zone
verte pour détourner l’attention des Américains, pendant qu’un
bataillon de moudjahidine prendrait d’assaut sa prison et
libérerait le maximum de détenus. L’opération fut annulée suite
au renforcement des mesures de sécurité provoqué par des
incidents armés à proximité du camp.
L’exécution précipitée du Président irakien, quelques mois plus
tard, est en partie due à la crainte partagée par Nouri al-Maliki
et par l’Iran de le voir s’échapper et unifier la résistance.
Appendice 2
La prison de Bassora attaquée
par les Britanniques
A Bassora, la preuve a été apportée, dès 2005, que les troupes
d’occupation commettaient des attentats ensuite attribués à
Al-Qaïda ou à des rivalités à caractère sectaire. Le 19
septembre, un policier irakien qui s’était approché d’une Toyota
dont les deux occupants, vêtus d’habits traditionnels, lui
semblaient suspects, fut reçu par une giclée de balles. Des
policiers accourant en renfort, ils se rendirent. Les individus
arrêtés étaient des SAS , des
membres de forces spéciales britanniques. Leur objectif :
commettre un attentat près d’un marché ou d’une mosquée. Leur
voiture était piégée. Le général Lorimer, commandant la 12ème
Brigade mécanisée, réagit rapidement : des hélicoptères et des
tanks pulvérisèrent les murs du poste de police Jamiat
où les deux SAS étaient supposés incarcérés. Bilan de
l’incident : 7 Irakiens tués et 43 blessés… et presque autant de
prisonniers en fuite par les murs éventrés ! On apprit plus tard
que le capitaine Ken Masters, de la Royal Military Police,
chargé d’enquêter sur cette opération, avait été trouvé mort
dans de curieuses circonstances.
© G. Munier/X.Jardez
Publié le 3 septembre 2010 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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