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Nouvelles d'Irak
Kurdes et Mossad: Tribalisme,
séparatisme et business
Gilles Munier
Gilles Munier
Vendredi 2 juillet 2010
(Afrique Asie – juillet 2010)
Conseillé par Israël, Massoud Barzani, président de la Région
autonome du Kurdistan irakien, se donne progressivement les
attributs d’un chef d’Etat. En mai, il est parvenu à un accord,
provisoire, avec Bagdad sur les revenus des champs pétroliers
kurdes. Plusieurs pays occidentaux ont ouvert un consulat à
Erbil où le drapeau irakien et les troupes arabes sont interdits
de séjour. La création d’une marine commerciale mouillant dans
un port turc est à l’étude. Disposant depuis longtemps d’un
service secret, Barzani s’est engagé dans une étape cruciale :
la création une armée « régionale » kurde. Il s’est
entretenu de la question, en janvier, avec Barack Obama, non
sans avoir consulté au préalable, à Genève, le général Dany
Yatom, ancien directeur du Mossad. Selon la lettre
confidentielle Intelligence on line, la société
israélienne Camerone Military Services, serait chargée
de la fusion des milices peshmergas.
Théorie des alliés périphériques
Les relations kurdo- israéliennes ne datent pas du renversement
de la monarchie pro-britannique, en 1958, quand le Mossad prit
le relais du KGB qui avait ordonné à Mustapha Barzani de déposer
les armes et de geler les activités de la brigade kurde formée à
Tachkent, en Ouzbékistan. A la fin des années 30, Ruben Shilia,
agent secret de l’Agence juive, s’était rendu au
Kurdistan irakien pour établir des relations avec la tribu
Barzani, dont des clans, de religion juive, ont émigré en
Palestine. Shilia était, avec David Ben Gourion,
fondateur de l’Etat d’Israël, un des idéologues de la
« théorie des alliés périphériques ». Leur dessein
préfigurait celui décrit, en 1982, par Oded Yinon, proche du
ministère israélien des Affaires étrangères, dans la revue de l’Organisation
sioniste mondiale, à savoir la partition des pays arabes en
entités ethniques ou religieuses.
En Irak, le Mossad entra physiquement en scène sous les
présidences des frères Aref (1963-68). Eliezer Tsafrir, chef
d’antenne au Kurdistan, de père kurde et de mère marocaine,
dirigeait les conseillers israéliens encadrant les peshmergas.
Leurs officiers étaient formés en Israël. Parallèlement, Tsafrir
aidait Massoud Barzani à créer le Parastin, service
secret du PDK (Parti Démocratique du Kurdistan).
Aujourd’hui à la retraite, il rêve d’être le premier consul
d’Israël à Erbil.
Mustapha Barzani s’est rendu à Tel-Aviv en 1968 et 1973. Outre
son vieil ami Xawaja Xino, notable juif d’Aqra dans les années
50, il rencontra Golda Meir et Moshe Dayan. En 1980, Menahem
Begin reconnut qu’Israël fournissait des armes aux rebelles
kurdes, et décida de soutenir la création d’un Etat kurde. Il
n’est pas besoin d’être expert pour discerner la marque d’Israël
dans les campagnes anti-Saddam Hussein qui ont suivi, ou dans
l’appellation : « Kirkouk, Jérusalem des Kurdes ».
Opération de grande ampleur
Après l’occupation de l’Irak en 2003, des dizaines d’agents du
Mossad camouflés en ingénieurs des travaux publics ou en experts
agricoles, entrèrent au Kurdistan. L’opération, de grande
ampleur, révélée en 2004 par le quotidien israélien Yediot
Aharonot, était organisée par Dany Yatom et l’homme
d’affaires Shlomi Michaels. La société Kudo, créée par
ce dernier avec des membres de la tribu Barzani, décrocha le
juteux contrat de la construction de l’aéroport international d’Erbil
et la formation d’unités de commandos. On se demande pourquoi
Iyad Allaoui, alors Premier ministre, a démenti ces
informations, confirmées en 2006 par la chaîne BBC 2
qui filma les Israéliens à l’œuvre.
Les relations de Jalal Talabani avec Israël sont moins connues.
Lui qui, jadis, disait pis que pendre des accointances de
Mustapha Barzani avec le Mossad, faisait de même, mais à bien
moins grande échelle, par l’intermédiaire de son beau-père
Ibrahim Ahmed basé à Londres, protégé du MI6, le service
d’espionnage britannique. On sait que Talabani s’est entretenu
en 1978 avec Shimon Peres à l’ambassade d’Israël à Paris, et… en
2008 avec Ehud Barak en Grèce lors d’un congrès de
l’Internationale socialiste dont il est membre. Pour se
justifier devant l’opinion publique irakienne indignée, il
déclara l’avoir rencontré uniquement en tant que Président de l’Union
Patriotique Kurde (UPK).
Aujourd’hui, les relations du PDK avec Israël sont du
domaine de Binjirfan Barzani, un des cinq fils de Massoud. A l’UPK,
elles sont l’affaire de Qutab Talabani qui représentait le
Gouvernement régional kurde aux Etats-Unis, où il a épousé
l’américaine Sherri Kraham, fille d’un membre de l’AIPEC,
le lobby pro-israélien. Avec eux aux commandes, le Mossad n’a
pas de souci à se faire : la relève est assurée.
© G. Munier/X.Jardez
Publié le 2 juillet 2010 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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