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Nouvelles d'Irak
Israël s'incruste en Irak
Gilles Munier
Gilles Munier
Mardi 1er juin 2010
(Afrique Asie – juin 2010)
Israël s’est vite rendu compte que les Etats-Unis perdraient la
guerre d’Irak, et que les projets d’établissement de relations
diplomatiques et de réouverture du pipeline Kirkouk- Haïfa
promis par Ahmed Chalabi, étaient illusoires. Ariel Sharon a
alors décidé, selon le journaliste d’investigation Seymour
Hersh, de renforcer la présence israélienne au Kurdistan irakien
afin que le Mossad puisse mettre en place des réseaux qui
perdureraient dans le reste du pays et le Kurdistan des pays
voisins, quelle que soit l’issue des combats.
Programme d’assassinats
La participation israélienne à la coalition occidentale ayant
envahi l’Irak est loin d’être négligeable, mais demeure
quasiment secrète. Les Etats-Unis ne tiennent pas à ce que les
médias en parlent, de peur de gêner leurs alliés arabes et de
crédibiliser leurs opposants qui dénoncent le
"complot américano-sioniste" au Proche-Orient.
Des Israéliens ne sont pas seulement présents sous uniforme
étasunien, sous couvert de double nationalité, ils interviennent
dès 2003 comme spécialistes de la guérilla urbaine à Fort Bragg,
en Caroline du Nord, centre des Forces spéciales. C’est là que
fut mise sur pied la fameuse Task Force 121 qui, avec
des peshmergas de l’UPK (Talabani), arrêta le Président
Saddam Hussein. Son chef, le général Boykin se voyait en croisé
combattant contre l’islam, « religion satanique ».
C’était l’époque où Benyamin Netanyahou se réunissait à l’hôtel
King David à Jérusalem avec des fanatiques chrétiens sionistes
pour déclarer l’Irak : « Terre de mission »... En
décembre 2003, un agent de renseignement américain, cité par
The Guardian, craignait que la "coopération
approfondie" avec Israël dérape, notamment avec le "
programme d’assassinats en voie de conceptualisation ",
autrement dit la formation de commandos de la mort. Il ne fallut
d’ailleurs pas attendre longtemps pour que le premier scandale
éclate. En mars 2004, le bruit courut que des Israéliens
torturaient les prisonniers d’Abou Ghraib, y mettant en pratique
leur expérience du retournement de résistants acquise en
Palestine. Sur la BBC, le général Janis Karpinski,
directrice de la prison révoquée, coupa court aux dénégations
officielles en confirmant leur présence dans l’établissement
pénitentiaire.
La coopération israélo-américaine ne se développa pas seulement
sur le terrain extra-judiciaire avec la liquidation de 310
scientifiques irakiens entre avril 2003 et octobre 2004, mais
également en Israël où, tirant les leçons des batailles de
Fallujah, le Corps des ingénieurs de l’armée étasunienne a
construit, dans le Néguev, un centre d’entraînement pour les
Marines en partance pour l’Irak et l’Afghanistan. Ce camp,
appelé Baladia City, situé près de la base secrète de
Tze’elim, est la réplique grandeur nature d’une ville
proche-orientale, avec des soldats israéliens parlant arabe
jouant les civils et les combattants ennemis. D’après
Marines Corps Time, elle ressemble à Beit Jbeil, haut lieu
de la résistance du Hezbollah à l’armée israélienne en 2006…
Les
« hommes d’affaire »
du Mossad
En août 2003, l’Institut israélien pour l’exportation a
organisé, à Tel-Aviv, une conférence pour conseiller aux hommes
d’affaires d’intervenir comme sous-traitants de sociétés
jordaniennes ou turques ayant l’aval du Conseil de gouvernement
irakien. Très rapidement sont apparus en Irak des produits sous
de faux labels d’origine. L’attaque par Ansar al-Islam,
en mars 2004, de la société d’import-export Al-Rafidayn,
couverture du Mossad à Kirkouk, a convaincu les « hommes
d’affaires » israéliens qu’il valait mieux recruter de
nouveaux agents sans sortir du Kurdistan, mais elle n’a pas
empêché les échanges économiques israélo-irakiens de progresser.
En juin 2004, le quotidien économique israélien Globes
évaluait à 2 millions de dollars les exportations vers l’Irak
cette année là. En 2008, le site Internet Roads to Iraq
décomptait 210 entreprises israéliennes intervenant masquées sur
le marché irakien. Leur nombre s’est accru en 2009 après la
suppression, par le gouvernement de Nouri al-Maliki, du document
de boycott d’Israël exigé des entreprises étrangères commerçant
en Irak, véritable aubaine pour les agents recruteurs du Mossad.
© G. Munier/X.Jardez
Publié le 2 juin 2010 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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