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Bitterlemons
Annapolis
ne réglera pas la question de Jérusalem
Yossi Alpher

Yossi Alpher - Photo Peace now
29
octobre 2007
[La question de Jérusalem
reste une des principales pierres d’achoppement entre Israéliens
et Palestiniens. L’immensité du fossé entre les deux parties
empêchera de régler cette question au sommet d’Annapolis. Le
Premier ministre israélien ferait mieux de poser des jalons
concrets, comme déplacer la barrière de séparation afin de désenclaver
les 250.000 Palestiniens de Jérusalem Est et rétablir leur lien
territorial avec la Cisjordanie. Dans la perspective de créer un
Etat palestinien viable.]
Jérusalem et le problème des réfugiés / du
droit au retour furent les deux principaux obstacles sur lesquels
achoppa le processus d’Oslo à Camp David en juillet 2000.
Depuis lors, les points de vue à leur sujet n’ont fait que
diverger davantage. La question des réfugiés sommeilla durant le
compte à rebours précédant le sommet d’Annapolis. Chaque camp
semblait saisir l’étendue des désaccords à ce propos. Elle
excluait jusqu’à toute manœuvre préliminaire. En revanche, le
gouvernement du Premier ministre Olmert a publiquement mis en
relief ses plans pour Jérusalem. Il a de la sorte exacerbé les
tensions intra-israéliennes comme israélo-palestiniennes.
Olmert et le vice-Premier ministre Haim Ramon
ont exprimé la nécessité pour Israël de renoncer aux faubourgs
arabes de Jérusalem et aux camps de réfugiés, comme Walaja et
Shuafat. Ils n’auraient jamais dû, selon eux, être englobés
dans les frontières de l’Etat hébreu. Même Avigdor Lieberman,
un autre vice-Premier ministre, appartenant à l’aile droite du
gouvernement, a fait chorus. Simultanément, et probablement en
« compensation » pour ceux qui objectent qu’Olmert
« divise » Jérusalem, celui-ci a donné le feu vert
aux construction dans la zone E1. Celle-ci rattachera physiquement
l’implantation de Maale Adumim à Jérusalem. Elle rendra toute
continuité entre la Jérusalem Est arabe et un futur Etat
palestinien beaucoup plus difficile à établir. De plus cette
initiative sabote la confiance des Palestiniens. Et à en juger
selon les attaques frontales de l’opposition conduite par le
Likoud, ni E1, ni la nature secondaire des zones qu’Olmert
envisage apparemment de céder aux Palestiniens à Annapolis, ni
ses assurances qu’Annapolis ne traitera aucun des problèmes
centraux n’impressionnent les critiques du Premier ministre.
C’est désormais devenu un cliché de dire
que « toutes les parties savent ce qu’il adviendra de Jérusalem » :
les quartiers juifs pour Israël, les quartiers arabes pour la
Palestine, deux capitales nationales à Jérusalem et un statut
international pour le Bassin sacré, c’est-à-dire les Lieux
saints incluant la Vieille Ville, le Mont du Temple / Haram
al-Sharif, le Palais de David et le Mont des Oliviers. Bref les
paramètres Clinton ou quelque chose d’approchant. Déjà à
Camp David nous réalisions combien les deux parties étaient éloignées
quant aux problèmes religieux / nationaux de la Vieille Ville et
du Mont du Temple / Haram al-Sharif. Après des années d’Intifada,
y compris à Jérusalem Ouest, nous ne sommes pas plus avancés.
En effet, l’érection de la barrière / le mur antiterroriste
dans et autour de Jérusalem a aggravé le problème en « annexant »
la majeure partie de la population arabe de la ville à la Jérusalem
israélienne, et en l’isolant de la Cisjordanie.
A propos de la barrière, c’est à Jérusalem
qu’un slogan creux (« Jérusalem unifiée, capitale éternelle
d’Israël ») éclipse cette entreprise pragmatique
observable partout ailleurs en Cisjordanie. Car la barrière a
pour effet de déjà séparer approximativement Juifs et Arabes en
deux Etats distincts. Mais à Jérusalem, le mur est particulièrement
grotesque, dans la mesure où la ville n’est pas le moins du
monde unifiée. Israël comme Etat juif ne nécessite de se voir
adjoindre ni 250.000 résidents arabes, ni les quartiers arabes de
Jérusalem, où jamais les Juifs ne posent les pieds.
Comme maire de Jérusalem et vice-Premier
ministre, Ehud Olmert a largement contribué à bloquer la
situation actuelle de la ville. Il semble maintenant avoir reçu
la lumière, au moins partiellement. Nous pouvons lui reprocher
ses erreurs passées ou saluer son changement. Mais, si certains
politiciens israéliens adeptes de la ligne dure ont modifié
leurs vues suivant leur évolution personnelle et celle d’Israël,
il nous faut aussi observer que les politiciens palestiniens
n’ont, eux, évolué en rien. Il n’existe pas la plus infime
indication que le Président Mahmoud Abbas et son entourage sont
prêts à des compromis sur le Mont du Temple, ni du reste sur le
droit au retour, ni qu’ils cherchent à préparer l’opinion
palestinienne à la moindre concession. Plus largement, l’islam
- l’islam palestinien, l’islam arabe en général - a complètement
échoué, au cours des sept années depuis Camp David, à ouvrir
un espace pour reconnaître le lien du judaïsme au Mont du
Temple. C’est pourtant une condition sine qua non pour tout
accord relatif aux Lieux saints.
L’immensité du fossé entre les deux camps
ne constitue qu’une des raisons pour lesquelles Annapolis est
une idée prématurée et mal conçue. Annapolis ne résoudra pas
la question de Jérusalem. D’autre part, Olmert peut commencer
par contribuer sérieusement à la solution. Il peut déplacer la
barrière de sécurité de manière à protéger les Juifs des
terroristes arabes et à laisser la population arabe de Jérusalem
du côté palestinien de la séparation (avec pour exception le
Bassin sacré, dont la majeure partie - la Vieille Ville - est de
toute manière entourée de murs). Il peut aussi arrêter les
projets provocateurs de constructions juives au cœur de quartiers
arabes. Avec satisfaction ou avec colère, les Arabes et le leader
du Likoud Binyamin Netanyahu peuvent considérer ces mesures comme
des concessions israéliennes. Pour ma part, je les envisage comme
des étapes nécessaires - et peu importent les aléas du problématique
processus de paix en cours. Ce sont des jalons indispensables pour
préserver Israël comme Etat juif et Jérusalem comme sa capitale
juive, soutenus par un consensus israélien et reconnus par la
communauté internationale.
Traduction : Kol Shalom.
Yossi Alpher est codirecteur de
bitterlemons.org et bitterlemons-international.org. Il est ancien
directeur du « Jaffee Center for Strategic Studies »
et ancien conseiller principal du Premier Ehud Barak.
Publié avec
l'aimable autorisation de Kol Shalom.
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