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« La
colonisation mine le processus de paix »
Pierre Barbancey

La colonie de Modlin Illit - Photo ccippp
Samedi 17 novembre 2007 Proche-Orient
. Le premier ministre palestinien, Salam Fayad, exprime ses
craintes et met en garde contre un échec des préparations de la
conférence d’Annapolis.
Ramallah (Cisjordanie), envoyé spécial.
La conférence internationale que les États-Unis parlent
d’organiser avant la fin de l’année à Annapolis, près de
Washington, aura-t-elle lieu ? Les rencontres successives
entre Mahmoud Abbas et Ehud Olmert, censées en ouvrir la voie,
n’ont débouché sur rien. Le président palestinien n’avait
pourtant pas caché son « optimisme », c’est le
terme qu’il a utilisé, et parlait même d’une résolution définitive
du conflit avant la fin du mandat de George W. Bush. Las, les prétentions
autant que les préventions israéliennes auront eu raison de cet
optimisme.
« Beaucoup d’efforts ont été déployés pour arriver
à la tenue de la conférence d’Annapolis », explique le
premier ministre palestinien, Salam Fayad (1). « Les débuts
des discussions entre Mahmoud Abbas et Ehud Olmert étaient même
satisfaisants. Ils ont même abordé les sujets qui sont des
constantes : Jérusalem, l’occupation, l’eau, l’énergie…
Mais les discussions n’ont pas connu le rythme nécessaire,
malgré un suivi et un intérêt marqué des États-Unis, de l’Union
européenne, en particulier l’Allemagne et la France, et la
venue de Javier Solana (le représentant pour l’UE des affaires
internationales - NDLR). » Salam Fayad ne cache pas qu’il
est « partagé entre la crainte et l’optimisme d’une réussite
qui, peut-être, ne viendra pas ». Pour lui, « l’une
des difficultés est qu’Israël ne veut pas se conformer à la
feuille de route ». Celle-ci impose des obligations aux deux
parties. Mais Tel-Aviv exige que les Palestiniens remplissent les
leurs d’abord ! « Le but de la conférence d’Annapolis
est bien d’aller vers la création d’un État palestinien.
Mais comment expliquer aux Palestiniens qu’on va effectivement
créer un État alors que la colonisation se poursuit, qu’il
n’y a pas de gel de la colonisation comme le demande la feuille
de route ? » demande le premier ministre palestinien.
Il poursuit : « Il ne faut pas parler d’un État
palestinien à la légère. Ce n’est pas comme parler de Mickey
Mouse. Nous parlons d’une terre, d’un vrai pays avec Jérusalem
comme capitale et dans les frontières de 1967. Nous nous
engageons à respecter toutes nos obligations. Nous l’affirmons
avec force. Mais il faut qu’Israël comprenne qu’il doit libérer
les terres occupées depuis 1967. Si les pourparlers se
poursuivent sans cesse, au bout du compte il ne restera pas
grand-chose. Ce n’est pas dans l’intérêt de la paix. »
Revenant sur l’argument principal d’Israël, la sécurité,
Salam Fayad fait remarquer que « la construction du mur, les
blocages des villes et des villages de Cisjordanie, les 10 000
prisonniers dans les geôles israéliennes, ne font pas avancer la
sécurité d’Israël. En quoi la destruction et la fermeture des
institutions de l’Autorité palestinienne, comme la chambre de
commerce à Jérusalem-Est, s’explique par les besoins de sécurité
d’Israël ? »
Alors qu’aucune invitation n’est encore partie de
Washington pour la conférence, Salam Fayad met en garde. « Si
dans les prochains jours il n’y a pas une avancée sur le fond
dans la préparation de la conférence d’Annapolis, c’est la
crédibilité même du processus de paix qui sera entamée. »
En d’autres termes, le peuple palestinien risquerait de se détourner,
et pour longtemps, de la stratégie de négociation qui ne leur amène
rien. Par là même, c’est la crédibilité politique de Mahmoud
Abbas et du Fatah, qui serait mise en cause avec, en embuscade, le
Hamas qui tirerait l’épingle du jeu.
Le 17 décembre, la France accueille une conférence de pays
donateurs.
Le 17 décembre, la France doit accueillir une conférence de
pays donateurs en faveur de la Palestine. Une réunion qui serait
caduque en l’absence de toute perspective réelle et à court
terme de création d’un État palestinien. Il serait souhaitable
que Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, qui est
dans la région ce week-end, considère ces paramètres.
(1) Salam Fayad recevait une délégation, conduite par Fernand
Tuil, de villes françaises jumelées avec des camps de réfugiés
palestiniens. Le directeur de l’Humanité, Patrick Le Hyaric, était
également présent
© Journal l'Humanité
Publié le 19 novembre avec l'aimable autorisation de l'Humanité.
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