Jénine : commémoration d'un massacre
Il y a quatre ans, au mois d'avril 2002, les troupes de
l'occupation sioniste commettaient un massacre dans le camp de
Jénine. Les dirigeants sionistes sont hantés par les camps
de réfugiés palestiniens. Les camps leur rappellent leur
histoire coloniale, car ils sont peuplés de tous ceux qui ont
dû fuir les massacres commis en 1947-48, pendant la création
de l'Etat d'Israël. Au lieu de comprendre enfin cette réalité,
que le peuple palestinien est indéracinable, que rien, ni les
armes les plus sophistiquées, ni les avions supersoniques, ni
le fait d'être la quatrième puissance militaire au monde, ne
peuvent vaincre sa volonté de retour au pays ou sa
volonté de vivre libre sur sa terre, les dirigeants
sionistes commettent massacres après massacres : la fuite en
avant de l'Etat d'Israël ne peut que précipiter sa chute.
En hommage à tous les martyrs tombés dans le camp de Jénine,
à tous les prisonniers et blessés du camp de Jénine mais
aussi à tous les martyrs, prisonniers et blessés de la résistance
palestinienne,
CIREPAL présente ce troisième article traduit sur le
massacre du camp de Jénine, une certaine semaine d'un mois
d'avril, en 2002.
3 - Camp de Jénine : les souvenirs au service de la détermination,
de la résistance et de la volonté
Dès le début du mois d'avril, la population de la ville et
du camp de Jénine se remémorent l'état dans lequel la ville
et le camp furent laissés après le passage des forces de
l'occupation et le massacre. Ils se remémorent ces instants
d'héroïsme et de souffrance, qu'ils ont vécus tout au long
de deux semaines, et qui représentent pour eux toute une vie.
Les forces de l'occupation avaient utilisé tous les moyens de
combat, les avions, les chars, les unités spéciales ainsi
que les bulldozers pour détruire "la capitale des
martyrs".
Malgré les conditions difficiles et les conséquences désastreuses
du massacre, la population de Jénine commémore cette date
qui fut l'expression de leur unité, de la force de leur détermination
et leur disposition à résister.
Début de l'attaque...
Dès l'aube, à trois heures du matin, le 3 avril, les
habitants du camp de Jénine sont réveillés par les obus tirés
par les chars et fusées lancées par les avions. Dès
les premiers instants, ils surent que l'attaque était différente
des précédentes. Les forces de l'occupation avaient fermé
toutes les issues, encerclant le camp pour empêcher tout
mouvement. Elles bombardent les transformateurs électriques,
les cables téléphoniques et le réseau d'alimentation en eau
: Jénine est coupée du monde. La population se rassemble
autour de la résistance, qui se bat contre les forces de
l'occupation, dans un face à face trop inégal, dans les
quartiers et les ruelles du camp. Les résistants refusent,
malgré les pertes, de baisser les armes et de se rendre, même
lorsque leurs munitions se raréfient, que le monde les
abandonne et que le danger, le blocus et les bombardements
s'intensifient, jour et nuit.
Destruction, rasage, bombardements, saccages...
La bataille de Jénine s'est caratérisée par l'unité de
toutes les forces armées de la résistance, ce qui a lui valu
reconnaissance et soutien populaires. Les habitants du camp
ont affronté l'occupant : lorsque les soldats leur ont demandé
de sortir dans les rues pour se rendre, ils ont refusé, ne
voulant surtout pas que les soldats de l'occupation
isolent les combattants, qui se sacrifiaient pour Jénine et
son camp. C'est pourquoi l'armée israélienne a intensifié
ses bombardements et ses destructions, ouvrant la voie aux
unités terrestres, qui ont pu investir les maisons, situées
à l'entrée du camp.
Les snipers ciblent les enfants...
Au même moment, les groupes de snipers, qui avaient occupé
plusieurs maisons donnant sur le camp, avaient pour mission de
tirer sur tout corps, petit ou grand, qui bougeait. La première
cible victime fut l'enfant Mahmoud Umar Hawashin, 9 ans. Sa mère
témoigne : "Mahmoud n'était ni un combattant, ni armé.
Il était encore si petit... Ce qui est encore plus terrible,
c'est qu'il est resté, baignant dans son sang, juste en face
de nous. Nous n'avons pas pu l'emmener à l'hôpital.
Lorsqu'ils ont commencé à détruire les maisons du quartier
Hawashin, nous nous sommes enfuis, et il est resté, là...
Quelle injustice ! Ils m'ont privé d'une part de moi-même,
ils ont détruit notre maison et actuellement, je suis de
nouveau en errance, et ma famille se trouve à Jénine".
Les martyrs
Avant même la fin du massacre, le nombre de martyrs était déjà
très important. Plusieurs martyrs appartenaient aux mêmes
familles. La famille al-Fayed a perdu les enfants Jamal et
Muhammad. La famille Noubani a également donné deux martyrs,
Shadi et Nidal. Issa al-Wishahi a perdu son épouse et son
fils Mounir.
Les habitants du camp se rappelent comment les forces de
l'occupation ont attaqué le camp avançant le prétexte que
plusieurs opérations martyres avaient été lancées à
partir de ce haut lieu de la résistance. Les Israéliens
avaient non seulement encerclé le camp, mais ils avaient empêché les
équipes médicales et les secours d'y entrer. Dr.
Muhammad Abu Ghali, directeur de l'hôpital de Jénine raconte
comment les troupes de l'occupation avaient encerclé l'hôpital,
empêchant quiconque d'y entrer ou d'en sortir. Elles ont
interdit aux ambulances de se mettre en route et arrêté les
blessés, lorsque certaines équipes médicales trouvaient le
moyen de les amener. Il rappelle comment l'hôpital avait reçu
des milliers d'appels au secours, du camp, mais les forces de
l'occupation avaient interdit tout mouvement. De nombreux
blessés trouvèrent la mort, faute de soins, et les corps
sont restés dans les rues et les maisons. Malgré
l'intervention de la Croix Rouge Internationale, des
Nations-Unies et d'autres instances internationales, les
forces israéliennes avaient refusé l'accès au camp, même
aux journalistes.
L'encerclement du camp et l'interdiction d'y entrer
signifiée à tous les organismes internationaux et aux médias,
avaient suscité la crainte et l'inquiétude au sein de la
population palestinienne, mais aussi dans la communauté
internationale, qui commençait à réclamer l'arrêt de
l'attaque. Dans le camp, les soldats israéliens poursuivaient
les destructions et la mort. Ils ont occupé les mosquées et
les écoles, pour les transformer en centres d'interrogatoire.
Les civils commençaient à manquer de nourriture et d'eau.
Puis, les unités spéciales de l'occupation sont arrivées.
Les premières troupes n'avaient pas réussi à mettre fin à
la résistance. Les unités spéciales se lancent dans la
bataille, en détruisant les maisons, sur leurs habitants,
pour obliger la population à s'en aller. Beaucoup de familles
furent obligées de quitter le camp et de lever le drapeau
blanc, en direction de la ville de Jénine, de Burqin et des
villages situés à l'ouest. Tous les hommes furent arrêtés
et transférés au camp de Salem. Ils furent interrogés. Des
centaines d'entre eux furent gardés jusqu'à la fin de la
campagne de terreur.
Des cadavres dans les rues
Contraints de partir, les habitants du camp ont aperçu des scènes
épouvantables, difficiles à supporter. Ils ont indiqué que
les soldats obligeaient les jeunes gens à se dévêtir devant
les femmes, ils furent emmenés, nus, dans les rues, vers les
centres de détention. Là, ils ont aperçu des cadavres qui
jonchaient la place, de nombreux cadavres.
Muhammad Abu Ghali, directeur de l'hôpital, dit : "les
forces de l'occupation israélienne nous ont empêchés
d'enlever les cadavres des victimes. Ils nous ont autorisé à
le faire, une seule fois, pendant le massacre. Nous avons
enlevé les cadavres que nous avons enterrés dans la place de
l'hôpital", tout en indiquant que plus tard, lorsqu'il a
pu rentrer dans le camp, avec les équipes médicales, ils découvrirent
des cadavres ensevelis sous les décombres des maisons, détruites
sur leurs habitants.
Une commission d'enquête internationale
Le 20 avril 2002, le conseil de sécurité de l'ONU vote la résolution
1405, qui conseille l'envoie d'une commission ayant pour
mission d'enquêter à propos des informations faisant état
de crimes de guerre à Jénine. C'est suite à l'intérêt et
l'appel lancé par la Croix Rouge internationale, le Croissant
Rouge palestinien et d'autres organisations non
gouvernementales que le conseil de sécurité adopte cette résolution.
L'appel dénonce la violation par Israël des conventions de
Genève. Mais le premier mai, le secrétaire général de
l'ONU, Kofi Anan, déclare que la mission de la commission n'a
plus lieu d'être, devant le refus israélien de collaborer.
Deux jours plus tard, Human Rights Watch publie un rapporté dénonçant
Israël d'avoir commis des crimes de guerre et appelle la
communauté internationale à enquêter auprès des
responsables de ce massacre.
La diplomatie internationale n'a plus de voix. Le monde entier
assiste à la mainmise israélienne sur les Etats occidentaux,
qui prétendent défendre les droits de l'homme. Anan, le
premier août, publie un communiqué mettant les deux parties,
israélienne et palestinienne, en cause, les rendant
responsables de ce qui s'est passé à Jénine. C'est la déclaration
la plus ridicule, la plus injuste qui soit, à tel point que
Human Rights Watch répond au secrétaire général de l'ONU,
insistant sur le fait que les Israéliens ont commis des
crimes de guerre à Jénine, et que les Nations-Unies ne
pouvaient pas en être fières, en masquant les faits.
Les gouvernements occidentaux savent parfaitement ce qui s'est
passé à Jénine. Les médias ont transmis ce qu'ils ont vu,
lorsqu'ils furent autorisés à entrer. Bien que l'armée israélienne
ait voulu cacher ses crimes, sous les décombres des maisons détruites
sur leurs habitants, le camp de Jénine a cependant livré
assez de scènes pour comprendre.
Les observateurs ont réussi à voir certaines traces, en
passant dans les mosquées, où des restes des corps étaient
encore visibles, dans les maisons dont les murs et les meubles
ont témoigné des crimes qui s'y sont déroulés. Les témoins
encore vivants ont parlé, les yeux des enfants et des
vieillards ont tout raconté : les ambulances interdites de
circuler pour transporter les blessés, les tirs sur les équipes
de secours, l'interdiction d'enterrer les martyrs, jusqu'à la
décomposition des corps. Les tombes collectives, et la terre
qui se referme sur les martyrs.
Malgré cela, ce qu'on appelle la communauté internationale
n'a rien vu, n'a rien entendu... Aucun gouvernement occidental
n'a protesté, n'a dénoncé ce massacre, n'a voulu
sanctionner ceux qui l'ont commis.
Ils ont cru que nous allons oublier...