Réseau Voltaire
La 3ème Guerre mondiale n’aura pas lieu
Thierry Meyssan
Pour
Hassan el-Banna, le monde musulman est
corrompu par le monde moderne et la
décadence occidentale depuis la chute du
califat ottoman (traité de Sèvres,
1923). Pour revenir à « l’âge d’or », il
créa une société secrète, les Frères
musulmans, dont l’unique objectif est la
restauration du califat par le jihad. En
décembre 2010, soutenus par le Qatar et
la CIA, la Confrérie lance le
« Printemps arabe » et tente de
s’emparer du pouvoir en Tunisie, en
Égypte, en Libye et en Syrie. Après
avoir durant un an donné le change aux
foules, les Frères sont soudain refoulés
dans chaque État. Certains d’entre eux
tentent alors le tout pour le tout et
proclament le califat en Syrie et en
Irak.
Lundi 28 septembre 2015
Les faucons libéraux et les
néoconservateurs ne sont pas parvenus à
provoquer l’affrontement avec la Russie
pour lequel ils avaient été formés
durant la Guerre froide. C’est en
définitive la voix de la raison qui a
prévalu. Alors que l’on négocie
discrètement une sortie de la crise
ukrainienne, la Russie et la Chine
s’apprêtent à convaincre les États-Unis
et leurs alliés de participer à une
alliance globale contre le terrorisme
islamique. Après 5 ans de tension, le
projet de prise de pouvoir par les
Frères musulmans —le « Printemps
arabe »— et de proclamation d’un califat
échouent, la paix est sauvée.
En une semaine
tous les dirigeants occidentaux, les
uns après les autres, ont renoncé à
l’objectif qu’ils poursuivent
collectivement depuis bientôt 5
ans : renverser la République arabe
syrienne et son président
démocratiquement élu, Bachar el-Assad.
Force est de constater que si
tout change depuis la signature de
l’accord 5+1 avec l’Iran, ce n’est
pas simplement à cause de la volonté
du Guide de la Révolution ni du
président Poutine, mais aussi parce
qu’elles sont coordonnées avec celle
de la Maison-Blanche.
Au cours du premier semestre
2012, les États-Unis et la Russie
avaient constaté l’ineptie du projet
de prise de pouvoir par les Frères
musulmans —le « Printemps arabe »—
et imaginé un nouveau partage du
« Proche-Orient élargi » qu’ils
avaient commencé à concrétiser avec
la conférence de Genève. Mais le
président Obama s’était avéré
incapable d’honorer sa parole. Une
semaine plus tard, François Hollande
appelait les « Amis de la Syrie » à
relancer la guerre, puis Kofi Annan
démissionnait avec éclat de ses
fonctions de médiateur, tandis que
la France, le Qatar, la Jordanie et
Israël lançaient l’opération
« Volcan de Damas » et assassinaient
les chefs du Conseil national syrien
de sécurité.
Très vite, il apparaissait que la
secrétaire d’État Hillary Clinton,
le directeur de la CIA David
Petraeus et le nouveau directeur des
Affaires politiques de l’Onu Jeffrey
Feltman tiraient les ficelles depuis
le début. Il fallut attendre la fin
de la campagne électorale
états-unienne et la réélection de
Barack Obama pour qu’il parvienne à
arrêter —au sens policier du terme—
le général Petraeus et à renvoyer
Hillary Clinton. Feltman, quand à
lui restait dans l’ombre et
poursuivait le sabotage de la
politique de la Maison-Blanche en
assurant aux uns et autres, via ses
subalternes Lakhdar Brahimi et
Staffan de Mistura, que la
République serait vaincue et qu’elle
serait contrainte tôt ou tard à une
reddition totale et
inconditionnelle.
La politique d’Obama (apaisement
avec la Russie et pivot des troupes
US vers l’Extrême-Orient) fut
brutalement réduite à néant par la
réussite de la « révolution
colorée » en Ukraine, en novembre
2013. Cette opération, qui achevait
le processus de destruction de
l’Ukraine et d’isolation de la
Russie débuté dès la dislocation de
l’URSS, avait été déclenchée à
l’insu de la Maison-Blanche. Les
États-Unis préparent leurs
opérations secrètes des années à
l’avance et les déclenchent
lorsqu’ils en ressentent
l’opportunité politique. Cette fois
quelqu’un en a donné l’ordre sans en
référer au Conseil de sécurité
nationale US. Le résultat fut une
crise sans précédent, l’indépendance
de la Crimée qui refusait le coup
d’État, son rattachement à la
Fédération de Russie, la révolte du
Donbass et de Lougansk, les
sanctions occidentales contre Moscou
et les sanctions en retour de la
Russie contre les Occidentaux. Bref,
l’interruption de toutes les
relations Ouest-Est.
Étrangement, le président Obama
semblait se laisser imposer par ses
« faucons » une politique qu’il
n’avait pas choisie. Cependant, il
poursuivait en secret les
négociations qu’il avait débuté avec
l’Iran, au début de son second
mandat. Les choses trainant en
longueur, il fallut attendre juillet
2015 pour parvenir à un accord [1].
Depuis cette date, nous assistons
à un dégel entre Washington et
Moscou, à une solution de la crise
ukrainienne —les accords de Minsk II
trouvent un début d’application
tandis que la Russie a signé, le 26
septembre, un accord de fourniture
de gaz à l’Ukraine—, et à un
retournement politique au
Proche-Orient. Nous nous retrouvons,
de facto, dans la position où
nous étions le 30 juin 2012, lors du
Communiqué de Genève.
Sauf que durant ces trois années,
la Syrie a été largement détruite et
a perdu plus de 200 000 âmes, les
Frères musulmans ont proclamé le
califat pour lequel ils mènent le
jihad depuis 1928 et leur ambition
menace désormais toute la région.
Quoi qu’il en soit, la Résistance
du Peuple syrien et de ses alliés
—notamment le Hezbollah— et la
détermination de l’Iran et de la
Russie ont donné au président Obama
le temps de devenir maître chez lui.
L’ancien bras droit de David
Petraeus, le général John Allen, qui
avait réussi à échapper à la purge
de novembre 2012, vient d’être
renvoyé. Il commandait la Coalition
« anti »-Daesh. Et les documents de
travail de Jeffrey Feltman circulent
parmi les membres du Conseil de
sécurité.
Des hommes courageux et sages ont
évité que ce conflit artificiel, le
« Printemps arabe », ne dégénère en
Troisième Guerre mondiale.
À retenir :
Le
« Printemps arabe » visait à
placer les Frères musulmans au
pouvoir dans le monde arabe.
Réagissant à leur échec,
certains Frères ont proclamé le
califat avec Daesh.
Les
faucons libéraux et les
néo-conservateurs veulent
provoquer la guerre contre la
Russie. Pour cela, ils ont
favorisé le « Printemps arabe »,
se sont ultérieurement opposés à
la paix en Syrie, puis ont
organisé la révolution colorée
en Ukraine, avant de soutenir
Daesh en Irak et en Syrie.
Le
président Obama aura eu besoin
de trois ans pour faire le
ménage dans son administration
—et encore, il n’a pas fini—.
Il
existe un accord entre Barack
Obama, Vladimir Poutine et
l’ayatollah Ali Khameneï pour
rétablir la paix au
Proche-Orient.
[1]
Dans des articles antérieurs, j’ai
déjà analysé cet accord comme une
catastrophe pour la Résistance
anti-impérialiste sur le long terme,
et comme une pause pour la région à
court terme. Mais ceci est une autre
histoire. Ndla.
Thierry
Meyssan,
Intellectuel français,
président-fondateur du
Réseau Voltaire et de la conférence
Axis for Peace. Dernier ouvrage en
français :
L’Effroyable imposture : Tome 2,
Manipulations et désinformations
(éd. JP Bertand, 2007).
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