Focus
Premières conséquences de l’accord 5+1
Thierry Meyssan
Lundi 20 juillet 2015
Les politiciens et journalistes
occidentaux sont perplexes face à
l’accord 5+1. Beaucoup ne croient pas en
nos analyses et ne parviennent pas à
comprendre ce qui a été réellement
négocié. Quoi qu’il en soit, pour
Thierry Meyssan au moins trois éléments
survenus cette semaine semblent
directement issus de cet accord.
La signature de
l’accord des « 5+1 » avec l’Iran sur son
programme nucléaire bouleverse le
Proche-Orient et, par conséquent,
l’ordre du monde. Alors que les
commentateurs internationaux sont
extrêmement hésitants sur ce qui va
suivre, je poursuis mon analyse sur la
base de ce que j’ai publié tout au long
de ces négociations.
Après avoir neutralisé l’opposition
cubaine, la neutralisation de
l’opposition iranienne est un coup de
maître pour Barack Obama car elle laisse
la Russie et la Chine isolées. En effet,
il s’agit bien d’une neutralisation : si
l’Iran n’a pas complètement abandonné
l’idéal anti-impérialiste d’Ali Shariati
et de l’imam Rouhollah Khomeiny, il a
renoncé à entrer en conflit avec les
États-Unis, donc à exporter cette
révolution.
Bien que l’on ignore les différentes
annexes bilatérales entre Washington et
Téhéran, on voit —en moins d’une
semaine— un nouveau paysage commencer à
se déployer, pour le moment conforme à
mes pronostics [1].
Pendant
que les politiciens états-uniens se
déchirent pour savoir s’ils vont ou non
soutenir cet accord, l’Iran s’est retiré
d’Aden qui est immédiatement tombée aux
mains de la Force commune arabe,
c’est-à-dire —contrairement à ce que son
nom semble indiquer— d’Israël et de
l’Arabie saoudite. Ce faisant, le
détroit de Bab el-Mandeb revient sous
contrôle de l’Otan. Le Saudi Ben Laden
Group pourra construire un pont sur la
mer Rouge reliant le Yémen à Djibouti.
Israël et l’Arabie saoudite pourront
exploiter les réserves naturelles de
l’Ogaden (Éthiopie).
Au
Liban, l’ancien ministre de
l’Information, Michel Samaha, qui était
incarcéré depuis 2012 pour avoir préparé
des actions terroristes dans son pays
sur ordre du président syrien Bachar el-Assad
et du général Ali Mamelouk, chef des
services secrets syriens, est
soudainement revenu sur ses aveux. Il a
également remis en question les vidéos
produites par la police libanaise (FSI)
pour le confondre et a exigé que
celles-ci soient publiées dans leur
intégralité ce qui pourrait en modifier
complètement l’interprétation. Ce
faisant, M. Samaha pourrait priver les
adversaires de la Syrie de leur unique
argument contre elle, lors de son procès
devant la Cour de cassation militaire,
le 17 septembre. Car après
l’effondrement de l’accusation
anti-syrienne dans l’affaire Hariri,
l’affaire Samaha est le seul cas
permettant d’accuser la Syrie de Bachar
el-Assad de terrorisme.
L’arrestation
presque simultanée de 29 passeurs en
Turquie et de 431 jihadistes en Arabie
saoudite sont les premières actions
significatives d’Ankara et de Riyad
contre Daesh. S’il est encore beaucoup
trop tôt pour dire si les deux États
vont effectivement abandonner leur
leadership pour le premier et leur
financement pour le second, ils semblent
en prendre la direction. Leur objectif
ne serait pas de détruire Daesh, mais de
le chasser du Proche-Orient. En outre,
le secrétaire états-unien à la Défense,
Ashton Carter, devrait arriver le 21
juillet dans la région pour implémenter
les décisions du Conseil ce coopération
du Golfe du 14 mai à Camp David,
c’est-à-dire pour donner à la Force
arabe commune les moyens de lutter
contre Daesh.
Plusieurs acteurs potentiels ne sont
pas encore entrés en jeu, notamment les
Européens. Il est peu probable qu’ils
s’opposent à la mise en œuvre de
l’accord, au contraire ils devraient
tenter d’y jouer un rôle. À ce sujet, le
ministre allemand des Affaires
étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a
évoqué la possibilité de favoriser la
paix en Syrie en organisant une
conférence de type 5+1 sur ce sujet.
Même si l’on ne voit pas très bien
quelle pourrait être la légitimité d’une
telle idée, ce genre d’initiative ne
devrait pas mécontenter Washington.
D’une part elle lui permettrait de
changer plus facilement de politique
vis-à-vis de la Syrie. Et, d’autre part,
le terrain occupé par les Européens
serait autant d’espace en moins pour
l’Iran. De toute manière, pour Barack
Obama, le moment est venu en Syrie de
« traiter avec le vainqueur ».
[1]
On se rapportera à ma chronique
hebdomadaire durant ces deux dernières
années. Notamment ces six articles : « Derrière
l’alibi anti-terroriste, la guerre du
gaz au Levant » (29 septembre 2014),
« Ce
que vous ignorez sur les accords états-uno-iraniens »
(6 avril 2015), « Que
deviendra le Proche-Orient après
l’accord entre Washington et Téhéran ? »
(18 mai 2015), « La
prévisible défaite de la France au
Moyen-Orient » (8 juin 2015), « Les
projets secrets d’Israël et de l’Arabie
saoudite » (22 juin 2015), « La
Russie tire ses marrons du feu » (13
juillet 2015).
Thierry
Meyssan,
Intellectuel français,
président-fondateur du
Réseau Voltaire et de la conférence
Axis for Peace. Dernier ouvrage en
français :
L’Effroyable imposture : Tome 2,
Manipulations et désinformations
(éd. JP Bertand, 2007).
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