Amérique latine
Venezuela.
L'opposition sort groggy du scrutin
Pierre Barbancey
Les appels à
manifester ne sont pas suivis. En
résidence surveillée,
Leopoldo Lopez a
été placé en détention.
Mercredi 2 août 2017
Par Pierre
Barbancey, envoyé spécial à Caracas
de
L’Humanité
Tout se passe au
Venezuela comme si l’opposition avait
été prise de court. Peut-être dopée par
l’écho démesuré fait par les médias
internationaux aux manifestations
organisées depuis plusieurs mois contre
le pouvoir, la droite n’a pas pensé un
seul instant que plus de 8 millions de
Vénézuéliens allaient se déplacer pour
participer à l’élection de l’Assemblée
nationale constituante (ANC). 41,5 %,
alors que l’opposition appelait au
boycott, c’est, dans n’importe quel pays
du monde, une légitimité. Même Michael
Shifter, président du cercle de
réflexion Dialogue inter-américain, basé
à Washington, abondamment cité par
l’Agence France Presse (AFP) ces
dernières semaines comme une voix
autorisée, est inquiet. C’est dire ! Il
a assuré que certains secteurs de
l’opposition « sont démoralisés » après
le vote et que le principal défi de ses
dirigeants « sera de maintenir les
protestations ». Lundi, bien qu’un appel
ait été lancé, Caracas était
effectivement calme. Même les quartiers
est de la ville, à Miranda, avaient
retrouvé une certaine sérénité.
Les États-Unis,
principaux soutiens de la droite, ont
également semblé ébranlés. La veille du
scrutin, Washington parlait de sanctions
économiques nouvelles contre le
Venezuela. « Les élections illégitimes
d’hier confirment que Maduro est un
dictateur qui méprise la volonté du
peuple vénézuélien », tonnait, lundi, le
secrétaire américain au Trésor, Steven
Mnuchin. Mais il se bornait à annoncer
le « gel » de « tous les avoirs » que
posséderait le président vénézuélien aux
États-Unis. Histoire de faire croire que
Maduro planquerait son magot chez les
Yankees alors qu’il tuerait son peuple à
petit feu. Une vieille pratique déjà
utilisée contre l’actuel vice-président
du Venezuela, Tareck El Aissami, qu’il
avait dénoncée – parce qu’il ne possède
pas un centime en dehors du pays – dans
une pleine page du New York Times !
Hier, les deux
principaux dirigeants de l’opposition,
Leopoldo Lopez, fondateur du parti
Voluntad Popular (voir notre article :
Leopoldo Lopez, un délinquant de
première, soutenu par Washington), et le
maire de Caracas, Antonio Ledezma, qui
étaient tous deux en résidence
surveillée, ont été placés en détention.
« Nous avons reçu des informations des
services de renseignement qui faisaient
état d’un plan d’évasion », a indiqué la
Cour suprême dans un communiqué où il
est également précisé que les deux
opposants n’ont pas respecté leurs
« conditions de détention » à domicile,
interdisant tout « prosélytisme
politique ».
Leopoldo Lopez,
un délinquant de première, soutenu par
Washington
C’est l’une des
figures de l’opposition et l’homme clé
de la stratégie américaine. Son
parcours : violence, détournement et
tentative de coup d’État.
À la veille du
scrutin vénézuélien, le vice-président
américain, Mike Pence, s’est fendu d’un
appel téléphonique à Leopoldo Lopez,
l’une des figures de l’opposition, pour
le féliciter de « son courage et sa
défense de la démocratie
vénézuélienne ». Mais qui est Lopez ?
Une gueule de Brad Pitt latino ou un
Delon aux traits gras, comme on voudra,
genre voyou beau gosse. Ce qu’il semble
effectivement être, son CV comportant
des accusations de corruption, de coups,
d’incitation à la violence, et même de
tentative de coup d’État. Déclaré
coupable par la procureure générale de
l’époque, Luisa Ortega, en 2014, il a
écopé, en 2015, d’une condamnation à
treize ans et neuf mois de détention, et
se trouve actuellement en résidence
surveillée, extrait de sa prison
récemment pour raisons de santé. Il a
reçu le soutien de « démocrates » aussi
célèbres que le Mexicain Felipe Calderon,
dont la guerre de la drogue a fait
100 000 morts, ou le milliardaire
chilien proche de Pinochet, Sebastian
Pinera.
De droite, Leopoldo
Lopez l’a toujours été. Et il aime
l’argent. Né en 1971, diplômé aux
États-Unis, il est rentré au Venezuela
pour travailler, de 1996 à 1999, dans la
compagnie pétrolière PDVSA, où il va se
faire remarquer : une enquête conclut
que Lopez a « volé de l’argent et a
pratiqué le trafic d’influence », ce qui
lui a permis de détourner de l’argent
pour financer son mouvement. Il sera
suspendu, mais peu lui importe. Il est
vrai que sa position et ses idées
politiques lui ont permis de rencontrer
beaucoup de monde. Évidemment, avec
l’élection de Chavez, il va s’affirmer
comme l’un des fers de lance de
l’opposition. À partir de 2002, il se
rend souvent à Washington, où il
rencontre la famille Bush et visite
l’International Républican Institute
(IRI), qui fait partie du National
Endowment for Democracy (NED, dotation
nationale pour la démocratie), qui va
injecter des dizaines de millions de
dollars dans les groupes d’opposition au
Venezuela, dont celui de Lopez, Justice
First (la justice d’abord, sic).
En 2002 toujours,
Leopoldo Lopez fait partie de la marche
de l’opposition venue s’affronter avec
les partisans d’Hugo Chavez qui
manifestaient devant le palais
présidentiel de Miraflores. Une
expédition punitive, préméditée, qui se
soldera par la mort de douzaines de
personnes. Le but était de justifier le
coup d’État et le kidnapping de Chavez.
On ne s’étonnera donc pas de savoir que,
de 2000 à 2008, Lopez a été le maire du
riche quartier de Caracas, Chacao. L’un
des quartiers les plus violents ces
derniers jours pour s’opposer à
l’élection de la Constituante.
Source :
https://www.humanite.fr/venezuela-lopposition-sort-groggy-du-scrutin-639786
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