L'actualité de la
Résistance, sans filtre
Frontière israélo-libanaise :
l'opération
« Bouclier du Nord » et le silence de
Hassan Nasrallah
Sayed Hasan
Lundi 17 décembre 2018
L'opération « Bouclier du Nord » a été
lancée en grande fanfare par l'occupant
israélien le 4 décembre,
visant prétendument à «
exposer et neutraliser les tunnels
d’attaque transfrontaliers que le
Hezbollah a creusés depuis le Liban vers
Israël ». En effet, la Résistance
libanaise a maintes fois promis de ne
plus se camper sur une position
défensive en cas d'agression ou de
guerre, et de porter les combats en
Palestine occupée, voire même de
libérer la Galilée. Les porte-parole
du gouvernement israélien
se sont ostensiblement félicités de
ce qu'ils présentaient comme une mise en
échec du plan du redoutable Hassan
Nasrallah. La propagande
israélienne et ses dociles relais
médiatiques occidentaux ont présenté
cette opération comme une offensive
militaire de grande envergure, qui
porterait un grand coup au Parti de
Dieu. Même les titres d'un journal a
priori pro-palestinien comme
L'Humanité parlent d'une «
incursion israélienne au Liban »,
comme si l'entité sioniste avait pénétré
dans le territoire libanais (ou
s'apprêtait à le faire), que ce soit sur
terre ou de manière souterraine. Un
discours du Secrétaire Général du
Hezbollah a été
annoncé pour le jour même par les
médias israéliens et occidentaux, ce qui
aurait tendu à confirmer l'importance de
l'opération israélienne. Et face au
mutisme du Hezbollah, il a été affirmé
que ce silence était dû à l'état de choc
dans lequel la Résistance libanaise se
trouverait après cette opération
surprise qui aurait
ruiné ses plans les plus secrets.
Mais qu'en est-il
réellement ? Il faut avant tout
souligner qu'il est ridicule d'assimiler
à une offensive, ou même à une opération
militaire, des travaux de forage et
d'excavation qui prennent place à
l'intérieur de la Palestine occupée, et
n'empiètent nullement sur le territoire
libanais. De lourds travaux de
construction, de terrassement et de
fortification à la frontière nord
d'Israël sont menés depuis 2015 par
Tsahal, et visent à créer une ligne de
défense type Maginot face au Hezbollah
(pour souligner son caractère
anachronique, Al-Manar l'a
surnommée
Le Mur de l'Illusion).
Si les médias
israéliens et occidentaux se sont
abstenus de toute médiatisation à ce
sujet, c'est parce que ces travaux
d'ingénierie ne servaient pas la
propagande d'Israël, soulignant au
contraire sa faiblesse : l'entité
sioniste est en effet acculée à une
position défensive pour la première fois
de son existence. Mais le Hezbollah
lui-même a clairement souligné ce
bouleversement, en organisant notamment
une
tournée médiatique en avril 2017
pour exposer aux yeux du monde les
mesures israéliennes. La
promesse du 16 février 2011, dans
laquelle Hassan Nasrallah annonce à ses
combattants qu'ils doivent être prêts à
recevoir un jour l'ordre de libérer la
Galilée, a en effet été prise très au
sérieux par Israël. D'autant plus qu'en
Syrie, le Hezbollah a acquis et fait la
démonstration de ses capacités
offensives en libérant de très vastes
étendues de territoire de la présence de
Daech, prenant part à des combats qui,
par leur nature, leur étendue et les
effectifs et armements déployés, ne sont
plus de la guerre de guérilla. Les
capacités offensives du Hezbollah n'ont
jamais reposé sur l'existence de
tunnels, comme l'a prouvé l'opération de
capture de soldats israéliens en juillet
2006, et s'apparentent aujourd'hui
davantage aux opérations menées par des
armées classiques, comme le
soulignait Hassan Nasrallah dans une
interview du 19 août 2016 :
Lorsque le
Hezbollah intervient dans la guerre en
Syrie, et combat comme une formation
très grande, et avec des armements très
divers, ou en tant que partie d'une très
grande formation aux armements divers,
et qu'il participe à des opérations
offensives majeures et très étendues,
qu'il parvient à repousser les hommes
armés (terroristes de Daech), qui ne
sont pas des combattants normaux,
surtout les étrangers, des combattants
d'un tel niveau (d'engagement, prêts à
mourir), lorsqu'il les expulse d'aires
géographiques très vastes, cela veut
dire que le Hezbollah gagne une
expérience offensive, une vaste
expérience de libération de territoire à
travers des opérations militaires
continues et directes, et non à travers
la guerre de guérilla. Et le Hezbollah
n'avait pas une telle expérience avant
la guerre en Syrie.C'est là
qu'Israël est apeuré et terrifié. Car ce
que fait le Hezbollah en Syrie, si une
guerre est lancée contre lui, il le fera
en Galilée. [...] Si le Hezbollah est
sorti de la guerre de juillet (2006)
comme une puissance régionale, il
sortira de cette guerre (en Syrie) comme
une puissance militaire véritable
représentant une force de libération de
territoire non pas (seulement) dans la
guerre de guérilla, mais même dans une
guerre qui ressemble bien plus aux
guerres classiques (entre armées
nationales).
Le Hezbollah n'est
pas le Hamas, et croire que leurs
stratégies et tactiques sont les mêmes
alors que leurs capacités et leurs
expériences sont incommensurables est à
la fois une illusion et une
mystification à laquelle, bien
naturellement, Hassan Nasrallah n'a pas
daigné répondre.
Pourquoi cette
opération-spectacle a-t-elle été lancée
maintenant ? Netanyahou, qui est à la
fois Premier ministre, et, par interim,
Ministre de la Défense, Ministre des
Affaires étrangères et Ministre de la
Santé, est plus discrédité que jamais en
Israël, du fait du récent échec
militaire face à Gaza –après lequel son
Ministre de la Défense Avigdor Lieberman
à démissionner, manquant de provoquer
une chute de son gouvernement–, et de
ses innombrables casseroles judiciaires,
qui ont amené la police israélienne à
demander, début décembre, son
inculpation ainsi que celle de son
épouse dans une énième affaire de
corruption. L'opposition israélienne,
dès les premiers jours, a pu exprimer
ouvertement des doutes quant à la
véritable portée de l'opération «
Bouclier du Nord », à l'instar de Tzipi
Livni, qui a
dénoncé la sur-dramatisation de
cette opération :
Nous ne sommes
pas dans une situation où nos soldats
sont derrière les lignes ennemies. Il
s'agit simplement d'activités
d'ingénierie au sein du territoire
souverain de l'Etat d'Israël. Netanyahou
a exagéré les proportions réelles de cet
événement au-delà du raisonnable. Il a
transformé des activités d'ingénierie
défensive en une opération militaire
spectaculaire. Il y a deux explications
possibles à cela : soit le Premier
ministre panique, soit il veut semer la
panique pour justifier ses actions, à la
fois en retardant les élections et en
abandonnant les habitants du sud
d'Israël [face aux roquettes de Gaza].
Mais il ne faut pas
compter sur les médias occidentaux pour
nous rapporter ces données aisément
accessibles. Pour eux, seule la
propagande israélienne officielle fait
foi.
Plus affaibli que jamais, Netanyahou
souhaite se présenter comme un homme
fort face au Hezbollah, mais l'opération
lancée contre des tunnels présumés, qui
n'est qu'une grossière manœuvre pour
détourner l'attention de la presse et de
l'opinion publique israélienne, ne
révèle que l'impuissance d'Israël face
au Parti de Dieu. Le Hezbollah sait bien
que Netanyahou n'osera jamais lancer une
guerre d'agression contre le Liban, et
que face au Hezbollah, Israël n'a plus
d'autre recours que les
sanctions économiques de Washington
et les
appels aux institutions internationales –ces
mêmes institutions et lois piétinées
depuis des décennies par Tel-Aviv– pour
qu'elles condamnent les supposées
violations de la souveraineté
israélienne par le Hezbollah –alors que
pour sa part, Israël continue à violer
quotidiennement l'espace aérien
libanais– et prennent des mesures contre
lui.
Face à de tels enfantillages –l'armée
israélienne a plus de chances de trouver
des Taupiqueur et autres Pokémon
souterrains que des tunnels
opérationnels du Hezbollah–, Hassan
Nasrallah s'est bien gardé d'apporter de
l'eau au moulin à paroles du fier-à-bras
Netanyahou : tout discours de sa part
aurait ajouté de la crédibilité à cette
tentative de mystification, et donné
plus de grain à moudre au battage
médiatique autour de cette
pseudo-opération. Les médias et les
civils libanais partisans du Hezbollah
se sont chargés de répondre, tournant
amplement en ridicule cette opération,
raillant Israël sur les réseaux sociaux,
et
pique-niquant en famille à la frontière
pour narguer des soldats israéliens sur
le pied de guerre.
Un
clip intitulé « On se retrouve à
Haïfa », et sous-titré en hébreu, a été
réalisé par un artiste libanais,
parodiant une mélodie populaire juive
qui célèbre la Déclaration Balfour. On y
voit des combattants du Hezbollah
parvenant jusqu'à Haïfa par tunnel, et
espionnant Netanyahou dans sa propre
maison.
Pour sa part, le
média de guerre du Hezbollah, en
publiant une photo de troupes
israéliennes prise depuis le territoire
israélien, a démontré que même lorsque
l'ennemi est en état d'alerte maximale,
son territoire lui restait aisément
accessible.
Plus encore, il est
certain que les combattants du Hezbollah
ont dérobé deux mitrailleuses FN MAG
sous le nez des soldats israéliens (les
médias israéliens ont largement
rapporté ce vol), armes qui
réapparaîtront certainement entre leurs
mains au moment le plus opportun pour
humilier l'armée israélienne et son
gouvernement.
Et le 12 décembre,
le Hezbollah a publié
cette vidéo sous-titrée en hébreu
qui rappelle la réalité de la situation
: c'est bien Israël qui craint le
Hezbollah et prend toutes les mesures
pour s'en prémunir, et non l'inverse.
Il est peu probable
que la confrontation entre Israël et le
Hezbollah tourne à l'affrontement direct
dans un futur proche. Mais la guerre
psychologique continue de faire rage, et
les bataillons électroniques de Hassan
Nasrallah y démontrent jour après jour
leur supériorité.
Sayed Hasan
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