Alahed
L’Arabie dans les sables mouvants du
Yémen
Samer R. Zoughaib
Photo:
D.R.
Samedi 12 septembre 2015
En
dépit des gigantesques moyens militaires
qu'elle déploie dans les airs comme au
sol et son alliance non déclarée avec
«Al-Qaïda dans la péninsule arabique»
(AQPA), l’Arabie saoudite s’enfonce
petit à petit dans les sables mouvants
du Yémen.
L’Arabie saoudite et ses
alliés peinent à enregistrer des
victoires décisives sur le terrain
yéménite susceptibles de modifier à leur
avantage les rapports de forces. Le plan
d’invasion terrestre mis au point par le
royaume wahhabite consistait à masser
des troupes dans la province de Maareb,
considérée comme le verrou bloquant
l’accès à la capitale, Sanaa, et vers le
Nord du Yémen en général. Les troupes
sont acheminées d’Arabie saoudite via la
province de Hadramout, le principal fief
d’«Al-Qaïda dans la péninsule arabique»
(AQPA). Tout semblait bien se passer
jusqu’à ce que l’armée yéménite,
Ansarullah et les comités populaires
décident, le 4 septembre, de lancer une
attaque d'envergure contre les
concentrations de troupes ennemies. Les
combats ont fait des dizaines de tués
dans les rangs des soldats des armées du
Golfe engagées sur le sol yéménite. Les
Emirats arabes unis ont admis la mort de
45 soldats, les Saoudiens de dix et
Bahreïn a reconnu avoir perdu 5
militaires. Le véritable bilan serait
bien plus élevé. Ce revers essuyé par
les Saoudiens et leurs alliés à Maareb
vient incarner l’enlisement d’une guerre
débuté il y a près de six mois et que
Riyad pensait pouvoir remporter en
quelques semaines seulement. Les
pétromonarchies du Golfe ne se sont pas
encore remis de cette hécatombe. Le
projet de se déployer dans la province
de Maareb en prévision d’une offensive
sur Sanaa est sérieusement compromis.
Contradictions entre alliés
Pour tenter de remonter le
moral de ses troupes et de son opinion
publique, l'Arabie saoudite a annoncé le
déploiement, sur le terrain, de quatre
bataillons égyptiens et de troupes
d'élite soudanaises. Le Caire et
Khartoum ont cependant démenti ces
informations. Ce fait démontre
l'existence de contradictions entre
Riyad et certains de ses alliés, qui
sont très réticents à s'embourber dans
un conflit dont l'issue parait lointaine
et incertaine.
Certes, l'armée yéménite, Ansarullah et
les comités populaires ont perdu du
terrain dans le sud et le centre du
pays, après cinq mois d'intenses raids
aériens et le débarquement de milliers
de mercenaires sénégalais, pakistanais
et des soldats du Golfe. Mais le terrain
perdu n'a pas été récupéré par les
partisans -très peu nombreux- de Abed
Rabbo Mansour Hadi. Preuve en est que le
président démissionnaire ne s'est
toujours pas installé à Aden après sa
«libération». Or l’objectif affiché par
la coalition conduite par les Saoudiens
était de rétablir la légitimité du
gouvernement emmené de Hadi. Mais ce
dernier apparaît largement hors-jeu et
sera bien incapable de reprendre la
main. Le journaliste Laurent Bonnefoy
souligne que «parmi les populations du
sud, d’où il est originaire, il ne
bénéficie pas d’un soutien manifeste».
Al-Qaïda persécute les soufis
En fait, Aden est en grande
partie contrôlée par «Al-Qaïda», qui a
hissé ses drapeaux sur de nombreux
bâtiments administratifs. L'organisation
a commencé à imposer ses lois aux
habitants et multiplie les exactions. Le
quotidien libanais Al-Akhbar rapporte
que des membres d'«Al-Qaïda» ont pris
d'assaut, jeudi, la Zawiyat (Lieu de
rassemblement) al-Ahmadiya, et y ont
arrêté 150 Adénites appartenant à un
courant soufi, qu'ils ont conduits vers
une destination inconnue. Des hommes
armés relevant vraisemblablement de
l'organisation terroriste ont également
investi une mosquée fréquentée par des
soufis dans le district de Cheikh Othman,
avant de s'emparer de dizaines de livres
et d'ouvrages et de fermer le lieu de
culte sous la menace des armes.
Près de six mois après son lancement,
«il est devenu indéniable que les
objectifs de la guerre n’ont pas été
atteints, écrit Laurent Bonnefoy.
Reconnaître l’échec de la stratégie
saoudienne et des grandes puissances qui
la soutiennent est un impératif si l’on
souhaite conserver le mince espoir de
voir le Yémen échapper à un destin
similaire à celui de la Syrie».
Les Saoudiens et leurs alliés savent
pertinemment qu’en cas d'offensive vers
Sanaa, les combats seront d’une grande
intensité. L’hypothèse d’un enlisement
est alors réel, notamment parce que,
contrairement à Aden et Taez, la
population de la capitale est pour une
part significative acquise aux houthis.
À cet égard, les bombardements de la
coalition depuis mars 2015 ne semblent
pas avoir affecté la capacité de
mobilisation d'Ansarullah auprès des
populations du nord, souligne Laurent
Bonnefoy.
Devant ces réalités, l'Arabie saoudite a
autorisé Hadi à négocier. Ses
représentants rencontreront à Mascate,
dans les jours qui viennent, des
délégués d'Ansarullah et du Congrès
populaire de l'ancien président Ali
Abdallah Saleh. Une preuve
supplémentaire que l'option militaire a
atteint ses limites.
Source:
french.alahednews
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