Focus
Islam et
décapitation
Said Hilal al-Charifi
Mercredi 13 novembre 2013
Si vue d’Europe et d’Amérique du Nord,
la guerre de Syrie est une révolution
visant à renverser une « dictature
alaouite » (sic), elle est, vue de
Syrie, une invasion par des jihadistes
venant du monde entier à l’appel des
prédicateurs wahhabites, qu’ils soient
qataris ou saoudiens. Pour Said Hilal
al-Charifi, un journaliste musulman
sunnite, le wahhabisme n’a aucun rapport
avec l’islam et doit être considéré
comme une secte criminelle. Cette
idéologie barbare n’aurait jamais exercé
la moindre influence si elle n’avait été
portée au pouvoir par les Britanniques
et les États-uniens à Riyadh et si elle
n’avait bénéficié d’immenses revenus
depuis le choc pétrolier de 1974.
Une vidéo de décapitation, parmi
des centaines d’autres
Chaque fois qu’on essaie de démontrer
à l’opinion mondiale, les barbaries
insoutenables exercées par les
jihadistes contre les populations en
Syrie, certaines personnes nous
contredisent immédiatement en répétant
toujours le même refrain : l’islam n’a
rien à voir avec ces comportements d’un
autre âge. ces « choses » n’ont rien de
musulmanes. Ce qui se passe en Syrie au
nom de l’islam n’a rien à voir avec le
vrai islam qui est une religion de paix
et de tolérance et absolument pas de
violence.
Bien !
Des aveux frappants
Prenons les témoignages, diffusés
durant le mois de juillet dernier sur
les chaines de télévision syriennes, des
jihadistes occidentaux arrêtés sur les
champs de batailles par les forces de
l’Armée arabe syrienne. Tous ont affirmé
avoir répondu aux multiples appels au
jihad lancés par des imams des mosquées
dans leurs pays respectifs. En écoutant
leurs aveux devant les enquêteurs,
toutes nationalités confondues : aussi
bien occidentaux qu’asiatiques,
tchétchènes ou africains, j’ai constaté
qu’ils se sont rendus en Syrie pour
combattre sur le sentier de Dieu, car le
jihad est l’une des obligations de
l’islam qui restera en vigueur jusqu’au
jour du jugement.
À la question « À votre avis, les
conditions de cette obligation sont
mieux remplies en Syrie que nulle part
ailleurs ? », la plupart d’entre eux ont
répondu en utilisant les mêmes
expressions : oui, la Syrie est
« occupée » par un régime laïque [1]
représentant une minorité hérétique, les
alaouites [2].
Ce régime est soutenu également par
d’autres minorités de païens, à savoir
les chrétiens, les druzes [3]
etc. Ils ont tous conclu : nous
retraçons le chemin de notre Prophète
ainsi que des bons prédécesseurs. Nous
menons un combat juste contre ces
incroyants : nous nous sommes rendus sur
la terre du Levant, la Syrie, pour ce
qu’elle redevienne une terre sainte
bénie par le Prophète, pour la purifier
de ces sales mécréants en les éradiquant
entièrement de ce pays, hommes, femmes
et enfants.
Le message syrien a été
bien capté
La diplomatie syrienne, ainsi que les
médias nationaux n’ont pas perdu leur
temps. Ils ont su intelligemment mettre
en lumière les aveux des détenus
occidentaux en tirant les sonnettes
d’alarme, notamment dans les réunions du
Conseil de sécurité des Nations Unies.
L’Occident a fait comprendre qu’il a
bien reçu le message syrien.
Selon Manuel Valls, ministre français
de l’Intérieur, ils sont près de 600
ressortissants européens à s’être rendus
en Syrie pour combattre « le régime de
Bachar Al-Assad ». Le ministre, qui a
dévoilé ce chiffre lors d’une réunion
européenne sur le sujet le 7 juin, juge
le phénomène « très préoccupant par son
ampleur », rapporte Le Monde du 7
juin 2013.
Évidemment, ce phénomène est
préoccupant, car ces jihadistes poseront
ultérieurement d’énormes problèmes de
sécurité dans leurs propres pays. Pour
Fabrice Balanche, spécialiste de la
Syrie et directeur du Groupe de
recherches et d’études sur la
Méditerranée et le Moyen-Orient
interrogé par RMC, le risque est réel de
voir ces combattants se retourner contre
leur pays d’origine : « Une fois que ces
personnes ont pris goût au maniement des
armes, qu’elles ont subi un
endoctrinement idéologique, tourné vers
la destruction d’Israël, on voit ce qui
peut se produire en France. Si des
attentats en France peuvent aider ces
objectifs, ils le feront ». [4]
Pourquoi donc ces jeunes européens
partent-ils combattre en Syrie, en
définitive pour y mourir en
« martyrs » ?
Il existe des raisons multiples à
leur départ. Dans un rapport destiné aux
États européens et révélé par Le
Monde en mai dernier, Yves de
Kerchove, coordinateur de l’Union
européenne pour la lutte contre le
terrorisme, cite pêle-mêle le « goût de
l’aventure, la volonté de soutenir des
frères opprimés ou de ’punir’
l’Occident, prolongement d’un engagement
religieux radical ». Alors que pour
ManueI Valls, les combattants français
en Syrie sont avant tout des hommes
« plutôt jeunes, d’origine très modeste,
et pour la plupart convertis à un islam
radical ». Le ministre note que « tous
ne sont pas des djihadistes et des
terroristes », mais beaucoup ont rejoint
la mouvance radicale affiliée à
Al-Qaida, le fameux Front Al-Nosra, que
l’ONU a qualifié d’organisation
terroriste. [5]
Nous remarquons que seul Manuel Valls
a utilisé l’expression exacte « la
plupart de ces jeunes français sont
convertis à un islam radical ».
L’islam radical, promu depuis les
années 70 en Occident par le royaume
saoudien est fondé sur le jihad. Les
enseignements religieux suivis dans
toutes les mosquées abordent rarement
les questions de paix ou de tolérance.
Comme la notion de la liberté qui n’a
jamais été un souci philosophique dans
la culture arabo-islamique, les notions
de paix et de tolérances, chères aux
cœurs des musulmans, ne sont développées
que vaguement et brièvement, que se soit
dans certains versets coraniques ou dans
la Biographie Odorante du Prophète.
Ambigüité des notions
Le mot « liberté », Hourria en
arabe, n’est pas cité dans le Coran.
Par contre, le mot « libération »,
Tahrir en arabe, ou
« affranchissement » est cité huit fois
dans plusieurs sourates du Coran.
Il y désigne l’affranchissement d’un
esclave :
« C’est délier un joug, affranchir un
esclave »,
Sourate 90 Al-Balad, verset 13. [6]
La tolérance, dont les traces
n’existent que dans la Biographie
Odorante du Prophète, signifierait
plutôt l’endurance, c’est-à-dire
l’acceptation des autochtones mécréants
sur la terre de l’islam.
Cela dit, la similitude presque
parfaite entre les aveux des jihadistes,
provenant de différents pays, ne m’a pas
surpris, car tous sont allaités au même
pis, si non, des combattants européens
devraient être choqués par les scènes de
lynchages pratiquées sous leurs yeux à
l’encontre de populations désarmées. Ces
citoyens européens, qui devraient
théoriquement faire respecter les
valeurs des Droits de l’homme, non
seulement n’ont pas été choqués par ces
exactions inacceptables, mais ils y ont
participées, comme ce fut le cas de deux
jeunes Belges en Syrie.
Des Belges participent
à une décapitation en Syrie
La télévision flamande VTM a diffusé
une vidéo montrant la décapitation d’un
homme, laquelle aurait été tournée en
Syrie. Dans ce film de deux minutes
apparaissent de jeunes hommes
s’exprimant en néerlandais et en
français, avec un accent belge.
Le parquet fédéral belge, chargé des
questions de terrorisme, va examiner la
vidéo dans le cadre d’une enquête
ouverte à Anvers sur le départ de
volontaires belges pour la Syrie,
rapporte l’Agence France-Presse du 7
juin 2013.
Pourtant, tout cela n’est pas
suffisant pour remettre en question les
politiques européennes à l’égard de ce
conflit qui n’a rien à voir avec les
slogans affichés, mais qui a par contre
des rapports avec des intentions cachées
et une volonté délibérée d’anéantir le
peuple syrien et de casser son État.
[1]
La laïcité, selon eux, est une offense à
Dieu, car elle se situe à l’antipode de
la croyance.
[2]
Les alaouites forment un courant de
l’islam chiite. Ils se caractérisent par
l’affirmation selon laquelle la piété
est intérieure et par conséquent ils
négligent les rites et provoquent la
fureur des jihadistes. Le président
Bachar el-Assad est alaouite, mais la
plupart des membres de sa famille sont
sunnites. Contrairement à ce que
laissent entendre les médias
occidentaux, le régime républicain
syrien n’accorde aucun privilège aux
alaouites.
[3]
Les druzes forment un courant de l’islam
chiite ismaélite. Ils considèrent la
charia comme la Loi islamique de
l’époque de Mahomet en Arabie. Pour eux,
elle est le fruit d’une circonstance
historique et ne s’applique plus
aujourd’hui, ce qui les fait haïr par
les jihadistes.
[4]
« Combattants
européens en Syrie : un casse-tête pour
la France », par Michael Bloch,
France TV Info, 3 juin 2013.
[5]
Idem.
[6]
Extrait de la Sourate de la Cité :
« Et qui te dira ce qu’est la voie
difficile ?
C’est délier un joug, affranchir un
esclave,
ou nourrir, en un jour de famine,
un orphelin de ta famille
ou un pauvre dans le dénuement.
Et c’est être, en outre, de ceux qui
croient et s’enjoignent mutuellement à
l’endurance et à la miséricorde ».
Said Hilal al-Charifi,
Journaliste syrien.
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