Opinion
Le prix d'un homme !
Robert Bibeau
Robert
Bibeau
Mercredi 30 avril 2014
Je ne connais pas l’homme! Je connais
son prix!
En 1930, le dramaturge allemand Berthold
Brecht a écrit une pièce, La décision.
Un personnage de celle-ci (un marchand)
déclare : «J e ne sais pas ce qu’est
un homme, je ne connais que son prix
». Les années trente, c’était la
dépression, celle qui jeta des
millions de travailleurs à la rue à
travers le monde. Celle qui a servi de
prétexte aux capitalistes pour
assassiner les communistes allemands,
pour ensuite installer Hitler au
pouvoir. On connait la suite.
L’année 2014, c’est la crise. Des
millions de travailleurs deviennent
«inutiles». On les exproprie, on les
licencie aux USA, en Europe et au
Canada. Partout. Ils sont 3 000 en
France le 31 janvier chez Mory Ducros,
2 500 chez ING en Hollande, 5 000
chez Dassault en Europe, 8 000 au
Japon chez Panasonic, 3 000 chez
Faurecia en Europe, 1 300 chez
Electrolux et 700 chez Bombardier
au Canada.
La faute à qui? La concurrence? La
Chine? Les patrons? Syndicats et gauche
caviar se lamentent. Il faut
nationaliser, disent les uns.
Sortons de l’euro, ou «Faisons
payer les riches», et «Partageons
la richesse» crient les autres.
Pendant ce temps, l’État-patron réduit
le nombre de ses fonctionnaires, l’État
congédie aux Postes, à l’éducation, à la
culture, dans les services sociaux. Et
puis, avec le
Pacte de Responsabilité, le
gouvernement de «gauche homard» en
France va offrir 30 milliards d’euros en
cadeaux aux grands patrons (ceux du CAC
40!). Même stratagème au Canada et au
Québec, ce ne sont que les noms des
programmes sociaux, des ministères, des
corporations et des grands patrons qui
changent et la taille des sacrifices
imposés aux salariés qui varie. Car, ce
qui est cher, c’est… l’ouvrier,
c’est-à-dire le prix de sa force de
travail.
Rien ne se crée. Tout se transforme.
Dans la nature, rien ne se perd – rien
ne se crée, tout se transforme, dit
l’adage. Dans la société capitaliste, il
en est exactement ainsi. Rien ne se crée
de lui-même. Aucune richesse – aucune
valeur ne se crée d’elle-même. Le
capital ne crée ni ne produit aucune
valeur, aucune richesse. Seule la force
vivante du labeur ouvrier peut
transformer une matière première, une
ressource, un bien semi-ouvré en un
nouveau produit, un bien ouvré. La
pierre philosophale, c’est le labeur du
travailleur.
Ce faisant, le travail de l’ouvrier crée
bien plus qu’un nouveau bien mobilier,
un nouveau produit, il crée une «marchandise»
objet de la convoitise du patron
acheteur de la force de travail. Une «marchandise»
est un bien – un produit –
transformé en valeur marchande.
Une marchandise est un objet matériel
tangible transformé en valeur dont
s’approprie le propriétaire de
l’entreprise, celui qui a consommé la
marchandise «force de travail» de
l’ouvrier que nous venons d’observer se
dépenser pour transformer un bien inerte
et sans valeur et lui transmettre de la
valeur. Cette nouvelle valeur, créée par
le travail de l’ouvrier, le capitaliste
– propriétaire privé – la monnaye sur le
marché. Il réalise ainsi son profit et
toute la chaîne d’accaparement de la
valeur se met en branle pour s’emparer
chacun de sa portion de valeur-profit
-rente- bénéfice- dividende.
Pour ces gens-là (capitalistes
industriels, marchands et financiers),
l’homme travailleur a un prix. Et ce
prix serait trop élevé, d’où ils veulent
réduire ce prix d’achat (réduire son
salaire). De fait, ce n’est pas tout à
fait exact. Ce n’est pas le prix de la
force de travail (des bras et du cerveau
du travailleur) qui est trop élevé,
c’est plutôt que l’autre portion de la
valeur créée par l’ouvrier, la portion
qui lui est spoliée, le surtravail = la
plus-value = ce pour quoi le capitaliste
l’a embauché, puis exproprié, cette
portion-profit
est trop petite.
Les profits appellent les profits.
Qu’est-ce qui détermine que la portion
de profit est trop petite, et trop
petite par rapport à quoi au juste ?
C’est la concurrence inter-capital et
inter-capitaliste – ces individus
n’étant que des rouages dans le vaste
appareil de production-distribution –
qui en décide. Le mécanisme de
fonctionnement du mode de production
capitaliste est ainsi conçu que le
capital se déplace et s’agglutine
toujours au pôle économique le plus
rentable, le plus
profitable. Ce processus est
totalement indépendant des «gérants
d’estrade», des milliardaires
propriétaires de plus de la moitié des
richesses de l’humanité. C’est une
tendance imprescriptible, mécanique, la
plus grosse électrode positive, générant
le profit maximum, qui attire vers elle
la plus grande part des capitaux
productifs.
Tendance «normale» à l’exploitation
maximale.
Il ne demeure alors que deux solutions
pour le capitaliste qui se retrouve
propriétaire d’unités de transformation
de biens (usines, chantiers, ateliers,
paquebots, flottes de camions, avions)
en marchandises moins profitables que
celles de ses concurrents = des
capitalistes-producteurs -
plus-exploiteurs:
1) soit réduire le nombre de
travailleurs-travailleuses tout en
maintenant le même niveau de production
(mais c’est difficile, car il a tendance
à résister l’ouvrier surexploité);
2) soit de réduire le prix de l’homme
travailleur (son salaire, la valeur de
sa force de travail, élargissant
d’autant l’autre portion, c’est-à-dire
la plus-value et le profit).
Pourquoi donc un travailleur en France
serait-il payé 1 200 euros environ alors
que pour le même travail, en Bulgarie,
on gagne 250 euros, 20 dollars environ
en Centrafrique et 60 dollars au
Vietnam? La démonstration serait la même
pour un travailleur canadien, québécois
ou états-unien. C’est ce qu’il y a de
pratique sous régime impérialiste, le
mode de production et les rapports de
production sont identiques, partout les
mêmes, seuls la dénomination monétaire
et le nom des milliardaires varient d’un
pays à un autre, mais ils sont tous
interconnectés-inter-reliés à
s’entre-déchirés.
Quand vous entendez les slogans : «Faisons
payer les riches» et «Ils
doivent payer leur juste part» ou
encore «Partageons
la richesse», le capitaliste, ses
politiciens véreux, ses économistes et
ses journalistes à la solde, eux,
entendent tous que les «riches» ce sont
les smicards à 1200 euros par mois, les
assistés sociaux, les chômeurs sans
assurance, les salariés trop payés
(sic), les petits-bourgeois trop gras,
les étudiants qui ne payent pas assez de
frais de scolarité (sic), les
fonctionnaires et les retraités pas
indexés, etc.
L’État, les grands patrons, les
syndicats ne parlent pas la même langue
que vous et moi. Le prix de votre
esclavage, le prix de vos heures de
boulot, le prix même de votre travail du
dimanche est scandaleusement trop élevé
pour ces écervelés, car ce prix =
salaire = empiète sur leurs profits et
s’ils ne peuvent soutirer la plus-value
maximum, alors les gestionnaires du
capital financier déplaceront leurs
investissements vers la Corée, le
Vietnam, l’Inde, ou la Chine où
l’ouvrier est obligé de mourir en
travaillant plutôt que de travailler en
vivant.
N’ayez aucune illusion, là-bas aussi,
dans ces pays impérialistes lointains,
on leur sert le même refrain et
l’ouvrier chinois (ils sont des
centaines de milliers en grève contre
Adidas et Nike) se fait dire que s’il ne
veut plus être spolié de sa force de
travail, Nike et Adidas
iront s’installer ailleurs… il y a
toujours plus misérable que soi.
Les syndicats?
Les syndicats? Comme disait un ouvrier
de chez Mory-Ducros : «j’ai été
floué par mon patron et maintenant je
suis floué par mon syndicat». Il
n’appréciait pas d’avoir perdu son
travail et d’entendre les dirigeants
syndicaux se féliciter d’avoir obtenu
une indemnité de départ de 9 000 euros
au lieu de 7 000! Après 15 ou 20 ans de
boulot et pratiquement aucune chance de
se replacer! Quelle victoire à la
Pyrrhus!
Il faut comprendre, pour que seuls les
produits aient un prix, et que les
ouvriers et les
ouvrières cessent d’être
monnayées, marchandées, saquées,
réembauchées; c’est le mode de
production tout entier qu’il faut
changer, y compris les rapports sociaux
de production. Nous devons construire un
nouveau mode de production et de
nouveaux rapports de production.
Nous savons combien nous coûtent tous
ces parasites, patrons, politiciens,
cadres et bureaucrates syndicaux, tous
bien payés, pour essayer d’enterrer nos
luttes et notre combativité. Ils veulent
«réduire le coût du travail» comme ils
disent, pour hausser la productivité et
doper la profitabilité et la quantité de
dividendes à verser aux actionnaires
roturiers.
Ne nous trompons pas de cible.
Ne nous trompons pas de cible. Les
roumains, les peuples d’Europe, les
Arabes, les Africains, les latinos
subissent tous le même sort que nous. La
révolte gronde partout. Le temps de
l’insoumission est pour nous.
VOLUME D’ÉCONOMIE GRATUIT. Téléchargez :
http://www.robertbibeau.ca/VolumeDeclin.html
Source : Que faire ? Vol 1. No 1. Paris.
http://www.orgcomfr.com/QUE_FAIRE_01.pdf
Pour s’informer,
le webzine :
http://www.les7duquebec.com/
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