Editorial
Réguler les banquiers, c'est rêver
éveillé !
Robert Bibeau
Robert
Bibeau
Vendredi 13 juin 2014
«Après le 15 septembre 2008, date de la
faillite de la banque Léman Brothers
− marquant le début de la crise
systémique – de nombreux économistes ont
souligné la fin du consensus de
Washington, mais sont totalement passés
à côté du problème financier. Je
rappelle que c’est l’hypothèse de
l’efficience du marché selon laquelle
les actifs financiers sont voués à être
valorisés à leur valeur intrinsèque qui
a conduit à la suppression des contrôles
réglementaires» (1).
Auscultons cet extrait d’analyse
(ci-haut) afin de démontrer de quelle
façon les économistes classiques
parviennent à tout emberlificoter, à
dire, se dédire et à médire. La
soi-disant «hypothèse» de l’efficience
des marchés (sic) doublée de l’hypothèse
de «la valeur intrinsèque des actifs
financiers» (resic) sont deux mensonges
communément acceptés dans la communauté
d’affaires et les milieux bancaires. La
tâche de l’économiste bourgeois est de
répandre ces deux fadaises parmi le
public des benêts lambda qu’il nous
croit.
«Que l’on soit clair dès le début, la
régulation financière est une urgente
nécessité et je suis un ardent défenseur
de Bâle III, mais force est de
constater aujourd’hui son échec bien que
cet accord ait résolu le problème le
plus urgent en supprimant le risque
d’effet domino d’une faillite d’une
grande institution en organisant le
principe des chambres de compensation»
(1).
Il faut être un farceur pour présenter
le cataplasme des chambres de
compensation – qui ne compenseront rien
dès que la crise prendra de l’ampleur –
comme étant la solution au problème des
débiteurs insolvables. Qui l’économiste
cherche-t-il à berner?
«Cependant, le point qui n’a pas été
résolu concerne le fonctionnement de la
finance actuelle, je pense, en
particulier aux contrats sur produits
dérivés et surtout aux Credit Default
Swaps (CDS) qui permettent aux
banques de ne plus assumer le risque de
crédit en privatisant les profits et
socialisant les pertes. Le Comité aurait
dû mettre en place un processus
dissuasif pour les comportements
dangereux, car, sur ce point précis,
rien n’a changé et, plus grave encore,
le danger que représentent les produits
dérivés ne cesse de croître» (1)
Enfin, l’économiste, dont le rôle dans
la vie est de s’étonner candidement de
la «naïveté» feinte des banquiers et des
fonctionnaires affrétés, accrédite la
fable que cette fumisterie financière
procède d’un malentendu qu’il est
possible de corriger avec un peu de
bonne volonté.
L’économiste, parfaitement conscient du
drame qui se trame, déclare :
«Comme l’illustre le graphique
ci-dessous, et contrairement aux idées
reçues, les volumes de ces contrats ont
été très peu impactés par la crise et
repartent même à la hausse depuis 2012
[puis il ajoute] d’après la
BRI, la valeur notionnelle des
contrats de produits dérivés sur les
marchés financiers internationaux est
passée de 10 000 milliards de dollars en
1986 à 693 000 milliards de dollars fin
juin 2013, plus de neuf fois le PIB de
la planète! Plus inquiétants encore, ces
contrats sont concentrés au sein de 16
organismes financiers, et quatre banques
aux USA totalisent 219 798 milliards de
$ de contrats sur produits dérivés sur
un total de 237 000 milliards de $. La
Banque des règlements internationaux
reconnait que 7% à 8% de ces montants
seulement sont utiles à l’économie
réelle en permettant au marché de
s’assurer contre des fluctuations de
prix, le reste étant de la pure
spéculation financière!»(1)
Peut-on être plus limpide? Que pourra
faire une quelconque «chambre de
compensation» le jour où l’une de ces
quatre banques frauduleuses
(puisqu’elles vendent du vent aux
compagnies d’assurance et aux fonds de
gestion des régimes de pension) fera
défaut d’honorer ses créanciers pour ces
«produits financiers» envolés en fumée ?
Comprenez que chacune de ces banques et
de ces organismes financiers sont
imbriqués les uns dans les autres de
manière totalement inextricable. Si en
2008 la faillite de Léman Brothers
n’a pas fait s’effondrer le château de
cartes financiers, c’est que les
montants encourus étaient modestes
(quelques dizaines de milliards de
dollars).
À la lumière de ces chiffres
astronomiques, il est probant que le
système économique capitaliste n’est pas
confronté à un quelconque
dysfonctionnement sporadique et
fluctuant sur lequel un comité
mondial d’experts ou un organisme de
régulation transnational pourrait
circonvenir pour le masquer et le
régler. Quand les «actifs financiers»,
censés concrétiser des actifs productifs
réels, font dix fois la taille des biens
mobiliers et immobiliers qu’ils sont
censés représenter et que seuls
7% à 8% de ces montants fictifs
sont réellement adossés à des valeurs
tangibles et monnayables, il n’y a plus
rien à dire et plus rien à faire que de
laisser braire et attendre
l’effondrement inéluctable.
Toute cette pyramide de Ponzi
spéculative mondiale est totalement hors
contrôle et ne peut pas être amendée. Si
demain les directeurs d’organismes
internationaux – à supposer qu’ils en
obtiendraient l’autorisation de leurs
patrons – les banquiers compromis et
faillis – mettaient fin à la mascarade
boursière délirante et rétablissait les
contrôles et interdisaient
définitivement ces arnaques sur produits
boursiers sulfureux, c’est l’économie
entière de la planète qui
s’effondrerait. Ils sont condamnés à
laisser-faire et leurs seules
préoccupations sont de savoir comment
distraire les salariés par des matchs de
football et de hockey ; une crise en
République Centre-Afrique, au Mali et en
Libye ; un coup d’État en Égypte ; Boko
Haram les sanguinaires et la révolte des
Russes d’Ukraine avant l’effondrement du
gouvernement mafieux, etc.
Pouvez-vous imaginer voir disparaître
600 000 milliards de dollars «d’actifs
boursiers» (sic) en quelques heures ?
Savez-vous, chers lecteurs, qu’une bonne
partie de cette fumisterie boursière est
réalisée à partir de l’argent de vos
régimes de retraite et des hypothèques
payés par les travailleurs (les 7% à 8%
de valeurs tangibles parmi cette
pacotille spéculative) ?
L’économiste peut bien déchirer sa
chemise et implorer le bon sens et la
mansuétude des banques! Elles sont
prisonnières de cette souricière que le
système – le mode de production,
d’échanges et de communication
impérialiste privé – leur a
confectionnée. Les lois de
fonctionnement du capitalisme mènent
tout droit à cette arnaque et nul ne
peut enrayer ou contrevenir à ce
mouvement, quand bien même tous les
gouvernements de la planète le
souhaiteraient.
Revenons à notre économiste démuni et
contrit qui constate amèrement et nous
prouve par des chiffres mirobolants
l’inéluctable absurdité de ce système
économique en débandade. Il révèle
que :
«Par exemple, JP Morgan totalise
environ 70 088 milliards de $ de
produits dérivés avec une exposition
totale sur crédit de 303 milliards de $,
soit 183 % de son capital selon le
dernier rapport de l’OCC, l’Office of
the Comptroller of the Currency,
l’organisme gouvernemental de tutelle
des banques US [de quelle tutelle
parle-t-on ici ? NDLR]. Je signale
qu’une partie des CDS est adossée aux
crédits immobiliers qui connaissent
aujourd’hui encore des taux de
défaillance records avec un taux
officiel de 8,2 % sur un montant global
de 4200 milliards de $. A la fin du
dernier trimestre 2013 aux USA, 1352
procédures de saisies immobilières
étaient mises en place chaque jour. La
crise est donc loin d’être terminée et
le chômage continuera d’augmenter»
(1).
Ces 1352 saisies quotidiennes, ce sont,
la plupart du temps, 1352 familles
américaines qui se retrouvent à la rue
sans logement? Chaque jour ce drame se
renouvelle aux États-Unis, en Espagne,
au Portugal, au Brésil et dans nombre
d’autres pays à travers le monde. Vous
comprendrez que les pleurnichages des «
indignés », des libertaires, des
altermondialistes, des éco-socialistes,
des bureaucrates syndicaux, des
sociaux-démocrates électoralistes, ne
sont d’aucun secours pour ces miséreux.
Croyez-vous sincèrement que ce système
économico-politique peut continuer à
sévir et à détruire nos familles et s’en
tirer comme si de rien n’était? Si
vous le croyez, vous vous trompez,
soyez-en assuré.
(1)
http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/bale-iii-autopsie-d-un-echec-153142
VIENT DE PARAITRE :
MANIFESTE DU PARTI OUVRIER
http://www.publibook.com/librairie/livre.php?isbn=9782753900073
Pour s’informer,
le webzine :
http://www.les7duquebec.com/
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