MADANIYA
Turquie-Otan: Vers un délitement de
l’alliance
entre la Turquie et l’OTAN ? ½
René Naba
Mercredi 22 janvier 2020 Le précédent de
Chypre.
Le président Recep
Tayyip Erdogan se livre en ce début 2020
à un exercice de grand écart, engagé
militairement sur deux fronts la Syrie
et la Libye, à plusieurs milliers de km
l’un de l’autre, faisant face, sur le
plan interne, à une dissidence de ses
principaux lieutenants, Ahmad Davoud
Oglo et Ali Babacan, à l’arrière plan
d’une désaffection de l’OTAN à son
égard.
Un exercice lourd de périls, qu’il juge
néanmoins faste pour ses ambitions mais
qui pourrait être néfaste pour sa
longévité politique.
Le charme est en
effet rompu entre la Turquie et l’Otan,
et, sauf rebondissement spectaculaire,
le partenariat noué il y a 70 ans à
l’époque de la guerre froide
soviéto-américaine, s’achemine vers son
délitement malgré l’admiration de Donald
Trump pour le président Recep Tayyip
Erdogan, dont il a avoué être un «fan»,
et la connivence entre les deux gendres
présidentiels, Jared Kushner
(Etats-Unis) et le puissant ministre des
Finances turc, Berat Al Bayraq, l’époux
de la fille aînée du président turc,
ISRA.
Rééditant le coup
de Chypre 45 ans après, la Turquie a
procédé à un coup de force militaire
contre la Syrie, plaçant les pays
occidentaux en porte à faux vis à vis de
leurs supplétifs kurdes syriens,
accentuant la défiance entre les deux
partenaires de l’Otan.
Mais cette
opération destinée à refouler les Kurdes
de la région frontalière syro-turque en
vue de dresser un barrage humain arabe
face l’irrédentisme kurde, constitué par
les anciens réfugiés syriens de Turquie,
a, d’une manière subsidiaire, démontré à
la face du monde l’inanité des promesses
occidentales l’égard de leurs clients
locaux. Se superposant à l’acquisition
par Ankara des missiles S 400 russes, ce
camouflet retentissant paraît devoir
engager l’alliance entre la Turquie et
l’Otan sur la voie d’un relachement.
Par symétrie,
l’opération turque «Source de Paix»,
lancée le 9 octobre 2019, a favorisé le
déploiement des forces gouvernementales
syriennes, pour la première fois depuis
huit ans, à «l’ESt de l’Euphrate», d’où
elles étaient exclues par la présence
djihadiste fortement protégée par la
Turquie et ses alliés occidentaux.
(NDLR: Lancée le 20
juillet 1974 par le premier ministre
Bulent Ecevit, l’invasion turque du nord
de Chypre, dénommée comme de juste
«opération Attila», a débouché sur une
division de fait de l’Ile et
l’occupation par la Turquie de 38 pour
cent du territoire de ce pays. Le fait
que Chypre soit membre de l’Union
Européenne et de l’Otan, qui abrite de
surcroît deux bases britanniques, à
Akrotiri et Dekehlia, ne lui a été
d’aucun secours pour préserver son
intégrité territoriale et sa
souveraineté )).
Présentée alors
comme «la sentinelle avancée de l’Otan
sur le flanc méridional de l’URSS», à
l’apogée de la guerre froide
soviéto-américaine (1945-1990), la
Turquie se vivait dans un passe-droit
permanent, en raison des avantages
stratégiques qu’elle représentait pour
l’alliance atlantique:
- A– La Turquie
se plaçait au 2eme rang des
puissances militaires de l’Otan par
l’importance numérique de ses forces
armées, de l’ordre de 400.000
soldats.
- B- La base
d’Incerlik, mise à la disposition
des Etats Unis, qui passe pour
abriter des ogives nucléaires
tactiques, constitue la plus
importante base américaine hors de
l’espace européen.
- C- Enfin,
dernier et non le moindre des
avantages: l’Alliance entre la
Turquie et Israël, qui était
présentée à l’époque par les
propagandistes atlantistes comme
«l’alliance des deux seules
démocraties au Moyen Orient». Mais
pour monstrueuse qu’elle ait pu être
au regard de la morale, cette
alliance contre-nature entre le
premier état génocideur du XXme
siècle et un état abritant les
rescapés du génocide hitlérien,
était en fait une alliance de revers
contre la Syrie, longtemps le verrou
arabe du Liban, un des derniers pays
arabes avec le Liban à ne pas avoir
souscrit à un traité de paix avec
Israël. Et, depuis la décennie 1990,
la plateforme de ravitailement
stratégique du Hezbollah libanais,
le cauchemar absolu des Israéliens.
Pour aller plus
loin sur l’alliance Israël-Turquie
En Octobre 2019, la
donne a radicalement changé: Si
l’opération «source de paix» a permis la
constitution d’un glacis stratégique
turc en Syrie à l’effet de peser sur les
négociations portant sur l’avenir
constitutionnel et politique de la
Syrie, l’occupation de la partie nord de
la Syrie, pourrait toutefois favoriser
l’éclosion d’une guérilla anti turque,
et justifier la reconquête par l’armée
syrienne du secteur d’Idlib, le dépotoir
absolu de tous les zombies criminogènes
du terrorisme néo-islamique.
Les missiles
russes S-400, un tournant stratégique.
L’épreuve de force
entre l’uniue pays muslman membre de
l’Otan et ses alliés occidentaux se
déroule alors que la Turquie a opéré un
tournant stratégique avec l’acquisition
de missiles S-400 russes, faisant peser
des risques sur la sécurité du système
défensif atlantiste en ce que ce dernier
cri de la technologie russe est
incompatible avec le système de défense
de l’OTAN.
Le Pentagone a émis
la crainte que les S-400, dotés d’un
puissant radar, ne parviennent à
déchiffrer les secrets technologiques
des avions militaires américains les
plus récents.
La livraison des
missiles russes est intervenue trois ans
après la tentative de coup d’Etat
militaire que la Russie avait contribué
à faire échouer. Pilier oriental de
l’Alliance atlantique depuis 1952, la
Turquie a jeté un froid chez ses alliés
en signant, en septembre 2017, un
contrat de 2,5 milliards de dollars avec
la Russie pour la fourniture de ces
missiles.
Le balancement de
la Turquie, voire sa duplicité, selon
ses détracteurs, trouverait son origine
dans la cuisante défaite du président
Recep Tayyip Erdogan, lors de la 2me
mouture des élections municipales
d’Ankara et Istanbul, le 23 juin 2019 et
la volonté du président Erdogan de
ménager les deux grandes puissances dans
leur jeu régional.
Cette défaite dans
une métropole dont il fut l’élu, augure
en effet des jours difficiles pour son
leadership en ce que l’écart de 800.000
voix entre le vainqueur et le vaincu
pourrait fragiliser sa posture
diplomatique.
Signe patent du
désamour entre la Turquie et les pays
européens, -jadis partenaires
enthousiastes dans la destruction de la
Syrie, par djihadistes interposés,
particulièrement la France, surtout la
France-, le thème de l’adhésion de la
Turquie à l’Union Européenne, -la
carotte que Bruxelles faisait miroiter à
Ankara tenue en laisse-, a été gommé du
débat public européen.
Les premiers
missiles russes ont été livrés le 12
juillet 2019, malgré les mises en garde
répétées des Etats Unis. Le pilier
européen de l’OTAN, exarcerbé par les
forages pétroliers off shore turcs
illégaux à Chypre, membre de l’Union
Européenne, fait le pari secret que
l’élection présidentielle de 2023 sera
fatale au président Erdogan. L’intention
lui est prêtée de s’employer dans la
plus grande discrétion à la réalisation
de son vœu.
La
reconnaissance du génocide arménien par
les Etats Occidentaux
Dans ce contexte
intervient la reconnaissance par la
France du génocide arménien par la
Turquie, un génocide auquel les Kurdes,
nuveaux alliés de la France, ont pris
part pour des raisons de sectarisme
religieux.
Cent ans après le
massacre des ressortissants arméniens
chrétiens de l‘Empire Ottoman, la France
a, en effet, décidé d’instaurer le 24
avril la «Journée nationale de
commémoration du génocide arménien» dans
une démarche de reconnaissance d’un fait
historique indéniable. Mais pour
méritoire qu’elle soit, cette décision
apparaît tardive, incomplète et quelque
peu opportuniste.
Pour aller plus
loin sur ce thème :
Lui emboitant le
pas, le congrès américain a adopté le 12
décembre 2019, une résolution
reconnaissant le génocide arménien. La
chambre des représentants des Etats-Unis
a procédé à la même démarche, le 29
octobre 2019, reconnaissant à une
immense majorité le «génocide arménien».
Cette résolution avait été bloquée à
plusieurs reprises au Sénat par les
partisans républicains du président
Donald Trump. Ankara a averti que la
résolution adoptée désormais par les
deux chambres du Parlement américain
mettait «en péril l’avenir des
relations» entre la Turquie et les
Etats-Unis. Dans cette partie de
poker-menteur, Turcs et Occidentaux
disposent chacun de ses atouts.
Pour Les
Occidentaux:
S’il venait à
s’amplifier, le mouvement de
reconnaissance du génocide arménien
pourrait ouvrir droit à réparation de la
part des ayant droits de près 1,5
millions arméniens victimes du génocide
turc et, du même coup, stigmatiser la
Turquie du qualificatif infamant de
«génocideur».
Le fardeau
financier représenté par la gestion de
la masse humaine concentrée dans cette
zone tampon du Nord de la Syrie pourrait
obérer le budget de l’économie turque.
La Turquie abrite près de 4 millions de
réfugiés syriens sur son territoire. Une
présence qui suscite le mécontentement de
la population et grève le budget turc en
dépit de l’aide de l’Union Européenne de
6 milliards de dollars pour soulager la
trésorerie turque. Le président Erdogan
a menacé de libérer un nouveau flux
migratoire des refugiés syriens à
destination de l’Europe si les
Occidentaux ne lui accordaient pas une
aide financière supplémentaire et ne
faisaient preuve de compréhension à
l’égard de son «cordon de sécurité» dans
la région frontalière syro-turque où il
parquerait les réfugiés syriens.
Pour la Turquie:
La carte maitresse:
Incirlik Air base, située à douze
kilomètres à l’est de la ville d’Adana,
elle accueille des éléments de l’United
States Air Force in Europe, servant de
support aux opérations de l’OTAN.
Elle dispose d’une
piste principale de 3050 mètres et une
autre de 2.740 mètres ainsi que 58
hangars durcis (HAS ou Hardened Aircraft
Shelters). L’unité principale de la base
est le 39 th Air Base Wing Selon la
Federation of American Scientists, des
bombes nucléaires américaines y ont été
acheminées en février 1959 puis des
missiles Honest John en mai de la même
année. En 1986, la capacité totale était
de 120 engins.
Au début de la décennie 2000, la base
abritait environ 90 engins nucléaires
pour une capacité de stockage maximale
de 100. Dans la décennie 2010, environ
50 B61- sur les 150 a 200 engins
nucléaires déployés par l’Otan en Europe
– y étaient stockées.
2me atout- La
localisation d’Abou Bakr al Baghdadi et
la détention des membres de la famille
du chef de Daech. La Turquie dispose
d’une créance de taille à l’égard des
Etats Unis. Ce sont en effet les
services secrets turcs – à la demande
expresse du président Recep Tayyip
Erdogan– qui ont informé le Pentagone du
lieu exact de la présence d’Abou Bakr
al-Baghdadi – le chef de l’organisation
«Etat islamique» (Dae’ch) – dans la
localité de Baricha (gouvernorat
d’Idlib) au nord-ouest de la Syrie. Pour
aller plus loin sur ce point, cf ce lien
:
https://prochetmoyen-orient.ch/apres-ben-laden-baghdadi-nomine-a-hollywood/
3me atout: La
détention de la famille d’Abou Bakr Al
Baghdadi et les enregistrements sur
l’assassinat du journaliste saoudien
Jamal Kahsoogi au consulat saoudien à
Istanbul; Trois atouts qu’elle pourrait
monnayer en contrepartie de la
mansuétude occidentale
Le retour des
djihadistes vers leur pays d’origine en
Europe.
Plateforme du
transit djihadiste vers la Syrie et du
flux migratoire vers l’Europe, la
Turquie a laissé entendre quelle
pourrait
rouvrir le robinet migratoire en temps
opportun. Elle a entrepris de renvoyer,
de manière parcimonieuse, aux Européens
les terroristes égarés sur la terre du
djihad en Syrie. De quoi constituer une
belle caisse de résonance des turpitudes
occidentales dans cette guerre, qu’il
auront finalement perdu, en même temps
que leur crédibilité moralisatrice. La
Turquie a d’ailleurs renvoyé, à la
mi-décembre 2019, une dizaine de
djihadiste en France, le pays européen
avec lequel les relations sont les plus
dégradées.
5- Les Kurdes,
éternels dindons de la farce.
Eternels dindons de
la farce de la manigance occidentale,
les Kurdes tant en Irak qu’en Syrie,
paient un lourd tribut à leur politique
erratique en ce que leur alliance avec
les ennemis les plus résolus du Monde
arabe a frappé de discrédit le
leadership kurde, faisant peser une
suspicion permanente quant à ses
engagements futures.
Les Kurdes ont en effet autorisé
l’installation d’une plateforme
israélienne dans le kurdistan irakien
pour des opéraitons anti-iranienens,
servant de pisteurs aux Etats Unis, lors
de l’invasion américaine de l’Irak en
2003, en contrepartie d’un état
indépendant dans le kurdistan irakien;
En Syrie, ils ont rompu leur alliance
avec l’opposition démocratique syrienne
dont ils en assumaient la co-présidence,
pour se placer sous la coupe de la
France, –l’ancienne puissance mandataire
de la Syrie, en contrepartie d’une
fallacieuse promesse de la constitution
d’un état croupion: deux projets tant en
Irak qu’en Syrie mis en échec.
De l’accord
d’Adana, en 1998, à l’accord de Sotchi,
2019, vingt et un an après.
En 1998, l’accord
d’Adana, signé le 20 octobre 1998 entre
le président Süleyman Demirel (Turquie)
et le président Hafez Al Assad (Syrie),
a entrainé le démantèlement des bases du
parti kurde de Turquie, le PKK (Parti
des Travailleurs du Kurdistan), en
territoire syrien. La Syrie avait été
contrainte de signer cet accord à la
suite de la défection de son allié
russe, en phase post soviétique.
En 2019, soit 2I
vingt ans plus tard, l’accord signé à
Sotchi a donné à la Turquie le contrôle
de fait d’une «zone de sécurité» dans la
région frontalière syro turque.
L’accord signé le
23 octobre 2019 entre le président
Vladimir Poutine (Russie), maître du jeu
en Syrie, et le président Recep Tayyib
Erdogan (Turquie), en refoulant la
présence kurde de la région frontalière
syro turque, a permis de juguler
l’irrédentisme kurde tant vis à vis
d’Ankara que de Damas.
Au vu de ce bilan
calamiteux,–représenté par le double
échec d’un état indépendant au Kurdistan
irakien et d’un état autonome dans la
zone kurdophone de Syrie– la population
kurde de Syrie et d’Irak se doit de
réclamer des comptes à leurs dirigeants
respectifs afin de prévenir de futures
dérives mortifères et la répétition de
telles politiques suicidaires.
6- La pulsion
vindicative de l’Arabie saoudite à
l’encontre de la Turquie d’Erdogan.
Incommodée par la
tapage médiatique orchestré par la
Turquie à propos de l’équarrissage de
Jamal Kashoggi,l’Arabie saoudite entend
faire plier le président Erdogan par le
biais économique.
Selon l’ «Emirates Policy Center», un
think tank étroitement lié au
gouvernement et aux services de sécurité
des Emirats Arabes Unis, Riyad aurait
donné l’ordre de mettre en œuvre un plan
stratégique pour défier le gouvernement
turc.
L’objectif de ce plan était d’utiliser
«tous les moyens possibles pour faire
pression sur le gouvernement d’Erdoğan,
l’affaiblir et l’occuper avec des
problèmes nationaux dans l’espoir qu’il
soit renversé par l’opposition, ou de
l’occuper avec des crises successives,
le pousser à déraper et à faire des
erreurs que les médias relèveraient sans
doute».
L’ «Emirates Policy Centree» s’est
abstenu de commenter ce document
intitulé «Rapport mensuel sur l’Arabie
saoudite, Numéro 24, Mai 2019», et
diffusé à une audience restreinte et
destiné aux hauts dirigeants émiratis.
L’objectif de Riyad
est de restreindre l’influence régionale
de la Turquie et d’Erdoğan. «Le royaume
commencera par cibler l’économie turque
et faire pression en vue d’une cessation
progressive des investissements
saoudiens en Turquie, d’une baisse
progressive du nombre de touristes
saoudiens en Turquie tout en créant des
destinations alternatives pour ces
derniers, réduire les importations
saoudiennes de biens turcs et, plus
important, minimiser le rôle régional de
la Turquie dans les questions
islamiques », indique le rapport.
Selon le document,
Mohammed Ben Salmane, le dirigeant de
facto du royaume, a pris la décision
d’affronter la Turquie suite à
l’assassinat de Khashoggi par une équipe
d’agents saoudiens dans le consulat du
royaume à Istanbul.
Le meurtre du
journaliste saoudien, chroniqueur
du Washington Post, a suscité un
scandale international, dû en grande
partie à l’insistance de la Turquie sur
le fait que Riyad devait rendre des
comptes et faire preuve de transparence
dans cette affaire. «Le président
Erdoğan […] est allé trop loin dans sa
campagne calomniant le royaume, en
particulier la personne du prince
héritier, se servant de l’affaire
Khashoggi de la manière la plus
répréhensible qu’il soit», peut-on lire
dans le rapport.
Riyad a conclu
qu’Erdoğan avait échoué dans sa
tentative de politiser et
d’internationaliser l’affaire et qu’il
était désormais temps d’organiser la
riposte, indique le rapport
Les autorités
saoudiennes ont empêché 80 camions turcs
transportant des produits textiles et
chimiques d’entrer dans le royaume via
le port de Douba. Trois cents containers
transportant des fruits et légumes en
provenance de Turquie ont également été
retenus au port de Djeddah, selon un
responsable turc s’adressant à MEE sous
couvert d’anonymat.
Le nombre de
touristes saoudiens en Turquie a chuté
de 15 % (de 276 000 à 234 000) au cours
des six premiers mois de l’année 2019,
selon des données publiées par le
ministère turc du Tourisme.
L’Arabie saoudite compte environ
2 milliards de dollars d’investissements
directs en Turquie, selon des données du
ministère turc des Affaires
étrangères datant de 2018.
Cette année-là, les
exportations turques en Arabie saoudite
avaient été estimées à 2,6 milliards de
dollars, tandis que les importations
depuis le royaume s’élevaient à 2,32
milliards de dollars.
7 – L’épreuve de
force Egypte-Turquie en Libye à
l’arrière plan d’une convergene entre la
Russie et les pétromonarchies du Golfe.
En superposition au
conflit avec l’Arabie saoudite, une
épreuve de force se déroule entre la
Turquie et l’Egypte à propos de la Libye
pour le contrôle de ce pays pétrolier,
frontalier de l’Egypte, sur le flanc
méridional de l’Europe, plaque tournante
du djihadisme vers le Sahel et du flux
migratoire vers le «vieux continent».
La Turquie soutient
ouvertement le gouvernement de Fayez
Sarraj, reconnu internationalement, mais
dont les forces armées sont
essentiellement constituées des milices
islamiques accourues en Libye avec les
encouragements de l’Otan du temps du
leadership du Qatar sur la séquence du
«printemps arabe»
L’Egypte et Abou
Dhabi, et d’une manière plus discrète la
France, soutiennent le maréchal Khalifa
Haftar, le grand vaincu de la bataille
de Wadi Doum, au Tchad en 1984, officier
félon libyen reconverti dans la
collaboration avec la CIA, qui cherche à
s’emparer du pouvoir à Tripoli.
L’enjeu sous-jacent
de cette bataille est énergétique, avec
la découverte d’importants gisements
pétroliers off-shore en Méditerranée
orientale. Un accord visant à assurer
une liaison maritime entre Tripoli et
les ports turcs a été conclu en décembre
2019 et Ankara a promis son soutien
militaire au gouvernement Sarraj en cas
d’agression de son rival Haftar.
Dans une rare
convergence stratégique, La Russie se
trouve dans le même camp que l’Egypte,
certes, mais aussi l’Arabie saoudite et
les Emirats arabes unis, en soutien au
Maréchal Haftar contre les islamistes de
Tripoli. Deux mille paramilitaires
russes ainsi que près de cinq mille
mercenaires soudanais enrôlés par Abou
Dhabi sont déployés en Libye pour faire
barrage à la constitution d’un nouvel
Emirat islamique sous le commandement
d’Abdel Halim Belhadj, l’ancien N°3 d’Al
Qaida, ancien chef des groupements
islamiques libyens en Afghanistan
parachuté à Tripoli par le Qatar en vue
de la conquête de Tripoli, mais ralliés
désormais à Daech.
Pour aller plus
loin sur l’intrinisation d’Abdel Hakim
Belhaj, gouverneur de Tripoli, cf; ce
lien:
La Turquie a
commencé ses prospections pétrolières au
large de la partie nord de Chypre,
occupée apr les forces turques,
suscitant la constitution d’une
coalition hostile à ses visées,
regroupant l’Egypte, la Grèce, la
France, la Russie, Israël, l’Italie et
l’Autorité Palestinienne sous le couvert
du «forum gazier de la Méditerranée
orientale».
Le Liban et la
Syrie ont refusé de se joindre à ce
forum, dont l’objectif apparent est
économique, gazier plus précisément, en
réalité militaire.
8 – A propos de
la rivalité Gulen- Erdogan
Fethullah Gülen,
intellectuel musulman turc, apatride
depuis 2017. est l’inspirateur du
mouvement Gülen, aussi appelé le
mouvement Hizmet («service»). Il vit
depuis 1999 en Pennsylvanie, aux
États-Unis, où il s’est exilé. Gülen
enseigne une version de l’Islam qui
prend sa source dans les enseignements
du penseur musulman Saïd Nursi
(1878-1960), revisités par la modernité.
Gülen a exprimé sa croyance en la
science, au dialogue interconfessionnel
et en la démocratie. Il a amorcé un
dialogue avec différents représentants
religieux, dont l’exemple emblématique
fut une rencontre avec le pape Jean-Paul
II.
Son mouvement, fort de ressources
estimées à 50 milliards de dollars, se
compose de centaines d’établissements
scolaires et de médias parmi les plus
importants du pays, lui permettant de
posséder une influence considérable.
Fethullah Gülen a été décrit dans des
médias anglophones comme «l’une des
personnalités musulmanes les plus
importantes au monde».
Entre 2002 et 2011, Gülen a soutenu le
gouvernement de Recep Tayyip Erdoğan.
Mais à partir de 2010, il commence à
critiquer les choix d’Erdoğan,
contestant notamment ses critiques
d’Israël et les négociations entreprises
avec les rebelles kurdes. Les relations
se sont tendues jusqu’à la rupture, fin
2013.
En 2014, après la
révélation d’affaires de corruption
impliquant des ministres et cadres du
parti gouvernemental, le mouvement Gülen,
accusé d’être à l’origine de la
révélation des affaires et de tentative
de déstabilisation, est déclaré
terroriste et sévèrement réprimé. Un
mandat d’arrêt est lancé contre Gülen.
En 2015, le président Erdogan l’accuse
de vouloir réaliser un coup d’État en
Turquie par le biais d’un pouvoir
parallèle. Le 17 septembre 2015, un
procureur turc a requis une peine de 34
ans d’emprisonnement à son encontre Le
13 septembre 2016, le gouvernement turc
demande formellement son arrestation aux
États-Unis.
Le 2 avril 2018, le gouvernement turc
l’accuse également d’avoir commandité
l’assassinat de l’ambassadeur russe
Andréï Karkov le 19 décembre 2016, et
émet un nouveau mandat d’arrêt contre
lui.
9 – Bilan de la
répression anti Gulen
Deux cents (200)
maisons d’édition, de journaux, de radio
ou de chaînes de télévision ont été
fermées. 80 écrivains poursuivis ou
emprisonnés. Des centaines de
journalistes empêchés d’exercer leur
fonction.
301.878 livres signés du nom de Gulen ou
ayant un rapport avec lui ont été
détruits dans les écoles et
bibliothèques. Des manuels de géométrie
ont été pilonnés à cause d’un exercice
montrant une droite qui menait du point
F au point F (FG), les initiales de
Gulen. Le Palais de Justice de Denizli,
à l’est d’Izmir, ont courageusement fait
changer les plaques minéralogiques des
voitures de service portant les letres F
et G.
La rue du Rire (Gulen en turc) à
Istanbul a été débaptisée et 1,8
millions de manuels scolaires étaient
brutalement retirés de la circulation,
selon Le Canard Enchainé du 21 Aout 2019
(page 8 «livres de rage», qui ne
mentionne pas la considérable épuration
dans les rangs de l’armée et de la
justice, objet d’une comptabilité à
part.
En contre champs, le régime Erdogan a
ouvert cinq cents mosquées au cours des
cinq dernières années, contre 50
bibliothèques. Et le résultat est
visible.
C’est ce pays là qui a été choisi par
les Occidentaux pour servir de fer de
lance au combat pour l’instauration de
la démocratie en Syrie….en tandem avec
la France.
Illustration
CHRISTIAN HARTMANN
/ AFP
Le sommaire de René Naba
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