MADANIYA
Médias arabes
2/2: La fin annoncée
de la presse off
shore arabe
René Naba
Lundi 21 mai 2017
La presse off
shore arabe
La déconfiture d’Al
Hayat et de Radio Orient notamment
remettent en mémoire le rôle
traditionnel de la presse off shore
arabe, dont la mort a été programmée par
les déboires des vecteurs pro
atlantistes, de même que par
l’apparition de nouveaux modes de
communication et par l’évolution des
stratégies de la guerre médiatique.
Pour le lecteur
arabophone, sur ce lien les difficultés
du journal «Al Hayat»
De tradition
séculaire, l’existence d’une presse off
shore arabe a longtemps été une
particularité du Monde arabe, amplifiée
durant la décennie 1980, au paroxysme de
la guerre froide soviéto-américaine dans
la guerre anti soviétique d’Afghanistan,
par un exceptionnel concours de
circonstances: L’existence d’un
important dispositif médiatique arabe
périphérique et d’un auditoire arabo
musulman substantiel au cœur du Monde
occidental (Europe – États Unis) et La
présence d’une active nébuleuse
islamiste sur le continent européen.
Cette conjonction
va déboucher sur une convergence sans
équivalent dans les annales de la
communication internationale, conférant
au déploiement médiatique arabe hors de
son champs national une dimension
stratégique en ce qu’elle donné un
prolongement extraterritorial à la
circulation de l’information et brisé de
ce fait le monopole occidental sur
l’actualité internationale.
Le déploiement
transcontinental arabe a compensé dans
une très large mesure les handicaps
structurels et politiques de leurs
commanditaires, faisant d’eux des
organes de référence pour tout un
lectorat réticent à une interprétation
exclusivement occidentaliste de
l’actualité internationale.
Si, dans les pays
occidentaux, l’expansion de la presse a
été liée au développement de la société
industrielle et au progrès de la
démocratie, il n’en a pas été de même
dans les pays arabes, d’une manière
générale dans le tiers monde, où
coexistent pour des raisons tant
historiques que politiques une presse
nationale et une presse périphérique.
Partout ailleurs
dans le monde, la presse se déploie
d’abord dans son espace national, son
socle principal en matière de
subsistance et d’influence, où elle
réalise l’essentiel de ses recettes par
ses ventes que la publicité. Il en a été
différemment dans le Monde arabe.
Née d’abord dans
les pays d’émigration, souvent à
l’initiative du pouvoir colonial,
l’apparition de la presse périphérique
arabe a été antérieure à la naissance de
la presse nationale. La Bibliothèque
Nationale à Paris possède des
exemplaires d’un journal arabe paru à
Paris en 1867 «Al Moustashari».
Installée dans la
métropole coloniale ou dans un pays
limitrophe, en tout cas hors du Monde
arabe, mais destinés au marché arabe,
les journaux périphériques ont disposé
d’une plus grande liberté de ton et joué
le rôle de «soupape de sûreté»,
complémentaire aux médias officiels
locaux. Leur influence, à ce titre, a
été supérieure à celle des journaux
locaux.
Pour le personnel
de ces vecteurs, la presse périphérique
représentait le Pérou: une «prime
d’expat» dans une des villes les plus
huppées d’Europe, Londres., Paris. D’où
l’attrait qu’exerçait cette fonction en
dépit des lourdes servitudes qu’elle
impliquait en matière de flexibilité
idéologique et de prosternation
hiérarchique.
Paris,
laboratoire de fermentation de la
première tentative de création d’un
journal trans islamique.
Les premiers
journaux arabes, tel «Mira’t Al Awhal»
(Le miroir des situations) se sont
installées, curieusement, à Istanbul,
capitale de l’Empire ottoman, avec les
encouragements du gouvernement turc dans
l’intention d’en contrôler l’orientation
et la diffusion, dans l’intention d’en
faire un outil de propagande auprès des
populations arabophones.
L’expérience tourna
court et ce journal, fondé en 1855 par
un chrétien d’Alep, Rizkallah Hassoun
devra s’expatrier à Londres, bientôt
rejoint à Paris par des intellectuels
fuyant le joug de la Sublime porte, dont
ils entendaient combattre la répression
à travers leurs journaux.
La France,
protectrice des chrétiens d’Orient,
abritera, à partir de 1880, plusieurs
journaux arabes: Al Ittihad (L’Union),
Al Anba’ (Les nouvelles), Al Raja
(L’espoir). Amorce d’une forme
embryonnaire d’action psychologique, ils
constitueront autant d’illustration de
sa politique au Levant et au Ponant
(Maghreb) à l’intention des élites
arabes.
Bénéficiant du
prestige des idéaux de la Révolution
Française, Paris sera le laboratoire de
fermentation de la première tentative de
création d’un journal trans islamique
avec l’expérience d’ «Al Orwa Al
Wouthqa» (le Lien Solide), menée depuis
la capitale française par l’homme
politique afghan Jamal Eddine Al Afghani
et Cheikh Mohammad Abdou, un des
théoriciens de l’Islam moderniste. Fondé
en 1884, l’hebdomadaire politique et
littéraire, interdit en Egypte, y sera
distribué clandestinement. Engagés dans
les débats de leur époque, les éditeurs
de la publication, notamment Jamal
Eddine Al Afghani, engagera une sévère
polémique avec Ernest Renan sur la
contribution de l’Islam au développement
de la science, l’historien français
niant l’apport arabe et musulman à la
science notamment, l’Algèbre (Al Jabr),
la chimie (al kimia’), les algorythmes
(Al Khawarizmi).
Vaste débat
toujours d’actualité, qui dénote chez
les occidentalistes, une farouche
volonté de négation de la contribution
des Arabes et des Musulmans à la
civilisation universelle.
Sur fond de
stratégie apocalyptique du djihadisme
planétaire, initiée par Al Qaida puis
par Daech, ce débat se perpétue de nos
jours dans sa forme moderne sous la
double interrogation suivante:
Moderniser l’Islam ou Islamiser la
modernité? Comme pour suggérer une
incompatibilité fondamentale entre les
deux termes de l’équation.
Quoiqu’il en soit,
ce n’est qu’ultérieurement que les
journaux arabes feront leur apparition
dans les pays arabes eux-mêmes.
D’abord au Liban,
en Syrie et en Égypte, à l’époque de la
Renaissance arabe «An Nahda», dont
certains journaux ont été fondés par des
libanais expatriés, comme ce fut le cas
du plus illustre quotidien égyptien «Al
Ahram» (Les Pyramides), lancé par les
frères Salim et Béchara Taqla, le 5 août
1876. Puis ce fut au tour du Maghreb,
dénommé alors l’Afrique du Nord
Française, et du Golfe, où les premiers
journaux nationaux sont apparus au
lendemain de la 2eme Guerre mondiale.
Forgée au XIX e siècle, la tradition
s’est perpétuée tout au long du XX me
siècle.
Lors de la guerre
du Liban (1975-1990), la capitale
française retrouvera son rôle de havre
de liberté de la presse, en accueillant
une trentaine de publications libanaises
et arabes, notamment «Al Mostaqbal» qui
opérait là un retour aux sources, avant
de sombrer dans la faillite et d’être
racheté par le milliardaire libanais
saoudien Rafic Hariri.
La stabilisation de
la situation au Liban a entraîné le
reflux vers Beyrouth de la presse
arabophone alors que se maintenaient à
Paris les publications d’expression
française «Les Cahiers de l’Orient» et
«Arabies». Les autres publications
arabes qui avaient trouvé refuge à Paris
durant la guerre du Liban «Al Watan Al
Arabi» (La Nation Arabe), objet d’un
attentat en 1982, ainsi que Kol Al Arab
(Tous les arabes), revue pro-irakienne
fermée à Paris au moment de la guerre du
Golfe, tout comme at Taliha al Arabiya
(L’avant garde arabe) ont sombré avec la
mort de leur commanditaire Saddam
Hussein.
Un déploiement
conforme à la stratégie occidentale
Si la décennie 1980
a vu la floraison de la presse
périphérique pro-irakienne en soutien de
la guerre de l’Irak contre l’Iran
Khomeinyste (1980-1989), les décennie
suivante verra la floraison de la presse
pro-wahhabite, particulièrement à
Londres, en soutien au Djihad, le combat
de la Légion islamique en Afghanistan,
en Bosnie, au Caucase, dans la chasse
gardée soviétique en vue de provoquer
l’implosion de l’Empire soviétique, dans
un déploiement conforme à la stratégie
occidentale.
Pour une poignée de
pétrodollars, l’Europe deviendra la
principale plate-forme de l’Empire
médiatique saoudien, le principal refuge
des dirigeants islamistes, réussissant
même le tour de force d’abriter
davantage de dirigeants islamistes que
l’ensemble des pays arabes réunis.
Londres, capitale
mondiale de l’Islam contestataire et
plate-forme du déploiement médiatique
international saoudien
Soixante dirigeants
islamistes résidaient en Europe
occidentale depuis la guerre anti
soviétique d’Afghanistan, dans la
décennie 1980, où les djihadistes
étaient gratifiés du titre de
«combattants de la liberté» par le
fourbe du Panshir, Bernard Henry Lévy,
l’interlocuteur virtuel du Lion du
Panshir, le commandant Massoud Shah.
Quinze d’entre eux disposaient du statut
de «réfugié politique», dans la plupart
des pays européens, Royaume Uni,
Allemagne, Suisse, Norvège, Danemark.
Londres était en
outre la plate-forme stratégique du
déploiement médiatique international du
Royaume Wahhabite qui y avait entreposé
l’essentiel de sa force de frappe: Une
chaîne transfrontalière MBC (Middle East
Broadcasting Center), deux radios à
diffusion transcontinentale MBC FM et la
radio communautaire britannique
SPECTRUM, ainsi que cinq publications
dont deux fleurons de la presse arabe
«Al Hayat» et «Al Charq Al Awsat», avec
leur inévitable contrepoint
nationaliste: «Al Qods Al Arabi (la
Jérusalem Arabe) du temps où le journal
était dirigé par son fondateur Abdel
Bari Atwane, ainsi que Sourakia, dont la
nom résulte de la contraction des noms
de Syrie et d’Irak, deux pays à l’époque
dirigés par le part Baas et dont il
réclamait la fusion.
La presse Off
shore arabe, un instrument de la
stratégie oblique de l’information
Instrument de la
stratégie oblique des gouvernements, la
presse périphérique permet d’accréditer
la thèse du commanditaire sans que cela
lui soit directement attribuable ou
qu’il y soit directement impliqué. Citée
comme référence, elle peut être
désavouée en cas de nécessité, selon les
impératifs du jeu diplomatique, tant il
est vrai qu’il est plus facile pour un
gouvernement de démarquer de sa
publication satellite que d’un journal
officiel paraissant dans son propre
pays.
Elle est
subventionnée directement ou
indirectement par la publicité ou d’une
manière plus subtile par l’octroi d’un
quota de vente, c’est à dire l’achat
garanti par un pays d’un nombre
déterminé d’exemplaires, une sorte de
garantie de ressources pour l’éditeur.
Nullement un achat à perte en ce que le
commanditaire se charge d’en assurer la
distribution dans les lieux publics de
son pays, Hôtels de luxe, grands
restaurants, salon d’honneur des
aéroports, comme autant de point de
publicité perlée au bénéfice du
commanditaire.
Subvention
déguisée, le contingentement est une
arme à double tranchant. S’il assure des
rentrées financières régulières, il rend
l’éditeur tribut aire du pays
commanditaire, excluant toute
possibilité d’expansion de son marché
sans l’autorisation de son bailleur de
fonds, avec le risque inhérent d’une
perte totale du marché en cas
d’impertinence journalistique. En 1986,
lors du bombardement de Tripoli (Libye)
par l’aviation américaine, les médias
libyens ont abondamment cité dans leurs
revues de presse les articles paraissant
à l’étranger dans les journaux à leur
dévotion, comme pour justifier l’ampleur
de l’adhésion internationale à la cause
libyenne.
Autre fonction de
la presse périphérique, elle permet
d’adresser des «messages codés» ou des
coup de semonce à un pays voisin, sans
enfreindre les règles de bon voisinage,
tout en sauvant les apparences.
Ainsi, lors de la
visite du prince héritier koweïtien
Cheikh Saad al Abdallah, à Bagdad, en
1989, à la fin de la guerre
irako-iranienne, tandis que les journaux
irakiens célébraient la fraternité entre
l’Irak et le Koweït, la presse
pro-irakienne mettait l’accent, depuis
l’Europe,- fait prémonitoire-, sur le
prix de sang versé par l’Irak pour
protéger ses frères du golfe contre
l’Iran, suggérant une compensation
financière des pétromonarchies au profit
du régime baasiste.
En Août 1995,
soupçonnée de passivité dans le conflit
bosniaque, l’Arabie saoudite, à grands
renforts de placards publicitaires parus
dans les journaux à sa dévotion,
notamment «Al Charq Al Awsat» de
Londres, soulignait l’importance de
l’effort financier consentis aux
musulmans de Bosnie, en publiant la
liste intégrale des donateurs saoudiens
et le montant de leur contribution.
Les attaques
frontales sont prohibées, en principe,
sauf si elles participent d’une
politique générale de l’État. Cela a été
le cas entre l’Irak et le Koweït, dans
la foulée de l’invasion irakienne de la
principauté, en 1990 et de la guerre qui
s’est en suivie contre l’Irak par la
coalition internationale.
Industrie
florissante par les subventions
substantielles qu’elle génère, elle peut
être périlleuse. Certains patrons de
presse -tels Salim Al Laouzi (Al
Hawadess-Liban) ont payé de leur vie les
incertitudes de cette activité lucrative
mais aléatoire. D’autres ont connu de
brutaux rappels à l’ordre.
Installée à Paris,
la revue «Al Watan al Arabi», à l’époque
pro-irakienne, a été l’objet d’un
attentats rue Marbeuf, en Avril 1982. Le
message était si explicite que la France
a dû expulser deux diplomates syriens à
la suite de cet attentat. Tournant
casaque au moment de la Guerre du Golfe,
le propriétaire de la revue, Walid Abou
Zahr, un obligé notoire de l’Irak, se
repliera vers l’Égypte pour mettre à
l’abri ses nouvelles convictions
sonnantes et trébuchantes acquises
auprès des pétromonarchies du Golfe.
Pour se prémunir
contre d’éventuels dérapages- ou plus
simplement pour se préserver contre de
brusques retournements de situation, la
disgrâce peut être aussi soudaine que la
promotion spectaculaire, des patrons de
presse, habiles, ont jugé prudent de
recruter des journalistes couvant la
gamme des sensibilités politiques
arabes, à raison d’un homme pour chaque
pays, se muant ainsi en chef d’orchestre
de la convivialité politique arabe.
Al Charq Ak
Awsat et Al Hayat, porte étendards de la
pensée wahhabite.
A – Al Charq Al
Awsat», le journal aux couleurs vertes
de l’Islam et du dollar, collecteur de
fonds du djihad.
Dans l’ambiance
d’exaltation délirante de la période du
Djihad afghan (1980-1989), le journal
aux couleurs vertes, la couleur de
l’Islam et du dollars, -une combinaison
idéale pou lever des fonds en faveur du
djihad-, va faire office d’oracle pour
une population en état de lévitation sur
fond de religiosité niaise et
d’infantilisme religieux, quand bien
même il posait de sérieux problèmes à
ses lecteurs en ce que la coloration
verte de ses pages en interdisait un
usage profane, particulièrement en tant
que papier d’emballage.
Disposant de
l’exclusivité pour le Monde arabe des
articles du Wahington Post, d’USA Today
et de Global Viewpoint ainsi que de
dizaines de plumes arabes convertis aux
vertus du Roi dollars, Al Charq
Al-Awsat, se hissera, par son tirage, au
premier rang des journaux trans-arabe,
nullement le plus influent au sein des
élites intellectuelles, plus
certainement au sein de la population.
Premier quotidien
arabe à utiliser la transmission
satellitaire pour l’impression
simultanée dans plusieurs villes dans le
monde, avec un tirage de l’ordre de 200
000 exemplaires, imprimé simultanément
dans 12 villes sur 4 continents, avait
mission de répandre la bonne parole qui
retentissait comme autant de mots
d’ordre sur l’ensemble de la Oumma.
Salmane,
propriétaire de cet important groupe de
presse, «Saudi Research and Marketing
ltd», a ainsi orchestré pendant plus de
30 ans, à travers la totalité des 15
périodiques de son empire médiatique les
campagnes de collecte de fonds au profit
des «arabes afghans», les ancêtres des
djihadistes salafistes, tant en
Afghanistan, qu’en Bosnie-Herzégovine,
qu’en Tchétchénie, qu’au début du
printemps arabe contre la Syrie.
À journées faites,
sur de pleines pages, Al Charq Al Awsat
mentionnait, dans la pure tradition de
l’économie ostentatoire, les
contributions des donateurs dans un
style qui incitait à l’émulation. Des
annonces reprises, au diapason, par les
autres publications du groupe: Arab
News, Al Majalla, Urdu News, Arrajol, et
Al Iqtissadiyah.
Fondé en 1978 par
Kamal Adham, ancien chef des services de
renseignements saoudiens du temps du Roi
Faysal dont il était le beau frère,
-l’homme du voyage de l’égyptien Anouar
El Sadate en Israël- As Charq Al Awsat,
le fleuron de ce groupe de presse, sera
la pierre angulaire du dispositif
médiatique saoudien à une période
charnière du Moyen Orient à la veille de
la chute de la dynastie Pahlévi en Iran
et de l’instauration de la République
islamique iranienne (Février 1979), de
la conclusion du traité de paix
israélo-égyptien (Mars 1979) et de la
guerre des pétromonarchies contre
l’Iran, via l’irakien Saddam Hussein
(Septembre 1979).
Salmane, à l’époque
prince héritier, diluera sa
participation dans ce holding, à la mi
2014, dans une démarche symbolique
destinée à prendre ses distances avec
les collecteurs de fonds des djihadistes
au moment où ses anciens compagnons de
route faisaient mauvaise presse dans les
pays occidentaux par leurs abus, alors
que la santé du Roi Abdallah,
chancelante, lui laissait entrevoir les
portes du pouvoir.
B – Al Hayat
Fondé en 1946,
Al-Hayat a refait surface en 1988-89
après une éclipse de 20 ans, consécutive
à l’assassinat de son fondateur Kamel
Mroueh, pote voix de la dynastie
wahhabite dans son combat le
nationalisme arabe du chef charismatique
des Arabes, Gamal Abdel Nasser.
Sa renaissance
intervient à une période charnière de
l’histoire du monde arabo-musulman
marquée sur le plan régional par
l’implosion de l’Union soviétique et
l’ouverture des Républiques musulmanes
d’Asie centrale au jeu diplomatique
régional, et, sur le plan européen, par
la prise de conscience politique de la
population arabo maghrébine, la
«troisième génération» issue de
l’immigration.
Sous la houlette de
Jihad Al-Khazen, ancien collaborateur de
Kamel Mroueh, «Al-Hayat» se rode pendant
deux ans après une longue hibernation,
puisant son équipe dans le vivier
constitué par son rival traditionnel, le
quotidien libanais «An-Nahar».
Dans le
prolongement de la stratégie saoudienne,
«Al-Hayat» donnera sa pleine mesure
durant la première du guerre du Golfe
(1990-1991). Depuis Londres, son nouveau
siège, il participera activement au
débat sur le nouvel ordre international
et la faillite des idées nationalistes,
allumant au besoin des contre-feux face
à ce qu’il considère être la subversion
islamiste.
Passé sous le
contrôle du Prince Khaled Ben Sultan,
fils du ministre saoudien de la Défense
et chef des troupes saoudiennes au sein
de la coalition anti-irakienne,
«Al-Hayat» recrute au prix fort les plus
en vue des intellectuels de la diaspora
arabe.
Luxe suprême, il
s’offre même au titre de collaborateur
régulier un membre du gouvernement
russe, Victor Possouvaliouk,
vice-ministre chargé du département du
Proche et du Moyen-Orient au ministère
soviétique des Affaires étrangères.
La presse off shore
arabe a connu un «âge d’or» durant deux
décennies (1980-2000) de la guerre
d’Afghanistan à l’invasion américaine de
l’Irak, en 2003. Elle cédera la place à
«l’embedded», la marque de fabrique de
la guerre d’Irak (2003), puis au «média
individualisé» lors de la guerre de
Syrie avec l’intervention directe des
«médiactivistes», des bi nationaux
faisant office de porte voix et de porte
serviette, opérant en roue dentée de la
diplomatie de l’ancienne puissance
colonisatrice de leur pays d’origine.
La bataille de
Syrie a en effet constitué un tournant
majeur dans la guerre médiatique
moderne, par son ampleur, sa durée et sa
violence, de même que par la
démultiplication des outils de
communication individuels (blogs,
Facebook, twitter). En superposition aux
médias traditionnels, cette déclinaison
médiatique a entraîné une surexposition
de l’information et mis en œuvre de
nouveaux intervenants sur la scène
médiatique, de nouveaux prescripteurs
d’opinion, recyclés via la notoriété du
micro blogging en autant
d’amplificateurs organiques de la doxa
officielle. Les drones tueurs de toute
pensée dissidente.
La fin du débat
contradictoire en somme.
Épilogue
Sept ans après le
lancement du «printemps arabe», tous les
vecteurs d’accompagnement de la
stratégie islamo-atlantiste sont en
déconfiture, sanction inéluctable de
leur alignement sectaire.
Ce constat vaut
également pour les Médias français,
particulièrement Le Monde (tirage 40.000
ex/jour) et Libération (30.000 ex/jour)
les amplificateurs idéologiques pour le
compte du Quai d’Orsay de la guerre de
prédation économique du Monde arabe.
Propriété de milliardaires, –le trio BNP
(Bergé Niel Pigasse) pour le Monde, le
franco-israélien Patrick Drahi pour
Libération–, ces deux titres n’en
bénéficient pas moins d’une subvention
gouvernementale française à titre du
pluralisme de la presse, sans que ce
privilège ne les incite à la décence
dans leur entreprise de criminalisation
permanente de toute pensée
contestataire. En dépit de leurs
dérives, plutôt que de se livrer à leur
auto-critique, ils s’érigent désormais
en aiguillon de la bien-pensance, sous
le mot d’ordre «DECODEX» en un
pathétique dévoiement de la fonction
journalistique.
Une proximité du
pouvoir entrave inévitablement la marge
de manœuvre d’un média et une proximité
avec les puissances d’argent altère
irrémédiablement sa fonction critique.
Les effets de plume les plus talentueux
ne sauraient faire l’économie d’une
sérieuse remise en cause de la fonction
journalistique. A moins d’un sursaut
éditorial qui introduirait une
dissonance dans le concert unanimiste
pro américain de la zone euro-arabe à
l’effet de faire contrepoint aux
vecteurs transnationaux occidentaux, la
presse arabe, particulièrement
libanaise, risque une relégation dans un
domaine qui a longtemps constitué son
champ d’action privilégié et les médias
arabe au XXI me siècle représenteront
alors pour la grande presse
internationale ce que l’homéopathie
constitue pour la pharmacologie, une
dose infinitésimale .
Reçu de René Naba pour publication
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