EN POINT DE MIRE
Mali: La
réélection d’IBK, la preuve que les
Maliens
ont atteint le degré zéro de la
politique
René Naba
Lundi 13 août 2018
L’unique mot
d’ordre des prochaines consultations
africaines: Sortons les Sortants et
Sortons du CFA.
Partenaire
éditorial de la radio malienne Radio
Kafokan et de sa revue hebdomadaire «Le
relais de Bougouni», René Naba,
directeur du site www.madaniya.info est
l’auteur du livre «Du Bougnoule au
sauvageon, voyage dans l’imaginaire
français» Harmattan 2002.
Entretien conduit
par Seydou Koné.
1 ère question:
Le Relais de Bougouni: Quel est votre
appréciation des résultats des élections
présidentielles maliennes de 2018 ?
Réponse René Naba:
IBK, un président si mal élu à la
légitimité minorée.
Loin d’être un
triomphe romain, la réélection d’Ibrahim
Boubacar Keita, alias IBK, à la
présidence malienne, apporte la preuve
que les Maliens ont atteint le degré
zéro de la politique en ce que le si mal
élu, si pourtant décrié tout au long de
sa première mandature présidentielle, a
néanmoins triomphé de tous ses rivaux.
Certes, IBK n’a
recueilli que 41,2 pour cent des voix
des inscrits au premier tour des
élections présidentielles. C’est peu,
mais suffisant pour être en position de
force face à Soumaila Cissé puisqu’il a
recueilli le double des voix
comptabilisés pour son sempiternel
rival. Le 2me tour a donc été un remake
de la confrontation de 2013.
Mais avec une
nuance de taille toutefois: 767 bureaux
de vote “neutralisés” ont privé de vote
près de 245.000 électeurs
essentiellement dans le nord
contestataire. Sur fond de paupérisation
croissante de la population, de
désintérêt de la chose publique, voire
même de découragement, la présidentielle
de 2018 du Mali aura donc propulsé un
président à la légitimité sinon minorée
à tout le moins entachée. Et cela
hypothéquera qu’il le veuille ou non la
2me mandature d’IBK, par ailleurs plombé
par des scandales liés à l’affairisme.
Les Maliens vivent
un cauchemar d’autant plus épouvantable
qu’en marquant leur préférence pour deux
vieux pensionnaires du marigot
politique, ils ont visiblement atteint
le degré zéro de la politique. Pis, en
désignant comme vainqueur de la
consultation présidentielle, IBK, le
partenaire en affaire du casinotier
corse, Michel Toumi, les Maliens se sont
livrés à ce qui s’apparente à un rare
cas de suicide politique en direct sous
couvert de démocratie.
2me question:
Quel est votre jugement sur les deux
candidats du 2eme tour ?
Réponse RN: IBK
versus Soumaila Cissé: Le candidat de
l’Internationale socialiste contre le
candidat du Medef.
IBK et Soumaila Cissé, deux anciens
disciples du président Alpha Oumar
Konaré se sont affranchis de leur ancien
tuteur malien et de son parti ADEMA,
mais jamais de leurs parrains français
respectifs.
Et si les Français
se sont débarrassés du parrain d’IBK,
François Hollande, par abandon du
socialo motoriste à la suite d’un KO
technique debout, les Maliens,
visiblement fétichistes, continuent eux
de s’accrocher à cette vieille relique
de la Françafrique. Telle est dans toute
sa cruauté l’invraisemblable réalité
malienne.
Son éternel rival, Soumaila Cissé, du
fait de ses états de service et de sa
connaissance des arcanes du pouvoir
managérial en France, est apparu, qu’il
le veuille ou non, comme le candidat du
MEDEF en raison de son ancien parcours
et des sympathies qu’il inspire en
France.
Que cet ancien haut
cadre des grandes entreprises françaises
(IBM France, Pechiney, Thomson et Air
Inter), originaire de Toumbouctou, la
ville martyre des hordes djihadistes
d’Ansar Eddine pro Qatar, n’ait pu faire
la différence s’explique dans une large
mesure par l’absence de charisme du
challenger. Le vaincu devra en tenir
compte pour l’avenir et se résoudre à
laisser la place à plus performant.
Un autre capé de la
méritocratie occidentale, Modibo Diarra,
astrophysicien, ancien de la NASA et
président de Microsoft Afrique, pâtit
des mêmes handicaps que le challenger
Soumaila Cissé. Non pas tant pour sa
carrière haut de gamme internationale,
mais en raison de sa citoyenneté
américaine et, surtout, le fait qu’il
soit le gendre du Colonel Moussa Traoré,
le dictateur de sinistre mémoire, le
parricide de Modibo Keita, le père de
l’indépendance malienne, tâche
indélébile pour l’éternité.
3me question:
Comment expliquez-vous la contre
performance d’Omar Mariko, qui ne figure
même pas dans le groupe de tête?.
Réponse RN: Le
score dérisoire d’Omar Mariko, le
candidat du Sadi (Solidarité africaine
pour la démocratie et l’indépendance), a
laissé perplexe plus d’un observateur.
Que le seul candidat véritablement
contestataire, qui se soit franchement
opposé à l’intervention française au
Mali (opération Serval) et qui se soit
de surcroît prononcé ouvertement pour la
sortie du Mali du Franc CFA, Omar
Mariko, l’ancien meneur de la révolte
étudiante qui provoqua la chute de la
dictature de Moussa Traoré, porteur du
programme le moins conformiste, ne
figure pas dans le peloton de tête de la
compétition, pourrait paraître
incompréhensible.
Mais les
explications de cette contre performance
sont à rechercher dans le défaut
d’organisation de sa machinerie
électorale et l’absence de pédagogie
politique développée par le candidat en
direction de son électorat potentiel.
Une explication
complémentaire est à rechercher dans
l’effet pervers de la pléthore des
candidatures, laquelle en suggérant une
apparence de démocratie, a constitué en
fait une parodie de démocratie,
provoquant une confusion du débat, une
dispersion des forces, et partant, le
brouillage du message civique, au
bénéfice d’un clientélisme clanique
démagogique.
Vingt quatre (24)
personnes ont postulé aux élections
présidentielles maliennes de 2018.
Trente quatre (34) sont candidats aux
présidentielles du Cameroun de 2019 pour
briguer la succession de Paul Biya (84
ans) au pouvoir depuis 34 ans et qui
aspire à un nouveau mandat, nourrissant
sans doute le secret espoir d’égaliser
Molière et de mourrir sur la scène de
ses turpitudes.
4eme question:
Comment sortir de cette spirale de
l’échec?
Réponse RN: IBK,
candidat de l’Internationale socialiste,
et Soumaila Cissé, candidat présumé du
MEDEF, sont bel et bien les deux faces
du néo colonialisme français. Sa face
hideuse. Dans le prolongement de cette
belle brochette de nains politiques qui
se sont succédés au pouvoir au Mali
depuis plus de vingt ans: Amadou Toumani
Traoré (ATT), Diouconda Traoré et Amadou
Aya Sanogo, auparavant le dictateur
Moussa Traoré, présent à la cérémonie de
la première l’investiture d’IBK.
Pour rompre avec
cette spirale de l’échec, un seul mot
d’ordre doit prévaloir lors des
prochaines consultations africaines:
«Sortons les sortants et sortons du
Franc CFA». Sachons des déboires
électoraux la leçon retenir. Les Maliens
et les Africains doivent se pénétrer de
cette vérité d’évidence, nullement
sacrilège: La France a été le fardeau de
l’Afrique et non l’inverse. Il importe
d’en tirer les conséquences et de
secouer le cocotier.
Au Mali la France
est disqualifiée. Le chaos qui règne
dans ce pays résulte d’une succession de
faux pas de la diplomatie française.
Voir à ce
propos, ce lien
Le mot d’ordre des
prochaines consultations africaines ne
doit souffrir la moindre ambiguïté:
Sortons les sortants pour que le Mali et
l’Afrique sortent de leur sommeil
dogmatique qui engendre des monstres.
Sortons les Sortants et Sortons du CFA:
Le Mali et l’Afrique se débarrasseront
ainsi du fardeau pluri-séculaire de
l’homme noir.
Telle est
l’impérieuse mission que doivent
s’assigner les démocrates africains à
l’occasion des prochaines consultations
électorales, -la République Démocratique
du Congo, le Cameroun et le Sénégal-,
pour ôter, dans ce dernier cas, l’envie
à son président, Macky Sall, de saliver
devant les pâtisseries indigestes de
l’armée française qu’elle servait aux
troupes sénégalaises avant de les
expédier au sacrifice suprême, en
substitution des soldats français. Honte
à Macky Sall d’avoir voulu gommer la
souillure morale absolue du sacrifice de
Thiaroye pour satisfaire ses appétits
présidentielles.
Une impérieuse
mission que les démocrates africains
doivent s’assigner pour que l’Afrique
cesse d’être la risée du Monde.
Pour aller plus
loin
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https://www.madaniya.info/2016/09/19/mali-retablissement-de-souverainete-de-letat-malien-passe-discours-de-verite-a-legard-de-france-tuteur/
-
https://www.madaniya.info/2014/10/18/mali-un-pays-de-cocagne/
-
https://www.renenaba.com/mali-le-tonitruant-silence-du-planque-de-dakar/
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https://www.madaniya.info/2015/02/23/senegal-sous-couvert-de-religion-la-competition-entre-israel-et-les-freres-musulmans-sur-le-plan-politique/*
-
https://www.madaniya.info/2015/09/16/l-extremisme-religieux-en-asie-et-en-afrique/
Illustration
L’opposition
conteste la régularité du scrutin au
Mali. (Reuters)
Reçu de René Naba pour publication
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