MADANIYA
Hassan Nasrallah, premier dirigeant
arabe depuis Nasser à avoir su
développer une capacité d’influence sur
l’opinion publique israélienne
René Naba
Lundi 11 juillet 2016
En levée de rideau
Liban 2006 -2016
Illustration de la défragmentation
mentale arabe et de la vassalisation du
Monde arabe à l’imperium
israélo-américain, la Ligue arabe, à
l’instigation des pétromonarchies du
golfe a décidé d’inscrire le Hezbollah
Libanais sur la liste des organisations
terroristes, fait sans précédent ans les
annales diplomatiques arabes.
La criminalisation de la formation
politico-militaire chiite est intervenue
au dixième anniversaire de son glorieux
fait d’armes face à Israël lors de la
guerre de destruction israélienne du
Liban, en juillet 2006.
Artisan de deux exploits militaires
face à Israël, le Hezbollah est
considéré à juste titre comme l’un des
plus prestigieux mouvement de libération
du tiers monde, à l’égal du FLN
vietnamien, du FLN algérien et des
barbudos cubains.
Sa criminalisation s’est faite au nom
de l’Arabisme, un mot d’ordre dont la
dynastie wahhabite en a été l’un des
grands fossoyeurs.
Une telle mesure donne
rétrospectivement caution à toutes les
équipées israéliennes contre le
Hezbollah et vise, principalement, à
stigmatiser l’unique mouvement de lutte
armée arabe contre Israël de mouvance
chiite. Même l’Union européenne s’était
abstenue de prendre une telle mesure,
limitant son ostracisme à la branche
militaire du Hezbollah.
Une telle stigmatisation intervient
alors que les bourreaux du Hezbollah
paient le prix de leur forfaiture: Ehud
Olmert, ancien premier ministre
israélien, initiateur de la guerre de
Juillet 2006 contre le Liban, purge
depuis le 16 Février 2016 une peine de
prison après une condamnation à 19 mois
pour corruption et entraves à la
justice. Ehud Olmert (70 ans) a rejoint
en prison l’ancien président d’Israël
Moshé Katzav, qui purge, lui, une peine
de sept ans pour viols.
A Beyrouth, le Vietnam
d’Israël, la mère de toutes les villes
du récit de la résistance arabe:
Dans sa double version :
Beyrouth Ouest (1982) et Beyrouth Sud
(2006) (1)
Paris – L’homme pèse ses mots et ses
propos valent leur pesant d’or,
immédiatement décryptés par tous les
exégètes de la philologie, de la
sémantique et de la linguistique, tant
les universitaires que les diplomates,
les stratèges que les spécialistes de la
guerre psychologique, les arabisants de
chic que les orientalistes de toc.
La bulle politico médiatique occidentale
risque de s’étrangler de colère rentrée,
de même que ses thuriféraires arabes,
devant une telle affirmation qui
correspond néanmoins à la réalité :
Sayyed Hassan Nasrallah (2), chef du
Hezbollah, le mouvement paramilitaire
chiite libanais, est un homme qui ne se
paie pas de mots. Ses actes sont
conformes à ses discours et ses discours
à ses actes. Le contraire en somme d’un
bonimenteur, dont les propos
retentissent comme autant des sentences.
Le constat ne relève pas de la
fanfaronnade et sa crédibilité ne relève
pas de l’effet de propagande. Elle est
confirmée dans les faits, attestée par
les plus grands journalistes arabophones
d’Israël, dont le signataire de ce texte
en a recueilli la confidence.
«Al Manar», la chaîne du Hezbollah,
fondée par Hassan Nasrallah en personne,
la chaîne du mouvement chiite libanais
bannie de l’espace européen à
l’instigation de la France, était, en
pleine guerre de destruction israélienne
du Liban, en 2006, la chaîne de
référence du déroulement des hostilités,
au même titre que la chaîne trans
frontière arabe «Al Jazira», et non la
télévision israélienne.
La thèse d’un universitaire
israélien, le colonel Rounine
Une étude universitaire de
l’establishment militaire israélien a
abondé dans le même sens dans un article
paru le 12 juillet 2010 dans le journal
israélien «Haaretz» à l’occasion du 4e
anniversaire de la guerre de destruction
israélienne du Liban.
Une recherche académique d’un haut
officier des renseignements israéliens
soutient en effet qu’Hassan Nasrallah,
Secrétaire Général du Hezbollah, est le
premier dirigeant arabe à disposer d’une
capacité d’influence sur le public
israélien de par ses discours, depuis le
président égyptien Gamal Abdel Nasser.
Cette thèse a été soutenue par le
colonel Rounine, devant l’université de
Haïfa, en se fondant sur une analyse du
contenu des discours d’Hassan Nasrallah
durant la deuxième guerre du Liban
(2006), rapporte le journal israélien
«Haaretz». L’officier israélien décrit
Nasrallah comme «le premier dirigeant à
avoir su développer une capacité
d’influence sur l’opinion publique
israélienne, depuis Abdel Nasser» dans
la décennie 1960
Rounine, qui occupait à l’époque le
poste d’officier des renseignements au
sein de l’armée israélienne, écrit à ce
propos : «Face aux menaces israéliennes,
Nasrallah a utilisé deux armes, ses
discours, pour s’adresser à son public
et mener les batailles défensives sur le
front libanais, et les missiles, à
destination d’Israël.
Les discours de Nasrallah ont fait
l’objet d’une large couverture en
Israël, et ont suscité des réactions
virulentes parmi les dirigeants
politiques et militaires israéliens.
Rounine a souligné que «si Israël avait
procédé à une analyse rationnelle des
discours de Nasrallah, au cours de la
guerre, cela aurait pu influencer la
prise de décision». Il a cité Nasrallah
qui assurait pendant la guerre, «si on
réussit dans la défense, on gagnerait».
La victoire signifiait, à ses yeux, «la
poursuite de la résistance, et que le
Liban reste uni et n’accepte pas des
conditions humiliantes».
«La résistance du Hezbollah s’est
poursuivie jusqu’au dernier jour,
l’unité du Liban n’a pas été entamée», a
indiqué l’officier israélien, faisant
remarquer: «Quant aux conditions
humiliantes, la réponse ne saurait être
catégorique, dans la mesure où Hassan
Nasrallah a été obligé d’admettre le
déploiement de l’armée libanaise, et de
la FINUL, Force intérimaire des Nations
Unies au Liban au sud, chose à laquelle
il s’opposait au début de la guerre».
Dans une zone où la démagogie est un
mode de gouvernement, l’homme est sobre
sans la moindre théâtralité, en faisant
la spectaculaire démonstration un
certain dimanche après-midi de juillet
2006, ordonnant en plein discours
politique, depuis sa tribune
télévisuelle, devant des centaines de
milliers de téléspectateurs médusés, la
destruction d’une vedette israélienne
qui narguait les côtes libanaises.
L’ordre à peine donné, la balistique
hezbollahi atteignait de plein fouet sa
cible, repoussant la vedette au-delà de
l’horizon dans un nuage de fumée noire,
signe indiscutable de la blessure de
l’ennemi cuirassé, signant par la même
dans l’ordre symbolique la défaite
israélienne dans ce duel à distance
entre ce moine soldat de l’Islam moderne
et ses assaillants, les fers de lance de
l’hégémonie israélo occidentale sur la
sphère arabe.
Dans un pays où l’instrumentalisation du
martyrologe relève d’une véritable
industrie florissante au point de
constituer une rente de situation,
l’homme n’a jamais cherché à tirer
avantage de la mort de son fils, Hadi,
sur le champ d’honneur dans une
opération de harcèlement
anti-israélienne au sud Liban. Tué au
combat à 18 ans, à Jabal al Rafei, en
1997, dans la zone frontalière libano
israélienne.
Et non au cours d’un règlement de
compte entre factions rivales pour le
partage du butin, comme la guerre du
Liban en a donné de nombreux exemples
particulièrement au sein des forces
libanaises, la milice chrétienne
libanaise.
Le discours d’un tribun indomptable
Dans une zone gangrenée par une
religiosité niaise, ce religieux au
langage châtié, au verbe riche, où
s’entremêlent expressions religieuses et
profanes, le dialectal et le littéraire,
est un tribun dont la tonalité du
discours ressortit pleinement de la
thématique nationaliste arabe la plus
exigeante. Une tonalité laïque, qui
tranche avec le rigorisme de façade de
certains de ses détracteurs.
Lointaine réminiscence d’une conviction
filiale d‘un père membre actif d’un
parti laïc, nationaliste et pan syrien,
ce chiite libanais et patriote, formé à
Nadjaf, la ville sainte du sud de
l’Irak, cité refuge de l’Ayatollah
Ruhollah Khomeiny, chef de la révolution
iranienne, passe pour avoir réussi la
synthèse du chiisme arabe et iranien, de
l’lslamisme et du nationalisme arabe, du
visage occidental du Liban et de son
appartenance au monde arabe.
Natif de Bourj Hammoud, dans la
banlieue populeuse de Beyrouth, Hassan
Nasrallah a vu le jour dans la zone de
brassage par excellence des laissés pour
compte de la société d’abondance et de
la cohorte des peuples sans terre. Un
lieu de naissance, par effet du hasard,
formateur, tout comme sa région
d‘origine. Le futur chef du Hezbollah
est en fait originaire d’une zone
géographiquement prédestinée au combat:
la région du sud Liban dans la zone
frontalière libano israélienne; une zone
qui est la cible de l’artillerie et de
l’aviation israélienne depuis un
demi-siècle; que les militaires
israéliens vouaient à faire office de
zone tampon, qui sera, paradoxalement,
par la suite le fer de lance du combat
anti occidental, le tremplin de Hassan
Nasrallah vers la gloire militaire.
Le chef-lieu natal de sa famille,
Bazouriyeh, il est vrai, est une
localité située près de Bint Jbeil, la
grande bourgade du sud Liban, qui
infligea deux camouflets militaires aux
Israéliens. La première fois, en 1982,
avec la destruction du PC israélien fixé
dans ce lieu, dans le cadre de
«l’opération Paix en Galilée». La
deuxième fois, un quart de siècle plus
tard, en 2006, lors de la mémorable
bataille de chars précédant le cessez le
feu israélo-libanais qui transforma Bint-Jbeil
en cimetière des Merkava, se soldant par
la destruction d’une trentaine de
véhicules blindés israéliens.
L’invasion israélienne du Liban aura
d’ailleurs un effet déclencheur de sa
prise de conscience politique. A 22 ans,
ce chef d’une fratrie de neuf enfants
s’engagera cette année-là au sein du
Hezbollah, à l’époque vague groupuscule
sous la férule des Gardiens de la
révolution iranienne, dont il en gravira
rapidement tous les échelons pour en
devenir dix ans plus tard, en 1991, à 31
ans, son secrétaire général après
l’assassinat de Abbas Moussaoui par les
Israéliens.
Une promotion démocratique, au
mérite
Une promotion démocratique, d’une
ascension au mérite, sans coup de force
ni coup d‘état, qui le mettra en
position d’intégrer le jeu politique
libanais, en 1992, en concomitance avec
l’arrivée au pouvoir du milliardaire
libano saoudien le sunnite Rafic Hariri,
l’autre poids lourd de la politique
libanaise.
Cette arrivée simultanée des deux poids
lourds de la politique libanaise va
induire une nouvelle équation dans le
système politico confessionnel libanais,
désormais marqué par la prééminence des
deux grandes communautés musulmanes
-sunnite et chiite- au détriment des
communautés historiques fondatrices du
Liban, maronite et druze.
Issu de la communauté la plus
méprisée à l’époque du Liban et la plus
négligée des pouvoirs publics, la
communauté chiite, dirigée en ces
temps-là par des féodaux claniques,
trafiquants de drogue et alliés
privilégiés du Chah d’Iran et de
l’Occident, notamment la famille Kazem
al Khalil de Tyr, parent par alliance de
l’irakien Ahmad Chalabi, l’agent par
excellence de l’invasion américaine de
l’Irak. Hassan Nasrallah en fera le fer
de lance du combat anti israélien, la
fierté du pays, sa colonne vertébrale,
obtenant le dégagement militaire
israélien du Liban sans négociation ni
traité de paix, en 2000.
Ce faisant, il propulsera son pays à la
fonction de curseur diplomatique
régional, et, dans l’histoire du conflit
israélo-arabe, le standard libanais au
rang de valeur d’exemple, tant cet
exploit a revêtu dans la mémoire
collective arabe un impact psychologique
d’une importance comparable à la
destruction de la ligne Bar Lev, lors du
franchissement du Canal de Suez, lors de
la guerre d’octobre 1973.
Récidiviste huit ans plus tard, il
initiera, face à la puissance de feu de
son ennemi et à l’hostilité quasi
générale des monarchies arabes, une
nouvelle méthode de combat, concevant un
conflit mobile dans un champ clos, une
novation dans la stratégie militaire
contemporaine, doublée d’une audacieuse
riposte balistique, à la grande
consternation des pays occidentaux et de
leurs alliés arabes.
La crise du modèle occidental de
guerre limitée de haute technologie
«Malgré l’engagement de l’équivalent
de l’armée de terre et l’armée de l’air
françaises, les Israéliens ont échoué à
vaincre au Liban quelques milliers
d’hommes retranchés dans un rectangle de
45 km sur 25 km, un résultat tactique
surprenant, probablement annonciateur
d’un phénomène nouveau, la fin une ère
de guerres limitées dominées par la
haute technologie occidentale. L’armée
israélienne découvre alors que ses
adversaires se sont parfaitement adaptés
face au feu aérien israélien, le
Hezbollah a développé une version «basse
technologie» de la furtivité, combinant
réseaux souterrains, fortifications et –
surtout – mélange avec la population.
Le Hezbollah, légèrement équipé,
maîtrisant parfaitement son arsenal,
notamment antichar, a mené un combat
décentralisé, à la manière des
Finlandais face aux Soviétiques en 1940.
Il pratique aussi une guerre totale,
tant par l’acceptation des sacrifices
que par l’intégration étroite de tous
les aspects de la guerre au cœur de la
population. En face, l’armée d’Israël
s’engage dans une ambiance de « zéro
mort», et échoue. Au bilan, Israël a
perdu 120 hommes et 6 milliards de
dollars, soit presque 10 millions de
dollars par ennemi tué, et ce, sans
parvenir à vaincre le Parti de Dieu.
À ce prix, sans doute eût-il été
tactiquement plus efficace de proposer
plusieurs centaines de milliers de
dollars à chacun des 3 000 combattants
professionnels du Hezbollah en échange
d’un exil à l’étranger» estimera un
stratège français au Centre français de
doctrine d’emploi des forces (armée de
terre), chargé du retour d’expériences
des opérations françaises et étrangères
dans la zone Asie/Moyen-Orient (3).
Mais au regard de cet exploit singulier
dans l’histoire peu glorieuse du monde
arabe contemporain, une levée de
bouclier d’une classe politique
archaïque, reformatée dans la féodalité
moderniste, résultante d’un torrent
d’opportunisme fera alors vibrer la
fibre communautaire dans une zone en
proie à l’intégrisme, dans un pays qui
en a si grandement pâti dans le passé.
Un pays en proie à la désespérance d’une
population en voie de paupérisation
croissante, en proie à l’amnésie des
victimes des anciennes turpitudes; en
proie à l’indigence intellectuelle et
morale d’une fraction de l’élite, en
proie enfin au nanisme des géants de la
politique libanaise coalisés au sein
d’une alliance contre nature des anciens
«seigneurs de la guerre» et de leur
principal bailleur de fonds.
Pariant implicitement sur une défaite
du Hezbollah, le trio pro occidental
-Saad Hariri, Walid Joumblatt et leur
allié maronite Samir Geagea, l’ancien
compagnon de route d’Israël de la guerre
civile inter libanaise- s’est lancé dès
la fin des hostilités, au-delà de toute
décence, dans le procès de la milice
chiite aux cris «Al-Haqiqa» (la vérité),
plutôt que de rechercher la condamnation
d’Israël pour sa violation du Droit
Humanitaire International et sa
destruction des infrastructures
libanaises.
Un cri de guerre curieusement popularisé
par la fugace pasionaria de la scène
libanaise, la ministre maronite Nayla
Mouawad, paradoxalement, plus soucieuse
de démasquer les assassins de Rafic
Hariri que ceux de son propre époux,
l’ancien Président René Mouawad, tué
dans un attentat le 22 novembre 1990, le
jour anniversaire de l’Indépendance
libanaise. Affligeant spectacle et
infamant.
Nasrallah s’en tirera, faisant preuve de
mansuétude à l’égard des supplétifs de
l’armée israélienne, enrôlés sous la
férule d’un général félon, Antoine
Lahad, les exonérant du crime de
trahison, leur épargnant le supplice du
goudron réservé aux collaborateurs
français du régime nazi. Il contournera
ce piège démagogique par son alliance
avec la hiérarchie militaire chrétienne,
les deux anciens commandants en chef de
l’armée, soucieux de brider les pulsions
mortifères de l’ordre milicien chrétien.
Le président Émile Lahoud «un
résistant par excellence» aux dires de
son allié chiite et le général Michel
Aoun, chef de la plus importante
formation politique chrétienne,
l’assureront d’une couverture
diplomatique internationale trans
confessionnelle, d’un sas de sécurité à
l’effet de briser net un nouveau clivage
islamo chrétien, point de basculement
vers une nouvelle guerre civile à
connotation religieuse.
500 millions de dollars du MEPI pour
neutraliser le Hezbollah
De l’aveu même des responsables
américains, les Etats Unis, depuis 2006,
à travers l’USAID et la Middle East
Partnership Initiative (MEPI), ont
débloqué de plus de 500 millions de
dollars, pour neutraliser le Hezbollah,
la plus importante formation
paramilitaire du tiers monde, arrosant
près de sept cents personnalités et
institutions libanaises d’une pluie de
dollars «pour créer des alternatives à
l’extrémisme et réduire l’influence du
Hezbollah dans la jeunesse» (4). A cette
somme se superpose le financement de la
campagne électorale de la coalition
gouvernementale aux élections de juin
2009, de l’ordre de 780 millions de
dollars, soit un total de 1,2 milliards
de dollars en trois ans, à raison de 400
millions de dollars par an. En vain.
État dans l’état ?
Véritable état dans l’état, le
principal grief de ses adversaires, son
mouvement aura pourtant supplée pendant
trente ans la vacance d’un pouvoir
d’état longtemps auparavant vidé de sa
substance par l’ordre milicien prédateur
et parasite, en tout cas bien avant la
naissance du Hezbollah, collaborant
étroitement avec les services d’un état
en déshérence, initiant une culture du
combat et de la résistance dans un pays
aux mœurs redoutablement mercantiles.
Principale formation
politico-militaire libanaise, dont le
démantèlement est réclamé les
États-Unis, le Hezbollah dispose d’une
représentation parlementaire sans
commune mesure avec l’importance
numérique de la communauté chiite, sans
commune mesure avec sa contribution à la
libération du territoire national, sans
commune mesure avec son prestige
régional, sans commune mesure avec
l’adhésion populaire dont il jouit sans
chercher à en tirer avantage.
Tant au niveau de la démocratie
numérique que de la démocratie
patriotique, la place qu’occupe le
Hezbollah est une place de choix. Un
positionnement incontournable à l’effet
de dissuader quiconque songerait à
usurper la place qui n’est pas la
sienne. Dans les querelles byzantines
dont les Libanais sont tant friands, il
était salutaire que cette vérité
d’évidence soit rappelée et les
mésaventures du tandem Hariri Joumblatt
sont là pour l’attester.
Walid Joumblatt et Saad Hariri feront
amende honorable après une succession de
revers et reprendront le chemin de
Damas, sans trop de fanfaronnade, avant
un nouveau mouvement de bascule, trois
ans plus tard à l’occasion du «printemps
arabe».
Le premier ministre socialiste
français Lionel Jospin, qui avait
qualifié de «terroriste» le Hezbollah,
en a fait l’expérience à ses dépens,
déclenchant le plus célèbre caillassage
de l’époque contemporaine, terminant
piteusement sa carrière politique,
irrémédiablement carbonisé.
Jacques Chirac qui avait préconisé des
«mesures coercitives» pour brider le
Hezbollah se ravisera après l’échec
israélien dépêchant une escadrille
française pour protéger l’espace aérien
libanais lors du défilé célébrant la
«divine victoire», craignant que la
moindre anicroche atteignant Nasrallah,
ne déclenche par représailles
l’éradication politique et physique de
la famille de son ami Rafic Hariri,
assassiné en février 2005,
particulièrement de son héritier
politique, Saad Hariri, planqué à
l’étranger durant les hostilités, loin
d’une capitale dont il est le député et
d‘un pays dont il est le chef de sa
majorité gouvernementale.
Dan Halloutz, chef de l’aviation
israélienne, ordonnateur des raids
destructeurs sur Beyrouth, a été démis
de ses fonctions, renvoyé à ses pénates
pour manigance financière, de même que
son premier ministre Ehud Olmert en
prison.
Victorieux sans appel d’une épreuve
de force contre une coalition pro
occidentale agrégeant tous les anciens
seigneurs de la guerre du Liban, qui
voulaient porter atteinte à l’autonomie
de son réseau de transmissions, le nerf
de sa guerre contre Israël, le 7 mai
2008, le dignitaire religieux acquiert
alors une nouvelle stature, celle d’un
prescripteur dans l’ordre régional,
initiateur de la rhétorique des
représailles et de la parité de la
terreur. Son fief du sud de Beyrouth
supplante alors Beyrouth Ouest dans la
conscience arabe en tant que foyer de la
contestation pan arabe, signant
définitivement le désengagement du
sunnisme militant dans le combat contre
Israël, le Hamas palestinien excepté à
Gaza.
L’inculpation début juillet 2010 d’un
responsable exerçant des fonctions
sensibles au sein d‘une entreprise
stratégique de téléphonie cellulaire
pour «intelligence avec l’ennemi», a
donné a posteriori raison au Hezbollah
dans sa détermination à préserver son
autonomie tant au niveau de son réseau
de télécommunications que de ses voies
de ravitaillement. Elle a justifié en
même temps la méfiance des Syriens à
l’égard de l’entourage de Walid
Joumblatt tant est patente sa connivence
pro occidentale.
L’homme, Charbel Qazzi, en poste
depuis quatorze ans dans les
télécommunications, est accusé par la
justice militaire d’avoir connecté le
réseau de la téléphonie mobile de sa
firme Alpha, au réseau des services
israéliens, répercutant l’ensemble du
répertoire de ses abonnés et de leurs
coordonnées personnelles et
professionnelles, y compris bancaires,
de même que leur communications à un
pays officiellement en guerre au Liban
et qui n’a cessé ses incursions
militaires contre le Liban.
Alors que le Liban retentit
régulièrement de la commémoration des
«martyrs» Bachir Gemayel, le chef des
milices chrétiennes et président
éphémère du Liban, septembre 1982, et
Rafic Hariri, le milliardaire libano
saoudien, ancien bailleur de fonds de la
guerre inter factionnelle libanaise et
ancien premier ministre sunnite du
Liban, Hassan Nasrallah porte un deuil
muet sur son fils, trente ans après sa
mort au combat, s’abstenant de toute
commémoration.
Un comportement identique à celui
qu’il observe à l’égard d’une autre
figure prestigieuse du Hezbollah, Imad
Fayez Moughnieh «Al Hajj Radwane», le
cauchemar de l’Occident, maître d’œuvre
des opérations anti occidentales au
Moyen orient depuis la décennie 1980,
fondateur de l’ossature militaire du
Hezbollah et par capillarité militante
du mouvement palestinien Hamas à Gaza,
artisan du dégagement militaire
israélien du sud Liban après 22 ans
d’occupation, tué dans un attentat à
Damas, le 12 février 2008.
Illustration
A Shiite supporter holds a poster
showing
Hassan Nasrallah, the head of
Lebanon’s militant Shiite Muslim
movement Hezbollah, as he addresses
supporters through a giant screen
during a meeting in Beirut’s
southern suburb of Mujammaa Sayyed
al-Shuhada on January 30, 2014.
Hezbollah chief said he does not
want war with Israel, after the
Israeli military shelled border
areas following a Hezbollah attack
that left two Israeli soldiers dead.
Notes
Julia Boutros Ahiba’i
https://www.youtube.com/watch?v=1_2QF2Ep8B0
Références
- Les journalistes français,
particulièrement ignorants en la
circonstance des réalités locales,
s’imaginent qu’Hassan Nasrallah
habite une autre planète que la
capitale libanaise, qualifiant son
lieu de résidence de «Dahiyeh». «Dahyeh»
signifie en fait en arabe «banlieue»
par abréviation de «Dahyeh al
jounoubiyah», la banlieue sud de
Beyrouth, ce qui prouve a contrario
que le chef du Hezbollalh réside
bien dans la banlieue sud de
Beyrouth et non dans une
agglomération urbaine autre que la
capitale libanaise.
- Sayyed Hassan Nasrallah signifie
littéralement en arabe «Belle
Victoire de Dieu». Le titre Sayyed
qui signifie littéralement en arabe
«seigneur» ou «Maître», est un titre
honorifique donné à des musulmans de
haut rang, descendants du prophète
Mahomet par sa fille Fatima Zahrah
et son cousin et beau-fils Ali ibn
Abi Talib.
Hassan Nasrallah est né le 31 août
1960 dans le quartier de Bourj-Hammoud
(Beyrouth Est). Il est l’aîné d’une
famille de neuf enfants qui n’est
pas particulièrement religieuse. Son
père, Abdel Karim, épicier de son
état, est membre du Parti Social
Nationaliste syrien. Il débute des
études théologiques à l’école
publique de Sin el Fil, un quartier
où cohabitent chrétiens et musulmans
à l’est de Beyrouth, ce qui lui
permet de faire la connaissance de
chrétiens libanais.
En 1975, lorsque la guerre civile
éclate au Liban, sa famille est
obligée de retourner dans leur
village d’origine, Bazourieh, proche
de la ville de Tyr (Sud Liban).
C’est là que Nasrallah décide de
rejoindre le mouvement Amal
(«Espoir»), une organisation chiite
politique et paramilitaire, présidée
alors par l’Imam Moussa Sadr, chef
spirituel de la communauté chiite,
mystérieusement disparu en 1978 lors
d’un voyage en Libye. Il étudie la
Théologie dans la ville sainte de
Nadjaf, en Irak, où il fait la
connaissance de celui qui sera son
prédécesseur à la tête du Hezbollah,
Abbas Moussaoui.
La jonction s’est faite, sous
l’égide de L’Imam Mohamad Bakr al
Sadr, Fondateur du parti ad-Daawa et
parent de l’Iman Moqtada Sadr, le
chef de la révolte anti américaine
en Irak. L’intensification de la
répression du gouvernement de Saddam
Hussein à l’encontre des religieux
chiites en Irak, de même que la
guerre de succession engagée au sein
du mouvement Amal libanais,
consécutive à la disparition de
l’Iman Moussa Sadr en Libye, le
contraint à rentrer au Liban en 1978
pour intégrer avec son ami Abbas
Moussaoui le Hezbollah. Hassan
Nasrallah est marié et père de trois
enfants, dont l’aîné, Hadi, tué
alors qu’il combattait l’armée
israélienne au Liban sud à Jabal al-Rafei,
en 1997.
Ses deux prédécesseurs ne
disposaient ni de son charisme, ni
son sens de l’organisation. Le
premier cheikh Sobhi Toufayli était
davantage perçu comme un chef
radical, en méconnaissance des
rapports de forces régionaux, le
second Abbas Moussaoui a été tué
sans disposer du temps pour imprimer
sa marque au mouvement.
Le grand ayatollah Mohammad Hussein
Fadlallah, mort dimanche 4 juillet
2010, a longtemps été considéré
comme le mentor du parti pro-iranien
Hezbollah. A l’instar du dirigeant
actuel du Hezbollah, Hassan
Nasrallah, il était inscrit par les
Etats-Unis sur leur liste des
«terroristes internationaux» établie
en 1995. Il avait été accusé dans
les années 1980 par les médias
américains d’être à l’origine des
prises d’otages d’Américains au
Liban par des groupes radicaux liés
à l’Iran. En 1985, il a été la cible
d’un attentat qui a tué 80
personnes, une opération organisée
par la CIA avec trois millions de
dollars, venant de fonds pétro
monarchiques du Golfe. Son garde de
corps de l’époque n’était autre
qu’Imad Moughniyeh.
Personnalité très influente de
l’Islam chiite au Liban, en Asie
centrale et dans le Golfe, Fadlallah
se servait de ses prêches du
vendredi pour dénoncer la politique
américaine au Moyen-Orient. Il a
émis des fatwas (décrets religieux)
interdisant les crimes dits
d’honneur ou l’excision. Auteur de
plusieurs ouvrages théologiques, il
était connu pour son ouverture sur
le développement scientifique et son
audace dans l’interprétation des
textes de l’islam. Le charismatique
dignitaire à la barbe blanche et au
visage serein était connu pour ses
avis religieux tolérants, notamment
vis-à-vis des femmes.
- «Dix millions de dollars le
milicien, La crise du modèle
occidental de guerre limitée de
haute technologie» par Michel Goya,
CF la revue Politique étrangère
1/2007 (Printemps), p. 191-202.
Lieutenant-colonel et rédacteur au
Centre de doctrine d’emploi des
forces (armée de terre), il est
chargé du retour d’expériences des
opérations françaises et étrangères
dans la zone Asie/Moyen-Orient. Il
est l’auteur de La Chair et l’Acier
(Paris, Tallandier, 2004) qui
s’attache au processus d’évolution
tactique de l’armée française
pendant la Première Guerre mondiale.
- Déposition de Jeffrey D. Feltman,
assistant de la secrétaire d’État
américaine et responsable du bureau
des affaires du Proche-Orient, et de
Daniel Benjamin, coordinateur du
bureau de lutte contre le
terrorisme, devant une commission du
Sénat américain le 8 juin 2010. CF à
ce propos le journal libanais «As
Safir», en date du 29 juin 2010,
sous la plume de Nabil Haitham,
affirmant qu’ «une liste de 700 noms
de personnes et d’organisations
ayant bénéficié de l’aide américaine
circule et que certains ont reçu des
sommes comprises entre 100 000 et 2
millions de dollars. Le journaliste
s’interroge: «Quelles clauses du
code pénal ces groupes ou personnes
ont-ils violées? Est-ce que
contacter ou agir avec un État
étranger, et travailler avec cet
État en échange d’argent à une
campagne visant l’une des
composantes de la société libanaise
-une campagne qui pourrait avoir
déstabilisé la société- est légal ?»
(…) Et Nabil Haitham se demande
pourquoi Feltman a rendu cette
information publique, d’autant
qu’elle risque d’embarrasser des
alliés des États-Unis au Liban.
Selon lui, l’ambassade américaine à
Beyrouth a rassuré ses alliés en
leur affirmant que Feltman voulait
simplement montrer au Congrès que
les États-Unis agissaient au Liban
et qu’il n’est pas question qu’ils
révèlent des noms».
À cette somme de 500 millions de
dollars se superpose le financement
de la campagne électorale de la
coalition pro occidentale. Le
quotidien américain New York Times a
accusé, de son côté, l’Arabie
Saoudite et les États-Unis, dans un
article intitulé «élections
libanaises: les plus chères au
monde», d’ingérence dans le
processus électoral des prochaines
élections législatives de juin 2009
en révélant que des sources proches
du gouvernement saoudien ont admis
le financement de candidats opposés
au mouvement chiite Hezbollah, le
financement du voyage d’expatriés
libanais, voire l’achat du vote
collectif de communautés entières en
faveur de leurs alliés locaux. Selon
le New York Times, plusieurs
centaines de millions de dollars
(700 millions de dollars) auraient
été ainsi transférés au Liban non
seulement pour participer à la
campagne électorale mais également
pour corrompre leur vote. Le
quotidien ajoute qu’il s’agirait
pour l’Arabie Saoudite de limiter
l’influence iranienne au Liban et de
soutenir ses alliés pour faire
pression sur Téhéran.
Côté américain, toujours selon le
même quotidien, l’International
Republican Institute, réputé pour
être un lobby proche du parti
républicain, aurait ouvert des
bureaux à Beyrouth pour aider les
dirigeants de la majorité actuelle
ainsi que leurs médias affiliés dans
la campagne électorale.
Ce lobby aurait ainsi ouvert des
bureaux auprès des différents partis
appartenant à la coalition pro
occidentale du 14 mars, dont les
forces libanaises de Samir Geagea,
le courant du futur du député Saad
Hariri, le parti phalangiste d’Amine
Gemayel et du député druze Walid
Joumblatt (New York Times 24 avril
2009, «élections libanaises: les
plus chères au monde»). Deux jours
après ses révélations, Hillary
Clinton, secrétaire d’état,
effectuait une visite surprise à
Beyrouth pour fleurir la tombe de
Rafic Hariri, l’ancien premier
ministre assassiné, et préconisé,
sans craindre le ridicule, des
élections libres de toute ingérence…
à l’exception sans doute de l‘argent
saoudien et américain.
- Le juge du Tribunal spécial pour
le Liban (TSL) a ordonné mercredi 29
avril 2009 la remise en liberté
immédiate des quatre généraux
libanais pro syriens détenus depuis
2005 dans le cadre de l’enquête sur
l’assassinat de l’ancien Premier
ministre Rafic Hariri. L’attentat à
la bombe avait fait un total de 23
morts le 14 février 2005 à Beyrouth.
Les généraux Jamil Sayyed, Ali Hajj,
Raymond Azar et Moustapha Hamdan,
seuls suspects, étaient détenus le
30 août 2005.Ils n’avaient pas été
officiellement inculpés. Le juge
Daniel Fransen a suivi les
procureurs qui trouvaient le dossier
trop léger pour maintenir ces hommes
en détention. Des feux d’artifice
ont salué l’annonce de leur
libération à Beyrouth.
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Reçu de René Naba pour publication
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