MADANIYA
France
diplomatie-Macron AN II :
Un fiasco
diplomatique total 1/2
René Naba
Lundi 3 septembre 2018
« Il y a
plusieurs sortes d’intelligences dont la
bêtise n’est pas la moindre».
Thomas
Mann.
Le président
Emmanuel Macron a inauguré le 27 Août à
Paris la XXVIe conférence des
Ambassadeurs de France, deuxième
exercice du genre depuis son élection à
la magistrature suprême, en 2017. Retour
sur le fiasco diplomatique français à
l’arrière plan des objectifs inavoués de
la diplomatie française sous la
mandature Macron.
Sauvé par le
gong
Sauvé par le gong.
Pour paradoxal que cela puisse paraître,
Emmanuel Macron est redevable de sa
nouvelle visibilité internationale à
Vladimir Poutine, si pourtant vilipendé
par la presse française, en ce que la
lune de miel entre Jupiter de France et
le gougnafier de l’immobilier américain
a tourné en lune de fiel.
Diner privé à la
résidence de George Washington, le père
de la nation américaine, discours devant
le Congrés, pichinette pelliculaire sur
l’épaule du président français,
accolades, embrassades, poilade et
fortes empoignades… Tout un tralala et
patati et patata. Et puis patatras.
Certes, Vladimir
Poutine, ainsi que se gaussaient les
éditocrates français, éprouvait un
besoin pressant de sortir de son
isolement et d’alléger la Russie des
sanctions économiques qui la frappait du
fait de son annexion de la Crimée et de
son soutien victorieux à la Syrie. En un
parfait synchronisme, la caste
intellectuelle française,
symptomatiquement, donnait d’ailleurs de
la voix pour freiner une orientation
dictée impérativement par le principe de
réalité et le désastre français en
Syrie, en mettant en garde contre une «
alliance qui serait contraire aux
intérêts de la France».
Cf à ce propos la
tribune co signée par les pontifiants
Nicolas Tenzer, Olivier Schmitt et
Nicolas Hénin.
C’était sans
compter sur le rebond du prix du pétrole
(80 dollars le baril) qui a donné une
bouffée d’oxygène au trésor russe.
C’était sans compter aussi sur
l’unilatéralisme forcené du plus
xénophobe président de l’histoire
américaine qui a eu raison de la belle
complicité entre deux présidents si
antinomiques.
La pêche aux voix,
à six mois des élections américaines du
mid term (mi mandat), cruciales pour le
locataire de la Maison Blanche, a
terrassé la belle amitié entre la grande
démocratie américaine et la « Patrie de
Lafayette». En état de lévitation,
Emmanuel Macron s’est retrouvé
subitement en suspension devant un vide
abyssal avec pour unique perspective la
risée universelle.
Tulle
supplémentaire, l’euphorie du Mundial
2018 dont il espérait un rebond de
popularité a tourné court, phagocytée
par la ténébreuse « affaire Alexandre
Benhalla », dont les basses oeuvres
élyséennes ont révélé la face hideuse du
macronisme.
Dans l’allégresse
de son élection, le président français
fraichement élu avait pourtant brocardé
son hôte russe, en juin 2017, dans le
majestueux site du Château de
Versailles, ironisant sur le travail de
propagande des médias russes. Le
lancement de la version française de
Russia Today avait d’ailleurs donné lieu
à un concert d’indignation
invraisemblable de la part d’une caste
journalistique qui émarge peu ou prou
sur des budgets du grand capital ou des
budgets publics de l’audiovisuel
français, dont la quasi totalité des
grands vecteurs relève d’ailleurs du
service public, comme en témoigne cette
liste non exhaustive (France télevision,
Radio France, France 24, RFI, RFO, TV5
CFI), alors que la presse écrite est
sous contrôle des comglomérats du grand
capital adossés aux marchés publics de
l’état (le Monde du trio BNP (Berger,
Niel Pigasse), le Figaro (Dassault,
aviation), Libération-l’Express (Patrick
Drahi, téléphonie mobile), le Point
(François Pinault), Les Echos (Bernard
Arnault), le Groupe Canal + (Vincent
Bolloré, le prospecteur d’une Afrique
qui n’est « pas encore entrée dans
l’histoire », selon l’expression de
l’hôte de son yacht, Nicolas Sarkozy).
Ci joint un
échantillon de la prose développée lors
du lancement de RT
Sauf que la
diplomatie russe s’inscrit dans la durée
et le long terme et que Vladimir Poutine
a survécu à quatre présidents français
(Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy,
François Hollande et Emmanuel Macron).
De surcroît, le pardon des offenses est
la marque des grands hommes.
Un an plus tard,
dans un retournement de situation rare
dans l’histoire, l’hôte russe brocardé a
entrepris de renflouer le novice, dans
un geste d’une élégance qui constitue la
marque de l’assurance.
La scène,
raffinement suprême, s’est déroulée
devant le plan d’eau du non moins
majestueux site du palais des Tsars à
Saint Petersbourg, l’équivalent russe de
Versailles.
Un repêchage juste
au dessus de la ligne de flottaison. Car
entre la Russie et la France, il existe
une différence d’échelle. Celle qui
distingue une puissance planétaire
souveraine, d‘un sous traitant des
États-Unis dans ses anciennes zones
d’influence en Afrique et au Moyen
Orient quand bien même il se situe au 2e
rang mondial de par son domaine maritime
de l’ordre de 10 millions de Km2.
Suprême humiliation, le plus ancien
alllié des États-Unis se retrouve à la
merci de ses sanctions économiques.
Dans l‘ordre
symbolique, la différence d’échelle
trouve d’ailleurs son illustration la
plus concrète dans celle qui distingue
un des grands diplomates de l’époque
contemporaine, d’un bureaucrate poussif
et sans relief… Entre l’impassible et
inamovible russe Serguei Lavrov, en
poste depuis 2004, et son homologue
français Jean Yves Le Drian, y’a pas en
effet photo. Deux des prédécesseurs du
français, Alain Juppé et Laurent Fabius,
projetés sur le tatami par le russe,
peuvent en témoigner.
Sur ce lien, le
traitement énergisant réservé par
Sergeuï Lavrov à Alain Juppé et Laurent
Fabius :
L’erreur d’Emmanuel
Macron, voire son malheur, aura été son
absence d’empathie cognitive pour la
quasi totalité des protagonistes des
conflits du Moyen orient et son étonnant
alignement sur un atlantisme exarcerbé,
alors que ce pur produit de
l’intelligentzia française aurait dû
pourtant se livrer à cet exercice qui
consiste à se mettre intellectuellement
à la place de l’autre pour comprendre
les enjeux. Cela lui aurait épargné les
avanies, alors qu’il se savait héritier
d’une décennie diplomatique calamiteuse,
du fait d’une double mandature
présidentielle chaotique du post
gaulliste Nicolas Sarkozy et du socialo
motoriste François Hollande.
Un Moyen Orient
sous la coupe atomique d’Israël
Dans son discours
prononcé mercredi 24 avril 2018 devant
le Congrès américain, M. Emmanuel Macron
se proposait d’aménager un Moyen orient
placé sous la coupe atomique d’Israël. «
L’Iran n’aura jamais d’arme nucléaire.
Ni maintenant, ni dans cinq ans, ni dans
dix ans », a déclaré le président
français, s’engageant en outre à réduire
la capacité balistique de la République
islamique iranienne de même que son
influence régionale au Yémen, en Irak et
au Liban, sans accompagner cet
engagement d’une mesure de réciprocité
concernant le désarmement nucléaire
d’Israël.
Dindon de la farce,
Emmanuel Macron a dû donner un violent
coup de barre à sa politique moins d’un
mois après sa profession de foi pour
éviter le ridicule, en ce que l’idylle
Macron Trump tant célébrée par la presse
française a finalement débouché sur une
fracture transatlantique sur fond d’une
guerre commerciale potentielle des
États-Unis contre l’Union Européenne du
fait du retrait américain de l’accord
sur le nucléaire iranien.
Pis, le sommet du
G7, le 10 juin 2018, a viré lui aussi au
fiasco avec un tweet râgeur de Donald
Trump qui a complètement torpillé
l’accord final. Avec dédain, la Russie a
d’ailleurs refusé de réintégrer le
barnum occidental préférant se tenir à
distance du capharnaüm, qui s’est
déroulé en toile de fond du sommet
tripartite de Shanghai (Chine, Russie,
Iran). Anormalement négligé par la
presse occidentale, ce sommet, tenu le
même jour que le G7, a mis au point la
stratégie de riposte de l’axe de la
contestation à l’hégémonie atlantiste,
par un soutien multiforme à l’Iran.
Au delà du
psychodrame occidental, la posture
diplomatique de Jupiter de France a
ainsi révélé les objectifs inavoués de
la diplomatie française sous sa
mandature: Un Moyen orient dénucléarisé,
à faible capacité balistique iranienne,
placé sous la coupe atomique d’Israël.
Un pays qui dispose pourtant d’un
arsenal de près de deux cents ogives à
charge nucléaire, soustrait à tout
contrôle international. Mais ce fait là,
le petit génie de la vie politique
française feint de l’ignorer.
Le strabisme
divergent d’Emmanuel Macron
La sécurisation
d’Israël ne saurait se traduire par une
soumission permanente à la terreur
atomique israélienne de l‘Asie
occidentale, zone intermédiaire entre
l’OTAN (Atlantique Nord) et l’OTASE
(Asie du Sud Est), deux pactes
militaires de l’Occident qui enserrent
la Zone. Ni sa sanctuarisation par une
dépossession de la Palestine.
Atteint de
strabisme divergent, ce président d’un
pays qui a coprésidé au découpage du
Moyen orient en application des accords
Sykes Picot, a invité l’Iran à ne pas
déployer une position hégémonique au
Moyen Orient, sans mentionner là aussi,
ni le rôle de l’Otan, ni celui des
États-Unis, pas plus celui d’Israël,
voire même de la France et du Royaume
Uni, encore moins le terrorisme
islamique d’inspiration wahhabite. Un
rare cas de stratégie surréaliste.
La posture
macronienne relève de l’outrecuidance
d’un pays, pourtant un des grands
pollueurs atomiques de la planète,
équipementier du centre atomique de
Dimona (Israël), de l’Afrique du sud du
temps de l’Apartheid et de l’Iran
impériale via le consortium Eurodif, par
ailleurs co belligérant d’Israël contre
l’Egypte (Suez 1956), de l’Irak contre
l’Iran (1979-1989) et des Etats Unis et
du Royaume Uni contre la Syrie (2018).
Pour aller plus
loin sur la coopération nucléaire franco
israélienne, ce lien :
Sur le potentiel
nucléaire israélien :
Et sur la politique
arabe de la France, ce lien :
L’outrecuidance
macronienne s’était déjà illustrée dans
ses fausses prévisions présidentielles
sur l’annonce de la fin de la guerre
anti Daech en Syrie, prévue, selon lui,
pour fin février 2018, et la reprise de
contact avec le pouvoir syrien.
Contredite dans les faits, cette
prédiction surprenante a révélé
rétrospectivement l’amateurisme de ce
président inexpérimenté dans les
affaires internationales.
Il en a été de même
sur le plan européen où la formation en
Italie d’un gouvernement populiste,
comportant plusieurs ministres
ouvertement eurosceptiques, est venu
porter un coup d’arrêt aux ambitions
européennes du lauréat du Prix
Charlemagne 2018.
L’exigence
française de désarmer les formations
para militaires chiites, -le Hezbollah
libanais et le Hached Al Chaabi irakien
(la Mobilisation Populaire)-, mais non
les Peshmergas kurdes d’Irak, de même
que les manigances françaises visant à
démembrer la Syrie via la création d’une
entité autonome kurde dans le nord du
pays, relèvent de ce même dessein.
Toufefois, la
décision de 70 tribus arabes de la riche
plaine centrale de la Syrie de déclarer
une guerre de guérilla contre la
présence des « envahisseurs américains,
français et turcs », le 1er juin 2018,
pourrait refroidir quelque peu les
ardeurs belliqueuses d’Emmanuel Macron,
faisant resurgir le cauchemar de
Beyrouth, avec l’assassinat de
l’ambassadeur de France Louis Delamare,
et le double attentat contre l’ambassade
de France dans la capitale libanaise et
le PC du contingent français de la force
multinationale occidentale, en 1983 et
1984.
Sur ce lien, pour
le locuteur arabophone, la décision des
70 tribus arabes de déclencher une
guerre de guerilla contre les
envahisseurs :
Un Maître espion
« représentant personnel du président
Macron pour la Syrie »
Luxe de
sophistication qui masque mal un
rétropédalage discret, Emmanuel Macron a
nommé le 27 juin François Sénémaud,
ancien directeur du renseignement à la
DGSE, « représentant personnel du
président de la République pour la
Syrie». Cette astuce diplomatique
devrait permettre au président français
de contourner l’épineux problème de
l’ambassade française à Damas, fermée
sur ordre d’Alain Juppé, en mars 2012 et
de lui éviter de désavouer ainsi
publiquement ses deux prédécesseurs
Nicolas Sarkozy et François Hollande
L’absence
d’affectation territoriale du
représentant français en Syrie pourrait
constituer l’indice d’un timide
dégagement de la France de l’opposition
of shore syrienne pétromonarchique, en
pleine débandade, en ce que « le
représentant personnel du Président de
la République pour la Syrie » pourrait
l’habiliter à des contacts avec le
pouvoir syrien en raison de son
affectation fonctionnelle de sa mission
« pour la Syrie».
Autrement dit,
permettre au grand espion français de
grapiller à Genève ou à Astana quelques
miettes d’informations et oeuvrer ainsi
en coulisses pour tenter une reprise
progressive des relations diplomatiques
entre les deux pays. Un exercice
hautement aléatoire, tant la méfiance
est grande du pouvoir syrien à l’égard
de Paris.
Dans le même ordre
d’idées, le double triomphe électoral
des formations chiites, tant au Liban
qu’en Irak, au printemps 2018, et le
revers corrélatif de son protégé
libanais Saad Hariri, ont retenti comme
des camouflets majeurs de ce novice
français et vraisemblablement douché ses
ardeurs.
L’exigence du
désarmement du Hezbollah libanais a
coincidé avec la décision du trésor
américain de placer sur la « liste noir
du terrorisme » Hassan Nasrallah et le
conseil de gouvernance de sa formation
en vue d’entraver la formation du
nouveau gouvernement libanais post
élections, à tout le moins de dissuader
le rescapé Saad Hariri de toute
coopération future avec la formation
chiite, dont les états de service en
Syrie ont largement contribué à
renverser le cours de la guerre.
La liste a été
établie le 16 mai 2018 au lendemain du
transfert de l’ambassade américaine à
Jérusalem et du carnage israélien impuni
de Gaza, en concertation avec les
pétromonarchies suivantes : l’Arabie
saoudite, Bahreïn, Les Emirats Arabes
Unis, Qatar et le Sultanat d’Oman. Des
états satellites de l’Amérique, réputés
pour leur grande probité politique et
leur pacifisme déclaré.
Sur ce lien, la
décision du trésor américain pour le
lectorat arabophone :
Au delà des
apparences, le ciblage de l’Iran et du
Hezbollah libanais figuraient en
filigrane dans le projet diplomatique
d’Emmanuel Macron comme en témoigne la
structure diplomatique mise en place à
son accession au pouvoir.
Cf sur ce lien le
dispositif diplomatique présidentiel
L’instrumentalisation de l’histoire de
France au prétexte des turpitudes de la
collaboration vichyste
Que de surcroît le
terme « Palestine » ait été complètement
gommé de son discours américain, alors
qu’Israël se refuse à la constitution
d’une commission d’enquête
internationale sur le carnage qu’il a
commis à Gaza depuis le 30 Mars 2018,
soit au total 97 tués et près de quatre
mille blessés, confirme son extrême
mansuétude à l’égard de l’état hébreu,
de même que pour le Royaume saoudien,
ordonnateur d’un massacre à huis clos du
peuple yéménite.
La France
macronienne mettra toutefois un bémol à
son tropisme israélien lors du nouveau
carnage israélien, le 14 Mai 2018,
reconnaissant le droit à la liberté
d’expression des Palestiniens et à leurs
manifestations pacifiques. Elle annulera
dans la foulée le déplacement du premier
ministre Edouard Phillipe en Israël pour
la lancement des festivités France
Israël organisées pour la célébration du
70me anniversaire de la création de
l’Etat hébreu. Un bémol, un laps de
temps, avant de recevoir à Paris le 5
juin le premier ministre israélien,
moins d’un mois après le 2e carnage
israélien contre Gaza.
En juin 2018, un an
après son entrée en fonction, Emmanuel
Macron a dû se résoudre à l’évidence et
acter un double constat d’une grande
amertume. Le jeune premier de la
politique internationale ne disposait du
moindre levier d’influence sur les
fauves du calibre de Donald Trump
(États-Unis) et Benyamin Netanyahu
(Israël). Le retrait de Total et de
Peugeot du grand marché iranien en a
apporté une preuve éclatante, révélant
au grand jour l’absence de moyens de
riposte aux décisions des dirigeants de
ces deux grands alliés de la France.
Pis, en recevant à
trois reprises le premier ministre
israélien en moins d’un an, notamment à
l’occasion de la commémoration de la «
Rafle du Vel d’Hiv », la déportation par
la police française des juifs français
sous le régime de Vichy (1940-1944),
Emmanuel Macron « contribue à
instrumentaliser l’Histoire de France »,
selon l’expression de l’historienne
Suzanne Citron.
Sur ce lien, la
tribune de Suzanne Citron
Manœuvres
conjointes navales franco israéliennes
pour la première fois depuis 1963
En dépit des
protestations de facade, la France, sous
le mandat d’Emmanuel Macron, a repris
ses manoeuvres conjointes avec la marine
israélienne interrompue depuis 55 ans.
Pour la première fois depuis 1963, deux
bâtiments de la marine israélienne ont
participé à des exercices communs au
large de Toulon en compagnie de la
marine française, en juin 2018. La
corvette INS Eilat et le navire
lance-missile INS Kidon ont participé
avec la frégate La Fayette à un large
éventail de scénarios. Des chasseurs
volant à basse altitude ont simulé le
lancement de missiles anti-navires. Les
exercices comprenaient aussi des
entraînements au tir d’artillerie. Selon
le Colonel Ronen Hajaj, commandant le
département de l’entraînement et de la
doctrine, « La France voit en Israël un
partenaire maritime fort dans la
région». En 2016 et 2017, le nombre de
navires de guerre français ayant fait
escale à Haifa le nombre d’escales de
bâtiments américains.
Le déploiement
stratégique occidental face à l’Iran
Doux rêveur ou
redoutable ignorant ? Quoiqu’il en soit,
Emmanuel Macron à Washington a dilapidé
son capital de crédit, signant l’arrêt
de mort d’un ré équilibrage de la
diplomatie française par son alignement
aux thèses les plus extrêmes du néo
conservatisme israélo-américain.
Sa profession de
foi tranche en effet avec les capacités
stratégiques d’un pays généralement
considéré à capacité limitée, malgré ses
claironnades périodiques. Elle témoigne
de surcroît d’une tragique
méconnaissance des réalités stratégiques
régionales, alors que face à l’Iran, le
Golfe apparaît comme une gigantesque
base flottante américaine.
La zone est, en
effet, couverte d’un réseau de bases
aéronavales anglo-saxonnes et
françaises, le plus dense du monde, dont
le déploiement pourrait à lui seul
dissuader tout éventuel assaillant. Elle
abrite à Doha (Qatar), le poste de
commandement opérationnel du Cent Com
(le commandement central américain) dont
la compétence s’étend sur l’axe de crise
de l’Islam qui va de l’Afghanistan au
Maroc ; À Manama (Bahreïn), le quartier
général d’ancrage de la Ve flotte
américaine dont la zone opérationnelle
couvre le Golfe arabo-persique et
l’Océan indien.
S’y ajoutent,
Djibouti, plateforme opérationnelle
conjointe franco américaine dans la
Corne de l’Afrique, la base relais de
Diego Garcia (Océan indien), la base
aérienne britannique de Massirah
(Sultanat d’Oman) ainsi que depuis
janvier 2008 la plate forme navale
française à Abou Dhabi ; sans compter
une vingtaine de bases américaines
déployées dans le nord de la Syrie et de
l’Irak, pour le faux prétexte de
combattre les alliés objectifs des pays
occidentaux, les groupements islamistes
Daech et Al Qaida.
Enfin, dernier et
non le moindre des éléments du
dispositif, Israël, le partenaire
stratégique des États-Unis dans la zone.
En superposition à ce dispositif, des
barrages électroniques ont été édifiés
aux frontières de l’Arabie Saoudite et
des Émirats Arabes Unis pour décourager
toute invasion ou infiltration.
L’Iran, en
contrepoint, est soumise à embargo
depuis 38 ans, entourée par quatre
puissances nucléaires (Russie, Inde,
Pakistan, Israël) et qu’elle a dû
riposter à une guerre d’agression menée
par l’irakien Saddam Hussein pour le
compte des pétromonarchies pendant dix
ans (1979-1989).
La préconisation
d’un accord de substitution à un
précédent accord international, négocié
pendant douze ans par sept parties dont
l’Iran, la Russie et la Chine et
entériné par l’ONU ; que, de surcroît
cette proposition ait été lancée en
partenariat avec un président américain
totalement affranchi du Droit
international par sa reconnaissance
unilatérale de Jérusalem comme capitale
d’Israël, relève de la désinvolture à
tout le moins d’un amateurisme.
Ce faisant,
Emmanuel Macron s’est hissé au rang de
l’adversaire le plus farouche des
aspirations du Monde arabe et musulman à
la sécurisation de son espace national,
à égalité avec Nicolas Sarkozy, Laurent
Fabius et Manuel Valls, les petits
télégraphistes des Israéliens dans les
négociations sur le nucléaire iranien et
sur la question palestinienne.
À égalité aussi
avec son repousoir, François Hollande,
le ROMEO de la « chanson d’amour » en
faveur d’Israël dans la cuisine de
Benyamin Netanyahu, le premier ministre
du gouvernement le plus xénophobe
d’Israël.
La France au
Yémen, un chacal
Le dos au mur,
après la débandade de l’opposition off
shore pétromonarchique syrienne et les
avatars de Saad Hariri, son cheval de
Troie libanais dans les projets de
reconstruction de Syrie, la France a
engagé ses forces spéciales auprès de
ses alliés déconfis, –tant au nord de la
Syrie auprès des Kurdes séparatistes,
qu’au Nord du Yémen en soutien à Abou
Dhabi pour la prise du port de Hodeida–,
dans une tentative désespérée de
demeurer dans le jeu de crainte d’une
évacuation définitive de la scène
régionale.
Au Yémen, la France
a mis à la disposition de la coalition
pétromonarchique une escadrille de 6
AirBus pour le ravitaillement en vol des
chasseurs bombardiers de l’Arabie
saoudite et des Emirats Arabes Unis,
ainsi que 4 « Rafale » opérant depuis la
base de Djibouti pour des vols de
reconnaissance du théâtre des opérations
et de repérage satellite.
Trois mois après le
début du conflit, en mars 2015, un avion
ravitailleur Airbus 330-200 MRTT a été
livré à l’Arabie saoudite, le dernier
d’une flotte de six. En avril 2017, deux
de ces avions étaient déployés au Yémen.
Indispensables à la guerre en cours, ils
ravitaillent en vol les F-15 saoudiens.
Des canons Caesar
155 mm de l’entreprise française Nexter,
des hélicoptères de transport Cougar du
groupe EADS et des drones de
renseignement militaire SDTI de
l’entreprise française SAGEM sont livrés
à la coalition saoudienne; En 2016, la
France a livré 276 blindés légers. Ce
lot est composé de blindés légers
Renault Sherpa light et Vab Mark 3 du
groupe Renault Trucks Defense,
originellement destinés au Liban.
Au delà de la
fourniture du matériel militaire, la
vocation naturelle de ce pays grand
marchand d’armes, la France a assuré le
blocus maritime du Yémen, prenant la
relève des Saoudiens lors de la phase de
révision des vedettes saoudiennes, en
sus de la mise à disposition de la
coalition d’un détachement des forces
spéciales en vue d’épauler les
envahisseurs du Golfe.
La chaine TV
libanaise Al Mayadeen, constituée par
des dissidents d’Al Jazeera, a comparé
le comportement de la France à un «
chacal se repaissant des miettes » du
vautour américain. « Emmanuel Macron
s’imagine être plus futé que les
dirigeants britanniques en enrobant son
intervention militaire au Yémen par des
considérations humanitaires, justifiant
la présence des militaires français aux
côtés des assasillants des Emirats
Arabes Unis par la nécessité de déminer
le port de Hodeida », a ajouté le
commentateur de la chaîne.
Le zèle de la
France au Yémen vise à compenser sa
défaite militaire en Syrie dans l’espoir
de pouvoir conserver un strapontin
diplomatique dans la renconfiguration
géo stratégique qui s’opère au Proche
orient
Pour le locuteur
arabophone, le récit sur ce lien :
Le syndrome de
Suez
Près de dix ans
d’interventionnisme débridé tous azimuth
au Moyen orient, le syndrome de Suez
hante à nouveau la France. L’agression
tripartite menée par les deux puissances
coloniales de l’époque, le Royaume Uni
et la France, et leur créature Israël,
en 1956, contre l’Egypte nassérienne
avait entrainé une rupture de dix ans
entre la France et le Monde arabe et un
reflux considérable de l’influence
française dans la zone, dont elle ne
s’est jamais complétement remise.
Le nombre des
locuteurs francophone au Liban, de
l’ordre de 77 % dans la décennie
1950-1960, a ainsi chuté drastiquement
au profit des locuteurs anglophones,
s’inversant au profit de l’anglais (60 %
pour l’anglais, 40 % pour le français).
Ce fiasco
diplomatique tranche avec la prospérité
boursière du grand patronat sur fond de
fronde sociale avec son cortège de
grèves de cheminots et du personnel
d’Air France, des protestations des
agriculteurs et des étudiants.
La France, en 2018,
est devenue la championne du monde en
matière de distribution de dividendes
aux actionnaires, alors qu’elle était
releguée à la 7e position parmi les
puissances économiques mondiales,
supplantée désormais par l’Inde.
Le produit
intérieur brut (PIB) de l’Inde a
dépassé, pour la première fois, celui de
l’Hexagone, en 2017, reléguant la France
au septième rang des économies
mondiales, selon le site de la Banque
mondiale. Le PIB de l’Inde en 2017,
première année de la mandature Macron, a
ainsi atteint 2 597 milliards de dollars
contre 2 582 milliards pour la France.
En contrechamps, selon un rapport de
l’ONG Oxfam publié lundi 14 mai 2018 et
intitulé « CAC 40 : des profits sans
partage », les groupes du CAC 40 ont
ainsi redistribué à leurs actionnaires
les deux tiers de leurs bénéfices entre
2009 – année de la crise financière
mondiale – et 2016, soit deux fois plus
que dans les années 2000. Cela a conduit
ces entreprises à ne laisser « que 27,3
% au réinvestissement et 5,3 % aux
salariés », ajoute OXFAM qui dénonce des
choix économiques qui nourrissent une «
véritable spirale des inégalités».
Pour aller plus
loin sur ce sujet :
Plus policé que le
gaullo-atlantiste Nicolas Sarkozy, plus
suave que le socialo atlantiste François
Hollande, Emmanuel Macron n’en a pas
moins conduit une diplomatie aussi
désastreuse pour la France que ses
prédécesseurs.
Que le disciple du
philosophe Paul Ricoeur procède à un tel
artifice aussi grossier tranche avec les
qualités abusivement attribuées au plus
jeune Président de la République
française.
L’Occident ne
dicte plus son agenda au Monde
L’ours russe est
mal léché. Ce fait est connu et reconnu.
Mais face au bracycéphale d’outre
atlantique, il va falloir, Manu, réviser
ses classiques car nul n’ignore depuis
Jean de La Fontaine, même les cancres,
que « tout flatteur vit aux dépens de
celui qui l’écoute » (le Corbeau et le
Renard).
Autre classique à
réviser : L’Europe ce n’est pas l’OTAN.
Pas que l’OTAN. « L’Europe, c’est de
l’Atlantique à l’Oural, car c’est
l’Europe, toute l’Europe qui décidera du
destin du Monde».
Tel est le mot
d’ordre légué par le Grand Charles, «
Libérateur de la France » au micron de
France, dans un discours prémonitoire
prononcé à Strasbourg en novembre 1959,
dix huit ans avant la naissance de son
lointain successeur.
L’horloge du monde
n’est plus plantée, -du moins plus
exclusivement plantée -à Washington,
d’autres capitales du Monde disposent
désormais de leur propre fuseau horaire.
« L’Occident ne dicte plus son agenda au
Monde », constatera, amer, dans un rare
éclair de lucidité, François Hollande,
avant de jeter l’éponge, vaincu par ses
déboires de Syrie. Sergueï Lavrof,
ministre russe des affaires étrangères,
plus laconique, édictera que le Monde
est passé à « la phase post
occidentale».
Pour un pays qui
traîne un lourd passif militaire: Quatre
capitulations militaires en deux siècles
(Waterloo 1915, Sedan 1880, Montoir
1940, Dien Bien Phu 1954), soit le
double de l’Allemagne (pour les deux
Guerres mondiales du XX me siècle 1918,
1945), et zéro capitulation au Royaume
Uni, -record absolu parmi les pays
occidentaux-, il est à craindre, à n’y
prendre garde, que ne surgisse une
nouvelle « déposition d’un vaincu » d’«
une étrange défaite». (Marc Bloch).
Pour aller plus
loin sur le thème de la diplomatie
française sous Emmanuel Macron
Version arabe :
https://docs.google.com/viewerng/viewer?url=https://www.madaniya.info/wp-content/uploads/2014/08/20180901-france-diplomatie-part-one-version-arabe.pdf
Reçu de René Naba pour publication
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