Vu du Droit
Gilets jaunes : législatives anticipées
ou États généraux ?
Anne-Sophie Chazaud
Jeudi 29 novembre 2018
En dépit des
rodomontades bravaches, postures
managériales et autres affirmations de
façade, il y a le feu à la maison
LREM, assaillie de tous côtés par un
peuple dont elle a cru pouvoir ne faire
qu’une bouchée de pain (voire de brioche
à 200 euros). Pourtant, certains
élus ou représentants de la majorité
continuent, n’ayant honte de rien, de
venir pérorer sur les plateaux télé en
raillant notamment la très grande
hétérogénéité des revendications des
gilets jaunes. Notons au passage la
mauvaise foi du procédé puisque ce sont
les mêmes qui, dans le même temps,
tentent désespérément de réduire le
mouvement de révolte actuel à la seule
question des prix du carburant et de
l’écologie, essayant ainsi de
circonscrire l’incendie qui s’est
pourtant déjà largement étendu à de
nombreux autres sujets ayant trait au
pouvoir d’achat, aux niveaux de revenus,
mais aussi à des questions telles que la
représentativité des élus, l’allocation
des moyens de l’Etat etc.
Encore une fois,
ces faquins infatués d’eux-mêmes ne
comprennent rien, quand ils ne feignent
pas de ne rien comprendre, ce qui dans
les deux cas n’est pas admissible et
représente une lourde faute politique.
Les élus LREM qui
ne sont eux-mêmes rien d’autre qu’un
patchwork pseudo-disruptif dont la
plupart semble avoir décroché la timbale
législative en 48h sur Amazon,
paraissent globalement habités par une
profonde inculture politique (et autre).
On l’avait déjà constaté pendant
l’affaire Benalla avec la consternante
attitude de la majorité parlementaire
lors des commissions d’enquête. Les
voici à présent dans l’incapacité de
comprendre que c’est précisément le
foisonnement de revendications de ce
mouvement de révolte qui en garantit
l’aspect dynamique et quasi-inédit.
Disons «quasi » car cela s’est tout de
même déjà produit aux États généraux de
1789 avec la présentation des cahiers de
doléances que nos drôles de la
République en Marche auraient sans doute
jugés un peu ridicules et fouillis,
sachant que nous avons affaire à des
gens qui aiment bien convoquer
l’Histoire sans pour autant être
manifestement capables de beaucoup
remonter au-delà des années 1930 sur
lesquelles se concentrent tous leurs
fantasmes.
Certains pourraient
penser que je manque d’objectivité et
qu’il y aurait une forme de
systématicité idéologique dans ma
critique du pouvoir en place : ils se
trompent. Quand bien même j’ai toujours
considéré Macron comme une bulle
spéculative, ce qu’il s’avère être
au-delà de toute imagination, parvenu à
la tête de l’exécutif par
quasi-effraction (stratégie barragiste
dite du Castor, appui opportun du
Parquet National Financier pour
disqualifier l’opposition etc.) et
manigances d’une caste auto-produite
dont la plupart des médias sont les
outils propagandistes, j’ai aussi
considéré, certains s’en souviendront,
après son élection malgré tout légitime
au plan formel, qu’il devait pouvoir
disposer d’une majorité LREM à
l’Assemblée nationale, ayant pour ma
part et comme de nombreux Français une
sainte horreur de la cohabitation et
souhaitant que nous le jugions sur pièce
puisque, ma foi, il était parvenu à
gagner fût-ce avec des procédés peu
reluisants. Il fallait faire cet
indispensable effort de légitimisme et
d’objectivité afin de rendre
l’éventuelle critique ultérieure
elle-même légitime et audible.
Je suis donc
d’autant plus tranquille à présent pour
faire exactement ce que je prônais dès
les législatives : juger sur pièce,
établir son jugement sur les actes
accomplis et non sur des postulats
idéologiques hostiles a priori.
Or, l’accumulation
de ces actes sur lesquels il est permis
de porter un regard négatif est
accablante et notamment depuis l’affaire
Benalla que certains idiots utiles nous
ont reproché de monter en épingle alors
qu’il était évident qu’elle contenait
tous les symptômes des
dysfonctionnements majeurs inhérents au
macronisme et dont la révolte des gilets
jaunes est la conséquence mécanique,
logique et prévisible.
Mépris des corps
intermédiaires, mépris de la démocratie
parlementaire, mépris des corps
constitués, mépris des territoires,
rabaissement de l’Assemblée au rôle de
chambre d’enregistrement pour députés
godillots, gestionnarisation de l’action
politique, inculture sur fond de
management à l’emporte-pièce, vulgarité
voire obscénité (au sens étymologique)
des postures élyséennes (Fête de la
musique, selfies au goût douteux
désormais censurés même par le grand
complice Zuckerberg), prises de parole
intempestives et agressives visant le
peuple, provocations narcissiques
-traverser la rue, pognon de dingue, tu
m’appelles pas Manu, Mimi Marchand et
Compagnie-, insultes répétées visant le
peuple français souvent depuis
l’étranger, jeu pervers sur la question
migratoire (félonie du Pacte sur les
Migrations en vue dans quelques jours à
Marrakech et sur lequel, comme de bien
entendu, le peuple n’a pas son mot à
dire alors que c’est lui qui en paiera
les conséquences), renoncements serviles
à la souveraineté au profit de la
domination allemande devenue
caricaturale dans une Union Européenne
qui n’a plus d’âme et méprise les
peuples mais continue malgré tout de
courir comme un poulet sans tête,
extrême brutalité des mesures sociales
(plutôt antisociales), atteinte grave
prévue à la laïcité, loi liberticide et
propagandiste sur les Fake News,
dépeçage en vue des collections
publiques des musées pour cause
d’affairisme néo-libéral sur fond
d’indigénisme inculte, communautarisme
flatté dans le sens du poil comme autant
de parts de marché, proches douteux à la
Belattar -dont on n’a toujours pas bien
compris ce qu’il faisait exactement dans
l’entourage présidentiel-, positions
ambiguës sur l’islamisme, attitude
caricaturale, clivante et histrionique à
l’international, propagande idéologique
de bas étage (gentils progressistes,
méchants nationalistes)…
Dans ce bilan déjà
très lourd, les députés LREM, de fait,
ne représentent bientôt plus rien
d’autre que la bulle spéculative qui les
a fait advenir. Il n’est qu’à voir
comment est traitée la députée LREM
Sonia Krimi, incitée fermement à quitter
le parti pour avoir osé sympathiser avec
les gilets jaunes, elle qui avait déjà
fait preuve de courage et de lucidité
pendant l’affaire Benalla. Il n’est pas
incohérent dans ce contexte que les
gilets jaunes foisonnent de demandes
mais aussi revendiquent de plus en plus
unanimement la tenue de législatives
anticipées, rappelant au passage que les
députés sont supposés représenter le
peuple français et non pas l’exécutif.
Cela se fera, ou
pas, mais dans tous les cas, le pouvoir
en place a déjà perdu, qu’il s’entête ou
qu’il cède.
N’oublie jamais qui
t’a fait Roi, sans quoi il y a toujours
un moment où celui que tu as oublié se
rappellera à ton bon souvenir.
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